Tabac : le « filtergate »

Le Comité national contre le tabagisme a annoncé hier le dépôt d’une plainte, accusant l’industrie du tabac de fausser les tests sanitaires !

C’est un scandale de plus, qui témoigne du caractère offensif de l’industrie : les gens consomment ce qu’on leur impose, d’une manière ou d’une autre, à coups d’institutions et de traditions, de matraquage intellectuel et culturel. Avec à chaque fois une acceptation passive d’un Etat qui est en fait le complice de ces industries.

Le CNCT vient de déposer plainte en France contre les fabricants de tabac pour manipulation de leurs produits en vue de falsifier les tests requis par les autorités sanitaires relatifs aux goudrons, monoxyde de carbone et nicotine.

Cette tromperie délibérée des pouvoirs publics et des consommateurs avec mise en danger aggravée de ceux-ci signifie concrètement qu’un fumeur qui pense fumer un paquet par jour en fume, en fait, l’équivalent de 2 à 10. Tous les fabricants de tabac sont concernés.

Des procédures similaires ont été lancées ou sont en cours dans d’autres pays, pouvant impliquer des associations de malades. 

Paris, le 9 février 2018 – Les produits du tabac sont particulièrement toxiques. La seule consommation d’une cigarette en moyenne par jour induit des risques immédiats sur le plan cardiovasculaire et avec la durée des risques de cancers et de maladies respiratoires, particulièrement invalidantes ou fatales.

Ces produits du tabac entraînent une dépendance rapide et massive et les scientifiques considèrent que le tabac est l’une des drogues les plus difficiles, voire la plus difficile, à arrêter.

Les pouvoirs publics s’efforcent de réglementer ces produits pour en dissuader la consommation, inciter les fumeurs à l’arrêt et contrôler autant que possible leur composition.

Dans cette perspective, ils imposent aux industriels du tabac des limitations concernant différents composants particulièrement toxiques comme les goudrons ou le monoxyde de carbone ou qui sont associés à la dépendance : la nicotine.

De nombreuses investigations et procès, incluant la publication de millions de pages de documents internes, ont révélé au monde que l’industrie du tabac n’était en aucun cas une industrie comme les autres. Le scandale du filtergate vient encore le démontrer. 

Le filtergate représente la manipulation des filtres par les fabricants de tabac via la perforation de ces filtres et l’existence de minuscules trous destinés à falsifier les tests des caractéristiques des cigarettes.

Les fabricants de tabac ont ainsi modifié secrètement les propriétés techniques des cigarettes afin de tromper les laboratoires agréés en charge de mener les tests requis par le code de santé publique devant mesurer les taux de goudron, de nicotine, et de monoxyde de carbone contenus dans les émissions des cigarettes fumées. 

Il s’ensuit que la mise en place de ce dispositif de micro-orifices dans le filtre des cigarettes empêche les autorités en charge de l’application de la loi de savoir si les seuils de goudron, de nicotine, et de monoxyde de carbone qu’elles ont fixés sont dépassés.

Un tel système de ventilation invisible trompe les fumeurs puisqu’ils ignorent l’ampleur réelle du risque qu’ils prennent en croyant, à tort, qu’ils inhalent une certaine quantité de produits dangereux alors que les doses qu’ils absorbent sont supérieures à celles qui leurs sont indiquées.

Les quatre majors du tabac représentés en France sont concernés. La cigarette du buraliste lancée il y a peu ne fait pas exception.

Selon les sources (1-2) la teneur réelle en goudron et nicotine inhalée par les fumeurs serait entre 2 et 10 fois supérieure pour le goudron et 5 fois supérieure pour la nicotine. Ainsi, les fumeurs qui pensent fumer un paquet par jour en fument, en fait l’équivalent de deux à dix.

Or il est prouvé que la probabilité de contracter un cancer ou une maladie cardiovasculaire est positivement corrélée avec la quantité de monoxyde de carbone, de goudron et de nicotine absorbées, les fabricants de produits du tabac privent les fumeurs d’une information exacte sur la quantité de produits dangereux qu’ils absorbent, incitent les fumeurs à consommer plus de cigarettes qu’ils ne le feraient s’ils étaient correctement informés, mettent leurs vies en danger, sont responsables d’un nombre de maladies et de décès qui seraient évités si l’information sur la dangerosité des cigarettes respectait les exigences du code de santé publique.

Aussi le CNCT dépose plainte pour mise en danger d’autrui. Cette démarche de mise en cause de la responsabilité pénale des fabricants par cette manipulation des filtres ou « filtergate » est également initiée dans d’autres pays (Pays Bas, Suisse) avec le soutien d’associations de malades.

« Le filtergate constitue assurément un nouveau scandale aux conséquences sanitaires majeures qui légitime que l’on encadre et surveille bien davantage les pratiques des fabricants de tabac » a déclaré le Pr Yves Martinet Président du Comité National Contre le Tabagisme.

Sources :

1. Hammond D, Fong G T, Cummings K M. et al Cigarette yields and human exposure: a comparison of alternative smoking regimes. Cancer Epidemiol Biomarkers Prev 2006151495–1501.

2. JS Wigand , Cigarette testing methods, product design, and labelling: time to clean up the “negative baggage”Tobacco Control 1998;7: 336-337.

* Citation de BAT
« Indépendamment des questions éthiques que cela soulève, nous devrions développer des dispositifs alternatifs (qui ne puissent être critiqués de manière évidente) afin de délivrer au fumeur ou à la fumeuse des doses majorées significative si il ou elle le désire. »