Eloge des 150

Combien étaient-ils, 150, ou quasi 200, à conspuer les veneurs alors qu’un cerf est dans l’étang le 31 mars 2018 ? Peu importe, le chiffre n’est pas important et il ne s’agit pas non plus de les opposer aux autres personnes qui avaient été présentes au rassemblement un peu avant, parties de la gare de Compiègne pour marcher contre la chasse à courre.

Cet éloge des 150 personnes, ou des 200, est aussi un éloge des 1000 personnes présentes. C’est juste qu’il y a, certainement, quelque chose de plus frappant, émouvant, à voir des gens torse nu au bord de l’eau prêt à intervenir pour sauver le cerf, à voir des gens tous et toutes ensemble avec un sens de l’engagement pour ce qui est juste.

Cette abnégation marque d’autant plus qu’il y a une grande conscience – ou une grande inconscience, mais c’est pareil – à oser prendre des risques en défense des sans défense. Il n’y a pas que le risque d’attraper froid, de se fatiguer, d’être accusé d’irresponsabilité : il y aussi le risque d’être arrêté par la police ou les gendarmes, menacé ou agressé par les chasseurs.

La scène, il faut l’imaginer ici avec un hélicoptère de gendarmerie qui tourne autour… avec 17 cas de CRS qui sont présents aux alentours !

Quel soulagement que de se retrouver, à la fin, pour une partie, en ayant la sensation d’avoir apporté quelque chose, d’avoir contribué à un monde meilleur.

A en avoir, plus que la certitude… la preuve.

On dira qu’un éloge, cela devrait avant tout être celui de l’animal pourchassé, de la victime défendue, pas du défenseur, du justicier. C’est vrai. Cependant, s’il y a une chose remarquable ici, c’est que les 150 – ou les 200, ou les 1000, peu importe, même s’ils avaient été 10 – ont fait resplendir l’humanisme.

Et, de notre point de vue, le véganisme ne peut être que l’expression de cet humanisme. C’est tout de même autre chose que des campagnes d’affichage dans le métro parisien gâchant de l’argent et appelant à une métropole mondiale, vitrine de la richesse indifférente et bornée, sans cirque ou sans pêche !

Les 150 méritent l’éloge, pour leur désengagement concret d’une attitude passive, pour oser s’interposer. Cela porte quelque chose de vrai, de beau, appelant à être reproduit, refait, jusqu’au bout. Et ce « jusqu’au bout » n’a pas de bout, au sens où notre époque appelle à la transformation du monde, à la victoire de la compassion pour les animaux.

Cela n’ira pas sans erreurs, défauts, problèmes, c’est évident. C’est toutefois un passage obligé. Peut-être, qu’en un sens, le 21e siècle est né le 31 mars 2018, dans une forêt, au bord d’un étang, dans les yeux d’un animal que la mort n’a pas pu emporter.