Verdict du procès des antispécistes de Lille

Il fut un temps où le fait d’être vegan en France suscitait une incompréhension, surtout que le mot n’était même pas connu. L’incompréhension est une chose mauvaise bien entendu, mais il y a pire : c’est l’indifférence. Et c’est là où nous amène l’esprit consumériste bobo et « l’antispécisme ».

Car la France est un pays ultra-moderne, avec une économie extrêmement puissante. Elle a largement les moyens d’avoir une petite minorité désobéissante sur certains principes, et cela d’autant plus que, finalement, cela renforce le libéralisme et de nouvelles formes de consommation.

C’est pour cela que l’émergence du véganisme en France est un échec complet. Arrivé avec 20 ans de retard dans notre pays, le véganisme a été happé par les bobos et le sentimentalisme infantile. On ne peut plus ouvrir un magazine féminin sans y avoir l’éloge de tel ou tel produit vegan, alors que les commerces et les restaurants font du véganisme un argument de mode, de modernité.

Quant à l’antispécisme qui croit avoir découvert quelque chose, il se réduit de plus en plus à une sorte de néo-anarchisme, soit tolstoïen comme Aymeric Caron, soit propagandiste par le fait comme « 269 » ou, donc, les fameux antispécistes peinturlurant « stop spécisme », cassant des vitrines, voire mettant le feu.

Il faut bien parler ici de propagande par le fait, car les accusés du procès de Lille ont bien souligné qu’ils visaient à « visibiliser » la lutte. Ce qui n’a rien à voir avec, donc, une lutte qui vise à avoir un effet sur la société, au-delà du symbole.

L’ALF, par exemple, n’a jamais été une organisation utilisant le principe de la propagande par le fait. Cela a toujours relevé soit d’une libération directe d’animaux, soit d’une attaque à des intérêts économiques bien précis, dans un plan d’ensemble.

C’est important de le souligner, car le néo-anarchisme, cela fait du bruit mais tout le monde s’en moque. Et on le voit avec l’extrême mansuétude et le timing du procès des « antispécistes » de Lille, qui n’aura été que pour les médias qu’une petite anecdote pittoresque.

Le verdict est en effet tombé le lundi 8 avril 2019. Cela donne la chose suivante :

– C. : 18 mois de prison, dont 10 ferme, mise à l’épreuve de trois ans ;

– M. : 15 mois de prison, dont 6 ferme, mise à l’épreuve de trois ans ;

– E. : mise à l’épreuve de trois ans, mise à l’épreuve de trois ans ;

– J. : mise à l’épreuve de trois ans.

Il n’y a pas eu de mandat de dépôt, ce qui signifie que les deux condamnés à la prison ferme sont ressortis libres et qu’elles devront voir en mai 2019 comment leur peine va être mise en place. C’est très intelligent, car il va se poser la question de l’accessibilité à une alimentation végétalienne pour les personnes emprisonnée. Ici la question est repoussée, noyée dans les détails administratifs. L’État français a ici très bien joué la carte de la neutralisation de tout antagonisme.

Le tribunal a également demandé l’indemnisation des victimes pour les préjudices subis, à hauteur de plusieurs dizaines de milliers d’euros, cependant on ne saura qu’en décembre 2019 quelles sommes seront à verser aux parties civiles.

Là encore, c’est très bien tourné, puisque cela empêche une actualité de l’information à ce sujet. Bien que, de toutes façons, le procès de Lille a été pratiquement oublié par les médias, alors qu’au moment où les vitrines étaient brisées, cela faisait une grande actualité nationale. Mais c’est là le propre de la propagande par le fait d’agiter vainement, sans résultat au bout.

Les personnes condamnées ne savent pas encore si elles vont faire appel, ce qui est logique, car de par la situation actuelle, le rapport de forces, leurs aveux, ces peines sont les plus faibles qu’elles auraient pu obtenir.

Il y a naturellement l’épée de Damoclès de la somme à rembourser, mais on aura compris qu’il s’agit là d’un moyen pour l’État de faire pression sur ces personnes, afin qu’elles « rentrent dans le droit chemin » individuellement, et également de voir à quoi ressemble la situation dans six mois, pour savoir s’il faut cogner ou pas une éventuelle activité « antispéciste ».

Cela montre la toute-puissance de l’État, qui a balayé cette affaire « antispéciste » d’un revers de la main, comme un simple fait-divers bruyant, mais sans aucun impact sur la société, tout en organisant l’intégration de cette vague de violence au moyen d’un dispositif juridique bien rôdé.

Naturellement, si les « antispécistes » avaient assumé leurs actes, s’ils avaient levé le drapeau de l’ALF, là tout aurait été différent. On aurait eu un engagement inébranlable et décidé, avec un horizon bien déterminé, un état d’esprit facile à cerner, une démarche facile à comprendre.

Là, la situation se serait renversée et cela aurait été un véritable manifeste pour la libération animale. Cela aurait fait vaciller l’idéologie dominante, cela aurait galvanisé les activiste, cela aurait présenté un horizon très clair.

Figure de l’ALF, puis de l’ARM, Barry Horne est un exemple d’opiniâtreté et de politisation de ses procès.

Cependant, c’est là de la politique-fiction, dans la mesure où ce n’était pas d’actualité à Lille. Les « antispécistes » méprisent ce qu’il y a eu avant leur apparition récente, au point d’ailleurs que pour eux rien n’a existé avant eux.

Aymeric Caron a d’ailleurs répondu il y a peu de temps de cela à une critique d’un végétarien, Hugo Clément, qui vient de publier un ouvrage : « Bon, ben heureusement que t’es arrivé Hugo ». Sauf qu’Aymeric Caron a fait exactement la même chose, débarquant en prétendant tout découvrir, en niant par conséquent tout ce qu’il y avait avant lui, en profitant de son aura de beau gosse passant à la télévision…

C’est bien le problème : déconnecté de l’amour pour les animaux d’un côté, d’un engagement pour objectif très clair de l’autre (la libération animale!), les antispécistes vivotent en se racontant des histoires, en niant la société. Ils sont une expression immédiatiste et sans envergure, et ils n’assument pas, parce qu’ils ne peuvent pas assumer, parce qu’ils ne savent même ce qu’il y aurait à assumer !

Les « antispécistes » sont en fait les gilets jaunes du véganisme : ils ont le même rapport aux idées, à l’organisation, à l’histoire de la lutte, et c’est un rapport inexistant. Les « antispécistes » sont comme les gilets jaunes : ils pensent qu’il y a une sorte de déluge, et qu’ils arrivent dans un monde neuf, n’ayant jamais existé, qu’ils seraient les seuls à comprendre.

Pure illusion ! Car les antispécistes ne sont que le sous-produit sociologique du triomphe de l’exploitation animale, de sa généralisation. Ils n’ont aucun recul, aucune continuité, simplement du volontarisme véllétaire, aboutissant à des choses marquantes mais sans effet.

D’où un procès qui n’aura été qu’un fait-divers, sans dimension politique, sans envergure nationale. Une anecdote réglée administrativement par l’État qui siffle la fin de la récréation. Tout est neutralisé, aseptisé.

Naturellement, la Fédération des Bouchers – Charcutiers du Nord est par contre déçue de son côté. Elle espérait que cela aille plus loin. Car les partisans de l’exploitation animale savent que, par définition, les choses ne peuvent pas en rester là. Ils auraient donc bien aimé avoir comme ennemis des « antispécistes » sans envergure, anthropocentristes, socialement marginalisés, incapables d’assumer leur combat au tribunal.

Voici le communiqué de la la Fédération des Bouchers – Charcutiers du Nord.

Les partisans de l’exploitation animale auraient largement appréciés avoir une série de petits procès de ce type, non pas pour assécher le terrain au maximum, mais au contraire pour le remplir d’antispécistes, cet ennemi qui ne menace rien. Au grand désespoir des bouchers et charcutiers, éleveurs et chasseurs… ils vont s’effacer, bien trop vite !

Afin de laisser la place à une vraie démarche d’affrontement pour la libération animale, de manière ancrée dans la société, portant un projet écologiste d’ampleur par la reconnaissance de la Nature. Une lutte à la fois sans compromis, mais cherchant et trouvant des brèches pour mobiliser la population, pour renverser d’un côté, produire une nouvelle culture de l’autre !

« Les animaux n’ont personne à part nous, nous ne les abandonnerons pas. » (Barry Horne)