Nouvelle offensive pro-légalisation du cannabis

Nous y sommes donc. La légalisation du cannabis – que nous annonçons comme une grande menace depuis quelques temps déjà – vient de passer une étape fondamentale, celle de son introduction théorique dans le cadre juridique. L’ennemi approche et se montre.

En fait, la campagne intense en faveur de la légalisation du cannabis ces dernières années avait fini par s’enliser, parce que la majorité des gens est finalement contre. Le pourcentage de gens sondés refusant cette légalisation s’amenuisait, mais restait au-dessus des 50 %. Cela est vrai y compris pour la jeunesse.

Cependant, l’esprit libéral du « moi je fais ce que je veux » est une constante traversant toute la société. C’est par là que la légalisation du cannabis compte justement passer, jouant sur la passivité générale des gens par rapport aux questions de morale universelle, de principes, de normes.
Car le cannabis est un problème de grande ampleur.

Et là il n’y a pas quarante chemins possibles. Il n’y en a que trois. Le premier chemin, c’est celui de la capitulation et donc la légalisation. Il est soutenu par une vaste industrie et par l’esprit libéral en général.

Le second chemin, c’est l’envoi de l’armée briser les « fours » diffusant cette drogue. Cette option n’aura jamais lieu. La police et les ministères sont trop libéraux, passifs ou bien simplement corrompus, ce dernier aspect étant important.

D’ailleurs, si l’on appliquait la loi sur l’interdiction de la promotion du cannabis, la police pourrait frapper un nombre très significatif de fois Or, elle ne le fait pas. Elle accepte, parce que l’État accepte, parce que tout le monde s’en moque et qu’il y a du business de possible.

Le troisième, c’est un vaste mouvement de la société faisant s’abattre un déluge de feu sur les dealers et liquidant de manière expéditive les grands barons de la drogue. En clair, cela veut dire bastonner les dealers, briser par la violence les points de vente, anéantir les réseaux et détruire leurs têtes.

Utopie ? Mais que croit-on qu’il se passera inéluctablement aux États-Unis, par exemple ? Il y a un moment où la vie quotidienne devient tellement impossible qu’il faut bien un grand nettoyage face à des criminels nés de la décadence de toute une société. Le cortège armé anti-drogues à Athènes, ou le très long communiqué d’un groupe d’extrême-gauche grec, ayant exécuté un mafieux, sont ici très utiles pour comprendre comment une situation peut aboutir à une rupture nécessaire avec le cannibalisme social.

Paradoxalement, c’est justement pour éviter d’arriver à cela que des gens disent qu’il faut légaliser, pour briser les mafias. C’est l’argument de « L’Obs », anciennement Le nouvel Observateur, l’hebdomadaire bobo, qui se revendique de gauche mais parle achat de logements et de montres de luxe.
Voici son « appel », qui vient de paraître.

L’appel de « l’Obs »

Il faut en finir avec le statu quo. La France doit légaliser le cannabis, qu’il soit utilisé à des fins thérapeutiques comme récréatives, pour les consommateurs de plus de 18 ans. Alors que ses voisins (Belgique, Allemagne, Espagne, Portugal, Pays-Bas…) ont tous assoupli leur législation, que le Canada, l’Uruguay et plusieurs Etats américains ont légalisé la substance, la France est à la traîne.

Elle s’arc-boute sur une loi répressive datant de 1970, totalement inefficace puisque nous sommes le pays de l’Union européenne où la consommation est la plus élevée. De 18 à 64 ans, un Français sur deux a déjà expérimenté le cannabis, et un adulte sur neuf est un usager régulier. A 17 ans, 48 % des jeunes en ont déjà pris. Au même âge, presque un sur dix en est un usager régulier et un sur douze est estimé dépendant ou souffrant d’un usage problématique (1).

D’un point de vue de santé publique, cette interdiction semble difficile à justifier. alors que le cannabis est moins dangereux, une fois le cerveau formé (2), que l’alcool, qui tue prématurément 41 000 personnes chaque année et le tabac, 73 000 (3). Nous savons que ce n’est pas un produit neutre, mais c’est précisément parce qu’il est nocif pour la santé, particulièrement celle des mineurs, qu’il faut en contrôler la production et la distribution.

La prohibition contribue à engorger inutilement l’activité des magistrats et des policiers : plus de 130 000 personnes sont interpellées chaque année pour en avoir consommé (4).

Aux Etats-Unis, la légalisation dans plusieurs Etats a fait chuter la criminalité le long de la frontière mexicaine (5). Quand la France acceptera-t-elle de regarder la réalité en face, de faire preuve de pragmatisme, face à cette impasse ? Les pouvoirs publics doivent agir. Et vite.

(1) Chiffres clés de l’Observatoire français des Drogues et des Toxicomanies 2017.
(2) Rapport de Bernard Roques, directeur de recherche à l’Inserm, sur la classification des psychotropes (1998).
(3) Christophe Bonaldi (Santé publique France), Catherine Hill (épidémiologie Gustave-Roussy).
(4) Office central pour la Répression du Trafic illicite des Stupéfiants.
(5) « Is Legal Pot Crippling Mexican Drug Trafficking Organisations ? The Effect of Medical Marijuana Laws on US Crime », « The Economic Journal ».

Les signataires

Patrick Aeberhard Cardiologue, ex-président de Médecins du Monde 
Kenza Afsahi sociologue économiste, Université de Bordeaux-Centre Emile Durkheim 
Ingela Alger Economiste, chercheuse à la TSE, directrice de recherche au CNRS 
Stefan Ambec Chercheur à la TSE, directeur de recherche à l’Inra 
Gil Avérous Maire de Châteauroux (LR) 
Jean-Paul Azam Chercheur à la TSE, professeur d’économie, université Toulouse-I Capitole 
Laurent Baron Maire du Pré-Saint-Gervais (PS) 
Jacques Bascou Président (PS) de la communauté d’agglomération de Narbonne
Julien Bayou Conseiller régional, porte-parole (EELV) 
Esther Benbassa Sénatrice de Paris (EELV) 
Christian Ben Lakhdar Professeur d’économie à l’université de Lille  Amine Benyamina Addictologue 
Ugo Bernalicis Député du Nord (LFI) 
Yann Bisiou Maître de conférences en droit privé à l’université Paul-Valéry Montpellier-III 
Jacques Boutault Maire du 2e arrondissement de Paris (EELV) 
Jean-Paul Bret Maire de Villeurbanne (PS) 
Frédéric Cherbonnier Economiste, chercheur à la TSE, professeur à l’Institut d’Etudes politiques de Toulouse 
Renaud Colson Juriste, maître de conférences à l’université de Nantes 
Alexis Corbière Député de Seine-Saint-Denis (LFI) 
David Cormand Député européen, secrétaire national d’EELV 
Magali Croset-Calisto Psycho-addictologue 
Gérard Cosme Président d’Est Ensemble 
Jean-Pierre Daulouède Psychiatre addictologue 
Marie Debrus Pharmacienne, Médecins du Monde 
Philippe De Donder Chercheur à la TSE 
William Delannoy Maire de Saint-Ouen (UDI) 
Karima Delli Députée européenne (EELV) 
Jacques Delpla Economiste, professeur associé à la TSE 
Tony Di Martino Maire de Bagnolet (PS) 
Caroline Fiat Députée de Meurthe-et-Moselle (LFI) 
Michel Fourcade Maire de Pierrefitte-sur-Seine (PS) 
Robert Gary-Bobo Professeur d’économie Crest-Ensae 
Stéphane Gatignon Ancien maire de Sevran 
Raphaël Glucksmann Député européen (PS-Place publique) 
Christian Gollier Directeur général de la TSE 
Benoît Hamon Ancien ministre de l’Education nationale 
Mathieu Hanotin Conseiller départemental de la Seine-Saint-Denis, ancien député de la Seine-Saint-Denis (PS) 
Olivia Hicks Médecin et première adjointe au maire du 2e arrondissement de Paris 
Touria Jaaidane Professeure d’économie à l’université de Lille 
Yannick Jadot Député européen (EELV) 
Pierre Jouvet Président de Porte de DrômArdèche, porte-parole du PS  Laurent Karila Psychiatre 
Michel Kazatchkine Ancien directeur exécutif du Fonds mondial de Lutte contre le Sida, la Tuberculose et le Paludisme 
Bertrand Kern Maire de Pantin (PS) 
Olivier Klein Maire de Clichy-sous‑Bois (PS) 
Gaspard Koenig Président du think tank GenerationLibre 
Bernard Kouchner Ancien ministre de la Santé 
Annie Lahmer Conseillère régionale d’Ile-de-France (EELV) 
François-Michel Lambert Député des Bouches-du-Rhône (UDE, x-LREM)  Bertrand Lebeau Addictologue 
William Lowenstein Médecin, président de SOS Addictions 
Thierry Magnac Chercheur à la TSE, professeur d’économie à l’université Toulouse-I Capitole 
Patrick Mennucci Conseiller municipal de Marseille 
Alain Morel Psychiatre, addictologue, directeur général de l’association Oppelia 
Claire Nouvian Militante écologiste 
Danièle Obono Députée de Paris (LFI) 
Mathilde Panot Députée du Val-de‑Marne (LFI) 
Thierry Pech Directeur général du think Tank Terra Nova
Pierre Person Député de Paris (LREM) 
Emmanuelle Peyret Médecin addictologue, hôpital Robert-Debré 
Eric Piolle Maire de Grenoble (EELV) 
Collectif Police contre la Prohibition (PCP) 
Adrien Quatennens Député du Nord (LFI) 
Jérôme Renault Chercheur à la TSE, professeur en mathématiques appliquées à l’université Toulouse-I Capitole 
Régis Renault Professeur d’économie à l’université de Cergy-Pontoise  Sabine Rubin Députée de Seine-Saint-Denis (LFI) 
Hervé Saulignac Député de l’Ardèche (PS) 
Paul Seabright Chercheur à la TSE 
Guy Sebbah Médecin, membre du directoire du Groupe SOS Solidarités 
Béatrice Stambul Psychiatre 
Jennifer Stephenson Responsable de la communication de la Fondation JJ Laffont et de la TSE* 
SUD Intérieur Syndicat de policiers 
Aurélien Taché Député du Val-d’Oise (LREM) 
Bénédicte Taurine Députée de l’Ariège (LFI) 
Magalie Thibault Vice-présidente du département de Seine-Saint-Denis 
Sylvine Thomassin Maire de Bondy (PS) 
Khalid Tinasti Secrétaire exécutif de la Commission globale en matière de drogues 
Ludovic Toro Médecin et maire de Coubron (UDI), conseiller régional d’Ile-de-France, membre de la commission de coordination des politiques de santé auprès de l’ARS 
Marie Toussaint Députée européenne (EELV) 
Stéphane Troussel Président du département de la Seine-Saint-Denis (PS) 
Daniel Vaillant Ancien ministre de l’Intérieur (PS) 
Thierry Verdier Professeur d’Economie (ENPC-ParisTech et Ecole d’Economie de Paris) 
Michèle Victory Députée de l’Ardèche (PS)
*Toulouse School of Economics

Notons pour l’anecdote cette couverture du même hebdomadaire, en 2005, avant le virage totalement libéral sur le plan des moeurs…

Cet appel ouvertement bobo est également en collusion directe avec les économistes du Conseil d’analyse économique (CAE), qui dépend du premier ministre. Le rapport de ceux-ci au sujet du cannabis propose en effet également sa légalisation. Son rapport « Cannabis : comment reprendre le contrôle ? » reprend les thèmes classiques :

  • il y aurait une prohibition du cannabis qui ne marcherait pas. C’est faux : il suffit de se balader à Paris pour voir que les gens fument partout sans être inquiété. Internet regorge de promotion du cannabis, comme la série de Konbini interviewant des gens racontant comment ils mangent leur sandwich, sans même faire semblant qu’en fait ils parlent du cannabis ;
  • la légalisation aurait eu lieu dans d’autres pays, donc on pourrait et le devrait faire ;
  • le cannabis médical peut s’avérer très utile donc il faut le légaliser sans réfléchir, d’ailleurs plusieurs pays l’ont fait ;
  • cela créerait des emplois, mais en fait l’évaluation d’une filière française parle d’une fourchette de création d’emplois d’entre 27 000 et 80 000. C’est extrêmement faible. Le chômage en France, c’est pratiquement trois millions de personnes, et plus de six millions inscrits à Pôle emploi…
  • cela rapporterait de l’argent pour l’État :  2,8 milliards de dollars de recettes fiscales par an. Et donc bien plus pour les entreprises : voilà la réelle motivation !
  • la question « En finir avec les dealers: à quel prix ? » est prétexte à une explication des plus fumeuses, dont voici un exemple. C’est juste incroyable.

Et tout cela pour expliquer, à coups de chiffres hypothétiques et de calculs pseudos scientifiques, qu’en fait on en sait rien, car les exemples montrent que dans la pratique, malgré la légalisation, il reste 30 % du marché restant dans les mains des mafias opérant en toute illégalité !

L’argument de l’asséchement des mafias ne tient pas. Et d’ailleurs, vue leur ampleur, les mafias se reconvertiraient dans d’autres trafics, tout aussi dangereux.

Non, franchement, tout cela est ridicule. Les bobos veulent légaliser, car eux-mêmes fument et y voient une possibilité de business. Les libéraux, les anarchistes y voient une extension de la liberté. Les fachos s’en moquent, car ils sont eux-mêmes décadents.

Reste les gens normaux, qui ne veulent pas du cannabis. Cela va être à eux de faire le ménage.