La sphère vegan totalement coupée en deux

L’article sur l’alimentation végétale pour les bébés et les femmes enceintes donne des informations précieuses, mais surtout il fixe un horizon, celui de la socialisation vegane telle qu’elle doit exister. Car le problème de fond est désormais plutôt clair. Les derniers mois ont ancré une situation qui va rester, on peut enfin avoir un aperçu général de la situation.

Pour résumer les choses de manière la plus simple possible, et le plus directement possible, on peut diviser les vegans en deux parties. Et cela veut dire qu’il faut se tourner soit vers les uns, soit vers les autres.

Il y a d’un côté une population pour qui le véganisme est un supplément d’âme. Ce n’est pas tant une identité qu’une démarche considérée comme juste et cohérente, et qui vient s’associer à une vie quotidienne possédant déjà ses propres valeurs.

Il va de soi que, la plupart du temps, ces valeurs ont une dimension qu’on peut qualifier, vraiment grosso modo, de néo-hippie. Cela va de la bobo urbaine à la femme du peuple proche de la protection animale, en passant par la jeune branchée ou bien la casanière pacifiste vivant avec des chats.

Néanmoins, la vie quotidienne maintient ses valeurs d’auparavant, d’avant le véganisme. Le fait de devenir vegan est un prolongement considéré comme plus ou moins logique, plus ou moins cohérent. Le véganisme est « acquis » mais ne bouleverse pas fondamentalement les valeurs.

Le grand souci qu’on a ici, c’est que comme on a affaire à un véganisme qui ne « bouleverse » rien, alors la consommation végane est acceptée telle quelle. La conséquence en est une soumission à la consommation végane qui fait de ces gens une sous-partie des végétariens, ces derniers étant eux-même une sous-partie des « flexitariens ».

Nous en reparlerons, mais la question de la « fausse viande » va mettre ici sur le tapis une question fondamentale, celle du rapport à la nature, et en ce sens ces gens sont clairement intéressants. Surtout que le fait de ne pas avoir d’identité « vegan » tout en l’étant les force à la socialisation…

Cela ne veut pas dire que nous ne voulons pas que tout le monde devienne vegan, mais comme justement le but c’est que tout le monde le soit, il y a une perspective intéressante ! Surtout que selon nous, sans le soutien concret aux animaux (dans les refuges notamment), rien n’a de sens.

Le but, c’est la victoire par la mobilisation, sur la base de l’utopie !

Il y a de l’autre côté ce qu’on va appeler les antispécistes, pour qui le véganisme est une identité, qui « bouleverse » la vie quotidienne menée jusque-là. Nous n’irons pas par quatre chemins : c’est un existentialisme prenant les animaux en otage.

Il n’y a rien de positif, tout est un volontarisme qui se fonde sur l’ego.

Prenons immédiatement un exemple concret. Voici un communiqué tout récent de gens ayant « libéré » des lapins. Nous mettons entre guillemets car ces gens ont laissé des lapins d’élevage, qui ne connaissent plus la nature depuis des générations, dans une forêt ! Leur chance de survie est ainsi totalement nulle, dans les vingt-quatre heures.

Il va de soi que jamais l’ALF n’aurait mené une action aussi lamentable, montrant un degré zéro dans la connaissance de la vie animale et prenant les animaux en otage pour un existentialisme morbide exprimé à travers un langage universitaire faussement rebelle, avec notamment cette écriture inclusive à proprement parler illisible.

Durant la nuit du 24 août en France, 13 lapin.e.s ont été sorti.e.s de leurs cages et relâché.e.s.

Nous sommes conscient.e.s que ce genre d’action est controversé. Nous souhaitons rappeler que ces personnes vivent dans des conditions absolument ignobles. Iels n’ont jamais vu et ne verront jamais la lumière du jour. Iels sont entassé.e.s les un.e.s sur les autres dans des cages grillagées, juste au dessus de leurs excréments. Beaucoup d’entre elleux (une personne sur cinq) ne survit pas à ces conditions avant même le jour où iels sont envoyé.e.s à l’abattoir.

La vie dans la nature comporte de nombreux risques, mais à l’intérieur, leur mort est certaine. Dehors, iels ont tous.tes une chance de s’en sortir. Certain.e.s s’inquiètent de la prédation qui existe dans la nature, mais c’est un risque inhérent à la vie en liberté. La population de renard.e.s (leurs principaux.ales prédateurs.ices) est très faible comparée à celle des lapin.e.s, seule une faible partie d’entre elleux se font manger quelque soit la couleur de leur pelage. En fait, leur plus grand risque serait de rencontrer un.e chasseur.se humain.e.

Nous savons qu’il existe des sanctuaires. Malheureusement, la capacité totale de ces refuges comparée au nombre de personnes tuées quotidiennement est absolument dérisoire. D’autant plus que la majeure partie des femelles en élevages sont enceintes et peuvent avoir jusqu’à 12 lapereaux, ce qui réduit drastiquement le nombre de précieuses places dans ces lieux. Que devons-nous alors faire pour celleux qui n’ont pas de place ? Les laisser à une mort certaine ?

Devant cette situation dans un monde spéciste où il n’existe pas de solution totalement satisfaisante, nous avons décidé de leur laisser une chance dans la nature. Cette décision est d’autant plus pertinente considérant le fait que nous avons croisé lors de l’action de nombreu.x.ses lapin.e.s blanc.he.s, gambadant dans les champs.

Nous avons choisi un lieu éloigné des routes fréquentées, un petit bois où iels peuvent trouver refuge, à proximité d’un champ, et où il nous paraissait peu probable qu’il y ait beaucoup de renard.e.s. Nous sommes resté.e.s auprès d’elleux une heure. Nous avons observé qu’iels se nourrissaient spontanément. Certain.e.s sont rapidement parti.e.s explorer leur nouvel environnement. Iels sautaient de joie, soulagé.e.s après leur séjour en enfer.

Enfin, nous n’avons de comptes à rendre à personne, à part aux autres animaux.

Nous avons également une pensée à tous les activistes antispécistes subissant la répression étatique et policière.

Jusqu’à ce que toutes les cages soient vides. »

Il faut redire les choses telles qu’elles sont : ces gens ont livré les lapins à une mort directe et jamais l’ALF n’aurait fait une chose pareille. Ils ont préféré faire l’action, aux dépens des animaux, sans se soucier de l’hébergement protecteur des animaux, qu’ils n’ont pas voulu assumer eux-mêmes d’ailleurs.

Voici un autre exemple de prose mystico-délirante d’une personne racontant comment elle a mis le feu au local de la fédération de chasse de l’Ardèche. C’est « moi je » « moi je » « moi je ».

« Spasme antispéciste

25 avril [en fait juillet], 02h45, un incandescent croissant me sourit parmi les étoiles. Devant le centre de formation de chasse de l’ ardèche, un panneau lumineux affiche 23 °. Je prends à revers l’édifice, louvoie entre les cibles animales faites de bois et de peinture. A leur vue, la haine me soulève, aiguise ma détermination. Au pied de la façade, j’atteinds les derniers buissons. Une caméra scrute, je serais bientôt dans son champ de vision. En pensées, j’ai déjà vécu des dizaines de fois ce qui s’annonce. Sauter la barrière, escalader le parapet, se hisser sur la coursive et courir se mettre à couvert de la caméra. Pour le moment je suis en bas, déjà haletant, le cœur battant.

Je prends une profonde respiration et m’élance, franchissant successivement les obstacles, moins élegamment certes qu’en imagination. J’ouvre mon sac, empoigne un pied de biche et commence à forcer une porte- fenêtre, sans résultat. De ma main restée libre, je saisi le marteau, éclate la vitre, tourne la poignée et me faufile à l’intérieur. Quelques pas suffisent à faire hurler la première sirène. Je visite à grandes enjambées le 1er; dans une pièce, entasse chaises, tables et cartons. Je dépose un bidon d’essence, ouvre une fenêtre. Le feu aura besoin d’oxygène. Je me dirige ensuite à l’étage supérieur et répète l’opération. Peu de matières combustibles là-haut, j’amoncelle de maigres chevalets sous la charpente espérant que les flammes la lécheront et la consumeront. Je déverse l’essence, allume. Soudain une lumière vive et un souffle puissant emplissent la pièce. L’alarme incendie se déclenche à son tour.

4 à 4 je saute les marches de l’escalier, retourne au 1er, arrose d’essence le tas d’objets, rassemble ce qui me reste de sang-froid et convoque à nouveau les flammes. Quelle merveille. Quitessence du ravage. Appétit effréné du feu. Pas le temps pour la contemplation, hélas, je descends encore d’un étage et sors. Je suis sauf, l’incendie est dans mon dos, les rameaux des arbres devant moi. J’expectore un rire de soulagement, le temps se remet en mouvement.

Cette nuit, 11 personnes ont perdu leur boulot de merde puisque le site sera (définitivement) fermé. Renards et blaireaux ont dû se marrer dans la vallée. Bien sûr les chasseurs trouveront d’autres locaux, formeront d’autres massacreurs, élèveront, traqueront, mutileront et arracheront d’autres vies sauvages encore. Bien sûr nous serons là, sabotant leurs dispositifs, détruisant véhicules et bâtiments, libérant futur gibier et chiens maltraités.

L’ardeur des idées appelle inexorablement aux actes.
Contre l’infamie cynégétique et au delà
Contre la domination et l’exploitation animale.

Solidarité anarchiste aux rebelles antispécistes »

Ici encore, on est en décalage total avec la culture de l’ALF où les êtres humains s’effacent devant les animaux. Et il n’est pas étonnant que les antispécistes nient systématiquement l’ALF, ce qui est leur grande caractéristique et ce qui en dit long.

Ils prétendent avoir inventé quelque chose de nouveau, et en un sens c’est vrai, mais c’est seulement du bruit et aucune perspective, c’est un existentialisme anthropocentré prenant les animaux en otage.

Au moins, les vegans de l’autre type vivent à l’écart des animaux mais ne prétendent pas parler pour eux ; ils ont l’humilité de vouloir contribuer à une démarche d’ensemble, même si de manière franchement dans l’esprit petit-bourgeois des pavillons. C’est peut-être faible, mais cela a sa dignité !