Valeurs Actuelles et «la terreur vegan»

L’hebdomadaire Valeurs Actuelles a publié avec une couverture anxiogène comme elle sait le faire. « La terreur vegan » est présentée avec des « révélations sur un nouveau totalitarisme ».

Le premier article, « Les fous des animaux », présente le véganisme comme « porteur d’un projet politique révolutionnaire visant à abolir les liens de dépendance entre les animaux et les hommes ». Il constate que le véganisme trouble l’idéologie dominante avec ses revendications. C’est le point de vue traditionnel du conservateur outré de l’appel à un changement de mode de vie.

Le second article est le plus intéressant, car le plus délirant et le plus politique. « Les agriculteurs dans le viseur de l’ultra-gauche » vise en effet à assimiler les agriculteurs et les éleveurs. Il prétend que les végans dénoncent autant les uns que les autres, ce qui est évidemment absurde.

L’idée de Valeurs Actuelles, c’est de dire que la crise économique des agriculteurs est également lié au véganisme. Pour argumenter cela, l’article parle des vegans puis commence à parler du vol de 600 véhicules dont 285 tracteurs, de 500 GPS agricoles, etc. Tout le monde sait que ce sont des réseaux mafieux qui en sont à l’origine.

Mais la chose est présentée comme si les vegans collectionnaient les tracteurs ou pillaient les vignes afin de faire s’effondrer l’agriculture ! C’est fascinant de mauvaise foi.

Fascinant de mauvaise foi, mais très intelligent, car le but est de créer un front entre éleveurs et agriculteurs, de dire aux agriculteurs qu’ils ne peuvent s’en sortir que si rien ne change, ou même mieux si on retourne en arrière aux valeurs du terroir, qu’il faut combattre de manière conjointe « l’agribashing », etc.

Le troisième article s’intitule « La folie antispéciste à la barre » et parle du collectif Boucherie Abolition. Cette structure est connu pour assimiler la condition animale à l’holocauste commis par les nazis et ainsi parler de « zoolocauste », avec tout un vocabulaire allant avec particulièrement incompréhensible.

Ce collectif n’a donc pas remarqué que les Juifs étaient réduits en cendres, alors que les animaux deviennent des marchandises. Le rapprochement historique a donc des limites flagrantes. Néanmoins, il faut tirer ici le chapeau à ce collectif, car Valeurs Actuelles les dénonce pour avoir tenu tête aux accusations lors d’un procès, revendiquant leur identité de vegan, justifiant leur action en présentant l’universalité des droits des animaux, tenu une ligne très offensive, etc.

Être dénoncé par Valeurs Actuelles pour avoir assumé son identité et son action en faveur des animaux lors d’un procès, ce n’est pas donné à tout le monde. On est loin ici des excuses et des reculades de pas mal de monde.

Le quatrième article parle de « L’antispécisme, nouvel antihumanisme ». C’est un article philosophique et tout se comprend par sa conclusion :

« Retirez Dieu aux hommes, disait le curé d’Ars, et « ils adoreront les bêtes » : nous y voilà ».

Cette référence sera inconnue pour la plupart des gens, mais dans les milieux conservateurs, c’est quelque chose de haut niveau. Ce curé d’Ars du début du XIXe siècle est en effet une grande figure mystique, du genre à se fouetter, à réaliser de prétendus miracles, à batailler avec le diable, à faire face à des apparitions célestes, etc.

Il a été nommé en 1929 patron de tous les curés de l’Univers. En l’opposant au véganisme, on se retrouve sur une ligne catholique traditionnelle rejetant les animaux comme soumis par définition aux humains.

Le cinquième article est une citation « Leur but est de détruire l’élevage ». Il s’agit d’une interview de Jocelyne Porcher, ancienne éleveuse et directrice de recherches à l’Institut national de la recherche agronomique (INRA). C’est une fervente accusatrice du véganisme sous toutes ses formes, au nom d’un combat contre la modernisation, les grandes entreprises, la technologie, etc.

Pour elle, le véganisme est le cheval de Troie d’un avenir qu’elle ne veut pas, étant une défenseure du terroir (avec le « droit » de tuer les animaux dans les fermes, etc.).

Cela s’arrête là et il n’y a naturellement pas un mot sur l’ALF, ni l’ARM. On connaît l’accord tacite entre l’État et les partisans du bien-être animal, ainsi que les antispécistes. Autant de bruit que vous voulez, autant de désobéissance civile que vous voulez, on vous met au pire juste des amendes, mais attention : on ne veut pas entendre parler de l’ALF, ni de l’ARM. On ne veut pas de mouvement de masse, on veut tout en surface et sans dimension populaire.

Ainsi, ni L214, ni les Cahiers antispécistes, ni 269 libération animale, ni les antispécistes en général (même quand ils font des actions illégales) ne parlent de l’ALF. C’est comme si l’ALF n’existait pas et n’avait jamais existé. Telle est l’ultime frontière.