Les baleiniers japonais ont coulé un bateau de la « Sea Shepherd Conservation Society. » Cette association a été fondée en 1977 par Paul Watson, un ancien de Greenpeace partisan d’actions plus dures. On peut lire ici une interview où il explique sa vision du monde.
Le Sea Sheperd, c’est-à-dire le « berger des mers » est son premier bateau acquis en 1978. Il a immédiatement été un « navire végétarien » et désormais tous les bateaux de la flotte n’ont à bord qu’une alimentation végétalienne (même si les membres de l’équipage ne sont pas forcément vegans, ni même végétariens).
L’association s’affirme ainsi aujourd’hui totalement contre la consommation par l’humanité des animaux de la mer, et est connue pour mener une lutte « musclée » contre la chasse à la baleine, aux phoques, contre la pêche aux requins et contre l’usage des filets dérivants. Les bateaux de l’association pratiquent en fait le rentre-dedans afin d’empêcher les chasseurs de pouvoir mener leurs actions, en s’interposant, jetant des bouteilles d’acide butyrique, débarquant sur les bateaux, confisquant des filets dérivants, voire en coulant des bateaux etc.
Cette fois l’affaire s’est soldée par un éperonnage en bonne et due forme par un bateau japonais, le Shonan Maru N°2. Le bateau éperonné était un nouveau bateau de l’association, l’Ady Gil.
L’Ady Gil était un catamaran ultra moderne, résistant aux glaces de l’Antarctique, capable d’aller à 93 km/h et gagnant ainsi un record du monde en 2008. Il venait d’intégrer en novembre la flotte de la Sea Shepherd et valait un peu moins de deux millions de dollars.
On peut voir ici une vidéo présentant l’Ady Gil et son design futuriste, et ici la vidéo impresionnate de l’éperonnage.
Paul Watson, qui dirige la Sea Shepherd Conservation Society, a affirmé que « Nous livrons désormais une véritable guerre et nous n’avons pas l’intention de céder » et que « Les baleiniers japonais ont provoqué une escalade très violente du conflit. » Il est vrai qu’à voir la vidéo, les six personnes à bord de l’Ady Gil ont eu beaucoup de chance de s’en sortir.
Voici le communiqué de la Sea Shepherd Society, qui dispose d’un site français:
Le célèbre Catamaran est en train de couler dans l’Océan Austral.
Les 6 membres déquipage ont été secourrus par le Bob Barker de Sea Shepherd.Dans une attaque non provoquée capturée par nos caméras, le navire de sécurité Japonais Shonan Maru 2 a délibérément éperonné le Catamaran de Sea Shepherd l’ Ady Gil et a causé des dommages catastrophiques.
Six membres d’équipage, 4 néo-zélandais, un australien, et un Néerlandais, furent immédiatement secourrus par l’équipage du Bob Barker de Sea Shepherd. Aucun membre d’équipage de l’Ady Gil n’a été blessé.
Il semble que l’Ady Gil sombre, et que les chances de le sauver soient très minces.Selon un témoin occulaire, le capitaine Chuck Swift sur le Bob Barker, l’attaque s’est produite alors que les deux navires étaient immobiles dans l’eau. Le Shonan Maru 2 a démarré tout d’un coup et a délibérément éperonné l’Ady Gil arrachant 2m 50 de proue. Selon le Capitaine Swift, il ne semble pas que le navire soit récupérable.
“Les baleiniers japonais sont montés d’un cran dans le registre de la violence pour ce conflit, » a déclaré le Capitaine Paul watson. « S’ils pensent que nos deux navires restant vont quitter le Sanctuaire baleinier de l’Océan Austral par crainte de leur extrêmisme, ils se trompent. Nous sommes maintenant véritablement en guerre, et nous n’avons aucune intention de battre en retraite. »
A bord du Steve Irwin, le Capitaine Paul Watson se dirige à 16 noeuds vers la zone, mais il reste 500 miles au Nord. Le Bob Barker a temporairement stoppé la poursuite du Nisshin Maru pour secourrir l’équipage de l’Ady Gil. Les navires japonais ont initialement refusé de répondre aux appels de détresse de l’Ady Gil, avant de finalement répondre. Ils n’ont pas cependant offert assistance ni à l’Ady Gil, ni au Bob Barker.
L’incident s’est produit à 64° 3′ Sud, et 143° 09′ Est.
Jusqu’à ce matin, les Japonais ignoraient complètement l’existance du Bob Barker. Cette toute nouvelle addition à la flotte Sea Shepherd quitta l’île Maurice pour les côtes Antarctiques le 18 décembre, et put avancer le long de la glace par l’Oues tandis que les Japonais s’inquiétaient de l’arrivée du Steve Irwin par le Nord.« Cela représente une grosse perte pour notre organisation, » a déclaré le Capitaine Watson. « L’ady Gil, anciennement Earthrace, nous a coûté près d’un millions trois cent mille euros. Malgré cela, la perte d’une seule baleine pour nous est plus importante et nous n’aurons pas perdu l’Ady Gil en vain. Cela ne fait que renforcer notre résolution, cela ne diminue pas notre volonté. »
Sea Shepherd Conservation Society demande au gouvernement australien d’envoyer un navire de la Marine Nationale pour restaurer la paix dans les eaux du territoire Antarctique Australien. Nous avons 77 membres d’équipage de 16 nations sur trois navires. 6 d’entre eux étaient sur l’Ady Gil.
21 sont australiens, 16 sur le Steve Irwin, et 5 sur le Bob Barker. Sea Shepherd pense que le gouvernement australien est responsable de la protection de la vie de ses citoyens qui travaillent à la défense des baleines contre les activités japonaises illégales.
« L’Australie doit envoyer un navire de la Marine Nationale aussitôt que possible, pour protéger à la fois les baleines et les citoyens australiens qui travaillent à la sauvegarde de ces baleines, » a déclaré la chef Cuisinière du Steve Irwin, Laura Dakin de Canberra. « C’est le Territoire Antarctique Australien, et je vois des baleiniers japonais faire comme bon leur semble en toute impunité et sans qu’aucun navire australient ne soit présent. Peter Garrett, j’ai une question pour vous: où êtes vous?! »
Il va de soi que la solidarité la plus grande doit aller à l’association Sea Shepherd. Ce qu’elle fait est unique, et certainement précieux.
Faisons ici tout de même quelques remarques constructives et critiques, car certains points sont tout de même problématiques et méritent d’être soulignés.
Il y a en effet un gros souci, c’est le culte du spécialiste. Quand on lit le formulaire d’application pour faire partie des campagnes sur les bateaux, on ne demande nullement d’être vegan.
La technique prime: on cherche des navigateurs, des marins, des ingénieurs, des mécaniciens, des électriciens, des charpentiers/menuisiers, des soudeurs, des pilotes (avion/hélicoptère), des cuisiniers, des médecins, des personnels paramédicaux, des conducteurs de zodiacs, des plonguers, des photographes, des vidéographes, des informaticiens, etc.
Bien sûr, mener une telle campagne sur un bateau nécessite de telles qualités. L’association ne pourrait pas faire ce qu’elle fait sans des exigences strictes.
Mais le côté rentre dedans prime clairement sur le véganisme, et d’ailleurs l’association Sea Shepherd cultive une image romantique, son logo étant par exemple un drapeau pirate avec un crâne. Même si c’est pour critiquer les chasseurs, cela donne quand même l’impression qu’il faille être un « aventurier » pour pouvoir faire quelque chose pour les animaux.
D’un côté c’est formidable, car les animaux marins sont malheureusement difficiles à défendre. De l’autre, cela est très dommage, et va clairement à l’encontre d’une perspective de masse, avec des pratiques décentralisées se fondant sur la vie quotidienne.
D’où, à l’inverse, la mise en avant absolue de Paul Watson. Celui-ci est il vrai une grande figure pour avoir mené 244 voyages en bateau dans le cadre de campagnes, mais quel intérêt y a-t-il de le présenter comme la vraie figure du capitaine de navire, le vrai « Master and Commander » ?
Il y a ici une dimension patriarcale troublante, une dimension individuelle du chef qui est là pour le coup dans la tradition de Greenpeace. Tout comme chez Greenpeace, l’association Sea Shepherd est dirigée par des « spécialistes ».
Ces spécialistes, non élus par la base de manière démocratique car en fait il n’y a pas vraiment de base, dirigent les campagnes, qu’il s’agit donc de soutenir, financer, etc. Steve Wynn et John Paul DeJoria sont par exemple deux milliardaires américains qui ont donné des fonds, et pour la petite histoire on peut même avoir une carte bancaire VISA version Sea Shepherd!
Ces spécialistes sont certainement des professionnels dans leurs thèmes. Mais dans la démocratie, c’est à la base de décider. Ou alors on ne croit pas en le peuple, mais en les « grands hommes. »
On peut voir que ces spécialistes profitent également de « conseillers », qui sont là aussi… des spécialistes, ou bien des personnes connues pour leur rapport à la cause animale. Parmi les spécialistes sur le plan média et arts, on trouve par exemple…. Brigitte Bardot.
Ce n’est pas très sérieux et montre une tendance dangereuse. Dépenser deux millions de dollars dans un bateau et avoir Brigitte Bardot comme conseillère, même peut-être symbolique, ce n’est pas vraiment une démarche populaire.
On voit justement que malgré le côté « rebelle » il y a finalement un côté assez lisse et acceptable par l’opinion publique. On retrouve d’ailleurs le même problème qu’avec Bardot: en appelant la marine nationale australienne à intervenir contre les Japonais, Paul Watson joue avec le feu du racisme.
Il est vrai que les baleiniers sont japonais en l’occurence, mais quelle est l’impression qui reste? Que les Japonais sont des barbares arriérés. Il suffit de connaître le mouvement pro-animaux en France pour savoir la force de ce genre de préjugés, à quel point est grande cette dimension anti-arabe ou encore plus anti-chinoise, ou bien encore antisémite.
En appelant par exemple le gouvernement australien à la rescousse, l’association Sea Shepherd le dédouane de ses responsabilités, et pourtant ce gouvernement n’est-il pas au service de l’industrie profitant de l’exploitation animale?
Tout cela n’enlève rien la sympathie que l’on doit éprouver pour l’association Sea Shepherd. Pour autant, il ne s’agit nullement d’un modèle que l’on pourrait reproduire. Or, ce dont nous avons besoin, c’est justement d’initiatives à la base, aisément reproductibles, saisissables par toutes les personnes voulant assumer la libération animale et la libération de la Terre.