Les chevaux sauvages de Newbury

Entre janvier et avril 1996, un vaste mouvement de résistance a eu lieu pour empêcher la destruction de 1,5 kilomètre carré de campagne, dont un tiers de forêt.

Plus de 7.000 personnes ont participé au mouvement de lutte contre la construction de la rocade de Newbury (« Newbury bypass ») et on peut voir de nombreuses longues vidéos de cette lutte ici avec des gens s’installant dans les arbres, s’interposant face à la police et aux tronçonneuses, etc.

Un moment magique – on peut dire romantique au sens anglais à la pré-raphaëlite ou à la William Morris – fut l’arrivée de deux chevaux en plein tronçonnage.

Une vidéo unique, un témoignage incroyable intitulé « The Wild Horses of Newbury  » que l’on peut voir ici.

Voici l’interview que nous faisons de la personne qui a tenu la caméra puis ajouté le poème et la musique aux images.

« Le chêne anglais. Hier vénéré, aujourd’hui considéré comme un simple obstacle à éliminer… »

(Check the interview in english here.)

1.La vidéo « Les chevaux sauvages de Newbury » traite d’un sujet vraiment spécial, exprimant quelque chose qui a vraiment de la valeur. Peux-tu nous en parler?

Le poème que j’ai écrit pour la vidéo est tourné vers un monde que nous avons laissé derrière nous, et nous demande de rétablir le rapport avec la nature que nous avons perdu.

J’ai grandi dans un monde qui a perdu tout respect pour l’environnement et le monde naturel. Avec tout ce qui est dans l’environnement naturel vu comme rien d’autre que des ressources à piller.

Toutefois quand j’ai grandi j’ai commencé à prendre conscience du sentiment qui a été perdu. Comme si d’une certaine manière, nous étions tombé d’un jardin, et perdu notre rapport avec le monde qui nous a donné naissance.

Je suis allé à la poursuite de ce rapport, j’ai passé des semaines immergé dans le monde naturel et au fur et à mesure j’ai pris davantage conscience des motifs subtiles et de la beauté de la nature. C’était presque une expérience religieuse lorsque j’ai « vu » pour la première fois le jardin qui existe sous nos routes et nos villes…

J’ai été assez chanceux pour visiter la vie sauvage réellement non touchée par l’homme… Il ne reste plus grand chose… Et plus du tout en Grande-Bretagne… Et quand vous avez des yeux pour voir, vous pouvez ressentir une beauté qui vous submerge, une appartenance, une perfection… Suffisamment pour vous faire pleurer.

Et ensuite il y a nous… Les êtres humains… Avec nos vues myopes et notre compréhension retardée, faisant couler du macadam sur la perfection.

Était-ce Joni Mitchell qui chantait « ils ont pavé le paradis, construit un parking. » Ce n’est pas un message nouveau… Des gens ont dit cela pendant des années, mais encore aujourd’hui il n’y a presque personne pour écouter.

Je ne suis pas un luddite, je pense que la technologie peut nous aider, ce sont les êtres humains qui ont besoin de changer. Nous avons besoin de nous reconnecter au monde naturel, et de réétablir notre relation avec Gaïa.

C’est ce dont parle le film; voir ces puissants chênes, géants comme ils sont, comprendre leur importance dans l’éco-système et leur donner le respect qu’ils avaient eu de par le passé.

Il s’agit totalement de notre relation avec la nature, nous aimons penser que nous sommes au-dessus d’elle. Nous ne le sommes pas. Nous sommes une minuscule partie d’un vaste partenariat intemporel, et nous oublions cela à nos risques et périls.

Nos ancêtres vénéraient les arbres… Et quel meilleur symbole de la toile qui nous relit tous que l’arbre… Lorsque ces chevaux ont approché ces arbres au sort tragique, ils nous ont bravement montré leur objection et leur incrédulité quant au fait que nous pourrions détruire de tels organismes majestueux et vitaux.

Et ce qui nous marque à propos de ce film est que nous le savons aussi, cela résonne en nous profondément comme quoi c’est fondamentalement erroné et insultant pour la nature.

C’était un crime et j’espère qu’un jour de telles actions seront considérées comme tel.


2.Qu’as-tu pensé lorsque c’est arrivé? Qu’as-tu pensé par la suite?

C’était surréaliste. Lorsque j’ai vu les chevaux en train de s’approcher, je n’ai tout d’abord pas pu y croire. Il y avait tellement de bruit avec les tronçonneuses et une telle présence d’agents de sécurité en tenues flashy que j’ai pensé que les chevaux s’enfuiraient.

Mais ils sont venus directement à nous. Beaucoup de haies et de clôtures avaient été détruites, ce qui fait que les chevaux pouvaient d’une certaine manière courir en liberté.

J’ai rapidement mis la caméra en marche et filmé les chevaux. Ils semblaient irréels, comme s’ils venaient d’un rêve. C’était très étrange.

C’était très tôt le matin, avec le froid et la brume, tout cela a ajouté à l’atmosphère « comme d’un autre monde. »

J’avais en fait des frissons dans le dos et la chaire de poule. C’était un sentiment intense, quelque chose de magique en train d’arriver.

Il était évident pour chacun que ce n’était pas la réaction normale de ces chevaux, ils semblaient vraiment en train de faire une déclaration.

Les gens étaient ébahis, même la police. Personne ne savait vraiment quoi faire. Tout cela semblait si peu naturel, un comportement tellement étrange, les chevaux auraient dû s’enfuir, mais ils s’en sont tenus à une route menant directement aux souches des chênes, en passant la sécurité et les tronçonneuses… c’était incroyable à voir.

Je savais lorsque je filmais que c’était un moment rare… Je m’inquiétais de savoir si la caméra tournait bien… Mais j’ai juste laissé la caméra tourner.

Les chevaux se sont enfuis et ont disparu aussi rapidement qu’ils sont arrivés, laissant chacun en train de se demander si c’était vraiment arrivé.

Nous ne savons pas d’où ils venaient et où ils sont partis. J’ai vite rembobiné la vidéo pour voir si l’enregistrement était ok… C’était bon. Un groupe d’entre nous s’est assis en cercle et a regardé la vidéo sur la caméra…

Nous savions que nous avions une sorte de dynamite. C’était comme si les chevaux nous avaient donné le film de manière exprès. Je savais alors là-bas que la vidéo aurait un grand impact… Même si je dois admettre que je ne savais pas à quel point !

3. La vidéo a eu un grand succès, de manière alternative. Peux-tu nous dire comment cela est arrivé, et comment tu l’as compris?

Je suis rentré et j’ai immédiatement commencé à monter le film, écrivant le poème pour aller avec et trouvant de la musique pour aller avec l’atmosphère.

Je connaissais Paul d’Undercurrents [une agence de vidéos alternative] et ainsi je lui ai envoyé mon montage brut, que j’ai fait en utilisant deux machines vidéos VHS. Il m’a demandé d’aller au studio d’Undercurrents, qui était à Oxford. Je suis allé là-bas et ensemble nous avons montré une version de meilleure qualité.

Il a aimé le film, et rajouté aux prochaines vidéos d’Undercurrents. Le reste relève de l’histoire. Cela a été repris par [la chaîne de télévision] Channel 4 en Grande-Bretagne et c’est passé à la télévision nationale aux côtés d’autres nouvelles vidéos alternatives.

Les choses sont restées calmes pour quelques années et ensuite lorsque la vidéo a pu facilement être mise en ligne sur internet, quelqu’un l’a jouté à un site web… Cela a ensuite été copié et ajouté à de nombreux sites et festivals de film. La vidéo a suivi sa propre vie. Je pense que cela parle vraiment aux gens d’une manière qui n’est pas celle des autres films environnementaux.

Je reçois de nombreux emails de gens au sujet de ce film, et j’ai reçu des milliers de commentaires positifs. On peut le voir ici.

La vidéo a été traduite dans de nombreuses langues et a été au programme de nombreux festivals de film dans le monde entier… Pas par moi!!! Les gens le réclament pour eux, ce en quoi je suis très heureux.

La raison pour laquelle cela est devenu « viral » est que les gens veulent vraiment la faire partager. Ils veulent que leurs amis les voient, et cela continue. Je ne peux en assumer la responsabilité… Ce n’est pas mon idée… J’étais seulement au bon endroit au bon moment avec un camescope.

4. Peux-tu nous parler de toi?

Mon nom est Mark Caroll. J’ai 42 ans maintenant et je vis à Brighton avec ma partenaire et notre fille de sept ans.

Au moment de la rocade de Newbury, je vivais dans un camion et j’étais impliqué dans toutes sortes d’actions et de protestations pour l’environnement.

Je fais également de la musique et j’ai fait partie d’un groupe pendant plusieurs années, mais désormais je suis installé à Brighton et travaille en ce moment comme designer web et graphique. Je pense que la technologie peut nous sauver, et j’ai de grands espoirs pour la communauté internationale que nous construisons par internet, mais je crois fermement que nous devons abandonner notre société de consommation.

J’ai quatre parcelles de terrains, où nous produisons bio et nous produisons une partie importante de notre propre nourriture.

Ma petite fille a pratiquement grandi sur nos parcelles… et reconnaît désormais tous nos végétaux… C’était important pour moi comme j’ai grandi détaché de la nature, et je ne savais pas à quoi ressemblait un plant de pommes de terre jusqu’à ce que je sois adulte! J’aime le monde naturel et mon idée du paradis c’est la randonnée dans les montagnes.