Nisso Pelosof et les hortillonnages d’Amiens

Nisso Pelosof, est mort, à 90 ans ; il n’est évidemment pas très connu mais ce juif grec rescapé d’Auschwitz a joué un rôle essentiel dans la sauvegarde des hortillonnages à Amiens, dans le nord de la France.

« Hortillon » signifie en langue picarde un « petit jardin » et un hortillonnage est une zone de culture maraîchère entrecoupée de canaux, fondée sur d’anciens marais. A Amiens ces hortillonnages font 300 hectares, et datent de l’époque gallo-romaine : ils faisaient alors 10 000 hectares.

En fait, en plus d’Amiens, ils débordent sur Longueau, Rivery, et Camon, avec 65 kilomètres de voies d’eau, fossés et de canaux, appelés des « rieux. »

Seulement 25 hectares sont utilisés aujourd’hui par une dizaine de maraîchers, le reste étant en friche ou bien lieux de résidences secondaires, sur 450 parcelles de terre.

Nisso Pelosof est justement à l’origine de l’association pour la sauvegarde du site et de l’environnement des hortillonnages.

C’est cette association qui organise la visite (de 45 minutes) des hortillonnages en barques électriques, du 1er avril au 31 octobre. 100 000 personnes effectuent cette visite chaque année.

Rescapé d’Auschwitz, Nisso Pelosof s’était installé à Amiens en 1951, avec sa femme. Le couple avait acheté une parcelle de terre dans des hortillonnages (qui n’avaient alors pas leur reconnaissance d’aujourd’hui) et Pelosof a fondé l’association qui avait initialement comme but de contrer le projet de rocade fait en 1974, rocade devant traverser les hortillonnages.

En défendant les hortillonnages, Pelosof a permis de remettre en avant un rapport positif avec la nature. Les hortillonnages font d’ailleurs partie de la tradition populaire amiénoise: la légende populaire veut même que la cathédrale d’Amiens a été construite en 1220 sur… un champ d’artichauts!

Ce champ appartenait, ou aurait appartenu, à deux « hortillons » et on peut retrouver leur tête dans la cathédrale (sur la « Porte du Puits de l’Oeuvre » qui est face au coeur, près de Saint Firmin, avec une femme portant une coiffe appelée la guimpe et un homme qui porte le « petit béguin »).

Les hortillonnages sont ainsi vraiment une expression populaire de rapport à la nature, mais bien souvent ce rêve bucolique est associé alors… à la pêche (anguilles, poissons blancs, brochets, tanches), ce qui est évidemment une perspective totalement dénaturée.

Alors que les hortillonnages devraient être plutôt vus comme une idée géniale de remettre en cause nos sinistres villes, qui bien souvent ont recouvert de rues goudronnées les fleuves et rivières! A nous de casser ces rues et de ramener à la surface ces cours d’eau, pour qu’ils revoient la lumière et nous revivifient!