« Un Vegan au pays du foie gras » ou pourquoi je n’irai pas à la « Veggie Pride »

Voici un texte (publié sur Indymédia) au sujet de la Veggie Pride et de la situation du mouvement « animaliste. » C’est un texte long, très long, voire trop long peut-être, mais qui vaut le coup d’oeil.

Même si finalement, il dit plein de vérités pour pas forcément grand chose de notre point de vue, car il arrive au véganisme et à l’écologie en tentant de dépasser le « mouvement animaliste. » Or, en ce qui nous concerne, nous n’y arrivons pas, nous en partons dans un grand élan nous menant à la défense de la nature…

Une nature qui est la grande oubliée de ce document, un comble alors qu’est mise en avant la libération de la Terre. Il y a là une incohérence profonde.

Pareillement, la démarche est classiquement « antispéciste » dans son approche des animaux, encore et toujours considérés ici comme des êtres « abstraits » (il n’y a ni appel à l’adoption, à soutenir les refuges, à s’ouvrir à la vie animale et végétale, etc.).

Bref, pas de Gaïa, mais simplement un antispécisme « refondé » en piochant dans la libération de la Terre…

D’emblée, il faut dire que j’écris d’un point de vue « individuel ». Que je ne me pose pas en « guide » et n’incite personne à « me suivre » ou à adhérer à une organisation politique en particulier.

Même si je me rattache à des idées et luttes que je ne cache pas, et que je vais défendre ici avec ma façon de voir, mes conclusions ayant rapport à ma « courte » expérience dans les milieux « animalistes » (tout ce qui a trait à la question des animaux), et je veux seulement exposer pourquoi je défend le principe de libération animale et de libération de la Terre, et contre l’exploitation humaine, et pourquoi ça me conduit « paradoxalement » à refuser de me rendre à un des plus grands rassemblement « animalistes » de ces dernières années qui soit organisé en France : La veggie pride.

Même si je considère que la veggie pride et son gloubiboulga militant est une escroquerie, et comme je me suis rendu aux autres depuis que je suis vegan (déjà quelques années…) je souhaitais me rendre à l’édition 2011 de cette marche de la veggie pride qui se déroule à Paris le 11 juin 2011 : parce que c’est (malgré tout) toujours l’occasion d’y faire des rencontres, de partager, de garder un oeil sur l’évolution des diverses composantes de ce mouvement et de convaincre -les meilleurs ennemis de la veggie pride qui partagent mes arguments contre celle-ci y ont en général tous et toutes été au moins une fois-. Plusieurs raisons qui me semblent valables m’ont cependant convaincu de ne pas y aller.

Je crois qu’il est important que je dise pourquoi : déjà parce que je partage en premier lieu l’idée que « l’inaction est une trahison » en général lorsqu’on prétend être engagé dans une lutte, et en particulier lorsqu’on prétend vouloir lutter pour les animaux et plus généralement la nature qui sont des êtres sensibles ou des ensembles qui ne peuvent pas se défendre par eux-même, comme l’ont si bien remarqué les « libertaires » du journal de l’O.C.L dans l’anti-véganisme primaire de leur article « vegan, une mode pour temps de crise ».

Ce devrait être la première raison de la solidarité et de l’entraide : aider, soutenir et arracher des griffes de la domination sociale les êtres qui ne peuvent pas le faire par eux-mêmes (même si je défend de tout coeur l’idée d’autonomie des luttes, de la nécessité de mener des luttes spécifiques et d’auto-organisation, à chaque fois que c’est possible : c’est à dire dans l’ultime majorité des cas).

Cela étant dit, il faut à ce sujet rétablir une vérité sur laquelle nous reviendrons dans le développement de ce texte. En effet, si la plupart ne sont pas capables de se libérer des cruels stratagèmes mis en place par les être humains pour les asservir, pour autant l’idée que les animaux ne se défendent pas, ou ne se révoltent pas est absurde : de nombreux chiens maltraités tuent leurs maîtres en leur déchirant la jugulaire ou en les mordant au sang et sont ensuite euthanasiés, certains animaux en cages saisissent le moment d’inattention humaine pour s’enfuir et se défendre violemment lorsqu’on essaye de les reprendre, etc…

La plupart des animaux, lorsqu’ils ressentent de l’hostilité, chercheront à se défendre, parfois même en groupe, et généralement se battront pour sauver leur vie et reprendre leur liberté.

Pour en revenir à ce que j’identifie comme des impasses, je peux déjà commencer par dire qu’apriori, le mouvement « animaliste » étant faible en France (et en particulier la tendance pour la libération animale, qui y est marginalisée derrière une tendance majoritaire de plus en plus marquée qui est celle du « réformisme à dominante végétarienne »), je considère en général -à l’inverse de pas mal de vegans assez dépités de l’état du mouvement en France- que tout « grand » rassemblement qui pose la question de l’animal comme sujet politique et le relie à celle de l’exploitation (même de manière parcellaire) est intéressante et représente toujours une occasion de rencontrer des personnes sensibles à ces questions et de les faire évoluer, d’évoluer soi-même et de développer un véritable mouvement de libération animale. Bref, de pousser la contradiction, de mettre les choses en branle, en mouvement : de refuser la stagnation, voir les retour en arrière.

J’aurai même tendance à dire que malgré tout les reproches qu’on peut lui faire (notamment sur la confusion complaisante entre « protection animale » et « libération animale », « pisco-ovo-lacto-végétarisme » -bientôt carno-végétarisme ?- et véganisme, etc…), la « veggie pride » restait jusque là malgré tout une occasion de renforcer les solidarités et les connaissances, créer des opportunités de rencontre et même de manière extrêmement insignifiante : d’espérer que le mouvement évolue vers plus de cohérence politique et donc plus de pertinence et d’efficacité. Mais depuis des années, c’est exactement l’inverse qui se produit.

Lorsque les gens à l’origine de cette « veggie pride » sont pour certain-e-s des vegan-e-s sincères depuis des années, qui ont fait les 400 coups du militantisme et de l’activisme pour la libération animale (et parfois bien plus : pas seulement pour les animaux) et se retrouvent aujourd’hui avec ce mouvement ridicule entourés de gens qui assument désormais de ne mettre qu’en avant le « végétarisme », en se victimisant dans une attitude complaisante de soi-disants « exclus ». Attitude qui confine au plus pur narcissisme petit-bourgeois où la dénonciation de la « végéphobie » devient l’argument suprême en faveur … des animaux ?

Il est clair qu’avec cette attitude, qui consiste à prétendre qu’il est « difficile d’être végétarien » (ce qui est complètement faux, et en particulier à paris ou ile de france où il est facile de trouver une alimentation ovo-lacto végétarienne à bas prix, et que le végétarisme « ovo-lacto » -ou pire « pisco »- a même plutôt bonne presse depuis quelques temps…) n’amènera certainement pas les gens à devenir végans (c’est à dire pleinement « végétariens » -après tout, depuis quand les oeufs et le lait poussent sur les arbres ?-) de manière conséquente.

Parce qu’elle pousse ses participant-e-s à se présenter comme des gens « courageux » au seul prétexte qu’ils ont renoncés à quelques petits privilèges de l’exploitation animale, et encore : même pas à tous.

Je vais donc expliquer pourquoi selon moi, les idées de véganisme, de libération animale et de libération de la terre sont essentielles et inséparables, et pourquoi il est préférable d’aborder les choses sous cet angle plutôt que sous le seul angle de l’anti-spécisme et de la souffrance animale, en commençant par expliquer en quoi l’actuel mouvement et ses principales composantes font fausse route.

Pourquoi surtout, cette « fausse route » nous conduit à adopter ces attitudes dénoncées plus haut plutôt qu’à évoluer vers des mouvements écologistes radicaux, réellement politiques, végans ou pro-vegans (c’est à dire mettant en avant le véganisme même lorsque certaines personnes ne sont « que » végétariennes : parce que c’est la seule véritable démarche cohérente vis à vis des animaux) et défendant clairement l’idée de libération animale (même si cela se fait souvent avec une large composante welfariste-réformiste) comme cela s’est fait dans d’autres pays comme l’angleterre, l’allemagne ou l’autriche,etc.

C’est à dire des pays où ces mouvements sont arrivés dans un lapse de temps plus ou moins court à des résultats conséquents : création d’un large mouvement vegan avec une culture de libération animale (mettant en avant la nourriture végétalienne dans les grands rassemblements culturels ou contestataires), abolition de la chasse, réduction drastique ou interdiction dans certains cas de l’expérimentation animale, obligation de mention sur les produits alimentaires ou autres de préciser si il contiennent des produits animaux, ont poussé des grandes entreprises à arrêter l’expérimentation ou l’exploitation animale ou à fermer, etc…

Toutes ces choses qui si elles ne sont pas « l’abolition ou la libération animale totales », représentent des avancées conséquentes et tangibles en ce sens et reposent sur des mouvements puissants, offensifs et cohérents qui s’en revendiquent.

Pour développer mon point de vue, j’ai la sensation qu’en france, le mouvement pour les animaux est resté prisonnier de plusieurs pièges qu’on pourrait aborder sous deux angles de vue :

Le premier est celui de la « protection animale » : évidemment, cette tendance est complètement « apolitique » (du moins « a priori », parce qu’elle refuse toute réflexion politique sur la thématique animale comme sur le reste) et considère le problème des animaux comme un problème à « traiter », à « gérer » de la manière la plus « humaine » qui soit et surtout par l’invocation de la loi et de la « justice » (tendance qu’on retrouve même chez certains vegans, comme ceux de « vegan.fr » : le rejet de la politique confinant au slogan « c’est une question de justice ») .

Il est donc essentiellement associatif, légaliste et moraliste. Il consiste surtout à jouer sur le sentimentalisme (jouer sur les émotions des gens) et à tenter de sensibiliser sur la question de la souffrance animale. Ses « bons points » sont que ses militant-e-s mettent en général en avant le fait d’adopter des animaux (pour leur offrir refuge et éviter l’euthanasie ou les mauvais traitements) et de se comporter de la manière la plus « respectueuse » qui soit envers ces derniers, tout en reconnaissant que les animaux peuvent souffrir, ont des besoins et des désirs.

Toute proportion gardée, je prétend que ce sont des bons points car dans le marasme dans lequel nous sommes, la plupart des gens refusent aux animaux l’idée qu’ils peuvent souffrir et que si ils traitent plus ou moins bien « leurs » animaux de compagnie en général (parce qu’ils savent que cela leur procure « comme par magie » l’affection et la fidélité de ces derniers), ils n’éprouvent aucun sentiment à l’idée de manger quotidiennement les cadavres des autres animaux qui sont « faits pour », et ressentirons parfois du plaisir ou de l’amusement à voir d’autres animaux se faire torturer (comme sur les vidéos de violences qui circulent sur youtube ou d’autres sites, illégales comme les combats de chiens, tolérés comme les combats de coq ou simplement légaux comme la corrida…).

Si on leur laissent la parole, les partisans de cette stratégie arguent souvent aussi que leur activisme a permis des évolutions dans la loi, ou au moins dans les moeurs puisque les lois restent souvent lettres mortes ou au moins inefficaces lorsqu’elles ne reposent pas sur une culture forte qui soutient ces avancées (la police et la justice se moquent bien plus de la situation des animaux que de celles de certaines catégories -minoritaires ou non- d’êtres humains qui sont déjà dans des situations d’oppression extrêmes et tout aussi intolérables, à moins de servir d’alibi, lorsqu’il s’agit par exemple de condamner un violeur, un patron « voyou » ou des crimes racistes.

Alibi parce que le fait de condamner des gens voir les enfermer ou même les tuer ne réparent pas les préjudices subit et évitent encore moins la dégradation des conditions d’existence des exploité-e-s humain-e-s ou non-humains lorsque les systèmes d’oppression racistes, sexistes, de classe, et spécistes se maintiennent, voir se renforcent et augmentent donc la reproductibilité et la violence des préjudices infligés aux exploité-e-s humains et non-humains.)

Cet argument me semble essentiel : dans les problèmes humains comme pour les animaux, l’Etat est dans une incapacité technique à résoudre les problèmes sociaux, et d’abord parce qu’il existe comme instrument d’exploitation : d’une classe sur une autre, d’un sexe sur l’autre, et d’un genre sur les autres (hétéro-patriarcat), à la faveur d’une « identité nationale » plutôt que d’une autre, donc d’un modèle culturel et ou « racial » -excluant par définition-, des animaux humains sur les non-humains, de « l’Homme », sur la nature, etc.

On pourrait, de ce point de vue, parler de « l’immoralité » de la peine de mort, de la torture, des conditions d’enfermement dans les prison, et même de la prison elle-même (du fait d’enfermer et séquestrer des « animaux humains »). Et nous ferions la même chose que ce que fait la S.P.A ou brigitte bardot avec les animaux, mais avec les humains cette fois-ci : c’est à dire en ne parlant que de « morale ».

C’est en fait une façon d’appliquer le statut d’animaux en tant que sujets, tels qu’ils sont perçus dans la mentalité et la culture dominannte, aux êtres humains (comme des êtres tout juste « sensibles » incapables de vivre et se mouvoir par eux-même ou elles-mêmes et qui ont besoin d’une autorité supérieur pour bien vivre) : lorsque l’idée de libération est bien plus puissante et radicale parce qu’elle critique à la fois la manière dont les animaux non-humains sont traités, mais aussi la manière dont la terre, et même et surtout l’ensemble des animaux, c’est à dire en premier lieu et de « notre » point de vue les êtres humains (et notamment les plus opprimé-e-s) sont traité-e-s et dans quels systèmes de domination ils et elles sont impliqué-e-s, parfois comme exploiteurs, souvent comme exploité-e-s, presque toujours comme tel dans le cas des animaux.

Cette mentalité de « pitié » à l’égard des animaux devrait nous interroger parce que la pitié est un sentiment « culturellement théologique » (ce qui veut dire qu’on a pas besoin d’être soi même croyant pour reproduire un schéma religieux), et qu’il a toujours été réservé à des êtres perçus comme faibles et condamnés à l’être par la morale et/ou les « saints écrits ».

Les animaux ne sont pas « mignons » ou « gentils ». certains sont capables de nous déchiqueter en quelques secondes juste parce qu’ils nous perçoivent comme une menace ou ont faim. Mais nous ne devons pas projeter sur les animaux ni nos mauvais comportement (« agir uniquement par pulsions du moment ») ni nos visions idéalisées de ce qu’est le bien (« gentil », « mignon », « doux », « rassurant », « protecteur », « providentiel »).

Parce qu’agir ainsi procède d’une pensée cruellement limitative, et ne peut résoudre la question des animaux car comme nous l’avons vu : les êtres humains, comme les autres animaux, peuvent être « doux », « attentionnés » et « gentils » puis se comporter froidement quelques secondes plus tard. Mais ces comportements, en particulier chez les êtres humains n’ont rien de « naturels » (au sens d’innés et d’immuables), ils dépendent simplement des circonstances.

Les animaux sont placés dans des circonstances qui les obligent à être violents (pour se libérer d’un piège, pour manger, pour survivre en bref). L’étude de la psychologie animale révèle que les animaux changent de comportement et de mentalité en fonction du milieux dans lequel ils sont placés, de la satisfaction de leurs besoins et désirs, et de l’hostilité qu’ils rencontrent.

Comme chez les être humains, l’enfermement tend à les dégrader, les abrutir, leur provoquer des psychoses ou des dépressions, les rendre renfermés sur eux-même et apathiques, méfiants et/ou aggressifs, et parfois même à refuser de se reproduire (absence de libido en captivité ou simple apathie dépressive).

Souvent, les humains aussi sont violents (et parfois, c’est complètement « justifié », lorsque que comme les animaux : le but est la résistance à l’oppression et la révolte contre la domination), mais rien ne nous oblige dans l’ultime majorité des cas à être violent vis à vis des autres animaux : certainement pas pour manger, à moins d’être perdu dans la jungle ou de confronter une famine du à une catastrophe naturelle ou des régions arides et désertes lorsqu’en bref c’est « ça ou mourir de faim ». Mais ces situations n’existent pas en France, ou quasiment pas, et même la plupart des sans-abris ne chassent pas pour se nourrir (du moins dans les grandes villes et en périphérie).

Nous ne devrions pas nous identifier uniquement qu’à la « nature » ou penser que tout comportement humain n’est acceptable ou « bon » que parce qu’il est « spontané » ou « naturel », même lorsqu’il tend à défendre les animaux dans certains cas.

Nous devrions nous interroger sur les motivations, les dires, et aussi les silences de chacun de nous : si le but de nos combats ou luttes est de libérer les animaux de l’exploitation humaine, et à fortiori de nous en libérer nous-même, alors nous ne devons pas nous complaire dans le sentimentalisme, parce qu’il se révèle, pour les raisons exposées plus haut, parfaitement impuissant à changer les mentalités de manière significative, et à s’attaquer au système de l’exploitation animale.

Parce que le sentimentalisme, comme la pitié et le moralisme, procède d’une façon de penser très religieuse, qui consiste à s’appesantir sur le sorts des martyrs en réclamant que « Dieu » ou une quelconque autorité morale (y compris la justice) fasse les choses à notre place.

Et les « choses », c’est de changer les mentalités, de faire évoluer la critique, et de détruire une culture de mort fondée sur l’exploitation des êtres humains, des animaux en général et même de la nature. A ton jamais vu « Dieu » ou un système judiciaire ou un quelconque « pouvoir public » se manifester significativement pour venir à bout de questions aux implications si profondes et si importantes ? Il est clair que non.

Et il y a une bonne raison à ça : Dieu et la justice ont cela en commun d’avoir été inventés pour déposséder les gens de leur capacité à changer les choses en profondeur dans la société, et pour parler simplement : tout les grands changements significatifs apportant plus de liberté ou de « bien-être » dans l’histoire se sont fait contre les deux et en particulier dans l’histoire contemporaine (même si la justice a presque toujours tenté de formaliser les « acquis sociaux » des luttes politiques, ce qui a surtout consisté à en faire des acquis « juridiques » facilement démontables : c’est un autre exemple du fait que seule la lutte, et l’action payent) et par l’action autonome des exploité-e-s et leurs soutiens.

La loi n’est rien d’autre qu’un rapport de force -au service de qui contrôle l’Etat- (qui est, et a toujours été un instrument de classe et de domination), et il n’est donc pas étonnant que rien de solide ne puisse reposer dessus étant donné que celle-ci change en fonction des intérêts des classes dominantes, et que celle-ci n’a clairement pas intérêt à ce que l’exploitation animale soit réduite (au moins dans un premier temps, on peut aussi imaginer un système dans lequel l’exploitation animale redevienne un luxe bourgeois ou seul certains produits « bios » par exemple, très couteux, soient tolérés – c’est déjà en partie le cas concernant les produits animaux « de qualité » et des produits alimentaires en général) et encore moins à ce qu’elle disparaisse.

En effet, la disparition de l’exploitation animale signifierait la fin d’un monde pour une classe dominante qui a toujours apprécié (comme le remarquaient déjà les philosophes des Lumières) de s’exposer comme grande consommatrice de produits animaux, et en particulier de produits « non alimentaires » de « richesse ostentatoire » : des cosmétiques à la fourrure en passant par le cuir (souvent vu comme plus « masculin ») et tout ses dérivés. Ce sont aussi les vestiges du colonialisme et de sa mentalité qui a toujours vu dans les produits animaux de luxe (alimentaires ou non) comme un certain « exotisme ».

Qui, dans les pays industrialisés aujourd’hui, à part des bourgeois occidentaux, mange du requin ou consomme de la fourrure de vison, se vente de porter un bijou en peau d’animal mort ou voit dans la chasse quelque chose de romantique ? L’exploitation animale est intimement liée à l’exploitation d’une classe humaine sur une autre, et même sur plusieurs autres.

N’est-ce pas Louise Michel qui disait à peu près que « plus l’homme est cruel envers le bête, plus il est rampant devant ceux qui le dominent » ? Le style « baroque » d’une bourgeoisie en pleine auto-célébration d’elle-même dans un monde où les 2/3 de l’humanité ne possèdent quasiment rien sinon les moyens rudimentaires de sa survie, ne peut pas ne pas être mise en lien avec l’exploitation animale et sa défense idéologie virulente jusque dans les milieux politiques dits révolutionnaires.

Elle ne peut pas être ignorée. Et réciproquement, la lutte pour les animaux et leur libération ne peut plus se payer le luxe de refuser aujourd’hui encore de faire le lien avec les autres questions humaines, c’est à dire de la « politique » (au sens « noble » du terme : comme « vie de la cité » impliquant tout le monde, et non justement comme seul « lobbying », spectacle médiatique ou de la gestion).

Elle ne peut plus non plus se payer le luxe d’ignorer à quoi l’exploitation animale est liée culturellement, idéologiquement et politiquement : et ainsi comment la combattre réellement et espérer y mettre un terme ou au moins la faire reculer à court terme dans les mentalités comme dans la réalité.

Il est inquiétant qu’en 2011, ces associations de « défense animale » ne trouvent rien à dire au fait qu’on veuille enfermer en hôpital psychiatrique quelqu’un qui s’attaquait à des abattoirs (un lieu ou les animaux pourraient sans doutes être « mieux traités » ? Pardonnez l’ironie) ou qu’un couple de végétaliens soient condamnés pour la mort accidentelle de leur bébé en mettant en cause leur régime alimentaire (ce qui s’apparente à un procès politique), qu’un groupe de végans soit terrorisé par la police simplement pour des prises de positions en faveur de la libération animale et de ses prisonniers à l’étranger.

Le silence de ces associations et organisation est inquiétant parce qu’il traduit cette incapacité à prendre position sur des sujets politiques graves et sensibles dans l’actualité récente et cela même quand « ça s’est passé près de chez vous » (parce qu’ils sont polémiques et risqueraient de « perturber » leur petite lutte parcellaire, ou simplement parce que certains des ces gens pensent au fond que le végétalisme est « dangereux » ou pas essentiel, ou peut être que les abattoirs sont sans doutes tolérables d’un point de vue « animaliste » -osons la question-) même lorsque ces sujets concernent directement la question des animaux, et que ce sont ces associations qui sont les plus directement concernées et donc censées réagir à de tels événements. Au lieu de cela, on préfère y parler de « végéphobie » tout en métant seulement en avant un régime alimentaire qui ne défend même pas complètement les animaux. C’est là qu’est l’escroquerie

On aura au mieux droit à un communiqué larmoyant (ce qui n’a pas été le cas de tout le monde pour les cas cités) : on peut légitimement se demander si c’est suffisant. Je pense que c’est à partir d’un tel constat qu’on peut résolument comprendre que ce type d’organisation est au mieux complètement insuffisant, et parfois même franchement limitant et incapacitant puisqu’il engage des individu-e-s, leur temps et leur énergie dans des stratégies et des organisations qui sont incomplètes, voir même mauvaises (puisqu’inefficaces et parcellaires).

En outre, je ne crois pas qu’on puisse faire confiance à des associations qui passent leur temps à jouer sur les sentiments et la morale en se payant des affiches de pubs gigantesques et extrêmement onéreuses sur le fait qu’il ne faille « pas manger de viande de cheval » parce que le « cheval est notre ami » lorsque c’est sans doutes l’une des viandes les moins consommées parmi les produits animaux, et que ce type de campagne ne fait pas le lien avec le simple fait de manger de la viande comme un problème, mais encore que l’argent pourrait être employé à des choses simplement plus utiles : comme dénoncer directement les abattoirs, l’exploitation animale ou que sais-je… quoi que ce soit de plus essentiel et de plus fondamental !

Quitte à parler d’un animal en particulier, je préfère de très loin une affiche anglaise qui disait il y a longtemps « mangeriez vous votre chien ? » (puisqu’elle pose la question de la hiérarchie de valeur entre les différentes espèces d’animaux dans la culture). On ne peut de toute façon pas faire confiance à un mouvement de « défense animale » qui en vient à tolérer l’exploitation animale ou à observer un silence complaisant devant la répression de ceux et celles qui le combattent en actes.

L’antispécisme me semble être l’autre « écueil » dans lequel est tombé le mouvement animaliste. Il constitue sa frange en général la plus « radicale » dans l’imaginaire collectif : se dire antispéciste, c’est être vu comme « plus radical » que le simple végétarien ou le défenseur des animaux.

La critique antispéciste, qui est en général déjà plus avancée parce qu’elle défend le véganisme, exprime en effet une idée déjà plus radicale, qui consiste à dire que les espèces animales et la hiérarchie entre ces espèces est une construction sociale humaine faite pour justifier la domination sur les autres animaux.

Le problème est que cette critique s’est très vite constituée en une idéologie auto-suffisante et un peu four tout, où peuvent s’identifier à la fois ovo-lacto-pisco-végétariens, végétaliens et vegans, quelle que soit leur positionnement politique, qu’ils soient athées dogmatiques à la limite du fascisme (je suis athée moi même et me sens mieux au contact de rationalistes athées, mais même si je me montre critique vis à vis de la religion, je ne pourchasse pas ou ne cible pas pour autant les religieux ou certains adeptes de religions en particulier, ni ne les tiens pour particulièrement responsables de l’exploitation animale : il s’agit plutôt de la religion en général, et de ses principaux prêches et représentants) ou inversement de vegans complètement mystiques (les délires sectaires sur la conception hindou de la nature, les gens qui fantasment sur les djaïns, et les « aspects positifs » de la spiritualité vis à vis des animaux et de la nature).

L’antispécisme académique pose aussi un certains nombre de problèmes et notamment lorsqu’il revêt l’habit du calcul utilitariste le plus méprisable : qui irait jusqu’à justifier les tests sur les êtres humains ou l’eugénisme au prétexte qu’il vaut mieux agir pour « plus de bien être » du point de vue « social » sans autre considération éthiques, politiques et philosophiques.

Ce genre de raisonnement peut facilement justifier l’esclavage, la stérilisation forcée de masse, l’eugénisme ou d’autres abominations dans un certain contexte. Parce que le bricolage utilitariste oublie presque toujours d’intégrer dans son calcul une donnée essentielle, à savoir se poser la question de « plus de bien être pour qui ? ».

L’antispécisme ou tout autre animalisme académique (« l’abolitionnisme » hippie et dogmatiquement légaliste de Garry Francione par exemple) pose aussi un autre problème, plus fondamental, de par le fonctionnement de la pensée académique et de ses structures, car il produit des maîtres à penser, des mandarins de l’animalisme qui ont « tout mieux compris que tout le monde » et qu’il devient hasardeux de remettre en cause : même lorsque vous leur mettez le nez dans leur merde. A savoir que leurs idéologies circulaires ne sont ni les seules, ni forcement les meilleurs façon de voir le monde et de penser la lutte.

Ce qui est notoirement le cas de Peter Singer qui continue d’être invité depuis des années un peu partout dans les médias pour parler de l’égalité animale ou de la libération animale alors qu’il avoue n’être « que végétarien » (c’est à dire ni végétalien, ni vegan), ne fait plus grand chose, voir rien au niveau activisme (en gros, ne mouille plus trop la chemise), et a été le principal défenseur de l’antispécisme teinté d’utilitarisme à la sauce Bentham tel qu’exposé plus haut.

Il y a un autre courant que je relie à l’antispécisme, et qui est le « welfarisme » activiste à « l’américaine » (qu’on pourrait traduire par « réformisme animaliste » porté la bas et ici principalement par l’association d’envergure « multinationale » PETA, qui vient des états-unis.

Je dis « à l’américaine » parce que c’est l’image qu’en ont beaucoup de gens ici. Je n’ai rien contre les américains, certainement pas du point de vue de l’écologie radicale et de la libération animale. Ce n’est qu’une façon de parler) parce que ce courant partage en france l’essentiel de la critique antispéciste (même quand il ne s’en revendique pas) et se veut une solution à la question animale.

Il est donc principalement incarné en France par l’organisation internationale « Peta » (People for Ethical Treatment of Animals, ou « association pour un traitement éthique des animaux ») et quelques petites associations se revendiquant plus clairement et plus essentiellement de l’antispécisme (ses membres sont en général vegans et comparent souvent le spécisme au racisme et au séxisme, et sont en général plus critiques vis à vis du welfarism et de l’apolitisme mais leur analyse reste souvent strictement limitée à la seule question des animaux). Il faut aussi dire que le « Welfarism » est un terme anglais qui est lié à l’idée de « Welfare State », c’est à dire d’Etat providence, de l’Etat comme « protecteur » : qui est un concept social-démocrate et social-libéral.

Bien que les membres de la Peta, dans un esprit justement très « association humanitaire » se refusent à assumer des positions politiques très claires, ce courant est relié à la gauche social-démocrate la plus libérale et la plus « keynesienne », qui pense qu’il faut intervenir dans l’économie capitaliste uniquement pour mieux la sauver.

C’est en fait exactement ce que ce courant propose de faire pour l’exploitation animale : en limiter les « mauvais travers », les « dérives », ou les aspects les plus criants ou spectaculaires par la loi et l’évolution dans les moeurs, et pour le reste tenter d’offrir une mort « la moins douloureuse possible » jusqu’à parler de « viande bio et éthique », ou d’autres aberrations du même type.

Evidemment, tout-e-s les membres de Peta ne vont pas jusque là, et l’essentiel de sa composante, assez populaire, va en général à l’essentiel en défendant simplement le végétarisme, voir le véganisme comme la meilleur solution à la question animale. Le véganisme est en effet, je pense, la meilleur solution à l’exploitation animale car elle consiste à refuser purement et simplement tout les produits qui en sont issus : mais le dire ne suffit pas.

D’abord parce que cette position n’est pas toujours facile à tenir quand on a été éduqué à penser le contraire de ce qu’elle suggère (à savoir que les animaux ne devraient pas être considérés comme des objets), et en particulier lorsqu’on est pauvre et qu’on a pas beaucoup de ressources économiques, qu’on ne sait pas cuisiner ou qu’on a pas les bons plans pour « s’acheter son véganisme » comme le font certaines stars ou certains bourgeois par effet de mode avant de passer à autre chose.

Et d’autre part, le véganisme n’est pas la seule solution à l’exploitation animale, d’abord parce qu’il ne doit pas être considéré que comme un insignifiant ou temporaire « boycott » ou un acte individuel mais comme une tentative collective de construire une culture (notamment culinaire) saine et basée sur la liberté des animaux.

Mais cette culture du véganisme a d’autant plus de chances de se construire en dehors des associations « welfaristes » qui ne le mettent pas vraiment en avant et par des gens qui n’ont pas beaucoup de ressources du fait que ces derniers seront forcés de l’inventer, de la réinventer, de la porter par eux-mêmes.

Il est souvent argué que le véganisme serait une espèce « d’ascétisme ». Pour ma part (qui est rencontré pas mal de « vegans bon vivant ») je crois que cette vision des choses est très française et tend à voir la « culture gastronomique nationale » comme quelque chose d’exceptionnel et d’irremplaçable alors qu’elle est surtout constituée de produits animaux de luxe peu accessibles, très gras, qui rendent ses consommateurs facilement malades et a nécessité une production qui implique souvent plus de souffrance encore pour les animaux (le foie gras notamment).

Ici encore, le lien entre vie animale, idéologie, culture, position de classe et chauvinisme n’est pas à démontrer : étrangement, cette « vanité nationale » n’a pas cours (ou pas autant, et reste un argument facilement identifié comme bourgeois) dans des pays qui bénéficient pourtant d’une aussi grande richesse dans leur culture culinaire -même si cette appréciation reste en fait très contingente- (comme l’Italie, l’Espagne, ou plusieurs pays d’Amérique latine). Des pays où on trouve pourtant plus de vegans qu’en France.

En fait, ce qu’il faut dire est que la viande et le produits animaux « bon marché » -dont la qualité nutritive reste à prouver- constituent la base alimentaire de la plupart des gens en France comme dans d’autres pays, mais ici particulièrement où les apports en Fer, en Potassium, en protéines et en vitamine B sont faibles dans les produits végétaux de la cuisine traditionnelle française, ce qui n’est pas forcement le cas ailleurs où on favorise les associations « féculents-légumineuses », « Fer-vitamine C », les protéines végétales, etc. Dans des pays auxquels on ne pourra pas reprocher d’être sous le joug du « puritanisme anglosaxon » ou de ne « manger que des hamburgers » ou « de la merde » (je pense aussi au moyen-orient, à l’amérique latine ou à l’Inde), à moins de persister dans une remarquable mauvaise foi chauvine justement.

Je parle de ces choses en les incluant dans la critique de l’antispécisme car ce dernier tend aussi à accepter et limiter le débat avec ses contradicteurs sur la seule « faisabilité » d’une alimentation végétalienne ou d’un mode de vie vegan : ce qui n’est qu’une question de moyens et de bonne volonté (et surtout d’organisation collective). Les points que cet argumentaire occultent et qui sont d’une importance capitale sont en fait le caractère souhaitable et nécessaire, du point de vue humain, écologique et (donc pas seulement) animal du véganisme et de la libération animale.

Ces derniers ne sont pas seulement nécessaires parce que les animaux non-humains souffrent de l’exploitation animale, mais parce que les êtres humains et à fortiori la planète (comme habitât et comme ensemble vivant) subissent aussi les méfaits inhérents à l’exploitation animale.

En conséquence, le dernier reproche que je ferai à l’antispécisme (même si ce n’est pas le cas de tout ses partisans -« l’action antispéciste » notamment qui se démarque très nettement de tout les reproches que je formule ici– et c’est tant mieux, je parle ici de manière très générale) est qu’il cumule aussi parfois l’essentiel des reproches qu’on peut faire à la protection animale et que les deux se retrouvent dans une certaine approche du welfarisme : c’est à dire celle qui consiste à traiter la question animale dans une catégorie politique distincte (celle des animaux comme « sujets à part ») et dans son incapacité à questionner le lien entre exploitation animale, exploitation humaine, nuisances et destructions écologiques et capitalisme, et donc à faire le lien entre véganisme et écologie, libération animale et libération humaine : elle tend à tomber dans les mêmes pièges et les mêmes activismes centrés sur le moralisme qui aboutit à se comporter de manière méprisante, élitiste et prétencieuse envers tout les « non-vegans » ou les non-végétariens, et le sentimentalisme qui pense que crier des slogans provocants ou traiter tout les non-vegans « d’assassins » avec un mégaphone représente la quintessence de la lutte pour la libération des animaux. Que les choses soient claires : je ne rechigne pas à l’activisme.

Au contraire, je trouve même positif, et je pense nécessaire et relativement efficace dans la plupart des cas le fait par exemple, de faire de l’agitation devant une devanture d’un fast food d’une grande enseigne, de crier des slogans ou de décharger ses pulsions négatives en sortant dans la rue plutôt qu’en se droguant, en restant enfermé chez soi, ou faisant du mal aux autres : mais pas lorsqu’on s’imagine que c’est la seule chose à faire, qu’il est inutile de parler d’autre chose à travers cette thématique des animaux, et donc de le faire de manière élitiste.

En parlant aux autres de « respectabilité », de « crédibilité », en se présentant comme des modèles au prétexte qu’on est « bien habillé-e », qu’on « présente » comme un-e bon-ne militant-e et en moralisant tout les non-vegans (ou non-végétariens) ou en se prétendant irréprochables et donc « les meilleurs » -voir les seul-e-s- interlocuteurs/interlocutrices du mouvement : parce que ce genre de comportement tend à l’élitisme militant, est hermétique à la réflexion et à la critique, ne participe en rien à créer une culture populaire du véganisme et dissuade même parfois les gens de devenir vegans ou même végétariens (parce que « végétarien ça sert à rien »). Et même si ça y participait, cette conception de la lutte est autoritaire, et il en existe d’autres et de plus efficaces.

Cette interprétation apolitique de l’antispécisme, très répandue en France, peut aussi conduire (et il n’est pas étonnant qu’elle y conduise effectivement en période propice) à nier complètement les questions humaines, voir à rendre certaines catégories de population en particulier responsables des problèmes écologiques, animaux ou même humains : « la faute aux américains, aux musulmans, aux juifs, aux chinois, à l’immigration des pays de l’est etc. »

Et il n’est pas étonnant que toute la rhétorique de l’extrême droite française en « défense des animaux » soit centrée sur cette question (comme sur d’autres) sur le prétendu « problème de l’immigration » ou de catégories de populations qui seraient plus responsables que d’autres de l’exploitation animale.

Pas étonnant non plus que ce soit le F.N qui porte ces thèmes parce que c’est le parti d’extrême droite le mieux organisé en France, et pas étonnant non plus à ce que ce soit avec les idées et le chef de ce parti que Brigitte Bardot se soit découvert une proximité. Pas étonnant non plus à ce que dans le milieux de la « défense animale », on retrouve une proximité idéologique et politique entre certains membres d’un parti comme la « France en action » et les antisémites du Parti Antisioniste. Pas étonnant à ce que soit les mêmes qui critiquent le « véganisme politique » et l’idée même de libération animale.

Et enfin pas étonnant à ce qu’un groupe comme « Droits des animaux » qui se voulait à la base « plus radical » et même pour l’action directe se retrouve aujourd’hui, au milieux de toute cette mélasse à faire une fixette sur la religion musulmane et à produire une brochure culpabilisatrice à déstination des musulmans avec des arguments religieux !

Tout simplement parce que les dirigeants de ces organisations sont des opportunistes et même parfois pires, et qu’ils se moquent même parfois au fond éperdument des animaux et du véganisme (ou s’en moquent en tout cas plus que de leur carrière et de leurs prestiges individuels).

Ces dérives démontrent surtout, comme d’autres l’ont déjà dit avant moi, la nécessité d’une réflexion et d’une lutte antifascistes au sein du mouvement des animaux (comme dans la société en général). Ce sont sans doutes parmi les pires dérives qui existent dans l’animalisme, mais ce ne sont pas les seules.

En guise de complément et à titre d’exemple : il faut dire que l’idée de « réduction de l’exploitation animale » comme solution ultime est une aberration non seulement du point de vue animal et écologique, mais aussi du point de vue humain. Et le fait qu’on organise des rassemblements internationaux sur la seule thématique du « végétarisme » et de la « végéphobie », sans parler du reste après toutes ces années, et alors que des gens sont encore en prison, et maintenant en hôpital psychiatrique pour avoir combattue l’exploitation animale dans son ensemble démontre l’étendue du problème.

Notamment parce que personne ou presque ne parle de ces prisonnier-e-s, et de ces psychiatrisé-e-s (on pourrait aussi parler par exemple de ces agents de la norme que sont ces psychiatres pour qui « refuser la viande » est une forme de « cannibalisme refoulé », et en clair une pathologie à soigner).

Au final, c’est toute l’infrastructure sociale qu’on invoque, et toute sa superstructure qui se mobilise pour réprimer les tendances au véganisme, et la critique en actes de l’exploitation animale et de la nature. Du reste, manger des animaux et détruire la nature est une chose « naturelle » dans l’idéologie dominante, n’est-ce pas ?

On ne peut pas comprendre ça si on ne se demande pas comment fonctionne l’économie. C’est à dire le capitalisme. Beaucoup de monde, parmi les antispécistes s’accorde en général pour dire qu’il n’y a pas d’exploitation animale sans la grande industrie aujourd’hui.

Qu’un retour à une exploitation « familiale » est illusoire et même « petit bourgeois », que les animaux souffrent quand même et/ou ne sont pas libres et que son développement mène inéluctablement à un plus grand développement, dans le but de « démocratiser » ces produits.

Ce qu’on dit moins en revanche, c’est que historiquement, l’industrie du capitalisme a notamment pour origine l’exploitation animale (pas seulement, mais en partie). Le capitalisme s’est particulièrement développé dans les campagnes anglaises (ce qu’explique parfaitement une auteure comme Ellen Meiksins Wood dans « l’origine du capitalisme », malgré un ton très marxiste et professoral assez typique des universitaires anglais « de gauche »), avec pour base la production agricole et donc animale.

Dans le même genre universitaire, Theodor Adorno a tout aussi parfaitement démontré en quoi l’exploitation animale est en grande partie à l’origine de la violence entre les êtres humains et en quoi par conséquent, l’exploitation industrielle des animaux est une base de l’industrie capitaliste et de la division sociale du travail, de l’urbanisme, etc.

Du reste, « bourgeois » ne veut il pas dire, étymologiquement « celui qui vit dans le bourg » c’est à dire au centre de la ville ? L’industrialisation de l’exploitation animale répond pour la bourgeoisie à la double nécessité de satisfaire ses intérêts : en fournissant massivement une nourriture de basse qualité et peu coûteuse qui satisfasse les besoins alimentaires de la majorité de la société tout en continuant à exploiter la main d’oeuvre toujours plus massive. L’exemple le plus criant en france est celui des abattoirs de la Villette au début du 20e siècle, gigantesque complexe de mort qui alimentait toute la capitale et sa périphérie en viande bovine.

Mais on le sait aujourd’hui, ce développement industriel ne supporte aucun frein, et se perfectionne toujours dans sa « rationalisation », l’idéologie du capitalisme et son principe même impliquant d’aller toujours plus vite, de produire toujours plus de profits pour accumuler et concentrer toujours plus de capital, et donc d’exploiter toujours plus à la fois les êtres humains (à travers divers systèmes d’oppression), les animaux, et la Terre.

Mais à mesure que le temps passe et que ce système se restructure par les crises qu’il y a lui même provoqué, les êtres humains comme les animaux sont détruits et de plus en plus asservis de générations en générations.

N’est il pas inquiétant de penser que les poules ou les cochons d’élevages intensifs ne pourraient pas être « remis en liberté » du jour au lendemain parce que la plupart ne survivraient pas à « l’état naturel » tellement ils ont été « abâtardis » par l’exploitation ? Inquiétant parce que cela suggère que cette incapacité à éprouver la liberté et à faire preuve d’autonomie est le produit de la société dans laquelle nous vivons, et que ces phénomènes qui tendent à transformer les êtres sensibles en « espèces d’esclaves » s’appliquent malheureusement aussi à l’humanité (même si une fois encore, rien n’est immuable, bien heureusement).

C’est à dire que l’angoisse des gens qui disent « mais on ne peut pas remettre en liberté tels ou tels animaux » parce qu’ils auraient été trop domestiqués ou que leur milieux naturel à été détruit interroge notre propre capacité à éprouver la liberté, et dans quel environnement social, politique et écologique celle-ci est possible. En clair, la liberté et l’égalité totales sont souhaitables et nécessaires : mais elle sont rendues impossibles.

Dès lors, la question n’est pas « Est-ce possible ? » devant une impossibilité immédiate : mais comment se libérer de cette temporaire impossibilité ? Comment devenir libres ? Comment arrêter de regretter qu’on puisse désirer quelque chose ardemment tout en se résignant à penser que « ça ne marche pas ». Comment arrêter de se comporter comme une sorte de statue en cage qui dissèque des lieux communs en pensant que c’est là le meilleur des moindres maux dans le meilleur des mondes « possibles » ?

A mon sens, cela commence par constater que ce n’est pas avec des associations ou des organisations de défense animale, ou même avec des partis politiques (par nature éléctoralistes et/ou opportunistes, voir parfois sectaires et fascisants -comme la « France en Action » ou carrément fasciste comme le FN), citoyennistes, populistes, moralistes et sentimentalistes comme décrits plus haut qu’on pourra s’en sortir.

Et je pense malheureusement qu’un rassemblement comme celui de la veggie pride, tout comme la marche contre la vivisection, aussi européenne et « massive » soit elle (bien que j’en doute), ne fait figure que de démonstration d’hypocrisie et d’impuissance collective.

Les seules pistes qui me semblent cohérentes, je les ai déjà exposées. Je pourrai insister sur celle ci : partout, la lutte pour la libération animale doit faire le lien avec l’écologie (la libération de la terre), et avec l’émancipation humaine (et les luttes locales), se développer dans et avec les luttes populaires, parce que c’est seulement ainsi que ces luttes ont une chance de se renforcer mutuellement en prenant tout leur sens. Partout on doit aussi dénoncer et combattre en même temps qu’on parle des animaux, l’écocide : la destruction de leur habitat et qui est également le notre, la Terre.

Construisons un monde sans exploitation, sans dominations, sans hiérarchies, sans frontières, sans misères. Et pas de compromis dans la défense de la Terre.

Voilà ma conclusion, si je devais la résumer en une phrase : Pas de libération animale sans libération de la terre et sans libération humaine.

Comme disent les anglais : « One Struggle, one fight »

Signé : Un Vegan au pays du foie gras