« Il est navrant de constater que des universitaires dénigrent l’antispécisme de manière expéditive »

Une tribune a été publiée dans Le Monde, sous le sobre titre de « Il est navrant de constater que des universitaires dénigrent l’antispécisme de manière expéditive », et c‘est quelque chose qu’on attendait depuis longtemps.

Il est en effet d’une clarté totale sur le point de vue des Cahiers antispéciste, et donc également de L214. Il est dit de manière explicite :

  • que l’être humain ne serait pas un animal comme les autres (absurde ! qu’est-il alors?),
  • il n’en irait pas de l’amour des animaux et de la vie, mais d’une simple possibilité de ne pas faire du mal,
  • il ne faudrait pas considérer les espèces, mais seulement les individus,
  • il ne s’agirait pas de défendre la vie en général et d’ailleurs certains animaux n’éprouveraient aucune sensation !

Rien que ce dernier montre bien que ces gens sont des ennemis. Cela montre que nous avons parfaitement interprété la valeur de cette interprétation, il y a dix ans déjà… Et que heureusement il a été possible maintenir les principes essentiels de la libération animale face à cette vision individualiste anti-Nature !

Tribune. Le spécisme fait de plus en plus débat dans la société. Un spéciste peut estimer, par exemple, que le fait qu’un animal appartient à une espèce particulière peut justifier à lui seul qu’on puisse le tuer pour en consommer les chairs. En France, société spéciste, on mange ainsi du cochon, mais pas du chat et encore moins de l’humain.

Le mot « spécisme » a été inventé dans les années 1970 en analogie avec les termes racisme et sexisme. Un raciste ou un sexiste va en effet ne pas avoir la même considération morale envers des personnes en fonction de leur race (ou supposée race) ou de leur sexe. Ces trois idéologies participent donc de la même logique et fondent des rapports de domination, d’exclusion et de violence à l’encontre d’individus appartenant à des catégories dépréciées.

En revanche, pour l’antispécisme, l’espèce (à l’instar de la « race » et du sexe) ne peut constituer un critère pertinent de considération morale. Seul l’intérêt des individus est à prendre en compte, quelle que soit leur espèce.

Conséquemment, étant donné que l’on peut être en bonne santé sans consommer de produits d’origine animale et que les poissons, vaches, cochons ou poules ont un intérêt à la fois à ne pas souffrir et à ne pas se faire tuer, le mouvement antispéciste conteste la légitimité de l’élevage, de la pêche et des abattoirs.

Cette position bouscule bien sûr des traditions et des façons de penser millénaires. Elle remet aussi en cause le privilège que les humains s’arrogent de maltraiter les autres espèces selon leur bon plaisir. Qu’elle suscite des réactions de rejet n’est donc pas surprenant. Mais il est plus navrant de constater que des chercheurs la dénigrent de manière expéditive, comme en témoignent nombre d’interventions récentes en France.

Par exemple, dans un récent entretien, le philosophe Étienne Bimbenet récuse l’antispécisme parce que cette « idéologie » avancerait la « thèse […] contestable » selon laquelle « nous serions, [nous autres les] humains, des animaux comme les autres ». Ce qui conduit ce philosophe à parler des« outrances » de l’antispécisme et de son « aveuglement […] pernicieux [car] il se présente sous les traits d’un progressisme »tout en niant ce qui fait la spécificité humaine.

Or jamais l’antispécisme n’avance que les humains seraient des animaux comme les autres. Il soutient simplement que, d’un point de vue éthique, c’est la capacité, que possèdent les humains et beaucoup d’animaux, à ressentir des sensations et des émotions qui importe. Cela revient à reprendre le principe de justice selon lequel il faut traiter les cas similaires de manière similaire et donc à attribuer autant de considération à la souffrance d’une vache, d’un cochon ou d’une poule qu’à celle d’un humain.

Dans le même registre, l’anthropologue Jean-Pierre Digard a fraîchement écrit dans « Raisons et déraisons. Des revendications animalitaires. Essai de lecture anthropologique et politique », publié dans la revue Pouvoirs, que les antispécistes réclament « un traitement égal pour toutes les espèces ». À la suite de quoi, il peut ironiser que ce n’est pas « respecter tel ou tel animal que de le considérer et de le traiter pour ce qu’il n’est pas ».

Pourtant, toute personne qui prend la peine d’étudier un minimum l’antispécisme en se tournant vers le livre du philosophe australien Peter Singer, La Libération animale (Payot, 2012), qui a popularisé cette notion, peut lire que « l’égalité de considération morale » ne signifie pas « l’égalité ou l’identité de traitement ». Si le mouvement antispéciste estime en effet qu’il faut attribuer autant de considération à la souffrance des animaux sensibles qu’à celle des humains, il estime tout aussi important de les traiter différemment en fonction de leurs intérêts et capacités. La distinction est d’ailleurs explicitée dans toutes les présentations de l’antispécisme.

Enfin, dans sa récente tribune au Monde« L’argumentation biologique soutenant l’antispécisme est erronée », le biologiste Christophe Robaglia soutient que, selon l’antispécisme, « plus les organismes sont proches de l’homme, plus ils sont susceptibles d’éprouver une souffrance similaire à la sienne, qu’il faut éviter de leur infliger ». Il en déduit que l’antispécisme réintroduit, à l’encontre des enseignements de la biologie moderne, « une hiérarchie dans le monde vivant où les plus dignes d’attention sont évolutivement proches de l’homme, plaçant implicitement celui-ci au sommet de l’arbre du vivant ».

On ne peut pas plus se tromper sur l’antispécisme où il n’est jamais question de privilégier une proximité avec les humains. La souffrance d’un poisson, d’une poule ou d’un cochon compte autant que celle d’un chimpanzé. En outre, il est faux de dire que les organismes sont d’autant plus sensibles à la douleur qu’ils nous sont proches. Par exemple, les tuniciers sont plus proches phylogénétiquement des humains que les abeilles ; ils ne sont pourtant pas sensibles, tandis que les abeilles le sont.

On pourrait ainsi continuer longtemps à citer les erreurs des universitaires français sur l’antispécisme. S’il arrive à tout le monde de se tromper, il est plus problématique de constater à quel point ces chercheurs sont très mal informés sur cette philosophie qu’ils dénigrent. Ils ne lisent pas la littérature spécialisée sur le sujet, ne répondent pas aux critiques qui leur sont adressées et délaissent le dialogue avec les antispécistes.

C’est probablement parce que, pressentant que l’antispécisme conteste leurs privilèges d’humains, maîtres et possesseurs des autres animaux, ils sont pris de panique et réagissent avant même d’avoir mûrement réfléchi à la question. Hélas, cette attitude ne permet pas la mise en place d’un véritable débat sociétal, trop longtemps différé, sur le spécisme…

Les auteurs de cette tribune sont : Yves Bonnardel, cofondateur des « Cahiers antispécistes », Thomas Lepeltier, chercheur indépendant et membre associé au centre d’éthique animale d’Oxford, et Pierre Sigler,rédacteur aux « Cahiers antispécistes » et chargé de recherches documentaires pour l’association suisse « Pour l’égalité animale ». Ils ont publié « La Révolution antispéciste » (PUF, 360 pages, 17 euros).

Collectif

Le 11 juillet 2018

Louis Aliot et le front réactionnaire contre la cause animale

L’action antifasciste de Haute-Savoie a pris position et analysé l’appel de Louis Aliot, du Rassemblement National (ex-Front National), à « Combattre les dangers du véganisme et de l’antispécisme ». Une mise en perspective qui vaut un coup d’oeil approfondi!

Louis Aliot et le front réactionnaire contre la cause animale

Alors que des activistes se qualifiant d’ antispécistes ont vandalisés, de ci, de là, des boucheries et des poissonneries, une vague de répression médiatique et politique se met en place. Peu étonnant mais l’extrême droite dans sa principale incarnation institutionnelle (Rassemblement National – ex FN) prend spontanément la défense des intérets de la viande.

En effet, ce mardi 3 juillet, Louis Aliot, vice président du Rassemblement National (RN), a soulevé la question du militantisme végan à l’attention du ministère de l’intérieur. Cette intervention écrite relève à la fois d’une méconnaissance volontaire du mouvement de libération animale, d’une hypocrisie terrifiante et d’une construction d’un vaste front réactionnaire.

Un parallèle qui relativise la Shoah

En tant que groupe antifasciste qui a à cœur la cause animale c’est le parallèle honteux qui vise à mettre côte à côte le pogrom juif durant la Nuit de Cristal (1938) et l’action directe contre les boucheries de quelques militants « antispécistes » qui nous interpelle. Voici ce que dit Louis Aliot dans son intervention :

« Des devantures de boucheries ont été recouvertes d’inscriptions semblables à celles qu’on pouvait trouver sur les magasins appartenant aux juifs allemands lors de la Nuit de Cristal, visant à effrayer les artisans pour qu’ils cessent leurs activités professionnelles. »

En plus d’ignorer que la Nuit de Cristal était organisée par un régime politique (le IIIe Reich) et une idéoloigie (racisme biologique) et non le fait d’individus plus ou moins autonomes, la comparaison est scandaleuse car elle relativise la violence antisémite dans l’Allemagne des années 1930.

La nuit de Cristal se produit en 1938, soit 5 ans après l’arrivé des nazis au pouvoir et après l’ouverture de nombreux camps de concentration.

Pendant cette nuit de terreur collective, ce sont 200 lieux de culte juifs saccagés, 7 500 magasins juifs vandalisés, une centaine de juifs assassinés, 30 000 déportés dans les camps de concentration dans une seule optique : terroriser une population du fait de ses origines ethno-culturelles. En tout, ce sont 2 000 à 2 500 personnes qui trouvent la mort dans la nuit ou des suites de cette rafle raciste d’Etat.

Quel est donc le rapport avec le saccage, par quelques militants, de boucheries qui sont ciblées non pas pour l’origine de leurs propriétaires mais pour l’idéologie sur lesquelles elles sont fondées (le « spécisme ») ? Il n’y en a pas, bien évidemment.

C’est là un procédé politique des plus infâmes visant à mettre sur le même plan un engagement qui, si l’on peut le contester, chercher à protester contre la violence envers les animaux, et un régime politique qui s’est construit sur l’exclusion et le massacre d’ennemis qualifiés de « sous-races » ou de « races à élminées ».

En fait, ce parallèle est encore la preuve du manque de considération pour la dignité humaine qu’incarne le Rassemblement National. Il révèle la pourriture intrinsèque d’un parti qui utilise un des plus grands massacres industriels racistes des temps modernes pour fortifier son démagogie nationaliste.

Evidemment, le R.N ne peut pas réellement comprendre le drame de la Shoah puisqu’il est lui-même fondé sur une matrice antisémite, celui de la défense de la nation contre le « mondialisme », nouvelle incarnation masquée de la « juiverie internationale ».

L’extrême-droite française a également comme nature politique le révisionnisme, le négationnisme, et dans un style plus soft le fait de relativiser la Shoah (la défense de la soit-disante liberté d’expression contre la loi Gayssot en étant un des symboles les plus explicites).

En réalité, une des critiques radicales de la Libération animale est justement de dire que si les animaux n’étaient eux-mêmes pas considérés comme des marchandises que l’on peut détruire de manière industrielle, alors toute génocide envers une population humaine réduite à une marchandise serait impossible.

Une des sources historiques du mouvement de la libération animale, auxquelles Louis Aliot fait (mal) allusion avec Peter Singer, reposent en grande partie sur une critique de la Shoah comme système de mise à mort industrielle. C’est le cas, par-exemple, du très connu Charles Patterson et son livre « Un eternel tremblinka » qui a trouvé échos dans une partie de la population juive avec l’appel à la compassion pour toute forme de vie.

Que représente la Confédération française de la boucherie, boucherie-charcuterie, traiteurs (CFBCT) ?

A la fin de son texte, Louis Aliot cite le président de la CFBCT pour appuyer ses propos. Il est clair qu’il soutient leur dénonciation de « l’idéologie végane » et s’affirme comme avançant à leur côté.

Cela montre encore une fois que l’extrême-droite, tout en ayant l’air de prendre la défense des petits commerçants, agit dans les intérêts des grands monopoles capitalistes. Dans le cas présent, celui de la viande, car la CFBCT n’est autre que l’organe de communication de la filière viande, regroupée en différentes filières spécifiques.

Ils ont soutenu, par exemple, la modernisation de la communication de la filière porcines à travers le site leporc.com et orchestrent la valorisation de la viande dans les commerces.

C’est donc une pièce maîtresse du secteur capitaliste de la viande, avec en arrière-plan la défense ouverte des monopoles dans une optique de Front réactionnaire, avec la répression des « antispécistes » comme gage d’unification politique.

A quoi peut-on mesurer cette « coalition » réactionnaire ?

Le véganisme, c’est s’écarter moralement du mode de production capitaliste qui consiste à considérer, de manière individualiste, la vie comme une marchandise.

Dans la question animale, il y a donc aussi celle de la reconnaissance de la vie, une lutte des classes pour la défense de la planète en général.

C’est en effet une question cruciale à laquelle la société humaine va devoir répondre rapidement, mais comme l’extrême-droite nie l’écocide elle ne peut pas aller dans ce sens là. Si elle nie l’écocide c’est justement parce que ses intérêts résident nulle part d’autre que dans ceux de ceux qui  détruisent la planète.

Contre d’autres formes de lutte pour les animaux, c’est le même genre de réaction drastique des exploitants d’animaux qui a lieu, avec notamment l’interpellation de l’Etat pour demander une protection.

C’est, par exemple, le cas dans la défense de la chasse à courre avec l’obtention du soutien de personnalités conservatrices dans l’État pour organiser une vaste répression physique et morale de la population mobilisée contre une pratique héritée de la vieille aristocratie…

L’intervention de Louis Aliot n’est donc pas une intervention faite au hasard car elle est l’expression d’une structuration politique de la bourgeoisie réactionnaire autour des éléments capitalistes de la viande, avec la volonté de renforcer l’hégémonie nationaliste dans les campagnes.

Si elle se veut populaire, la lutte antifasciste doit prendre au sérieux ces nouveaux éléments du Front réactionnnaire !

Le Figaro Magazine contre les végans

Après l’exemple hier avec l’ex-Front National de la parole déchaînée de la France profonde, voici un autre exemple, encore une fois de taille, avec l’éditorial du Figaro Magazine de ce week-end.

Ecrit par son directeur de rédaction, Guillaume Roquette, il vise évidemment à éduquer. Si Le Figaro tape relativement large, son magazine vise plus directement les familles de la bourgeoisie conservatrice, le coeur de la droite.

En ce sens, ce petit texte est un cas d’école :

  • il contient un appel à une idéologie identitaire, préfigurant l’alliance droite – extrême-droite sur ce thème ;
  • il y a une petite allusion catholique, discrète mais efficace ;
  • il généralise la question aux chasseurs, avec en arrière-plan bien entendu la question de la chasse à cour, contre laquelle un mouvement de très grande pertinence s’est levé en Picardie et se généralise ;
  • il souligne l’arrière-plan « totalitaire » du véganisme, qui sous-tend forcément l’universalisme et donc la négation du libéralisme ;
  • il tacle habilement les libéraux-libertaires et la théorie du genre, alors que les conservateurs n’en sont que le miroir.

Ce texte a ainsi un très haut niveau idéologique, chaque phrase est parfaitement soupesée, il est techniquement d’une très grande valeur. Toute personne désireuse de saisir les enjeux du moment doit se confronter sérieusement à ce document historique, confirmant qu’il y a bien une remise en place de la question animale à l’échelle de la société toute entière, dans le sens du reflux et de l’isolement.

ÉDITORIAL

pour l’amour de l’entrecôte

Ne laissons pas les végans imposer leur façon de vivre

GUILLAME ROQUETTE

Le malheureux boucher dormait au-dessus de sa boutique, à Jouy-en-Josas. Quand l’alarme s’est déclenchée, dans la nuit de ­dimanche à lundi dernier, il était trop tard. Sa vitrine était en miettes et ­maculée d’un tag bombé à la hâte : « Stop spécisme ».

Depuis quelques mois, des dizaines de boucheries-charcuteries et autres commerces de bouche sont ­victimes des mêmes dégradations, commises par des ­militants qui se revendiquent, selon leur degré d’extrémisme, ­végans, animalistes ou antispécistes.

En partant d’une idée estimable, le respect dû aux animaux, ces écolo­gistes d’un nouveau genre ont élaboré une idéologie ­inquiétante en allant jusqu’à prétendre (c’est la définition de l’antispécisme) qu’un agneau de lait a la même valeur qu’un être humain.

Avant d’aller plus loin, précisons que chacun a naturellement le droit d’être végétarien, même si la vie doit être bien triste quand elle s’interdit à tout jamais le bonheur d’un gigot de sept heures ou d’une truite aux amandes.

De même, il est parfaitement légitime de souhaiter que la filière de l’élevage traite convenablement les bêtes promises à la consommation.

Mais les forcenés de la cause animale ne se contentent pas de cette juste ambition, ils veulent interdire à quiconque non seulement de manger de la viande ou du poisson, mais aussi de chasser, voire de monter à cheval ou simplement de porter des chaussures en cuir !

Au nom du respect des droits de la bête.

C’est un trait de notre époque : quiconque est animé d’une conviction se fait désormais un devoir de l’ériger en norme pour essayer de l’imposer à la société tout ­entière.

Grâce à une force de frappe inédite, celle des ­réseaux ­sociaux, et le recours plus ou moins avoué à la violence, une minorité d’activistes végans entend donc dicter sa loi à tous les braves gens qui voudraient juste continuer à ­vivre comme ils l’entendent.

Les bouchers (sauf ceux qui sont halal, curieusement épargnés malgré la brutalité des règles de l’abattage rituel), ­auxquels on pourrait ajouter les chasseurs, sont aujourd’hui leurs cibles prioritaires. Mais, si la force ­publique ne ramène pas ces agités à la ­raison, ils ne s’arrêteront pas en si bon chemin.

D’autant que leur militantisme n’est pas la manifestation d’un mouvement isolé. A y regarder d’un peu près, l’antispécisme n’est qu’une des innombrables déclinaisons du politiquement correct contemporain.

C’est en effet la même idéologie qui veut nous contraindre d’adopter une nouvelle façon de manger, de boire, d’écrire ou d’aimer. L’objectif est toujours le même : abolir nos ­modes de vie pour créer un nouveau monde, sans ­mémoire, sans traditions et sans culture.

Bref, sans ­identité.

Ce n’est évidemment pas très réjouissant mais, grâce au Ciel, rien ne nous force à baisser la tête pour nous ­soumettre à tous ces diktats.

De même qu’il est ­permis de s’opposer sans complexe à l’écriture inclusive et à la théorie du genre, on a encore la liberté de se faire griller une belle entrecôte. Résister à l’oppression est parfois un plaisir.

« Combattre les dangers du véganisme et de l’antispécisme »

Voici un excellent exemple illustrant ce que nous disions hier sur la réaction épidermique de la France profonde et le fait que la vague végane, telle qu’elle a existé jusqu’à présent, se heurte à une frontière.

Il s’agit d’un document officiel du Rassemblent National (le nouveau nom du Front National), écrit par son vice-président, et intitulé pas moins que :

« Combattre les dangers du véganisme et de l’antispécisme »

Et, quand on le lit, on voit que les fachos comprennent bien mieux le véganisme que les végans eux-mêmes. Parce qu’ils sont contre et cernent les enjeux, l’arrière-plan, la signification de tout cela.

Pour les fachos, vegan = vegan straight edge = révolution totale = fin de l’individualisme = morale totale, universelle, indiscutable. Ils voient les choses comme nous, mais de manière inversée : c’est tout à fait logique.

Question écrite de Louis Aliot, Député des Pyrénées-Orientales

M. Louis Aliot attire l’attention de M. le ministre d’État, ministre de l’Intérieur, sur les agissements et les dangers posés par les « vegans » et l’idéologie antispéciste.

Le monde de l’antispécisme forme une nébuleuse mal connue d’individus radicalisés, sortes de néo-cathares pour lesquels l’homme est un assassin de masse, l’insémination artificielle un viol, et qui entendent interdire purement et simplement la consommation de viande animale, parfois même du poisson, des fruits de mer et des produits laitiers.

Leur doctrine est le « véganisme », ou autrement dit le « végétalisme intégral », un mode de vie consistant à ne consommer strictement aucun produit issu des animaux ou de l’exploitation des animaux.

Pour certains d’entre eux, la vie d’une fourmi est équivalente à tous points de vue à celle d’un être humain, et la loi devrait accorder à toutes les créatures vivantes les mêmes droits qu’aux hommes. Voilà qui rappelle les procès d’animaux du Moyen-Âge.

Théorisé dans les années 1970 par l’Australien Peter Singer, l’antispécisme est la suite de la lutte contre les « discriminations », cette fois-ci appliquée au domaine du vivant tout entier.

[LTD-note : c’est inexact, Peter Singer n’est nullement un « déconstructeur » comme peut l’être Gary Francione, mais un utilitariste, ce qui l’amène par exemple à pouvoir reconnaître la vivisection. Il raisonne en termes d’utilité pour le plus grand nombre, pas en termes de « déconstruction » comme les antispécistes ou bien – comme nous – de morale universelle.]

Évidemment, il s’agit d’une idéologie nihiliste, contenant en elle des ferments totalitaires et liberticides importants. Il ne faut donc pas s’étonner de découvrir que certains « vegans » tombent dans l’action terroriste ou paraterroriste pour imposer leur mode de vie à la population par la peur.

Plusieurs boucheries et charcuteries ont été les cibles d’attaques de « vegans », notamment lors des violences causées par les différents black blocs formés en marge des dernières manifestations.

Des devantures de boucheries ont été recouvertes d’inscriptions semblables à celles qu’on pouvait trouver sur les magasins appartenant aux juifs allemands lors de la Nuit de Cristal, visant à effrayer les artisans pour qu’ils cessent leurs activités professionnelles..

Dans les Hauts-de-France, sept boucheries ont été ainsi aspergées de faux sang en avril, une boucherie et une poissonnerie ont été vandalisées, leurs vitrines brisées et les façades taguées de l’inscription « stop au spécisme ».

On se souvient aussi de cette militante « vegan » qui s’était réjouie de la mort d’un boucher lors de l’attentat islamiste de Trèbes.

Dernièrement, le journaliste sportif Frédéric Hermel a été harcelé pour avoir posé avec une côte de bœuf sur Twitter. Les bouchers-charcutiers reçoivent en outre de multiples missives, lettres anonymes et autres mails les menaçant de mort ou de leur faire vivre l’enfer.

Harcelés, ils réclament aujourd’hui d’être protégés par la police et ont adressé une lettre ouverte au ministère de l’Intérieur, par la voix du président de la Confédération française de la boucherie, boucherie-charcuterie, traiteurs (CFBCT), Jean-François Guihard : « Les 18 000 artisans bouchers-charcutiers s’inquiètent des conséquences de la surmédiatisation du mode de vie végan (…) Une partie de la population (veut) imposer à l’immense majorité son mode de vie pour ne pas dire son idéologie ».

Connaît-on les réseaux et les groupuscules qui abritent ces individus violents ? Doit-on laisser la « mode végane » avoir pignon sur rue et séduire la jeunesse ? On le constate, les « végans » occupent de plus en plus l’espace médiatique.

Je demande enfin si des « végans » prêts à passer à l’acte sont surveillés par les services de renseignements.

Le véganisme à un tournant juste avant le reflux ?

La roue tourne et le véganisme ne peut pas être un hobby de centre-ville ; ce qu’il représente, c’est un affrontement généralisé entre l’ancien monde et le nouveau monde, un affrontement qui engage tous les aspects de la vie quotidienne, tous les aspects de la vie en général même, dans ce qu’on ressent, dans ce qu’on pense, dans ce qu’on fait.

Il y a eu les tentatives faites par des intellectuels pour relativiser cela, il y a eu les menteurs qui prétendaient qu’il y a le temps, il y en a d’autres qui ont capitulé, passant à autre chose, niant l’implacable vérité : les 30 prochaines années appartiennent à la bataille pour la planète.

Qui n’engage pas tout son être n’a pas compris les enjeux de notre époque ! Et le véganisme, dans sa forme français de ces dernières années, va mourir de ne pas être à la hauteur.

Faisons ici une hypothèse, avec quelque chose dont on va prendre conscience dans quelques mois seulement, ce qui sera l’occasion de faire un bilan : le véganisme connaît actuellement un tournant aboutissant à un retournement. Sa phase de croissance possible est atteinte, il ne peut plus dépasser le maximum atteint. Il ne peut même que refluer.

Et tout ce tournant tient à un rien : à quelques dégradations sur des boucheries. Regardons la nature assez triviale de ce tournant.

Alors qu’à Jouy-en-Josas, en Ile-de-France, une boucherie a été « vandalisée » ces derniers jours (avec écrit « stop spécisme »), un responsable de la Confédération française de la boucherie, boucherie-charcuterie, traiteurs a été reçu avant-hier matin par un « conseiller police » du ministère de l’Intérieur.

Absolument rien n’a filtré de cet entretien. C’est extrêmement problématique, car une réflexion très grande doit être accordée à cet épisode. Il est évident que sur le plan des mentalités en France, ce petit épisode a joué un très grand rôle.

En effet, de très nombreux médias ont parlé de ces quelques actions de vandalisme, c’est devenu un réel sujet de société. Auparavant, ce que représentait le fait d’être vegan était connu de beaucoup de monde, désormais pratiquement toute la France le sait…. Et se positionne clairement contre.

Qu’on le veuille ou non, ces petites actions absolument sans envergure ont clairement provoqué une réaction médiatique en chaîne aboutissant à une expression générale du camp des réactionnaires, avec des réactions épidermiques de la part des beaufs.
En voici un exemple avec les « grandes gueules » de RMC.

 

Sur twitter ou facebook, ou dans les commentaires des multiples articles médiatiques, le ton est le même. Tant que c’était du vegan bobo c’était insignifiant, mais là oser toucher à la pacification des mœurs, aux « choix » individuels… c’était inacceptable. Le résultat est un véritable soulèvement en mode France profonde.

Ne pas considérer qu’il y a ici un tournant serait une énorme erreur. C’est une limite très claire qui a été posée aux vegans. Soit ils se résument à un positionnement individuel, soit ils seront dénoncés.

Il y a une frontière – celle de la vie quotidienne, des mœurs et des mentalités dans une société de consommation, la France profonde – infranchissable à moins d’assumer la révolution : la vague vegan vient de s’y heurter.

Car justement, il y a cette rencontre au ministère de l’intérieur, bien mystérieuse. Des médias l’ont mentionné avant qu’elle n’ait eu lieu, et la seule chose qu’on sache à ce sujet, c’est que les préfets auront des discussions avec les représentants des bouchers dans chaque département. L’expression employée par les bouchers pour désigner l’objectif est la suivante :

« éviter une propagation des violences »

En arrière-plan, il y a évidemment le spectre de l’ALF. Ce spectre est si présent d’ailleurs que du côté des associations comme L214 ou 269, le silence est complet. Il y a à la fois une appréhension et une réelle peur, car ces gens savent que l’ALF c’était, à son apogée dans les années 1980 en Angleterre, plusieurs dizaines d’actions par jour.

Tout cela doit être passé sous silence, donc le meilleur moyen, c’est de ne parler de rien, jamais. En pensant qu’après tout, sept boucheries dégradées et une poissonnerie aux vitrines brisées dans les Hauts-de-France, deux actions similaires à Angers et à Jouy-en-Josas, juste avant les vacances estivales, cela ne pèse pas lourd.

Ce qui est vrai. Sauf que – quoi qu’on pense des dégradations en mode « stop spécisme », s’appuyant donc sur cette notion de « spécisme » qui n’a selon nous pas de sens, car étant déconnectée de toute lecture historique de la réalité – la scène vegan devait connaître un saut qualitatif, que les dégradations ont posé la question de ce saut, et que dans tous les cas il ne peut pas être fait.

Évidemment, si l’on croit en L214 ou 269, si on croit que le véganisme est né il y a quelques années, alors on peut toujours s’imaginer que le saut va venir. Sauf que l’hypothèse faite ici tient la route, alors cela va être le reflux : le véganisme se fait remettre à sa place, dans la marginalité de la société de consommation.

Comme il n’y a pas de cadres vegans avec une orientation bien définie, mais seulement des engagements individuels aux contours indéfinis, ce reflux va être chaotique, renforçant la désorganisation de l’ensemble.

L’esprit de repli, de vécu individuel, va encore plus avoir la primauté, et même un statut de seule version du véganisme. C’est là où il faudra reposer des fondamentaux adéquats, pour un nouvel élan, cette fois bien meilleur !

Car l’époque porte le véganisme et la défense de la planète comme super-organisme où se développe la vie. Quiconque a une conscience sait que les trente prochaines années sont celles du tout pour le tout !

Dégradations, dissociation, tactique et stratégie

A Lille il y a eu de nouveaux actes de dégradation. En quelques semaines, une boucherie, une poissonnerie, un restaurant et une rôtisserie ont donc vu leurs vitrines brisées et l’inscription « non au spécisme » tagué sur les murs.

A Angers, c’est la porte en verre d’une boucherie-charcuterie qui a été détruite, des inscriptions à la craie expliquant l’acte. Il y avait pareillement « non au spécisme ». A également notamment été écrit « Viande = meurtre », « l’art » s’est vu ajouter « du meurtre », « le goût » s’est vu ajouter « de la mort ».

Notons ici, au passage, trois faits intellectuellement importants. Tout d’abord, ces actions ne sont pas signées ALF : on relève ici d’une démarche différente, dans l’esprit « antispéciste » (qui n’est pas du tout le nôtre). On pourra dire que c’est très proche, voire pareil, évidemment, mais force est de reconnaître que ces actions n’ont sciemment pas été signées ALF.

Cela semblera évidemment étrange pour toutes les personnes qui considèrent que la stratégie de la libération animale exprimée par l’ALF est incontournable et n’est pas remplaçable par autre chose, qu’un telle action est typique de l’ALF.

Mais c’est que pour les « antispécistes », il n’y a pas de « stratégie » de la libération animale, ce que propose inversement l’ALF.

Il est possible de citer ici l’association « 269 libération animale », qui hier expliquait précisément cela. « 269 libération animale » a une démarche fondamentalement différente du cassage de vitrine et du tag, puisqu’elle entend témoigner « dans » le système pour protester et convaincre.

Mais on retrouve ce même esprit de « déconstruction » et non de révolution. Il y a une tactique de « dépassement » antispéciste, pas une stratégie comme l’affirme l’ALF.

« Contrairement à ce qu’on entend ou lit, les activistes de 269 Libération Animale ont une conscience très claire des limites de ce type d’action (blocages, libérations, occupations) et ne croient pas que le « Grand Soir » soit au bout d’une évacuation après le blocage d’un abattoir.

De plus, l’action directe n’est pratiquée que depuis très peu de temps et nécessite du nombre pour déployer tout son potentiel (rappelons que 62 activistes ont pu stoppé l’activité d’un gros abattoir durant 24h, ce qui laisse imaginer ce que nous pourrions réaliser en augmentant le nombre de participant.e.s).

L’usage de l’action directe permet d’exprimer une vision du monde et une désapprobation radicale à l’égard du système politique et économique. Le blocage est une tactique, et non une stratégie, et encore moins un traité de philosophie politique.

(…)

Contrairement à ce qu’on lit ou entend ici et là de la part de personnes qui n’ont même pas le respect de lire nos textes, nous ne nions pas La formidable percée de la question animale dans le débat public, grâce aux vidéos de L214. Justement L214 a eu l’immense mérite de créer un terreau favorable pour l’avènement d’un véritable soulèvement et mouvement de déconstruction du spécisme. A nous maintenant d’entreprendre ! Malheureusement, il n’y a pas eu de sursaut militant ni de changement de mode d’action. Voilà ce que nous déplorons ! »

269 Libération animale se veut un L214 « allant jusqu’au bout », par la désobéissance civile. Cela n’a rien à voir avec l’idée d’un affrontement révolutionnaire comme rupture, d’une position révolutionnaire comme identité, comme seule identité possible dans un monde détruisant la planète et aliénant les gens.

Rien n’est possible sans culture et philosophie, comme point de repère, comme orientation, comme valeur. C’est fou comment les antispécistes sont éloignés des préoccupations éthiques, morales, du véganisme des années 1990, au nom d’un actionnisme sans aucune mise en perspective, ni orientation.

Alors que ce qui compte, c’est l’attitude morale, la mentalité, la culture, la réflexion, la sensibilité, le style d’approche des problèmes. C’est qui permet d’avancer et de voir aussi qui décide de ne plus avancer, en raison d’un basculement dans le conformisme, les conventions, la capitulation, le carriérisme, etc.

La capacité à assumer la rupture est la clef pour évaluer le positionnement d’une personne. Et il n’y a pas que les faits, il faut ici l’esprit, un bon niveau culturel pour ne pas faillir. Reprenons ici comme illustration une image, symbole de cet esprit de rupture, du blog Vegan Revolution, qui avait ouvert en octobre 2004 et est l’ancêtre direct de LTD.

LTD n’a pas obtenu la surface de L214, rien que par son refus d’utilisation de facebook c’était déjà inévitable. Mais LTD a su maintenir à la fois la continuité et la contribution à l’approfondissement, l’enracinement de la rupture.

Certains s’en moquent comme quoi cela fait office de « gardiens du temple », mais nous avons vu beaucoup de gens velléitaires ne pas être à la hauteur de la Cause, tandis que d’autres ont sombré pour tel ou tel problème, telle ou telle considération. Tout est une question de socle !

Ensuite, pour en revenir aux actions, et c’est un autre point, il est très étonnant que ces inscriptions « non au spécisme » soient écrites en général. La police utilise en effet la graphologie pour être capable d’identifier les auteurs de telle ou telle inscription. Écrire quelque chose de cette manière est très dangereux sur le plan de l’identification et on peut être absolument certain que c’est par ce moyen que la police tente de cerner les auteurs.

Enfin, une autre réflexion qu’il est possible de faire, c’est de voir un phénomène inévitable de dissociation de la part des institutionnalisés. La Croix leur a donné la parole. On a par exemple :

À Vegan France Interpro, même son de cloche. « Les associations les plus extrêmes ne commettraient pas ces violences, explique Hélène Modrzejewski, la présidente. Ces actions désorganisées desservent notre cause. Ils donnent une mauvaise image des végans. »

On comprend que Hélène Modrzejewski dise cela. Après avoir monté son annuaire vegan (appelé ici vegan France interpro), elle a monté sa boîte de certification végane, « Expertise Végane Europe ».

Cette boîte est hébergée par la Cité de l’Innovation au Coudray, à Chartres, organisée par le Centre Européen d’Entreprises et d’Innovation, un incubateur d’entreprises.

Tout cela n’est pas très bon pour son business visant à vivre d’un véganisme formant une « niche » dans l’économie…

Autre exemple :

« Ce sont des jeunes casseurs d’une vingtaine d’années qui agissent à titre personnel. Ils manifestent violemment et sans réfléchir. Je comprends leur colère mais je condamne leurs actes », témoigne Alexandra Blanc, la fondatrice de Vegan Impact.

On a ici le coup classique : ce sont des jeunes, sans réflexion, juste en colère. Par contre, passer dans les médias ou manifester par exemple avec un soutien-gorge en lentilles, c’est tellement plus adulte.

Dernier exemple :

« La façon de procéder de ces groupuscules ne correspond pas à nos modes d’actions, se défend aussi Brigitte Gothière, fondatrice de L214, connue pour ses vidéos choc tournées dans des abattoirs. Trois millions d’animaux sont tués chaque année en France dans les abattoirs et nous dénonçons ce système d’élevage intensif qui favorise la maltraitance des animaux mais toujours de façon pacifiste. »

Le fameux coup du groupuscule ! Il faut dire que de par leur parcours historique, les gens de L214 savent très bien ce qu’est l’ALF, vu qu’ils ont toujours été contre. Ils comptent donc bien profiter de leur notoriété pour dénoncer tout ce qui n’est pas « reconnu ».

Mais reconnu par qui, là est la question ! Et de toutes manières, n’est-ce pas le contenu qui compte ? Et cela révèle le problème de fond : la méconnaissance historique de ce qu’a été la libération animale jusqu’à présent, l’absence de continuité dans les structures, la destruction des forces vives par des actions velléitaires sans mise en perspective.

Marche pour la fermeture des abattoirs de juin 2018 : un succès?

La manifestation parisienne pour la fermeture des abattoirs qui a eu lieu hier a-t-elle été un succès ? La réponse qu’on peut faire reflète dans tous les cas vraiment un changement d’époque, un véritable tournant dans l’histoire du véganisme dans notre pays.

Pourquoi ? Parce que L214 a revendiqué 3 500 personnes ayant participé à cette marche qu’elle organisait, se terminant place de la République pour une « vegan place » avec des stands.

L’ensemble était très rodé, avec un couleur similaire dans l’ensemble pour marquer les esprits, il y avait des choix esthétiques très travaillés pour la mise en valeur des slogans. Si l’on voit les choses comme L214, alors c’est un succès.

Cependant, ce chiffre doit amener une intense réflexion. On est obligé de penser que considérer que c’est un succès ne fait que refléter que pour L214, L214 est une fin soi.

Car L214, c’est 30 000 adhérents,  3 millions d’euros de recettes en 2017, 708 781 likes sur son facebook, une formidable notoriété – Le Monde en parle régulièrement – et une reconnaissance institutionnelle, puisque l’État demande des rapports pour certains thèmes.

Le thème choisi – fermer les abattoirs – tapait suffisamment large pour même intégrer les personnes végétariennes également.

Et pourtant, il n’y a eu que 3500 personnes. Pour rappel, l’Île-de-France, c’est douze millions d’habitants.

Et l’ambiance, si elle correspond bien à l’esprit dominant du véganisme de ces dernières années, relève du témoignage et certainement pas de l’esprit d’engagement. Il n’y a vraiment pratiquement rien de populaire, pour dire les choses directement.

C’est indéniablement la fin d’un cycle. Le véganisme existe désormais, mais il est passé sous la coupe des gens pour qui c’est un choix individuel, un moyen de lancer son entreprise, un appel à une société plus juste. Mais sur le plan du contenu, c’est totalement vide.

Les animaux, qui n’étaient déjà pas au programme en tant que tels, ont définitivement disparu ; ils ne sont que le prétexte plus ou moins sincère à un « lifestyle » qui n’a aucune ambition.

En ce sens, cette vidéo montrant la marche sera, on le sait, très difficile à regarder pour les gens ayant un peu d’expérience et beaucoup de volonté de changer les choses. Un tel folklore, dont on voit le manque de profondeur, de perspective, fait réellement mal au coeur par rapport à ce qui est nécessaire et surtout à ce qui a pu être fait de par le passé.

Même la Veggie pride, avec toutes ses faiblesses, avait davantage de dignité, justement de par ses faiblesses d’ailleurs. C’est dire !

Encore 5 marches comme cela et c’en est fini de ce véganisme et de l’antispécisme, définitivement happé par le système ! Cela continuera d’exister, mais cela ne sera clairement plus que ce que c’est déjà : une bulle vivant à l’écart du peuple, à l’écart des animaux, à l’écart des refuges, cherchant une place au soleil à travers une dynamique sociale qui apparaîtra toujours plus comme un simple prétexte.

Pour conclure donc sur une note désagréable – parce qu’il y a des valeurs et que cela ne se négocie pas – voici quelques citations de gens ayant marché hier, donnés par le Journal du Dimanche.

« Si personne ne filme la maltraitance animale en caméra cachée, personne ne saura. S’il y avait eu des caméras à Auschwitz ou Treblinka, peut-être que les gens auraient ouvert les yeux. »

« Je ne veux pas tomber dans le prosélytisme, poursuit X. On ne veut que discuter. »

« Il faut éviter d’y aller trop fort, sinon on suscite le rejet. Les gens peuvent se sentir jugés, alors que je ne veux pas donner de leçons. Montrer que je suis en bonne santé, que je ne manque de rien, c’est déjà quelque chose. »

X, végétarienne depuis trente ans, tente depuis plusieurs années de devenir vegan. Dernier obstacle : le fromage, dont elle essaye de réduire – difficilement – sa consommation.

X, 27 ans, a tenté de passer brutalement de végétarien à végan. Mauvais chemin pour le jeune homme, qui a dû faire machine arrière : « Il y a beaucoup de choses dont il faut s’affranchir, notamment dans la vie en communauté. »

« On ne va pas apprendre à lire aux moutons ni donner le droit de vote aux poules. Il ne s’agit pas de nier notre différence de nature, mais de dire que rien ne justifie qu’on exploite et qu’on maltraite un animal. »

Le bac français 2018 sur les animaux

LTD a eu davantage de visites hier, et pour cause : l’article “Bêtes” écrit par Voltaire pour le Dictionnaire philosophique était au programme du bac français hier.

Et pour cause, le thème du bac français dépend toujours d’un « objet d’étude », cette année ce fut « La question de l’Homme dans les genres de l’argumentation du XVIe siècle à nos jours », au sujet des animaux.

C’est une information importante, mais il ne faut pas s’emballer pour autant… L’humanité ne doit pas se poser la question des animaux : elle doit y répondre. Que le bac français de cette année soit consacré aux animaux est une bonne chose, mais ce n’est que le reflet d’une inévitable évolution, pas d’un choix conscient.

Les professeurs de français ne promeuvent pas le véganisme et le fait que le thème des animaux soit au bac témoigne même d’une intégration, finalement vaguement humaniste, de ce thème par les institutions, sans que pour autant rien ne change fondamentalement.

D’ailleurs, le thème, ce n’est pas exactement les animaux, mais la cruauté humaine envers les animaux, voire l’anthropocentrisme, ce qui pour le coup est plutôt bien.

Les quatre oeuvres furent les suivantes :

Texte A : Montaigne, Essais, livre II, chapitre 11 « De la cruauté », (1580-1588), adapté en français moderne par André Lanly
Texte B : Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, préface (1754)
Texte C : Voltaire, Dictionnaire philosophique, article « BÊTES » (1764)
Texte D : Marguerite Yourcenar, Le Temps, ce grand sculpteur, « Qui sait si l’âme des bêtes va en bas ? » (1983)

Si la dissertation est plus générale, l’écriture d’invention proposait directement de s’engager sur la question animale. Le corpus où l’on compare les textes exigeait pareillement d’affronter la question.

Le commentaire portait quant à lui sur l’articles Bêtes de Voltaire, ce qui obligeait donc aussi à connaître son argumentation remettant en cause la vision mécaniste de Descartes pour qui les animaux sont des machines.

ÉCRITURE
I – Vous répondrez d’abord à la question suivante (4 points) :
Quels comportements humains les auteurs du corpus dénoncent-ils ?

II – Vous traiterez ensuite, au choix, l’un des sujets suivants (16 points) :

1- Commentaire :
Vous commenterez l’article « BÊTES » extrait du Dictionnaire philosophique (1764) de Voltaire (texte C).

2- Dissertation :
La littérature vous semble-t-elle un moyen efficace pour émouvoir le lecteur et pour dénoncer les cruautés commises par les hommes ?
Vous appuierez votre réflexion sur les textes du corpus, sur les oeuvres que vous avez étudiées en classe et sur vos lectures personnelles.

3- Invention
Vous êtes journaliste et vous cherchez à montrer qu’il est nécessaire de promulguer la « Déclaration des droits de l’animal ». Vous écrivez un article de presse d’au moins cinquante lignes, reprenant les caractéristiques du texte de Marguerite Yourcenar (texte D), et présentant des arguments variés sur un ton polémique.

Voici également le texte D, intéressant à connaître puisque l’écriture d’invention demandait de le reprendre quant à l’approche. En apparence, on peut l’imaginer engagé ; en réalité, c’est juste une posture existentialiste. A la même époque, il y a l’ALF en Grande-Bretagne avec des dizaines de libération d’animaux par jour…

Texte D : Marguerite Yourcenar,Le Temps, ce grand sculpteur, « Qui sait si l’âme des bêtes va en bas ? » (1983)

Dans l’état présent de la question, à une époque où nos abus s’aggravent sur ce point comme sur tant d’autres, on peut se demander si une Déclaration des droits 1 de l’animal va être utile.

Je l’accueille avec joie, mais déjà de bons esprits murmurent: «Voici près de deux cents ans qu’a été proclamée une Déclaration des droits de l’homme, qu’en est-il résulté? Aucun temps n’a été plus concentrationnaire, plus porté aux destructions massives de vies humaines, plus prêt à dégrader, jusque chez ses victimes elles-mêmes, la notion d’humanité.

Sied-il de promulguer en faveur de l’animal un autre document de ce type, qui sera –tant que l’homme lui-même n’aura pas changé–, aussi vain que la Déclaration des droits de l’homme? »

Je crois que oui. Je crois qu’ilconvient toujours de promulguer ou de réaffirmer les Lois véritables, qui n’en seront pas moins enfreintes, mais en laissant çà et là aux transgresseurs le sentiment d’avoir mal fait. «Tu ne tueras pas.» Toute l’histoire, dont nous sommes si fiers, est une perpétuelle infraction à cette loi.

« Tu ne feras pas souffrir les animaux, ou du moins tu ne les feras souffrir que le moins possible. Ils ont leurs droits et leur dignité comme toi-même », est assurément 2 une admonition bien modeste; dans l’état actuel des esprits, elle est, hélas, quasi 3 subversive .
Soyons subversifs. Révoltons-nous contre l’ignorance, l’indifférence, la cruauté,qui d’ailleurs ne s’exercent si souvent contre l’homme que parce qu’elles se sont fait la main sur les bêtes.

Rappelons-nous, puisqu’il faut toujours tout ramener à nous-mêmes, qu’il y aurait moins d’enfants martyrs s’il y avait moins d’animaux torturés, moins de wagons plombés amenant à la mort les victimes de quelconques dictatures, si nous n’avions pas pris l’habitude de fourgons où des bêtes agonisent sans nourriture et sans eau en route vers l’abattoir, moins de gibier humain descendu d’un coup de feusi le goût et l’habitude de tuer n’étaient l’apanage des chasseurs.

Et dans l’humble mesure du possible, changeons (c’est-à-dire améliorons s’il se peut) la vie.

1  Une « Déclaration universelle des droits de l’animal » a été rédigée et adoptée par la Ligue internationale des droits de l’animal en 1977, puis proclamée solennellement par l’UNESCO en 1978. Elle n’a cependant aucune portée juridique.
2 Admonition : avertissement, conseil, ordre.
3 Subversive : qui menace l’ordre établi

Que le bac français se soit confronté à la question des animaux n’est pas anodin. C’est le reflet d’une évolution, mais également une tentative d’intégration de la question. Et c’est même surtout cela… La société fait semblant d’aborder et de prendre au sérieux les animaux.

« La moindre avancée concrète a été rejetée par l’Assemblée nationale cette nuit »

Il y a deux jours, cet événement meurtrier était présenté par La Montagne dans la catégorie faits divers :

Un incendie a coûté la vie à près de 680 porcs et porcelets, ce samedi après-midi, à Montmarault, au lieu-dit Concize. Ils étaient installés dans un bâtiment agricole d’environ 850 mètres carrés qui a complètement été détruit par les flammes.

Le sinistre s’est déclaré aux alentours de midi. Malgré leurs efforts, les propriétaires des bêtes n’ont rien pu faire pour leur venir en aide, en raison de la forte fumée et des flammes qui se dégageaient du bâtiment.

Nous ne ferons pas le compte macabre de l’espace dédié aux cochons dans ce hangar, d’autant plus que sur 850 m² une place significative devait être accordée au matériel.

Il suffira de savoir qu’au fond de soi, il y a l’envie juste, moralement, de tout casser, de changer le monde, parce que c’est inacceptable. Non pas protester, mais changer le monde.

Car ce monde est en perdition et il ne s’agit pas de protester, mais de s’en détacher et de le révolutionner. Il y a des gens pourtant qui, ne comprennent pas le principe de détachement pas plus que celui de révolution, se disent que LTD ne fait que critiquer.

Alors que quiconque lit LTD avec un semblant d’attention et d’implication personnelle… sait exactement ce qu’il a affaire : aller au conflit.

Car il faut bien voir les choses en face et être réaliste : rien ne change. Citons ici des gens ayant une démarche fondamentalement différente de la nôtre, avec le CIW France, issu de la PMAF (protection mondiale des animaux de ferme).

Dans La Croix du 29 mai 2018, Agathe Gignoux qui en est la chargée d’affaires publiques tient les propos suivants au sujet de la loi alimentation que le gouvernement vient de mettre en place :

« De la fin de l’encagement des poules pondeuses à l’encadrement du transport pour les animaux vivants en passant par l’interdiction de la castration à vif des porcs, tous les amendements proposés en commissions ou en plénière pour faire progresser le bien-être animal ont été rejetés.

Ce projet de loi n’apporte aucun changement significatif dans les conditions d’élevage et d’abattage, alors que ce modèle industriel intensif est largement rejeté par les Français. »

Tout est donc très clair : rien ne change. Le CIW France, qui ferait passer pour L214 pour de dangereux activistes, l’admet lui-même.

Et effectivement, rien ne peut changer sans révolution, c’est-à-dire sans bouleversement des valeurs dominantes, de la morale. Il ne s’agit pas de désobéissance civile, il ne s’agit pas d’une « méthode de lutte ». Il s’agit d’un état d’esprit.

Soumission aux intérêts de la planète comme super-organisme. En défense de toute vie. Reconnaissance de l’appartenance de l’humanité à la Nature. Pas de drogues, pas d’alcool, pas de rapports sexuels en-dehors du couple comme construction.

Hors de cet état d’esprit, de cette morale, de cette pratique, il n’y a que la défaite.

Et voici aussi ce que dit L214 sur la loi en question (c’est nous qui mettons en gras).

Loi Alimentation • 67% des Français considèrent que les animaux sont mal défendus par les politiques*. Ils ont raison.

La moindre avancée concrète a été rejetée par l’Assemblée nationale cette nuit.

Légalement, les porcelets continueront à être castrés à vif, les poules resteront dans les cages, les poussins continueront d’être broyés, aucun contrôle vidéo obligatoire dans les abattoirs… Merci aux quelques députés courageux qui ont défendu des avancées contre une majorité à l’écoute des lobbies de l’élevage intensif.

L’Assemblée nationale et le gouvernement sont sourds aux demandes des Français et aux souffrances des animaux.
Ne baissons pas les bras. Les animaux ont désespérément besoin de personnes pour les défendre.

Ne baissons pas les bras… après avoir contribué à semer toutes les illusions possibles?

Si « c’est maintenant que tout se joue » et que la défaite est totale, L214 va-t-elle rejoindre les rangs de l’ALF ? Une question qui n’a aucun sens à la base même, car ces gens ne se remettent de toutes façons nullement en cause.

Ils sont impliqués, imbriqués désormais dans les institutions. Ils sont obligés de jouer le jeu jusqu’au bout, de faire croire à n’importe quoi  jusqu’au bout. Ce niveau d’inconscience n’est pas de la stupidité : c’est criminel. C’est servir directement la naïveté, la dispersion, l’esprit de soumission.

Et pourquoi ne se remettent-ils pas en cause, au fond ? Par corruption, comme l’écrasante majorité des personnes veganes qui, finalement, s’accommode très bien d’une vie quotidienne dans une société de consommation qui a ses bons côtés.

Et après tout, quand on manifeste avec des animaux morts comme hier à Paris l’a fait 269 Life France, quand on passe en procès pour rien comme les responsables de 269 libération animale il y a peu, n’a-t-on pas la conscience tranquille ?

Cela ne ressemble-t-il pas à la lutte?

Sauf que c’est une illusion et que cela n’a rien à voir avec la tempête dont nous avons besoin. Ce à quoi nous assistons, c’est à une faillite morale. Cynisme, indifférence et pire encore, mensonge, esprit de carrière individuelle, lutte virtuelle, combat symbolique…

L’antispécisme n’est somme toute rien d’autre qu’un anti-véganisme, un pseudo combat qui disperse les forces et tente de nier l’histoire du véganisme et de la libération animale.

Sachons résister à cette tentative de pourrissement du patrimoine de la lutte.

Et rappelons-nous : qui n’est pas capable de s’interposer humainement, dans l’intégralité de sa personne, de sa personnalité, rate le degré de conflit nécessaire, passe à côté de l’identité qu’il faut assumer.

Il s’agit de fusionner avec la cause, pas de se mettre en avant comme individu, pas de témoigner, pas de protester, mais de relever d’une vague qui balaie ce monde en décomposition.

Construire son identité dans l’antagonisme avec les forces de destruction, pour la libération animale, pour la libération de la Terre !

Stomy Bugsy et le véganisme

La démarche de l’association PeTA de chercher des célébrités et de racoler avec des femmes nues est désolante. Mais pour le coup la vidéo où Stomy Bugsy, figure du rap, explique son passage au véganisme est un vrai plaisir à regarder.

Quand on a en tête un véganisme populaire, décomplexé, simplement positif, c’est vraiment fort!

L’étrange programme du REV d’Aymeric Caron

Le Rassemblement des Ecologistes pour le Vivant (REV), fondé autour d’Aymeric Caron, a tenu sa première réunion publique il y a trois jours (avec 450 personnes revendiquées, ce que la photo ne montre pas vraiment), à Paris, et a enfin un programme, rendu public le même jour.

Enfin ! Parce que jusqu’à présent, l’initiative était vide de sens, l’organisation d’un amateurisme complet, et on se doute bien que si l’adhésion est gratuite, ce n’est pas pour rien : c’est une coquille vide, une pure construction.

D’ailleurs, précisons le tout de suite : le mouvement n’est pas démocratique, il veut une société d’experts. Il est ainsi demandé la :

« Création du Comité du Vivant, collège de sages et d’experts constitué de scientifiques et d’intellectuels compétents chargés d’éclairer sur toutes les questions liées à l’environnement et aux droits des animaux. »

Ce « Comité du Vivant » désignerait des gens d’ONG pour former le tiers des membres d’une Assemblée naturelle qui remplacerait le Sénat, un autre tiers étant élu, un autre tiers composé de hauts fonctionnaires.

Cela signifie que la société serait verrouillée par des experts, puisque le Sénat verrouille le parlement… C’est très technocratique, comme dans les années 1930 dans les propositions de laboratoires d’idées d’extrême-droite pour mieux « gérer » la société.

Et comme on le sait, nous sommes toujours prompts à disqualifier comme fachos et esprit des années 1930 toute affirmation régressive alliant culte de la petite production, technocratie et spiritualité : autant dire qu’ici nous ne sommes pas déçus.

Surtout que dès le départ, le programme exprime de manière frontale une espèce de mystique :

« Le REV est le mouvement politique qui représente l’écologie essentielle. L’écologie essentielle est une écologie métaphysique qui s’oppose à l’écologie superficielle, laquelle est une écologie mathématique. »

Étant donné que métaphysique signifie « au-delà » de la physique et désigne l’interprétation spirituelle de cet au-delà, on est bien là dans le mysticisme.

Entendons-nous bien : on peut tout à fait être vegan et bouddhiste… Mais pour être vegan il faut aimer concrètement les animaux, pas les lier à la question de l’au-delà. Or, là, avec le REV, il n’y a pas l’amour des animaux – rappelons qu’au début de son ouvrage « Antispéciste », Aymeric Caron assume de rejeter cet amour.

C’est là un véritable problème de fond. Et quand on ne voit pas cela, on en arrive à des revendications tordues, comme celle d’une « période transitoire » où :

« Les morceaux de viande devront obligatoirement être accompagnés d’une photographie de l’animal vivant puis de son abattage ».

Et voilà, comme d’habitude. Comme avec L214 et les autres. On commence par dire qu’on veut tout changer. Et on se retrouve à demander, quoi? La photographie d’un animal tué sur la « viande  ».

Non mais franchement. Tout ça pour ça ? C’est cela, la libération animale ? Demander une période transitoire, en proposant à côté de cela dans le programme la réduction du temps de travail à 28 heures et la gratuité de l’eau du robinet ? Ou bien – et là c’est incompréhensible parce qu’il en faudrait plutôt partout – « la fin des radars automatiques sur les routes » ?

Dans un même ordre d’idée, toujours pour la transition, le REV demande une :

« Interdiction de la chasse les weekends, vacances scolaires et jours fériés. »

Là, c’est pareil. On veut défendre les animaux, mais on se retrouve à faire quoi? A demander l’arrêt de la chasse… le week-end.

C’est d’autant plus choquant, d’ailleurs, que le combat contre la chasse ne saurait être transitoire. On peut réclamer sa fin directement : la population est d’accord et de toutes façons lorsque les choses bougeront, les chasseurs seront dans leur écrasante majorité du mauvais côté…

Cependant, ne parlons pas de demain, parlons d’aujourd’hui : après tout, le REV se veut un parti politique qui va progressivement changer les choses. Imaginons que ce genre de revendications transitoires puisse avoir un sens et allons à l’essentiel : la vision du monde.

Deux points nous intéressant sur le plan du véganisme : la nature du véganisme tout d’abord, la question de la Nature ensuite.

Sur le véganisme, il est dit – ou plutôt sur l’antispécisme, terme que nous rejetons de notre côté en défense du véganisme :

« Nous sommes antispécistes : nous réclamons une égalité de considération pour toutes les espèces animales sensibles.

L’antispécisme s’inscrit dans la continuité de tous les combats menés dans l’histoire en faveur des populations discriminées (lutte contre l’esclavage, lutte pour les droits civiques des afro-américains, pour les droits des femmes, pour les droits des homosexuels…). »

On retrouve la dimension passive : les animaux sont loin, ce sont les autres, les discriminés. Ils ne font pas partie de la Nature, comme nous, il ne faut pas les aimer. Finalement, il est logique que le REV parle du vivant et pas de la vie : lorsque nous disons de notre côté « en défense de toute vie », le REV parle du vivant, afin d’échapper à la question de la compassion, de l’amour, du bonheur.

Il ne se situe pas dans la tradition athée, épicurienne, naturaliste, appelons le comme on voudra – nous dirons simplement : vegan straight edge !

Il fait du vivant un mysticisme, par ailleurs ainsi défini :

« Nous nous engageons pour la protection du vivant sous toutes ses formes : humain, non humain, animal et végétal (…).

Nous reconnaissons une hiérarchie dans les expressions du vivant. Nos obligations ne sont pas les mêmes à l’égard des animaux sensibles non humains et des végétaux. »

Nous allons protéger tout le monde sans distinction ! Mais nous ferons une hiérarchie quand même ! Nous allons protéger les animaux des forêts ! Mais que le week-end ! Nous allons protéger les animaux des élevages ! Mais symboliquement avec une photographie !

Quelle défaite morale, intellectuelle ! Quelle misère humaine !

Un McDonald’s, un Black Block et le véganisme

Le site Bite Back !, qui publie notamment les communiqués de l’ALF, a mis en ligne deux photographies liées au saccage d’un McDonald’s à Paris lors du premier mai. La raison en est deux tags : un « go vegan » et un « ALF ».

Une question doit alors se poser : est-ce juste ? C’est une question qui est la même que lorsque des gens ont fait une « commission antispéciste » lors de Nuit Debout place de la République à Paris, ou bien lorsque des vegans ont valorisé la France insoumise comme mouvement qui serait favorable au véganisme.

Quelques années auparavant, certains avaient tenté une même approche avec le Nouveau Parti Anticapitaliste, à sa fondation. En ce moment, d’autres considèrent qu’EELV pourrait potentiellement être ouvert à cela aussi.

La question est de grande importance et d’une dimension profonde. Si ces gens ont raison, alors ils répandant le véganisme en profitant d’une bonne dynamique ; si ces gens on tort, ils diluent le véganisme et le transforment en gadget faisant partie de la panoplie de la « contestation ».

Comme on le voit, ce n’est pas tout à fait pareil…

On peut donc deviner à quel point les avis sont ici tranchés, divergent de manière complète, avec naturellement un conflit entre personnes, puisque les choses vont soit dans un sens, soit dans un autre.

Il ne s’agit pas ici de regretter cela : il faut savoir faire des choix. Aucun mouvement ne peut avancer s’il ne s’épure des gens qui oscillent entre les points de vue, ou qui trahissent à la première occasion.

Aussi est-il important d’évaluer les situations, les phénomènes, de raisonner de manière générale et non pas seulement individuel.

C’est d’ailleurs le sens du « go vegan » et de « ALF » tagués sur le McDonald’s : faire apparaître une ligne de contestation sur la société sur la bonne base.

En gros, si le Black Block est cohérent, alors il doit nécessairement voir que si on est contre « McDo », alors il faut être vegan et tant qu’à faire, si on est vegan, forcément soutenir ou rejoindre l’ALF.

Il serait hypocrite de ne pas formuler ici de point de vue ; à quoi il faut ajouter bien entendu que tout dépend ici des expériences faites, du vécu, de l’interprétation de ces expériences et de ce vécu.

En l’occurrence, de par l’expérience et les retours, il y a de quoi être circonspect, pour ne pas dire plus. Déjà que croire en la « convergence des luttes » relève d’une même fantasmagorie que l’astrologie ou la sorcellerie… Alors s’imaginer que le « black block » en a faire quelque chose à faire du véganisme est irréaliste.

Il en aurait pu être autrement, mais il aurait fallu que lorsque la ZAD a passé sa première étape, elle ne se tourne pas vers la petite production et l’élevage. Or, elle l’a fait. Ne pas voir qu’il y a eu un tournant à la ZAD, c’est ne pas voir les choses en face.

Au départ, cela a été une mobilisation en faveur de la protection d’une zone naturelle, cependant c’est très vite devenu un projet en soi.

Nous l’avons vu, nous l’avons dénoncé et nous avons bien fait : cela permet d’éviter les leurres et la destruction des principes.

A cela s’ajoute que la scène anarchiste française n’a jamais apprécié le véganisme, la Fédération Anarchiste interdisant même sa mise en avant dès 1995, l’OCL le dénonçant au moyen d’un renégat. Cela n’est bien sûr  pas vrai de la scène anarcho-punk par ailleurs restreinte.

Il pourrait en être autrement, sauf que pour cela les choses devraient se dérouler bien différemment. Prenons le Black Block justement. A la base il n’est pas là pour casser, même s’il peut l’assumer : il est avant tout un rassemblement politique, le noir étant privilégé pour se protéger de la répression, maintenir le cortège dans l’unité.

C’est la mise en avant d’un projet. On sait alors si le véganisme fait partie du projet en question ou pas. Et en Allemagne, pays d’origine du Black Block, dans les années 1990 et 2000, le véganisme faisait partie des valeurs hégémoniques, incontournables,  dans la scène autonome, des squatts, etc. et malheur à qui ne soutenait pas cette cause !

C’était très clair, tout à fait lisible. Rien à voir avec le premier mai 2018 en France donc.  Le Black Block français et à la française ne soutient pas le véganisme, s’imaginer même qu’il puisse le soutenir est plus que douteux…

Et même qu’il ait put choisir de le soutenir, car le « Black Block » a été un amas de tout et n’importe quoi, soit d’aventuriers (un jeune consultant gagnant 4200 euros par mois a été arrêté!), soit de gens là par esprit de contestation « amusante », soit de gens liés à une scène anarchiste insurrectionnaliste (à la Julien Coupat) ayant un rapport au véganisme allant du dédain au mépris.

Peut-être les choses sont-elles différentes… Auquel cas on le verra rapidement. Cependant, si ce n’est pas le cas, alors la Cause aura été diluée dans une contestation éphémère, et donc cela n’aura pas été une bonne chose.

Pourquoi Brigitte Bardot a-t-elle choisi Laurence Parisot?

Les personnes observatrices l’auront remarqué : Laurence Parisot signe régulièrement des tribunes pour les animaux, dont par exemple celle contre la chasse à courre.

Cela peut surprendre parce que, après tout, elle est surtout connue pour avoir été la présidente du Medef, le « syndicat des patrons », de 2005 à 2013, dont elle est encore la présidente d’honneur par ailleurs.

Mais c’est en fait qu’elle a été choisir par Brigitte Bardot pour prendre, après son décès, la tête de la Fondation Brigitte Bardot. Elle n’a pas encore été officiellement adoubée, car selon Brigitte Bardot elle doit encore « faire ses preuves », mais c’est un processus largement enclenché.

Cela depuis quelques temps déjà, d’ailleurs : la revue très marquée à droite Valeurs Actuelles publiait ainsi en novembre 2017 un article intitulé « Copinages, tweets racistes : Parisot prête à tout pour mettre la main sur la Fondation Bardot ».

L’article se voulait éminemment à charge :

« L’inquiétude règne autour de la Fondation Brigitte Bardot : l’ancienne patronne du Medef et de l’Ifop Laurence Parisot lorgne sur cette structure vouée à la défense des animaux (comptant 75.000 donateurs et une centaine de salariés) créée en 1986 par l’ancienne actrice. »

Laurence Parisot ferait même partie des quelques abonnés du compte twitter du mari de Brigitte Bardot, qui publie des choses comme :

« Les noirs, une espèce qui ne sera jamais complètement humaine, même ces forces de la nature que sont les gorilles ont plus de sentiments »

Laurence Parisot et Brigitte Bardot ont demandé un droit de réponse, la première affirmant quelque chose qu’on pourra évaluer à l’avenir comme il se doit :

« Si je me réjouis de mes excellentes relations avec Brigitte BARDOT et d’avoir été désignée au conseil d’administration de sa fondation, je n’en convoite en aucun cas la présidence. »

D’autant plus que dans son propre droit de réponse, Brigitte Bardot l’annonce en quelque sorte à mots couverts :

« Laurence Parisot m’a fait l’honneur de rejoindre ma Fondation en qualité d’administrateur et je la remercie de son engagement personnel et de sa motivation à défendre la cause des animaux, n’en déplaise aux esprits chagrins.

Elle est une personne loyale et intègre qui saura mettre du cœur à l’engagement de ma vie et je lui fais entière confiance. »

Mais pourquoi Brigitte Bardot a-t-elle choisi Laurence Parisot ? C’est une question vraiment importante. Cela en dit long, en effet, sur la question de la nature du mouvement pour les animaux au sens le plus strict.

Car, on l’aura compris, Laurence Parisot est tout sauf une rebelle. Elle est un gage d’institutionnalisation maximale en tant qu’ancienne dirigeante du MEDEF. Cela permettra de pérenniser la Fondation Brigitte Bardot dans un cadre général.

Son profil mesuré correspond tout à fait à ce dont a besoin la Fondation Brigitte Bardot : elle soutient L214, elle est pour des avancées sur le plan du droit, pour qu’une réflexion s’engage, mais hors de question faire dans les principes purs et durs.

Par conséquent, et cela compte ici de manière essentielle, elle n’est pas végane. Elle se définit comme « pas totalement végane », elle le deviendrait toujours « un petit peu plus » ce qui est bien entendu un strict non sens libéral qui lui va bien.

C’est ici une sorte d’écho à un très vieux texte publié sur l’ancêtre de LTD, Vegan Revolution, en 2005 : « Véganisme utopique et véganisme scientifique » expliquait que le véganisme utopique ne servirait qu’à diffuser l’individualisme, à ajouter des « individus » à une société libérale.

C’est très précisément ce qu’affirma l’antispécisme apparut quelques années après la parution de l’article, article qui résumait alors cette lecture libérale de la manière suivante :

« Comme Bentham le dit: “Chacun compte pour un et nul ne compte pour plus d’un”. Le rêve idéalise du citoyen bourgeois rêvant à sa tranquillité. Le fantasme fasciste de “chacun son pavillon”. »

Voilà pourquoi donc pourquoi Brigitte Bardot, historiquement d’extrême-droite, a choisi Laurence Parisot. C’est la tentative de nier le véganisme au profit d’une lecture idéale, idéalisée, idéaliste de la question animale.

Dans le sens de l’émotion et du droit individuel, dans la logique du lobbying et du positionnement individuel. Sans jamais se confronter à l’exploitation animale dans les faits.

Et contre cela – également donc contre L214, 269, etc. – il faut réaffirmer que le véganisme est né comme mouvement au tout début des années 1990, que la libération animale a commencé même une décennie auparavant avec l’ALF, que la question des animaux n’est pas le fruit d’un questionnement libéral des années 2010, mais le fruit d’une vague révolutionnaire qui apportait en même temps les réponses.

En défendant le patrimoine historique de la Cause, on protège la Cause… et on prépare la prochaine vague !

Malheur aux renégats !

L’un des grands problèmes du véganisme comme mouvement au sens le plus large, c’est qu’il n’existe que très rarement de continuité et que, par conséquent, il n’y a pas de bilan, d’évaluation de ce qui a été fait.

A cela s’ajoute deux faits : tout d’abord, il y a des capitulations, des effondrements, avec une tentative de nier une histoire faite, tout comme il y a des tentatives d’appropriation, comme on peut le voir ces dernières années avec des associations tombant du ciel et prétendant que le véganisme n’aurait pas existé avant elles.

Rappelons le encore une fois : le véganisme existe depuis les début des années 1990…

Pour avancer, il faut donc savoir résister à cette entreprise de déstructuration, de négation des acquis formant la tradition révolutionnaire.

En sachant, toujours, mettre de côté les opportunistes et les renégats. Car être à la hauteur demande de la constance, un engagement strict.

Les personnes ayant forcé en première ligne le McDonald’s parisien lors d’une Veggie Pride sont-elles encore véganes ? Très franchement, rien de moins certain… Quant à AVA qui mène une action si belle en Picardie, rappelons qu’il y a eu une tentative de fait quelques années auparavant par l’association Droits des animaux.

Qui n’en a pas conservé de mémoire à ce sujet, s’évaporant d’ailleurs du jour au lendemain (à part pour la fondation de l’épicerie Un monde vegan à Paris) après avoir siphonné tous les activistes…

Est-ce normal ? Absolument pas. L’engagement doit être complet, c’est la Cause qui compte. Les temps sont ceux de la bataille pour la planète, le reste est secondaire !

Et donc, l’un des points les plus essentiels, que nous n’avons pas cessé de souligner, c’est la question de la bataille pour rester vegan. Personne n’en parle et c’est un vrai problème, car il est absurde de penser qu’il y a toujours plus de vegan par une addition mécanique.

En réalité, il y a une progression mais un vrai effondrement derrière. Voilà pourquoi il faut être strict : oui à l’ouverture d’esprit pour les discussions, non à toute remise en cause des principes sur lesquels il faut être intransigeant.

Cela est bien entendu impossible avec des gens refusant d’affronter les normes sociales, soit en raison d’une attitude de hipster, soit en raison d’un individualisme ne visant qu’à faire carrière dans cette société.

On peut devenir vegan en étant richement installé dans la société, toutefois on ne peut pas le rester… Quant aux petits-bourgeois urbanisés et suivant la mode, ils tanguent, ils oscillent, perpétuellement…

L’article que vient de publier Slate.fr, « Au secours, je remange de la viande! », qui vaut vraiment le coup d’être lu de par son contenu nauséabond, n’est donc pas que racoleur : il témoigne d’un problème de fond, qui va immanquablement plomber la cause ces prochains mois, ces prochaines années.

A savoir qu’il y a suffisamment d’éléments de fond pour faire contre-poids et transformer une cause en son contraire. Avec de la mauvaise foi, avec un manque de culture. Voici par exemple ce que dit l’article entre autres :

«J’ai toujours eu une grande conscience de la maltraitance des animaux, c’était ma bataille. Sauf que mon corps ne l’a pas supporté.» Après huit années de véganisme, Sara [ 25 ans, censée être vegan depuis 2008] a fini par craquer. Non par plaisir, mais par nécessité. Elle a donc repris ses anciennes habitudes, et ce soir elle a même prévu de manger une bonne entrecôte.

Sauf qu’à un autre moment, on apprend :

«Un jour, au repas de Noël, les parents d’une amie avaient préparé du poulet. J’ai donc dû faire une concession et j’en ai mangé. Je n’ai pas voulu créer de scandales», confesse Sara.

On pourrair dire ici que « le ver était dans le fruit » – sauf que cette expression n’est pas végane, et donc pas acceptable.

Il faut ici être d’une moralité de fer… Contrairement aux antispécistes qui prétendent former quelque chose de nouveau, en niant l’ALF et en présentant des failles à tous les niveaux (comme ici en parlant du « QI d’une huître »), la principale étant de ne pas assumer l’amour des animaux.

C’est un bon exemple d’ailleurs des doublement insupportables fachos et bobos qui empêchent d’avancer en général et en particulier pour le véganisme. Pour en revenir à l’article de Slate, celui-ci bombarde également les poncifs :

« Pour moi, ce type d’alimentation n’a pas fonctionné. Mais si j’avais pu, j’aurais continué ma bataille».

« On ne voient les effets néfastes du véganisme qu’après. Et lorsque l’on fait les comptes, les patients voient bien que ça a foiré»

« Quand on est vegan et invitée à un dîner, on devient la paria, la chiante, la fille qui ne mange que des graines »

Etc. etc. : comme déjà dit, l’article vaut le détour, de par sa nature totalement propagandiste, avec un véganisme présenté comme « impossible ».

Rien ne sert de critiquer Slate, cependant, il vaut mieux critiquer le mode de vie de gens imbriqués dans les couches aisées de la société et incapables de fermeté. Mieux vaut viser un véganisme populaire et mépriser des gens cherchant à se faire valoir pour un temps, pour trahir ensuite.

Et donc oui il faut dénoncer les renégats, oui il faut ostraciser, oui il faut dénoncer ceux et celles qui trahissent trahissent la Cause, attaquent les animaux en donnant des arguments à l’ennemi.

C’est inacceptable, intolérable. Et il faut dénoncer d’autant plus fort les pseudos radicaux d’hier.

Ce qui amène aussi un paradoxe : il faut être plus strict avec les vegans qu’avec les non-vegans, en raison de ce qu’ils représentent.

Et ne nous voilons pas la face : combien des vegans actuels vont vraiment le rester ? Le sont-ils vraiment authentiquement pour la plupart ?

Il n’y a aucune raison d’y croire. La base est tellement individuelle, coupée d’une perspective de changement total, de bataille pour la planète, que jamais il n’y aura la force de tenir.

Alors autant se préparer à la contre-attaque ! Préparons une nouvelle phase du véganisme, où il faudra savoir démolir ceux qui ont menti, ceux qui ont trompé, ceux qui ont failli.

Le 21e siècle va être celui d’un changement total!  Le véganisme ne peut exister que dans l’affrontement avec le système, dans l’esprit de la culture vegan straight edge, pour la libération animale et la défense de notre mère la Terre !

Ce que révèle la drôle d’affaire du Star Circus

C’est l’un des aspects les plus douloureux qu’il va falloir saisir pour avancer – parce qu’il faut bien avancer, coûte que coûte, pour les animaux. En les aimant : nous sommes d’accord, le véganisme bobo qui assume ouvertement, comme Aymeric Caron, de ne pas aimer les animaux, n’a aucune valeur.

Cependant, il y a également des gens sincères qui, par stupidité, médiocrité, lâcheté, que sait-on encore, se complaisent dans une dénonciation sans intérêt qui ne fait que prendre les animaux en otage pour on ne sait trop quelle crise existentielle.

Et inévitablement ces gens déraillent. En voici un exemple où on se demande littéralement si ces gens n’ont pas abusé de produits stupéfiants, hallucinant une sorte de cauchemar où viennent se mêler les nazis, l’invasion des Huns et l’ALF.

Qu’est-ce qui est le plus fou, au sens le plus direct du terme,  dans ce message? Que des nazis viendraient libérer des animaux? Que les femmes et les enfants étaient directement visés, telle dans une sorte d’invasion médiévale?

Que l’attaque visait à pas moins que brûler le chapiteau comme dans l’antiquité on incendiait des villes? Qu’il y a une assimilation de la libération animale à une sorte de violence « extrémiste »?  Est-ce là un manque d’intelligence, une fainéantise quant à la recherche de la vérité, un choix sciemment fait et assumé de réagir de manière épidermique?

On a ici affaire à quelque chose de malheureusement pas si rare dans un milieu où, en l’absence de travail intellectuel, de véganisme le plus strict, de réflexion sur le long terme, il y a des réactions fantasmées,  totalement personnelles.

Les animaux ne sont pas vraiment là pour être défendus, sinon il y aurait un vrai effort pour comprendre…

Ce sont les fameuses attitudes régressives, infantiles, qui ridiculisent la Cause…

La preuve de cela, c’est que sur la même page facebook,  de La France dit STOP aux animaux de cirque donc, il y a la veille un compte-rendu totalement différent de ce qui est apparemment le même événement.

Et ce compte-rendu coexiste avec l’autre, sans que cela ne semble être incohérent.

Quelle histoire étrange, quel manque de cohérence, quelle absurdité! Si les animaux n’étaient pas la cause, et si apparemment des gens ne s’étaient pas fait tabassés par les circassiens, on en rirait.

Quant à la vérité, on s’en doute tout de même un peu, a priori. Quiconque connaît l’attitude des gens des cirques avec animaux, et inversement le caractère idéaliste, jeune et féminin des personnes défendant les animaux… se dit qu’a priori, quand même,  ce message est plus crédible que l’autre folie racontant qu’un commando visait femmes et enfants, la destruction du chapiteau, la libération des animaux, le tout au nom de l’extrême-droite…

En saura-t-on jamais plus à ce sujet? Et soulignons le problème : la vérité n’intéresse pas les gens privilégiant les attitudes hystériques et n’ayant qu’une obsession : témoigner, apparaître comme faisant quelque chose, avoir l’air d’intervenir, etc.

Une autre association s’est d’ailleurs mise de la partie :

Code Animal

Mise au point : Les victimes ce sont les animaux !

Nous dénonçons clairement et sans ambiguïté les actes et insultes proférés à l’encontre du cirque Star Circus.

Mais répondons avec autant de fermeté à ceux qui nous accusent d’être à l’origine de ce genre de dérapage, d’en être le germe par notre discours « anti cirque ».
1/ Nous ne sommes pas contre les cirques, ni contre les circassiens mais contre la présence d’animaux dans les cirques.
2/ Nous sommes avec les gens du voyage mais aussi les Roms, les tziganes quant à leur droit d’accès aux écoles, à vivre leur vie en paix dans notre société.
3/ Nous n’avons jamais proféré la moindre insulte à l’encontre des circassiens et leur avons toujours laissé la parole.
4/ Notre travail se base sur le fond, nous avons publié un rapport, preuve à l’appui pour l’étayer et sur des enquêtes. Ce travail dénonce des faits pas des personnes.
5/ De nombreux responsables de cirque passent leur temps à insulter nos associations et leurs responsables, de faire des parallèles douteux avec le 3ème Reich et de nous accuser de détournement de fond.
Notre association a déjà reçu plusieurs menaces de mort.
6/ Des cirques dont un des plus grands cirques français a frappé à plusieurs reprises des manifestants lors d’actions pacifiques et déclarées devant leur établissement.
7/ Aucun responsable de cirque ne semble s’émouvoir de ces dérives du côté des cirques ou n’a pris la parole comme nous le faisons avec La France dit STOP aux cirques avec animaux pour condamner les violences dont ils ont été victimes les défenseurs des animaux
8/ Notre association est entièrement bénévole – à moins de 600€ de fond, et n’a aucun intérêt autre que défendre ces valeurs de « respect de la vie » de manière constructive et pacifique.
9/ Car ne l’oublions pas, si ce climat délétère existe, c’est précisément parce que certains humains s’arrogent le droit d’asservir des animaux pour se divertir. La vraie victime, et base du problème, c’est l’animal. Le vrai problème c’est cet esclavagisme moderne que le pouvoir politique tolère encore.

La démocratie c’est aussi avoir le droit de nous exprimer dans le cadre de nos statuts et de la loi, contre ce type d’agissement. Le public et l’Etat trancheront.

A lire ces lignes, on se dit que c’est peut-être la peur qui amène ce genre de réactions. La peur de la confrontation aboutit à un esprit de soumission, parce que tout de même, on peut voir ici des gens passer leur temps à s’excuser auprès des gens des cirques avec animaux!

C’est bien qu’il y a un problème, qui tient à une logique de posture, dont la négation de la vérité est la preuve, l’incohérence la conséquence, les explications incongrues une répercussion inévitable.

Eloge des 150

Combien étaient-ils, 150, ou quasi 200, à conspuer les veneurs alors qu’un cerf est dans l’étang le 31 mars 2018 ? Peu importe, le chiffre n’est pas important et il ne s’agit pas non plus de les opposer aux autres personnes qui avaient été présentes au rassemblement un peu avant, parties de la gare de Compiègne pour marcher contre la chasse à courre.

Cet éloge des 150 personnes, ou des 200, est aussi un éloge des 1000 personnes présentes. C’est juste qu’il y a, certainement, quelque chose de plus frappant, émouvant, à voir des gens torse nu au bord de l’eau prêt à intervenir pour sauver le cerf, à voir des gens tous et toutes ensemble avec un sens de l’engagement pour ce qui est juste.

Cette abnégation marque d’autant plus qu’il y a une grande conscience – ou une grande inconscience, mais c’est pareil – à oser prendre des risques en défense des sans défense. Il n’y a pas que le risque d’attraper froid, de se fatiguer, d’être accusé d’irresponsabilité : il y aussi le risque d’être arrêté par la police ou les gendarmes, menacé ou agressé par les chasseurs.

La scène, il faut l’imaginer ici avec un hélicoptère de gendarmerie qui tourne autour… avec 17 cas de CRS qui sont présents aux alentours !

Quel soulagement que de se retrouver, à la fin, pour une partie, en ayant la sensation d’avoir apporté quelque chose, d’avoir contribué à un monde meilleur.

A en avoir, plus que la certitude… la preuve.

On dira qu’un éloge, cela devrait avant tout être celui de l’animal pourchassé, de la victime défendue, pas du défenseur, du justicier. C’est vrai. Cependant, s’il y a une chose remarquable ici, c’est que les 150 – ou les 200, ou les 1000, peu importe, même s’ils avaient été 10 – ont fait resplendir l’humanisme.

Et, de notre point de vue, le véganisme ne peut être que l’expression de cet humanisme. C’est tout de même autre chose que des campagnes d’affichage dans le métro parisien gâchant de l’argent et appelant à une métropole mondiale, vitrine de la richesse indifférente et bornée, sans cirque ou sans pêche !

Les 150 méritent l’éloge, pour leur désengagement concret d’une attitude passive, pour oser s’interposer. Cela porte quelque chose de vrai, de beau, appelant à être reproduit, refait, jusqu’au bout. Et ce « jusqu’au bout » n’a pas de bout, au sens où notre époque appelle à la transformation du monde, à la victoire de la compassion pour les animaux.

Cela n’ira pas sans erreurs, défauts, problèmes, c’est évident. C’est toutefois un passage obligé. Peut-être, qu’en un sens, le 21e siècle est né le 31 mars 2018, dans une forêt, au bord d’un étang, dans les yeux d’un animal que la mort n’a pas pu emporter.

Pourquoi les végans auraient « tout faux »

C’est en quelque sorte un cadeau printanier que la tribune « Pourquoi les végans ont tout faux » publié hier par Libération et écrite par Paul Ariès, politologue , Frédéric Denhez, journaliste, chroniqueur («CO2 mon amour» sur France Inter) et Jocelyne Porcher, sociologue, directrice de recherches à l’Inra.

Il est rare en effet de voir un tel condensé de mauvaise foi, de paranoïa, d’arguments faux, mensongers, provocateurs !

Le passage le plus intéressant est en tout cas celui où il est dit que le véganisme implique la soumission aux multinationales. C’est indéniable : le véganisme implique la fusion de l’humanité et des entreprises à l’échelle mondiale.

Cela ne veut pas dire la soumission aux multinationales telles qu’elles existent aujourd’hui pour autant, bien entendu. Cela veut juste dire une économie organisée à l’échelle mondiale et c’est cela qui provoque la panique de ceux qui tiennent au capitalisme, à un monde divisé en nations, aux petites entreprises, aux communautés séparées…

En ce sens, les auteurs de la tribune sont bien des « réacs », avec un éloge de la « terre » classiquement pétainiste, comme en témoigne l’accusation selon laquelle le véganisme veut des « paysages transformés en sanctuaires ». On ne dira jamais assez à quel point cette défense du concept de paysage est le coeur absolu du pétainisme, de l’idéologie du terroir, de la réduction du monde à un décor pour une humanité auto-centrée.

Faut-il en 2018 être totalement aliéné pour dénoncer la formation de sanctuaires naturels!

Ils sont peu nombreux, mais ils ont une audience impressionnante. Comme ce qu’ils disent semble frappé au coin du bon sens, celui de l’émotionnel et d’une morale binaire, le bien, le mal, c’est que ça doit être vrai.

D’où le succès de la propagande végane, version politique et extrémiste de l’abolitionnisme de l’élevage et de la viande, que l’on mesure simplement : aujourd’hui, les opinions contraires, pourtant majoritaires, doivent se justifier par rapport à elle.

Nous dénonçons d’autant plus le mauvais coup que porte le véganisme à notre mode de vie, à l’agriculture, à nos relations aux animaux et même aux courants végétariens traditionnels, que nous sommes convaincus de la nécessité d’en finir au plus vite avec les conditions imposées par les systèmes industriels et d’aller vers une alimentation relocalisée, préservant la biodiversité et le paysan, moins carnée, aussi.

L’Occident et les riches des pays du Sud consomment trop de viandes, et surtout de la mauvaise viande. Au Nord comme au Sud, les systèmes industriels ont changé l’animal en machine à transformer la cellulose des plantes en protéines bon marché pour le plus grand profit des multinationales et au détriment des paysans, des consommateurs, des sols, de l’eau et des animaux.

Le bilan sanitaire et écologique de ces rapports de travail indignes aux animaux est tout aussi mauvais que celui du reste de l’agriculture productiviste : on empoisonne les consommateurs avec de la mauvaise viande, de mauvais légumes et fruits, en dégradant l’environnement et la condition paysanne. Ceci étant dit, regardons un peu les arguments avancés par les végans.

Les végans vont sauver les animaux

Depuis douze mille ans, nous travaillons et vivons avec des animaux parce que nous avons des intérêts respectifs à vivre ensemble plutôt que séparés. Les animaux domestiques ne sont plus, et depuis longtemps, des animaux «naturels».

Ils sont partie prenante du monde humain autant que de leur propre monde. Et, grâce au travail que nous réalisons ensemble, ils ont acquis une seconde nature qui fait qu’ils nous comprennent, bien mieux sans doute que nous les comprenons.

Ainsi est-il probable qu’ils ne demandent pas à être «libérés». Ils ne demandent pas à retourner à la sauvagerie. Ils ne demandent pas à être stérilisés afin de peu à peu disparaître, ainsi que le réclament certains végans. Ils demandent à vivre avec nous, et nous avec eux, ils demandent à vivre une existence intéressante, intelligente et digne.

Le véganisme va nous sauver de la famine

Jusqu’à il y a peu, rappelons-le, les hommes et les femmes mouraient vite de trois causes possibles : les maladies infectieuses, la guerre et la faim. Or, depuis la fin du XVIIIe siècle, dans nos pays européens, et depuis les années 60 dans l’ensemble du monde, il n’existe plus de famines liées à un manque de ressources.

Quel progrès ! Les famines qui adviennent sont des armes politiques. Quand des gens meurent de faim quelque part, c’est parce que d’autres l’ont décidé. On ne voit pas en quoi le véganisme changerait quoi que ce soit à cette réalité.

Le véganisme va sauver l’agriculture

Ce serait même exactement l’inverse. Si les famines ont disparu de notre sol, c’est parce que le XVIIIe siècle a connu la plus grande révolution agricole après celle de son invention : l’agronomie. Et la polyculture-élevage, pourvoyeuse de ce qui se fait de mieux pour nourrir un sol, le fumier.

Une des meilleures idées que l’homme ait jamais eue. Quant à l’industrialisation de l’élevage, elle n’est pas née après la Seconde Guerre mondiale avec le productivisme agricole. Elle a été pensée bien en amont, au milieu du XIXe siècle avec le développement du capitalisme industriel. Les animaux sont alors devenus des machines dont la seule utilité est de générer des profits, aux dépens des paysans et de l’environnement.

Le véganisme va sauver notre alimentation

Le véganisme propose de se passer des animaux, pour les sauver. Retour à la case départ : l’agriculture sans élevage, c’est l’agriculture famineuse parce qu’elle épuise les sols. Ce sont des rendements ridicules pour un travail de forçat car le compost de légumes est bien moins efficace pour faire pousser des légumes que le fumier animal.

A moins de forcer le sol par de la chimie, évidemment. Et de labourer bien profondément. Mais, dans ce cas, on abîme les sols, en désorganisant l’écosystème qu’il est en réalité.

Le véganisme sauvera notre santé

Tuer l’animal, c’est mal, manger de la viande, c’est destructeur. Car les études montrent que la consommation de viandes est corrélée au cancer. Sauf que ces études ont été principalement menées aux Etats-Unis et en Chine, où l’on consomme bien plus de viande, encore plus gavée d’hormones et d’antibiotiques, encore plus transformée.

Quant aux études démontrant la longévité supérieure des végétariens qui – rappelons-le – consomment des produits animaux, lait et œufs, et dépendent donc de l’élevage, elles sont biaisées par le constat que ces publics consomment aussi très peu de produits transformés, peu de sucres, ils font du sport, boivent peu, ils ont une bonne assurance sociale, etc.

Quelle est la responsabilité des légumes dans leur bonne santé ? Difficile à dire ! Ce qui importe, c’est le régime alimentaire et le mode de vie équilibrés. En comparaison, manger végan, l’absolu des régimes «sans», c’est se condamner à ingurgiter beaucoup de produits transformés, c’est-à-dire des assemblages de molécules pour mimer ce qu’on a supprimé.

Sans omettre d’ajouter la précieuse vitamine B12 à son alimentation. Car sans elle, comme le montrent de nombreux témoignages d’ex-végans, ce régime ultra-sans détruit irrémédiablement la santé, à commencer par celle de l’esprit.

Le véganisme va sauver l’écologie

Avec ce retour au naturel, l’écologie est sauvée. Et bien non. Car ayant expulsé les animaux domestiques, il n’y a plus rien pour maintenir les paysages ouverts, ceux des prairies, des zones humides, des montagnes et des bocages.

Sauf à obliger chômeurs, prisonniers et clochards à faucher et à couper les herbes, ou à produire des robots brouteurs. Les vaches et moutons sont les garants de l’extraordinaire diversité paysagère qui fait la France, qui est aussi celle de notre assiette. Les animaux et leurs éleveurs sont les premiers aménageurs du territoire.

Le véganisme est une position politique émancipatrice

Non, contrairement à ce que croient de nombreux jeunes, fiers de dire «je suis végan», comme s’ils participaient à une action révolutionnaire, ou si leurs actions contre les abattoirs ou les paysans vendant leurs fromages sur les marchés relevaient de la résistance à l’ordre établi, le véganisme ne participe pas à l’émancipation des animaux et encore moins à celle des humains.

Au contraire, en défendant une agriculture sans élevage et un monde sans animaux domestiques, c’est-à-dire sans vaches, ni chevaux, ni chiens, ce mouvement nous met encore plus dans les serres des multinationales et accroît notre dépendance alimentaire et notre aliénation. Les théoriciens et militants végans ne sont pas des révolutionnaires, ils sont, au contraire, clairement les idiots utiles du capitalisme.

Le véganisme est l’ambassadeur de l’industrie 4.0

Le grand danger de ce début du XXIe siècle est bien l’invention d’une agriculture sans élevage. On ne compte plus les investissements et brevets déposés pour produire de la «viande» en cultivant en laboratoire des cellules musculaires de poulet, de bœuf ou de porc ou produire du lait et des œufs à partir de levures OGM.

Les promoteurs de cette agriculture cellulaire se recrutent au sein des grandes firmes (Gafa, milliardaires et fonds d’investissements puissants). Les premières viandes artificielles pourraient être introduites sur le marché sous forme de carpaccio avant que soient commercialisés avant dix ans de «vrais-faux» morceaux produits in vitro. Des amas de protéines qui auront poussé à grands jets d’hormones pour favoriser la croissance et d’antibiotiques pour éviter les contaminations.

En vérité, le véganisme ne va pas nous sauver

Le véganisme est dangereux. Il participe à la rupture programmée de nos liens avec les animaux domestiques. Il menace de nous condamner à la disette en nous ramenant à l’agriculture prédatrice des temps anciens. Il menace de ruiner les pratiques alternatives, comme le bio, en annihilant la polyculture-élevage qui est son fondement.

Il menace de nous condamner à dépendre d’une alimentation industrielle 4.0. Il menace d’uniformiser nos paysages. Il menace paradoxalement de nous faire perdre notre humanité incarnée et notre animalité en nous coupant des réalités naturelles par des zoos virtuels, des paysages transformés en sanctuaires, avec des chiens et chats remplacés par des robots. Le véganisme est l’allié objectif d’une menace plus grande encore.

Car, après tout, la meilleure façon de ne plus abîmer la nature est de s’en couper totalement. De s’enfermer dans des villes, alimentées par des flux de molécules et des flux de données. Plus de sale, plus de propre, que de l’esprit sain tourné vers une morale ultime, l’amélioration de l’homme par son isolement total de la nature que l’on ne peut maîtriser et qui nous renvoie sans cesse à notre animalité. Oui, véganisme rime avec transhumanisme.

Un monde terrifiant. La consommation de la viande a introduit, dès la préhistoire, l’obligation du partage, l’invention de la logique du don et du contre-don car un chasseur ne consomme jamais son propre gibier.

Don et contre-don sont aussi au fondement de nos rapports sociaux avec les animaux. Donner – recevoir – rendre est le triptyque de nos liens. Que sera l’humanité sans cet échange fondamental ?

Paul Ariès auteur de : Une histoire politique de l’alimentation du Paléolithique à nos jours,Max Milo, 2017.
Frédéric Denhez auteur de : le Bio, au risque de se perdre, Buchet-Chastel, 2018.
Jocelyne Porcher auteure de : Encore carnivores demain ? Quae, 2017 (avec Olivier Néron de Surgy).

Le « véganisme » bobo bientôt passé de mode

Il faut bien boire le calice jusqu’à lie : il y a eu la vague du « véganisme » bobo, aux contours lâches et fuyants, caractérisé comme étant un esprit identitaire à la fois de mode et de fuite individuelle.

Et donc, il y a de plus en plus « l’après », c’est-à-dire ce moment où ce qui a été à la mode devient has been, dépassé, intégré au vaste panorama des panoplies qu’on peut assumer au gré de son envie.

Cela ne changera rien au fait qu’il continuera à exister un business « vegan ». Mais les prétentions de la conquête de la société s’avéreront définitivement vaines d’un côté, alors que de l’autre on considérera les vegans comme des bobos qui à un moment faisaient office de hipster.

Quand est-ce qu’a commencé cet « après », quand atteindra-t-il son apogée ? C’est difficile de dire, mais gageons que ces images tirées du magazine gratuit A nous Paris, distribué dans le métro parisien, en dit long sur la « révolution » – ou la « contre-révolution » si l’on voudra – qui est au moins en cours, si ce n’est achevé.

Pourquoi cela ? Parce que le véganisme demande trop de discipline pour des gens voulant soit être branché, soit simplement fuir des choses qu’ils trouvent affreuses, mais sans refuser pour autant les valeurs dominantes.

Ne peuvent surnager dans une telle situation que des gens faisant partie d’une communauté – économique avec le business, ou associatif avec un militantisme très symbolique – ou bien des gens s’étant forgé une identité antagonique (ce qui est bien entendu notre choix).

Autant dire : cela ne fait pas grand monde. Certains ont, pour cette raison, décider d’aller vendre le véganisme à la France Insoumise, dans le prolongement de la « convergence des luttes » de la Nuit debout, qui disposait elle aussi d’une « commission antispéciste ».

Sauf qu’en fait de convergence, il y a juste de la récupération du véganisme comme ustensile de plus dans le caddie de la protestation. Le véganisme ne peut pas exister comme « ajout », comme « valeur ajoutée » : soit il est dans la matrice d’un mouvement, dans son identité à la base même, soit il n’existe pas, ou alors comme une sorte de succédané fictif.

D’ailleurs, tous ces gens qui se disent vegans, le sont-ils seulement réellement ? Quand on voit comment pour Aymeric Caron, il y a eu sans cesse des ambiguïtés (comme quoi il l’est, est en passe de l’être, l’est « presque », etc.), on peut en douter.

Qu’il y ait un élan chez certains, c’est certain. Que l’effort soit prolongé et surtout bien ancré, on peut en douter. S’il y avait vraiment une massification, il y aurait des tendances, des débats, des engagements dans les refuges, des groupes se montant ici et là, bref une effervescence.

Ce n’est pas le cas, tout est atomisé. C’est donc bien qu’il y a un problème à la base même. Et ce problème, il touche à la nature même du véganisme qui s’est développé ces dernières années, comme forme individuelle, symbolique, libérale dans ses principes, réduisant les animaux à des symboles d’opprimés, niant leur réalité naturelle.

Où sont les vegans passionnés par les animaux et la Nature ? Voilà finalement la vraie question. Et c’est précisément en raison de cet absence qu’A nous Paris peut réduire le véganisme à une caricature, à un phénomène de mode, à un caprice.

Ce serait terrible si, en 2030, en regardant derrière soi, on dirait : le véganisme des années 2010 en France n’a été qu’un caprice de petit-bourgeois sans esprit de suite, seulement préoccupés par combiner business individuel et fuite sociale.

Cela le serait moins si on constaterait également que le véganisme des années 2020 était celui de la confrontation sans compromis en défense de la Nature… Il n’y aura pas de compromis, plus de négociations

« Vegan terror » à Grenoble

C’est une histoire dont un détail vaut le coup d’être connu, car l’enfer est dans les détails justement. Cela se passe à Grenoble, où il y a un restaurant qui s’appelle « La Boucherie de Grenoble ». Quelqu’un, dans la nuit de dimanche à lundi dernier, a écrit dessus « Vegan Terror ».

Il a également, ce qui est davantage marquant, brisé 14 vitres. De la peinture a aussi été projetée sur une sorte de statue de vache devant le magasin, qui fait partie d’une franchise, les restaurants s’appelant « la boucherie » et se définissant comme « le professionnel de la viande ».

En soi, rien de très original dans tout cela, même si on peut comprendre pourquoi France 3 région s’est emparé de l’affaire, puisque c’est une actualité locale. Que BFMTV l’ait également fait, c’est déjà plus étonnant, mais tout cela, somme toute n’a rien de fondamentalement surprenant.

Ce qui est par contre stupéfiant, ce sont les propos des propriétaires, s’ils s’avèrent vrais. Ils ont expliqué en effet :

« Pour les propriétaires, la thèse d’une délinquance inspirée par le véganisme ne tient pas du tout la route.

« Pour nous, c’est une fausse piste !, confie Marie-Anne Siaud.

Nous avons des vegans qui viennent manger chez nous, ils ne mangent pas de viande mais viennent quand même. Ce n’est pas parce que c’est marqué boucherie qu’on ne fait pas d’autres plats ! »

La conjonction des mots « Vegan » et « Terror » elle-même fait tiquer la gérante, qui connaît bien le véganisme pour avoir plusieurs membres de sa famille proche adeptes de ce mode de vie. »

Le véganisme serait-il donc considéré à ce point comme vélléitaire qu’il ne concernerait que de bobos s’aménageant une place dans la société ? S’il est vrai que des gens osant s’imaginer vegan mangent dans un tel restaurant, c’est la honte la plus totale. Et malheureusement, on peut craindre que c’est vrai. La réduction à un engagement individuel, coupé de l’ensemble de la société, peut effectivement amener à une telle aberration.

Des gens peuvent se dire que, en fin de compte, c’est leur choix personnel qui est déterminant, par rapport à eux-mêmes. Ils peuvent donc faire « abstraction du reste ».

Or, non pas qu’il faille se couper de la société, mais il y a des limites à la dignité… et non pas la sienne seulement, celle des animaux. Pourquoi pas aller manger au Mc Donald’s, pendant qu’on y est ? Certains diront que cela vaudrait le coup s’il y a une offre, car tout serait offre et demande…

C’est comme d’ailleurs, le goût de la viande, c’est-à-dire du meurtre : certains se disant vegan affirment l’aimer. C’est un problème culturel énorme. Comment d’ailleurs manger même des produits végétaliens ayant la forme d’animaux ? Quelle incohérence. Quelle horreur de commander, dans un restaurant végétalien, du « poulet », du « porc »…

Un tel véganisme ne peut que s’effondrer devant les coups de boutoirs de l’idéologie dominante. Le véganisme implique une césure : qui ne l’assume pas s’effondre. Il est vraiment dommage qu’il n’y ait pas d’enquête sur les personnes ayant été véganes mais ne l’étant plus, un phénomène totalement nié, ce qui est absurde car étant d’une importance capitale.

On ne peut pas protéger le véganisme si on ne voit pas les failles existantes face aux contre-offensives culturelles. Et finalement, ne faudrait-il d’ailleurs pas dénoncer le véganisme comme « éthique individuelle », et lui opposer le véganisme comme morale ?

Bien que les deux mots, morale et éthique, aient un sens commun, cette histoire d’individualité est insupportable et le fait que les propriétaires du restaurant puissent même ne serait-ce que prétendre ce qu’ils disent sans que cela semble absurde en dit long sur la situation.

Car même si on peut trouver nul de signer « vegan terror », même si on considère que cette action n’apporte rien, on ne peut pas nier que cela correspond à une action vegane absolument cohérente. On peut être en désaccord, mais pas nier les faits : c’est une action végane militante, philosophiquement parlant.

On doit pour cette raison trouver incorrect l’appui fait par une association aux propos des propriétaires. Une association de l’Isère a en effet été interrogé à ce sujet et les propos choisis se placent directement en appui des propriétaires.

Or, est-il moralement correct de « réfuter » quelqu’un de vegan dans des médias non véganes ?

« Que pense une association Vegan* d’une telle affaire ? Lydie Visona, présidente de Cali (Cause animaux libre Isère) tient clairement à se démarquer d’un tel mode d’action.

« Je le réfute totalement, ce n’est pas comme cela qu’on fera passer notre message », nous dit-elle.

Et la militante de la cause animale de marquer son refus d’un slogan comme « Vegan Terror » : « Vegan, c’est un mouvement de compassion, pas un mouvement de terreur ! », assure-t-elle pour conclure. »

Réfuter quelque chose peut être juste selon son propre point de vue : cette association a fait le choix du pacifisme, considérant comme un acte militant de rester « immobiles pendant plusieurs heures, sans parler avec des affiches sur les animaux ».

Elle est donc cohérente en rejetant une action violente.  Notons par contre qu’elle ne l’est par contre pas du tout lorsqu’elle met en avant la « libération animale » sur ses réseaux sociaux, parce qu’un tel concept n’a rien de pacifiste. Quand on est pacifiste, on n’est pas pour la libération animale, on est pour la réforme, pour les droits des animaux, éventuellement pour l’abolitionnisme.

Mais passons, ce qui compte c’est ici la question : était-il juste d’ajouter sa voix à celle des propriétaires pour dénoncer une action végane, même si on la trouve erronée ?

Car, dans ce genre de situation, il n’y a pas trois camps, mais toujours deux. C’est d’une certaine être pris en otage, si l’on est en désaccord, c’est indéniable. Mais à un moment il faut choisir dans quel camp moral on se place.

Si on ne peut pas expliquer à un journaliste qu’il est cohérent que quelqu’un s’en prenne à une boucherie – même si l’on trouve cela erroné, contre-productif éventuellement – alors autant abandonner le véganisme directement et mettre la clef sous la porte.

On ne peut pas dire que les animaux se font torturer et exterminer par millions sur la planète et après pleurer pour quelques vitres. Ce serait aberrant. Un mouvement qui ne sait pas comprendre et saisir la nature de ses propres erreurs, s’il y en a, n’est pas un mouvement, mais l’image d’un mouvement, un fantôme.

Et à un moment donné, il faut choisir : veut-on réellement changer les choses, ce qui est compliqué, ce qui implique des faiblesses, des erreurs, ou bien veut-on juste s’intégrer dans la société en donnant un point de vue qui ne changera jamais rien?

Le « Rassemblement des écologistes pour le vivant » d’Aymeric Caron

Mais quel pays ! Au lieu de se mettre à travailler à la base, dans la population, tout est pourri à grande vitesse par des intellectuels, des carriéristes, des entrepreneurs. Et là Aymeric Caron prétend avoir trouvé la recette pour sauver le monde, annonçant sa candidature aux élections européennes de 2019 !

Allons donc ! Nous qui existons depuis le 9 Octobre 2004, on ne nous la fait pas. Nous avons assez de continuité, de pratique et de réflexion pour savoir de quoi il en retourne.

Et de culture, aussi. Parce que nous sommes en France, le pays de Pétain. Et que l’écologie, en France, c’est aussi, voire surtout, voire uniquement, le prétexte au culte de la petite propriété, de la petite production.

C’est le moyen pour le petit propriétaire, le petit bourgeois, le petit entrepreneur, le petit esprit aussi bien sûr, de chercher à exister, coûte que coûte. C’est flagrant dans le véganisme actuel : les animaux, ici, sont pris en otage par des gens qui ne mettront jamais les pieds dans un refuge, qui se préoccupent de cosmétiques et d’alimentation, de lancer leur boîte, en ayant aucune considération pour la vie sauvage.

Et comme il y en a beaucoup des gens comme cela, il y a un nombre incalculable d’associations toutes plus prétentieuses les unes que les autres qui se sont fondées ces dernières années. Avec à chaque fois, la photo du « président » ou de la « présidente » bien visible.

A cette course à l’ego, il est vrai qu’Aymeric Caron est très largement en tête. Alors autant sauter le pas : c’est ce qu’il a fait, annonçant hier dans une tribune dans Le Monde (payante sur le site!), qu’il fondait un « Rassemblement des écologistes pour le vivant » pour se présenter aux prochaines élections européennes.

Il y a déjà un Parti Animaliste pour faire cela, mais on connaît le principe de tous ces gens : moi d’abord ! Le Parti Animaliste avait mis des photos d’animaux pour se faire apprécier lors des dernières élections, Aymeric Caron pourra quant à lui mettre la sienne…

Pour faire bonne figure, il est vrai que la tribune est signée par Malena Azzam, « ancienne porte-parole de l’association PEA (Pour l’Egalité Animale) », et Benjamin Joyeux, « juriste en droit de l’environnement ».

Vous ne connaissez pas PEA (Pour l’Egalité Animale) ? Normal, c’est une association suisse. Malena Azzam est une cinéaste suisse, co-fondatrice de la Crémerie Végane en Suisse. N’y a-t-il donc rien dans notre pays, ni personne, pour aller chercher quelqu’un en Suisse ?

Quant à Benjamin Joyeux, il se présente comme un « écologiste atterré, européen altermondialiste et indianiste gandhien convaincu, inquiet du monde tel qu’il est mais curieux de ce qu’il pourrait être ».

C’est beau d’idéalisme ! Enfin, s’il n’avait pas été attaché parlementaire au parlement européen en 2009-2010, chargé de projet à Europe Ecologie Les Verts de 2010 à 2013, puis conseiller communication de la délégation Europe Ecologie au Parlement européen jusque fin septembre 2016…

Bon, arrêtons la casse et regardons le contenu : après tout, c’est cela qui compte. Que dit la tribune publiée dans Le Monde ?

Mettons la en entier, par principe. Il faut que chacun puisse juger.

L’écologie politique est dans l’impasse en France. Europe Ecologie-Les Verts (EELV) a perdu aujourd’hui la crédibilité nécessaire pour porter le projet d’une société réinventée autour du respect de la planète et de tous ses habitants, humains comme non humains. Les guerres d’ego et les calculs mercantiles n’expliquent pas à eux seuls ce fiasco.

Une des principales faiblesses d’EELV réside dans son mode de pensée dépassé : ce parti prône encore une écologie trop anthropocentrée, qui prétend que la nature est au service de l’homme. D’après cette conception, les animaux non humains, les mers et les forêts ne sont que des « ressources » qu’il faut prendre soin de ne pas épuiser trop vite.

De ce fait, EELV s’accommode du modèle économique néolibéral et se contente de lutter contre ses conséquences les plus néfastes pour la planète. On peut qualifier ce modèle d’« écologie molle ».

Résultat : la défense des droits des animaux n’avance pas d’un pouce, l’industrie continue de faire la loi sur notre agriculture, notre politique énergétique reste indéfectiblement liée au nucléaire, la destruction de la biodiversité s’accélère, en même temps que la pollution de l’eau, de l’air et des sols.

Il y a peu pourtant, plus de 15 000 scientifiques de 184 pays signaient un texte dans la revue BioScience , pour alerter sur la gravité de la situation actuelle. Entre 1990 et 2015, la surface des forêts mondiales a diminué de 129 millions d’hectares, ce qui équivaut à la surface de l’Afrique du Sud.

La disponibilité d’eau douce par habitant a diminué de moitié depuis le début des années 1960. Les trois dernières années ont été parmi les plus chaudes jamais enregistrées, et le réchauffement climatique risque d’atteindre 4 0C à la fin du siècle.

Nous avons déclenché la sixième extinction animale de masse sur Terre : au cours des quarante dernières années, les populations de vertébrés ont baissé de 60 % et les grands mammifères sauvages auront probablement tous disparu dans quelques décennies. La pollution engendre par ailleurs chaque année la mort de plus de 12 millions de personnes dans le monde, les pesticides en tuent 200 000 et l’antibiorésistance 700 000.

Face à l’indifférence des partis de gouvernement qui continuent de promouvoir les politiques responsables de la catastrophe, et pour répondre aux manquements des partis écologistes actuels, s’impose la nécessité d’une nouvelle formation qui défende les intérêts du vivant sous toutes ses formes, le bonheur individuel et collectif, la non-violence, la liberté de chacun à s’épanouir dans sa singularité et dans le respect d’autrui. Dans ce but, le Rassemblement des écologistes pour le vivant (REV) voit aujourd’hui le jour.

Le REV est porteur d’une écologie nouvelle, radicale, que nous nommons « essentielle ». Cette écologie s’interroge sur nos devoirs à l’égard de toutes les formes du vivant, auxquelles nous reconnaissons une valeur intrinsèque, indépendamment de l’utilité immédiate que nous pouvons en retirer. Toute parcelle de vie possède en effet a priori le même droit que chacun d’entre nous à persévérer dans son existence, et l’appartenance à l’espèce dominante ne nous autorise en rien à détruire une vie animale ou végétale sans nécessité absolue.

Cette écologie souhaite donc repenser la place de l’homme dans le cycle du vivant en l’appelant à l’humilité, et en lui demandant d’endosser le rôle de tuteur de toutes les formes de vie, puisque nous avons désormais sur elles le pouvoir de destruction ou de préservation.

Cette écologie essentielle est antispéciste : elle réclame des droits fondamentaux pour chacun des animaux non humains, à commencer par le droit de vivre et celui de ne pas être maltraité. Actuellement, nous élevons et tuons chaque année plus de 70 milliards d’animaux non humains terrestres, et nous pêchons 1 000 milliards d’animaux marins, dans le seul but de satisfaire nos estomacs et les intérêts de grands groupes agroalimentaires.

Est-il encore moralement acceptable de jouir ou de s’enrichir sur le calvaire de milliards d’êtres vivants sensibles ? Nous réclamons la suppression de la corrida, l’interdiction de la chasse, des zoos, des animaux dans les cirques, de la vivisection, et bien évidemment la fin programmée de la viande grâce au lancement d’une transition agricole vers un modèle entièrement végétal.

Nous demandons que soit accordée une identité juridique à toutes les expressions du vivant avec lesquelles nous interagissons. A ce titre, nous souhaitons la reconnaissance par le droit international du crime d’« écocide », c’est-à-dire de l’atteinte à un écosystème, afin de faire condamner les dirigeants d’entreprise et les politiciens complices qui polluent, cancérisent, exproprient ou détruisent des terres. Notre Constitution nationale doit par ailleurs intégrer le respect de la planète comme l’un de nos impératifs.

L’écologie essentielle est porteuse d’un projet global qui prône la fin de l’exploitation sous toutes ses formes : exploitation de la nature, des animaux, mais aussi des humains. Or les inégalités extrêmes explosent : selon l’ONG Oxfam, 82 % des richesses créées dans le monde l’an dernier ont profité aux 1 % les plus riches, tandis que la moitié de la population mondiale n’en a tiré aucun bénéfice.

Il convient de mettre en place une politique de l’empathie et de la coopération : réduction des inégalités, renforcement des mécanismes de solidarité, consolidation et amélioration des services publics de santé, d’éducation, de transport et de culture. Il nous faut laisser de côté la question « combien cela va rapporter, et à qui ? » et privilégier la seule qui vaille : « Cela va-t-il contribuer au bonheur réel ? »

A cette fin, le REV milite pour une réduction substantielle du temps de travail, la décroissance de notre consommation, le renouvellement des pratiques démocratiques, le partage équitable des richesses avec un revenu d’existence doublé d’un plafonnement des plus hauts revenus, l’instauration d’un gouvernement mondial ou encore la fin progressive des frontières qui séparent les hommes.

Nous, signataires de cette tribune et fondateurs du Rassemblement des écologistes pour le vivant, n’avons aucune ambition politique personnelle : les places ne nous intéressent pas. Nous souhaitons simplement favoriser l’expression d’un mouvement de pensée révolutionnaire pour les droits du vivant.

L’objectif du REV est d’être présent aux prochaines élections européennes, en 2019, et d’y incarner l’alternative écologiste en faisant émerger de nouveaux profils. Afin de n’être prisonnier de personne, le REV ne s’appuie sur aucune structure politique ou associative existante. Il se développera au gré des volontés individuelles, et de toutes ces énergies fatiguées d’être empêchées de rêver un avenir meilleur pour les hommes, les animaux non humains et la nature.

Bon, passons sur le fait qu’un ancien membre de l’élite d’Europe Ecologie-Les Verts tombe à bras raccourcis dessus, après tout on peut changer d’avis. Enfin bon, là c’est quand même changer d’avis une fois le plan de carrière bloqué.

Passons aussi sur cette histoire de « gouvernement mondial », qu’on voit mal volé à quelqu’un d’autre que nous qui en parlons régulièrement. Bref.

Essayons de chercher quelque chose de constructif. La tribune dit que le monde va mal… qu’il faut savoir partager… qu’il faut respecter tous les êtres vivants… qu’il faut aller voter. Somme toute, l’Église catholique dit la même chose, mais pour appeler à aller prier, pas à voter.

Parce qu’au fond, cette tribune n’a qu’une fonction : bien souligner qu’il ne s’agit pas d’un programme révolutionnaire, qu’il n’y a bien aucune remise en cause de la propriété, qu’il ne s’agit pas d’un appel à l’offensive pour la libération animale, pour la défense de la Nature.

Bourgeois, dormez tranquille ! Pollueurs, polluez tranquille ! Laboratoires de l’exploitation animale, massacrez tranquille ! Etc. etc. malheureusement.

On dira qu’il reste la défense de la « valeur intrinsèque » de tout être vivant. Comme nous le disons nous-mêmes depuis longtemps, nous avons un certain niveau sur ce plan et nous ne trouvons pas d’écho significatif à une telle philosophie dans la tribune.

Car quand on est biocentriste, un seul raisonnement se pose de lui-même : il y a une guerre contre Gaia, je me place dans le camp de Gaia en cherchant à être le plus utile. Avec en perspective de gagner la guerre.

Vu comme cela, au mieux Aymeric Caron n’est pas biocentriste, c’est un hippie déconnecté, soit un petit-bourgeois qui veut que tout ralentisse, que tout soit freiné, car tout va s’effondrer.

Dans les deux cas, c’est quelqu’un qui n’entre pas en rupture avec un monde affreux qu’il faut changer de fond en comble. Il faut une révolution contre le béton, contre les drogues, contre l’ennui, contre la superficialité, contre l’abrutissement, contre ce qui empêche l’épanouissement.

Aymeric Caron, lui, n’est pas fondamentalement insatisfait de ce monde. Il entend coopérer avec lui, le changer, le transformer. Mais c’est impossible. Il faut une révolution, tant dans les mentalités, que matériellement.

Il contourne le problème de fond : comment briser Mc Donald’s et Nutella ? Et la réponse ne peut exister que sur le terrain, pas à la télévision, pas sur Facebook, pas aux élections, mais avec les gens, dans les luttes concrètes, dans l’affrontement avec ce qui détruit la Nature.

La bataille pour la planète a besoin de combattants, pas de contorsionnistes cherchant à montrer leur tête partout dans les médias ! Les animaux n’ont pas besoin de témoignage, mais de libération !

Réfléchir à la question de la mort

Établir un rapport positif avec les animaux amène un grand risque : celui de la fragilité par rapport à la mort. C’est l’une des raisons pour lesquelles certaines personnes n’adoptent pas ou refusent de s’attacher (tout au moins l’imaginent-elles).

Avoir un être proche qui disparaît est toujours une grande souffrance et les animaux avec qui on peut avoir un lien – chien, chat, ou encore cochon d’Inde, rat, – ont un cycle de vie bien plus court que le nôtre.

Cette différence de cycle pose un énorme souci. D’autant plus que l’établissement de certains animaux comme « animaux de compagnie » est lié à ce cycle. Ainsi, les cochons d’Inde sont censés aller avec les enfants, parce qu’ils ne vivent que quelques années, le temps que l’enfance passe.

On connaît donc le terrible dédain qui les marque si l’enfant, s’imaginant avoir « grandi », considère qu’il est de son devoir de ne plus s’y attacher, de ne plus y porter attention, voyant cela comme « indigne » du nouvel être qu’il serait.

Il en va pareillement, en fait, des chiens également : l’adolescent considère qu’il est le centre de sa propre attention et délaisse un compagnon toujours fidèle, lui.

Le rapport à la mort est si difficile que, bien entendu, la personne qui sait que l’animal va mourir et qui n’a pas assez de maturité, va chercher à s’en éloigner. D’autres, plus sages, s’en rapprochent. L’effet inverse est alors de ne jamais s’en remettre, alors que la vie continue, mais cela est vrai aussi pour des rapports entre humains.

Cette question de la mort est si importante dans le rapport à la mort qu’elle peut virer à l’obsession, dans un sens morbide. On connaît la tendance qu’ont de nombreuses personnes véganes à privilégier la couleur noir, une tendance au sinistre ou au cynique, avec comme ignoble expression parfois les défilés avec des animaux morts dans les mains.

Cela n’a rien à voir avec le véganisme comme amour des animaux, car l’amour signifie également et surtout le bonheur, la joie, la vie. C’est à croire d’ailleurs que certains prennent les animaux en otage pour exprimer leur peur de la mort, de la fragilité de la vie. La situation des animaux dans les abattoirs fait alors de pendant à la souffrance du Christ sur sa croix.

Le caractère stérile d’une telle dénonciation de la vérité ne va pas sans dire. On est là dans une forme en décalage total avec la réalité animale.

Précisons cependant que le rejet du concept de « Nature » relève de la même démarche, généralisée cette fois à l’ensemble de la vie sur Terre.

On notera aussi, pour être exhaustif, que le romantisme nazi, notamment lié à black metal, fait inversement un fétiche de la mort au sein de la Nature, au moyen d’un néo-darwinisme cynique et malsain, refusant de voir l’ensemble de la vie, au profit d’une lecture individualiste et guerrière de l’existence.

Tout cela est très problématique et on sait comment l’hindouisme a résolu le problème, en le contournant, au moyen de la réincarnation.

Non seulement chaque être se réincarne, mais qui plus est l’univers connaît une série de cycles se répétant. Pourquoi alors s’inquiéter de la mort dans la vie, si la vie n’est qu’un épisode constitué d’une multitude d’épisodes ?

Il va de soi qu’aimer les animaux signifie ne pas pouvoir se satisfaire d’une telle évocation des sentiments dans un au-delà mystique. Aimer les animaux signifie donc, bien souvent, les voir mourir.

Ainsi, quand on adopte un animal, on sait qu’on le voir mourir. Si on en adopte beaucoup, alors on sait qu’on en verra beaucoup mourir. On n’aurait tort de sous-estimer l’impact dévastateur que cela peut avoir.

Cela travaille forcément et si c’est vrai pour un médecin, pourquoi ne le serait-il pas pour un vétérinaire, une personne dans un refuge, une personne adoptant régulièrement des animaux ?

Le rapport à la mort, comme on le sait avec les médecins ou les croque-morts, induit souvent un humour noir, un certain cynisme, des attitudes pouvant choquer. On se doute que c’est une soupape de sécurité ; cela n’en heurte pas moins.

De manière bien plus compréhensible, pour s’attarder sur le principe de la réaction face à la mort, il y a la culture vegan straight edge du type hardline qui se focaliser sur la rétribution, sur la justice comme forme de violence que doivent connaître ceux qui maltraitent les animaux.

A la mort répond la mort, comme justice totale, avec une dimension universelle, d’où souvent l’inspiration dans l’imagerie religieuse apocalyptique, notamment médiévale, romantique noir, etc.

Il y a inévitablement davantage de dignité dans une telle attitude, car au-delà de la justice elle-même, il y a l’expression d’un manque. Il ne s’agit pas que de dénoncer le martyr des animaux, encore faut-il souligner l’importance de leur manque et cela doit provoquer la rage.

Les gens qui s’habillent en noir et portent un animal mort lors d’un petit défilé ne parlent que d’eux-mêmes, de leur propre angoisse, de leur propre peur. S’ils voulaient défendre vraiment la dignité de l’animal, ils lui accorderaient un enterrement digne et raisonneraient ensuite sur comment la justice doit s’exercer.

Telle est d’ailleurs la réponse. La mort est naturelle, mais il faut l’accepter. Par contre, arracher la vie à elle-même avant son terme, supprimer une vie en développement, c’est attaquer la vie elle-même.

Se positionner pour les animaux signifie donc se positionner la vie, la vie en général, et dire que la justice doit être conforme avec cette défense universelle de la vie.

L214 évalue les animaux non pas à la sensibilité, mais au regard humain

Nous avions déjà parlé de la belle chanson de Bruce Cockburn « If a tree falls », qui fait allusion à une phrase de l’évêque George Berkeley, au 18e siècle :

« Si un arbre tombe mais que personne ne l’entend, fait-il du bruit ? »

La chanson renverse la perspective, ce qui est la démarche de base quand on reconnaît une valeur en soir à la Nature.

Les végétaux et les animaux ont une valeur en soi. Ce n’est pas parce qu’on ne voit pas un animal mourir qu’il ne meurt pas, et sa valeur ne dépend en général pas de ce regard.

La Nature existe en soi, la vie a une valeur en soi. La valeur ne dépend pas du choix accordé, l’existence ne dépend pas du choix accordé. Les êtres humains peuvent ne pas aimer les cafards, les rats, les pigeons : la vie des cafards, des rats, des pigeons continuent, car cela relève de la Nature, plus puissante que toutes les vaines tentatives humaines.

Le réchauffement climatique va remettre en place d’ailleurs le décalage de l’humanité par rapport à la réalité, l’ordre naturel. La vie existe, en soi, indépendamment de ce que l’humanité en pense ou pas.

Ce n’est pas le point de vue de L214, qui montre une fois de plus que son principe, c’est un témoignage catholique, une complainte de classe moyenne devant l’horreur du monde, une lamentation d’humain prenant le sort des animaux en otage.

Voici ainsi le message posté hier par L214.

Parler de toutes les choses fausses dans cette image pourrait prendre des heures. Il y a par exemple l’éloge de la domestication avec le chien, car même si le chien est notre ami et le restera, son statut de serviteur de l’être humain date de la même période que la domestication et donc l’élevage des cochons.

Il y a le côté culpabilisation du texte sur le fait de naître sous une bonne étoile, ce qui ne veut d’ailleurs rien dire à moins de croire en la réincarnation et de penser qu’on peut être indifféremment chien, cochon ou être humain, etc.

Il y a d’autres aspects encore (le cochon allongé ou sans doute mort, le cliché de la femme aux cheveux longs sous les étoiles, etc.), mais c’est secondaire par rapport au vrai problème de fond, consistant en cette affirmation absurde :

« Ce qui les distingue le plus n’est pas leur sensibilité ou leur intelligence, mais le regard que nous leur portons. »

On dira déjà peut-être : ce n’est jamais qu’une image. Ce qui n’est pas vrai : L214 a réussi à accumuler de très importantes sources de financement et la personne qui a réalisé cette image a été payée, tout comme celle la mettant en ligne (si ce n’est pas la même).

Cette image relève d’un choix, tant marketing que philosophique. Il est donc juste et nécessaire de voir ce qu’elle vaut, surtout qu’elle montre une chose très simple : le véganisme actuel n’aime pas les animaux, il les prend en otage pour sa complainte.

Les animaux n’ont pas de valeur en soi, pas plus que la Nature, une question d’ailleurs liée. C’est le regard humain sur l’animal qui compte. C’est de l’anthropocentrisme.

On entend déjà ici une voix dire : mais non, c’est le contraire, L214 a voulu dire que les animaux peuvent avoir une sensibilité ou une intelligence similaire, mais que l’être humain fait des distinctions qui n’ont pas lieu d’être.

D’où le cochon et le chien, qui sont considérés comme d’égale intelligence, quoiqu’une telle comparaison puisse avoir de sens (comment évaluer réellement une intelligence? Chaque espèce n’existant que par son milieu, l’être humain y compris).

Mais, justement, c’est cela l’anthropocentrisme.

L’anthropocentrisme, c’est considérer que l’être humain est au centre, que ses distinctions ont une importance. Que l’être humain peut décider, selon sa conscience, en-dehors de la réalité.

C’est là le problème : L214 ne fait en pratique que renverser le système de valeurs anthropocentristes, mais  sur la base de l’anthropocentrisme. Ce qui annule toute la critique.

L214 dit le contraire que le « spécisme », mais le fait en s’appuyant sur l’humanité, non pas les animaux, ni la Nature. C’est de l’anthropocentrisme.

Donnons quelques exemples, parallèles utiles pour saisir cela. Le philosophe allemand Heidegger expliquait que l’existence en général n’avait de sens que parce que l’être humain était le témoin de celle-ci, grâce à la poésie libérée de toute règle.

L’être humain est censé être « le berger de l’être ». C’est son regard particulier qui témoignerait de l’existence dans l’absolu. Sans le regard humain, pas d’histoire, pas de langage, c’est d’ailleurs ce qui est enseigné au lycée en terminale en philosophie.

Les religions monothéistes ne disent pas autre chose, avec l’humanité ayant un statut « à part ». Dieu aurait organisé la création de l’être humain, afin de témoigner de sa création en général.

Tout n’existerait que par l’être humain, voire pour l’être humain. Tout passe par l’être humain.

Notons que parfois les religions sont liées à une reconnaissance au moins partielle de la Nature, comme ici l’Islam qui a sans doute la présentation la plus belle de cette question, avec le verset 72 de la sourate Les coalisés du Coran :

« Nous avions proposé aux cieux, à la terre et aux montagnes la responsabilité (de porter les charges de faire le bien et d’éviter le mal). Ils ont refusé de la porter et en ont eu peur, alors que l’homme s’en est chargé ; car il est très injuste [envers lui-même] et très ignorant. ».

Cette vision négative et autocritique est malheureusement bien entendu totalement effacée par l’existence d’un prétendu message divin avec des lois « parfaites ». L’Islam dit que l’être humain est ignorant, mais en même temps des lois « divines » (en fait humaines pour nous athées) viennent corriger le tir, et la démesure est alors de nouveau permise.

C’est une critique de l’anthropocentrisme, finalement anthropocentriste. Suivant cette conception, l’être humain décide, il est au centre. C’est sa manière de voir les choses qui déciderait de tout.

L’absurde théorie de « l’antispécisme » ne dit pas autre chose, en prétendant simplement inverser la chose. Il y aurait le spécisme, il faudrait l’antispécisme, alors qu’en réalité s’il y a bien anthropocentrisme, ce dernier est vain.

L’humanité n’est pas « un empire dans un empire », comme l’a bien dit Spinoza, mais un aspect d’un ensemble, la Nature. Il est donc faux de dire que la chute d’un arbre dans un bois n’aurait pas de « sens » si aucun humain ne l’entend…

Tout ce qui se passe est strictement cohérent et ne provient pas d’une « déviation ». L’être humain n’est pas mauvais et il n’a pas fait de « mauvais choix », il a fait ce qu’il a pu, ce qu’il a du, et maintenant justement il doit cesser de faire un fétiche du passé et faire ce qu’il peut, ce qu’il doit.

Le véganisme est ce qu’il peut, ce qu’il doit. Le véganisme n’était pas possible il y a 500 ans, ni il y a 1000 ans. Il est possible aujourd’hui, et nécessaire.

Pourquoi ? Parce qu’aimer les animaux est naturel. La vie appelle la vie, c’est aussi simple que cela. C’est une question de rapport à la Nature dans son ensemble.

Aussi, ce sont les animaux qui doivent être au centre de la question. Mais les animaux, les « vegans » d’aujourd’hui les préfèrent morts ou souffrants, ils utilisent leurs cadavres pour défiler habiller en noir, mettant en valeur… leurs affres, leurs tourments, leur culpabilité.

Et malheureusement, des gens qui aiment vraiment les animaux se font happer par ce pessimisme, ce nihilisme, qui prend les animaux en otage pour ne parler que d’eux-mêmes.

Aussi le critère n’est pas le regard porté, bon ou mauvais, mais les animaux, la Nature, la vie en soi.

Nicolas Hulot : « Ne soyons pas excessifs »

Madame Figaro vient de faire une interview de Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique. Voici un petit extrait de cet interview, qui montre que le problème, ce ne sont pas seulement les partisans ouverts de l’exploitation animale.

Ceux-là sont facilement compréhensibles, visibles, caricaturaux. Les grands chefs d’entreprise et les chasseurs n’ont pas la confiance de la grande majorité de la population. Mobiliser contre eux est possible, parce que leur rapport à la réalité est flagrant. Ce sont des beaufs et des profiteurs.

Cependant, il y a aussi ceux qui ne veulent pas être « excessifs ». Ceux-là sont des ennemis masqués. De L214 à Nicolas Hulot, ils disent qu’on a le temps, que le progrès est inévitable. Ils cachent que les choses empirent à l’échelle mondiale, que finalement pas grand-chose ne change pour les animaux.

Ils prennent un petit élément positif et le généralisent, alors qu’il est anecdotique. Qu’importe aux animaux à l’échelle mondiale qu’il y ait 3 % de gens vivant vegans dans certains pays du monde, si l’exploitation animale va doubler d’ici cinquante ans ?

Dans l’ordre du jour, la jeunesse devrait vouloir tout casser et la révolution devrait avoir eu lieu quarante fois. Au lieu de cela, tout est d’une mollesse complète, pour ne pas dire une paresse criminelle.

On se complaît dans un quotidien individuel qui, somme toute, est vivable, en se disant qu’il y a pire ailleurs. Et puis, il y a les petits efforts qu’on fait, qui suffisent à se donner bonne conscience…

Les propos de Nicolas Hulot relèvent tout à fait de cette approche de Ponce Pilate.

La viande est l’aliment qui impacte le plus le climat. Doit-on devenir végétariens ?

Ne soyons pas excessifs. Deux membres de ma famille sont végétariens. Moi, je suis flexitarien : j’ai divisé ma consommation de viande par quatre. J’en achète moins, mais de meilleure qualité, de proximité et bio.

Quitte à la payer un peu plus cher. L’agriculture représente 20 % de nos émissions de gaz à effet de serre. Elle peut être un problème, une victime, mais aussi une solution.

Quand un paysan élève son bétail avec de la prairie, il permet la capture du carbone par le sol.

Les agriculteurs peuvent ainsi – et c’est un exemple parmi tant d’autres les concernant- participer à la lutte contre le changement climatique. Mais il faut aussi qu’ils s’y retrouvent économiquement.

La souffrance animale dans les abattoirs et les fermes industrielles suscite un débat grandissant. Des enseignes, comme Monoprix, bannissent les œufs en batterie de leurs rayons. Comment aller plus loin ?

Les révélations nécessaires d’associations comme L214 ont permis de sortir d’une forme d’hypocrisie.

Je trouve inadmissible ces élevages industriels et ces conditions de transport ignobles, où les animaux sont, entre autres, trimballés sur de grandes distances en plein été. Les fermes de 10 000 vaches et les élevages de poulets en batterie sont d’une autre époque.

On peut améliorer les choses. Sur l’abattage, il faut créer les conditions pour que la peur de la mort soit réduite au maximum… Je veux engager une réflexion sociétale sur ce sujet de civilisation.

Nous sommes la partie consciente de la nature, capables d’attention et de bienveillance vis-à-vis des autres êtres vivants, et qu’en faisons-nous ? Pour mériter notre intitulé d’Homo sapiens, nous devons le démontrer.

La civilisation, ce serait de ne pas être excessif… Comme si c’était sa propre conscience qui décidait de la réalité, comme si rester mesuré dans ses choix avait une valeur en soi…

C’est ni plus ni moins que la capitulation masquée derrière le visage du « raisonnable ».

Tribune dans France-Soir sur l’alimentation végétalienne

France-Soir a publié une tribune très utile et très importante. Signée par des professionnels de la santé, elle appelle à ce que soit reconnue par les autorités françaises le fait que l’alimentation végétalienne soit saine à tos les âges de la vie.

C’est un document qui au-delà d’apporter sa pierre à l’édifice, peut être véritablement très précieux pour les personnes se retrouvant par exemple à l’hôpital ou bien dans n’importe quelle situation où il faut justifier que le végétalisme ne soit pas « nocif ». Les situations individuelles dans ce genre de situation de dépendance par rapport à une autorité hostile est, on s’en doute, plus que difficile.

Peu de gens le savent: les recommandations nutritionnelles officielles de nombreux pays reconnaissent l’alimentation végane/végétalienne comme une alimentation saine et viable. S’appuyant sur le consensus scientifique existant, ces recommandations définissent les légumineuses, les fruits à coque/oléagineux et les produits à base de soja comme « aliments riches en protéines » au même titre que les « viandes, poissons, œufs« .

De même, les laits végétaux/boissons végétales enrichis en calcium sont inclus dans le groupe « produits laitiers et substituts« . C’est notamment le cas de la pyramide alimentaire officielle de référence en Belgique, à deux pas de chez nous.

Tour d’horizon : les Etats-Unis abritent la plus grande association de diététiciens au monde -l’Academy of Nutrition and Dietetics- regroupant environ 67.000 nutritionnistes, qui se penche sur la question depuis 1987 et selon laquelle « les​ ​alimentations​ ​végétariennes correctement​ menées,​ ​dont​ ​le​ ​végétalisme,​ ​sont​ ​saines,​ ​adéquates​ ​sur​ ​le​ ​plan​ ​nutritionnel,​ ​et peuvent​ ​présenter​ ​des​ ​avantages​ ​dans​ ​la​ ​prévention​ ​et​ ​le​ ​traitement​ ​de​ ​certaines​ ​maladies.​ ​Les alimentations​ ​végétariennes​ ​bien​ ​menées​ ​sont​ ​adaptées​ ​à​ ​tous​ ​les​ ​stades​ ​de​ ​la​ ​vie,​ ​notamment aux​ ​femmes enceintes,​ ​aux​ ​femmes​ ​qui​ ​allaitent,​ ​aux​ ​nourrissons,​ ​aux​ ​enfants,​ ​aux​ ​adolescents ainsi​ ​qu’aux​ ​sportifs« .

Par exemple, la Fondation britannique pour la Nutrition indique que « des​ ​études​ ​menées​ ​auprès​ ​d’enfants​ ​végétariens​ ​et​ ​végétaliens​ ​au​ ​Royaume-Uni​ ​ont​ ​montré que​ ​leur​ ​croissance​ ​et​ ​leur​ ​développement​ ​suivaient​ ​des​ ​courbes​ ​normales​ ».

La viabilité et les avantages d’une telle alimentation sont également rappelés par le ministère américain de l’Agriculture, l’association des diététiciens du Canada, le Conseil national de la santé et de la recherche médicale australien, ou le Service national de la santé du Royaume-Uni, par exemple.

La direction générale de la santé du Portugal précise en outre que « les​ ​études​ ​montrent​ ​non​ ​seulement​ ​l’importance​ ​d’une​ ​consommation​ ​régulière d’aliments​ ​végétaux,​ ​mais​ ​également​ ​le​ ​fait​ ​qu’une​ ​alimentation​ ​reposant​ ​exclusivement​ ​sur​ ​ces produits​ ​protège​ ​aussi​ ​bien,​ ​sinon​ ​mieux,​ ​la​ ​santé​ ​humaine« .

Une attention particulière est à porter aux apports en vitamine D3 et, surtout, en vitamine B12.

S’il existe des sources végétales de vitamine D3, la vitamine B12 est fabriquée exclusivement par certaines bactéries, que l’on cultive désormais aussi en laboratoire.

La vitamine B12 de culture ainsi produite dans le monde sous forme de complément alimentaire est surtout destinée aux animaux d’élevage. Pour les personnes véganes, il est donc possible de la consommer directement.

Il existe pour cela des suppléments et des aliments enrichis, qui sont indispensables à une alimentation végane équilibrée. Chez le nourrisson, l’allaitement maternel prolongé ou l’utilisation de préparations pour nourrissons (laits infantiles 1er et 2e âge) à base de protéines végétales sont recommandés jusqu’à l’âge de 4 à 6 mois.

Nous soussignés, médecins, nutritionnistes, professionnels de santé, appelons ainsi le ministère de la Santé à reconnaître que l’alimentation végane/végétalienne est possible à tous les âges de la vie, et à l’inclure -avec ses avantages, ses contraintes, ainsi que les sources véganes de protéines et de minéraux- dans une mise à jour des publications officielles: Programme National Nutrition Santé (PNNS), pyramide alimentaire officielle, etc.

Par ailleurs, nous appelons les médias à être attentifs aux conflits d’intérêts potentiels chez les professionnels de santé invités à exprimer dans leurs colonnes ou sur leur antenne leur opinion sur le véganisme, et à exiger de ces derniers une opinion fondée sur des données scientifiques sourcées.

Les signataires, par ordre alphabétique

Dr. Christophe André, docteur en médecine, psychothérapeute, psychiatre, chargé d’enseignement à l’Université Paris X

Catherine Amadoro, infirmière

Malaury Aye, diététicienne nutritionniste

Emeline Bacot, diététicienne nutritionniste

Perrine Bellanger, diététicienne

Dr. Jérôme Bernard Pellet, médecin nutritionniste

Loïc Blanchet-Mazuel, médecin généraliste

Killian Bouillard, docteur en sciences du sport, enseignant en nutrition

Yulia Brancart-Stepanenkova, diététicienne

Dr. Ludivine Buhler, médecin généraliste

Dr. Alexandre Chan, docteur en pharmacie

Stella Choque, infirmière cadre de santé, formatrice

Marica Concilio, nutritionniste

Maelle Cravero, gériatre et praticien hospitalier en médecine interne/gériatrie/neurologie

Marjorie Crémadès, diététicienne nutritionniste

Dr. Sébastien Demange, médecin généraliste

Dr. Denis Del Nista, médecin urgentiste

Dr. Catherine Devillers, médecin généraliste et médecin scolaire

Dr. Michèle Engel, médecin généraliste

Dr. Thomas Erpicum, docteur en biochimie

Amandine Goncalves, infirmière

Dr. Colette Goujon, neurologue, praticien hospitalier

Catherine Grusenmeyer, diététicienne nutritionniste

Angélique Guehl, diététicienne nutritionniste

Dr. Pauline Guimet, médecin généraliste

Maëlle Kane, nutritionniste

Dr. Elisabetta Lanciano, médecin généraliste

Dr Nathalie Lecroq, psychiatre, psychothérapeute addictologue

Sarah Lepretre, diététicienne

Dr. Florie Martinez Courant, médecin généraliste

Valérie Monod, infirmière

Kathleen Nunez, diététicienne nutritionniste

Dr. Emmanuelle Peris, médecin en santé au travail

Dr. Amélie du Peuty, médecin généraliste

Sylvie Quentin, aide soignante

Dr. Stéphane Rieu, médecin généraliste

Dr. Valérie Rieu, médecin urgentiste

Ludovic Ringot, cadre diététicien

David Ruffieux, nutritionniste diplômé en biochimie et biologie cellulaire

Florian Saffer, diététicien et nutritionniste du sport

Séverine Sénéchal, diététicienne nutritionniste

Thomas Sluys, Kinésithérapeute

Sophie Sun, médecin généraliste

Bérengère Verstraete, infirmière anesthésiste

L214 fait de l’éleveur Jean Rochefort un « défenseur des animaux »

L214 a salué la mémoire de Jean Rochefort, acteur décédé hier, en le présentant sous un jour extrêmement positif pour son rôle en faveur des animaux. Naturellement, nous avons voulu savoir dans quelle mesure c’était vrai.

Car c’un cas d’école chez L214 que cete récupération manipulatrice et mensongère de n’importe qui ou n’importe quoi, en en appelant à l’irrationnel et au sentimentalisme au moyen de quelques anecdotes censées être représentative d’une défense des animaux.

L’exemple est d’ailleurs parlant. Voici donc ce qu’a dit L214 sur son facebook :

Jean Rochefort était censé avoir porté « un profond respect à tous les animaux ». Le minimum pour cela voudrait dire qu’il était vegan (et nous ne pensons pas qu’être vegan soit d’ailleurs suffisant, car il faut aimer les animaux et les soutenir dans les faits).

Il ne l’était pas, même pas végétarien d’ailleurs, et en plus c’était un éleveur professionnel, un fanatique de l’utilisation des chevaux. L214 peut appeler cela être « amoureux des chevaux », ce n’est pas notre point de vue.

Précisons bien qu’il ne s’agit nullement d’accabler Jean Rochefort comme individu, qui plus est à l’occasion de sa mort. C’est l’interprétation irrationnelle (ou manipulatoire) qu’il s’agit de critiquer ici.

Que Jean Rochefort ait pu avoir quelques avis sympathiques, certainement, comme par ailleurs l’écrasante majorité des gens si on y regarde bien… Mais jouer sur la sensiblerie pour masquer les curseurs et les frontières, pour gommer la différence entre ce qui est juste et injuste, bien et mal, c’est non.

Le lien mentionné par L214 aboutit d’ailleurs à un très court extrait de propos de Jean Rochefort à la radio France Culture en 2012.

Jean Rochefort y explique que les abattoirs industriels, c’est une horreur, et qu’il regrette le temps où le bourgeois et la personne moyenne mangeant le « même poulet ».

Cela n’en fait pas une critique de la réalité allant dans le sens de la libération animale… C’est simplement une nostalgie classique, comme on en trouve dans le film « L’aile ou la cuisse »

C’est l’idéalisation classique du passé, propre à un homme par ailleurs connu pour son engagement dans la droite conservatrice. Son style dandy a correspondu à des valeurs de la bourgeoisie traditionnelle, celle qui avait encore des valeurs, une éducation et des principes (qui ne sont pas les nôtres par ailleurs).

Jean Rochefort a donc dénoncé l’abattage industriel, comme par ailleurs la corrida. Mais ce sont des anecdotes, car en pratique il a été un éleveur de haut niveau, et même « à l’origine de la première transplantation d’embryons chez la jument », comme on l’apprend dans une interview donnée au magazine équestre « Cheval Savoir« .

C.S. Parlez-nous de Jean Rochefort éleveur…

J.R. J’ai été absolument passionné par l’élevage, et là aussi, je fonctionnais complètement à l’instinct.

Un jour, j’étais avec ma jument de concours, Téfine, une jument vendéenne qui avait un peu de sang cob normand, et d’excellents aplombs. Un homme (manifestement un éleveur pur et dur) est passé à côté de moi et a laissé tomber : « quand on a une jument qui a un dos comme ça, on devrait la faire pouliner ».

J’ai obéi ! J’ai cherché un étalon, et j’ai voulu Laudanum, comme ça, par coup de coeur ; je n’étais pas compétent, mais j’adorais ce cheval.

J’ai fini par le trouver, boiteux, au fond d’une cabane. La saillie (en monte naturelle bien sûr…à l’époque il n’y avait que cela) a eu lieu sous l’ironie des personnes présentes. C’était la première, ou peut-être la deuxième saillie de Laudanum.

Il a ainsi été le père de Nashville, (je donne toujours des noms de films à mes poulains) qui a fait une carrière magnifique sous la selle de Jean-Maurice Bonneau.

Laudanum a eu ensuite la carrière de reproducteur que l’on sait, et une des filles de Nashville a été l’an dernier en tête des gains des chevaux de 6 ans, alors qu’elle ne toise que 1,53 m !. (…)

C.S. Toujours à propos de votre passion d’éleveur, vous avez été à l’origine de la première transplantation d’embryons chez la jument ?

J.R. Oui, c’est une chose dont je suis très heureux, qui a été très importante pour moi : cette première transplantation effectuée par le Dr Palmer a été faite sur une de mes juments…

C’est terrible. Cette histoire de transplantation correspond au principe des mères porteuses ; elle vise à permettre à la jument de pouvoir continuer à avoir une carrière dans les courses, tout en permettant la reproduction de manière technologique…

C’est naturellement odieux et il est inacceptable de mettre en avant Jean Rochefort en affirmant qu’il a un rapport positif aux animaux. Il a joué un rôle essentiel dans les rouages de l’exploitation animale des chevaux.

Il a d’ailleurs même été décoré pour cela, comme montre ses propos rapportés par Gala :

« J’ai décro­ché le Mérite Agri­cole pour avoir été à l’ori­gine de la première trans­plan­ta­tion d’em­bryons chez la jument. Je veux qu’on l’ins­crive sur ma tombe. J’ai le cabo­ti­nage post-mortem ! »

Il a, par ailleurs, été le commentateur des courses équestres à la télévisiondes épreuves équestres aux JO de 2004 et 2008.

Quand on voit cela, on se dit que L214 est d’un opportunisme assez viscéral, à ce degré.

Notons par ailleurs qu’une photo tirée de l’interview de Cheval Savoir a pu par ailleurs être utilisée sur internet ici ou là.

Le commentaire de « Cheval Savoir » n’a naturellement aucune valeur à nos yeux. Mais cela suffit à certains pour faire de cette photo un témoignage d’opinion engagée.

En réalité, la photographie illustre le passage suivant :

C.S. Vous êtes engagé dans la défense des chevaux maltraités…

J.R. Oui. La défense animale en général me semble un combat nécessaire. Je lis en ce moment le livre de Jonathan Safran Foer « Faut -il manger les animaux ? » C’est un livre que je vous recommande vivement. Les méthodes d’élevage industriel font froid dans le dos. Je ne suis pas encore végétarien, mais je compte le devenir…

Jean Rochefort n’est pas végétarien, mais cela le travaille, comme beaucoup. Sauf qu’en 2011, date de l’interview, il fallait déjà mettre en avant le véganisme… Et de toutes façons, c’est l’élevage industriel qu’il dénonce.

Quand on voit son parcours, son attitude visant à dénoncer que tout aille trop loin, sa posture de dandy, cela en fait au mieux quelqu’un proche des thèses fachos du « avant c’était mieux », pas quelqu’un visant une utopie universelle végane. D’ailleurs, s’il défend les chevaux, c’est parce qu’il les aime bien, voilà tout.

Et encore, les défendre est un grand mot, comme en témoigne ses propos au Figaro au sujet d’un tournage :

Avez-vous des regrets?

Le jour où on est satisfait de soi-même, on est foutu. Le doute est un carburant nécessaire. Je regrette infiniment l’expérience de Don Quichotte de Terry Gilliam, un metteur en scène pour lequel je n’ai plus d’estime. Le tournage (en 2001, ndlr), inachevé, a été interrompu par une hernie foudroyante.

De plus, j’avais accepté de monter sur un cheval qui, pour ressembler à Rossinante, n’avait pas été nourri pendant quarante jours. Les soigneurs avaient des pommes accrochées dans le dos pour qu’il marche.

Deux jours après mon arrêt, le cheval est mort. Moi, l’homme de cheval, j’avais accepté cette horreur! À la douleur physique, au renoncement du rôle, s’ajoutait la honte. Mon psychiatre m’a aidé à faire sortir peu à peu tous ces maux. Et à me relever d’une grave dépression.

C’est un bon exemple, car cela signifie que Jean Rochefort n’a pas su systématiser son amour des chevaux, l’universaliser. Il a donc échoué en 2001, et il l’a bien compris. C’est à son honneur, mais cela n’en fait pas un défenseur des animaux.

Cela en fait quelqu’un qui a échoué à aimer les animaux. En pratique, il ne dépasse pas la position d’éleveur professionnel, fervent défenseur des activités équestres, qui veut que les choses restent « mesurées », « à l’ancienne » en quelque sorte… Mais qui n’a pas été capable pour autant de défendre le pauvre cheval du film « Don Quichotte ».

On notera d’ailleurs que les propos de Jean Rochefort aurait dû aboutir à une enquête et à la condamnation du réalisateur. Cela n’est évidemment pas le cas.

Notons même que Terry Gilliam salue Jean Rochefort précisément avec une image où l’on voit ce pauvre cheval… Quelle ignominie…

Le réalisateur Terry Gilliam montre vraiment ici qu’il n’a rien compris aux animaux. Une telle publication, alors que l’animal est mort deux jours après la photographie, après avoir été affamé… cela fait froid dans le dos.

Quand on voit tout cela, quand on sait que Jean Rochefort a été un éleveur même décoré pour son activité, peut-on alors faire de cet acteur un défenseur des animaux, ou même des chevaux? Certainement pas.

A croire pourtant qu’il sufit qu’il dise qu’il ne faut pas manger les chevaux – seulement donc les utiliser pour des courses, comme des objets – pour en faire quelqu’un de bien, comme chez Brigitte Bardot, qui parle d’une « hécatombe d’étoiles qui s’éteignent avec la mort de Jean Rochefort »…

Peut-on alors aussi comprendre certains commentaires irrationnels qu’on trouve sur le facebook de L214 ?

« C’est toujours les meilleurs qui partent en premiers malheureusement. »
« Un grand homme, il a porté son art à la cause animale »
 » Un très grand Monsieur ! Reposez en paix.« 
« Adieu Monsieur Rochefort. Vous allez nous manquez. Reposez en paix Monsieur Rochefort ami des animaux. »

Ces commentaires sont absurdes, ou plutôt symptomatiques : tout ce cinéma ne sert qu’à larmoyer, afin de se mettre soi-même en avant, de prétendre que le monde est uniquement dur, qu’on ne peut rien et que la cause est vouée au martyr.

C’est ignoble et L214 joue là-dessus pour s’imposer comme association institutionnelle. C’est du racolage morale absolument affreux.

Alors qu’en plus, sans sacraliser Jean Rochefort, sans le transformer en « ami des animaux », il y avait matière à réflexion.

Pour preuve, nous avons trouvé cette chanson où Jean Rochefort raconte un beau texte sur les chiens abandonnés, dans un 45 tours au profit de la SPA. C’est très dur et on sent qu’il saisit très bien la signification du texte lu.

C’était bien plus cela qu’il fallait mettre en avant qu’une photographie de Jean Rochefort à prétention esthétisante, faisant passer celui-ci pour ce qu’il n’a pas été.

Quand ils ont claqué la portière
Il n’a pas compris tout de suite
Il a couru longtemps derrière
Mais la voiture allait trop vite

Et pendant des journées entières
Il a vu les autos passer
Mais vous, auriez-vous fait marche arrière
En voyant ce chien sans collier ?

Car après les premières caresses
Puis quelques mois d’indifférence
Beaucoup de chiens perdent leur laisse
Au début des grandes vacances…

Comme un objet que l’on jette
Quand il n’est plus au goût du jour
Il sera remplacé peut-être
Par un chien plus jeune au retour…

Le chien abandonné en été par ses maîtres
Flaire toujours la route et fait des kilomètres
Il traverse les villages et s’approche des enfants
Qui n’osent le caresser de peur qu’il soit méchant,
De peur qu’il soit méchant

Il n’a pas oublié ses maîtres
Depuis le jour qu’il vagabonde
Et pour les retrouver peut-être
Il ira jusqu’au bout du monde

Il n’a plus d’âge et plus de race
Qu’importe comment il s’appelle
Mais à le voir suivre leurs traces
Moi, je vais l’appeler Fidèle

Le chien abandonné en été par ses maîtres
Sur le bord d’un fossé vaut bien que l’on s’arrête
Qu’on ouvre sa portière pour le faire monter
Pour qu’un jour en été il n’y ait plus jamais
De chien abandonné.

Voilà qui est utile et qui fait partie du patrimoine de la défense des animaux. Voilà ce qu’il faut valoriser et évaluer objectivement, et non pas sacraliser tout et n’importe quoi, afin d’alimenter l’irrationnel et de masquer qu’en fait l’exploitation animale est en expansion exponentielle à l’échelle planétaire.

Aucun compromis avec McDonald’s, burger « veggie » ou pas

Dans la culture rasta, la société moderne est qualifiée de Babylone ; c’est bien sûr une référence chrétienne au fait que dans la Bible, Babylone est le symbole de l’oppression, d’un mode de vie incorrect.

L’allégorie de Babylone a pu être utilisé ici et là, et si la portée religieuse est sans intérêt, ce qui compte à l’arrière-plan, c’est la valorisation de la question de la vie quotidienne.

Ce qui est décisif, c’est la manière de vivre dans sa nature quotidienne.

Non pas que révolutionner sa vie quotidienne suffise. Être anarcho-punk ne change clairement pas le monde. Ni même le fait d’être vegan, en fait. Mais être vegan,  c’est une condition sine qua non pour aller à l’assaut de cette société et la changer.

Tout relativisme est alors une faille.

Pourquoi dire cela ? Car McDonald’s a sorti un burger végétarien, qui va être testé plus d’un mois en France (du 10 octobre au 27 novembre 2017).

Le « grand veggie » sera composé d’une galette végétarienne composée d’un mélange de salsifi, carotte, emmental et céréales, avec en garniture, de la salade, du chou rouge et blanc et une sauce au pesto rouge, avec deux pains parsemés de graines de courge, de sésame et de pavot.

Le tout « made in France », McDonald’s insistant particulièrement sur ce côté « terroir ».

Il existe aussi ailleurs un burger végétalien, le McSpice, avec comme base un « steak » de haricots rouges, de carottes, de poivrons verts et d’oignons rouges. Il est présent en Norvège depuis peu, et a ou existe encore en Afrique du Sud, en Arabie Saoudite et en Belgique ; une version avec fromage est aussi disponible. Il y a également en Inde un McVeggie, avec un steak de légumes (petits pois, carottes, haricots, oignons, patates et riz).

Peu importe, car ce qu’il est nécessaire de réaffirmer ici, c’est qu’il n’y a rien de végan. Le véganisme n’est pas le végétalisme. Même si la nourriture est vendue à part, Mc Donald’s reste un monstre de l’exploitation animale, le symbole d’une consommation ignoble, d’un mode de vie infâme.

McDonald’s est une machine de guerre, c’est le capitalisme tourné vers l’exploitation animale de très grande consommation, avec un perpétuel souci d’agrandissement, de modernisation.

Avec, aussi, une très grande attention portée à ce que tout reste niais, aseptisé, stupide.

Il ne s’agit pas ici de faire de l’anti-américanisme primaire et forcément stupide, ni d’ouvrir un débat sur la possibilité ou non de manger végétalien dans un restaurant qui ne l’est pas. On sait bien à quel point il n’est pas forcément aisé de se confronter au réel avec toute la rage nécessaire et il ne s’agit pas de jeter la pierre à des gens tentant d’organiser leur vie quotidienne.

Des discussions sont possibles et nécessaires, bien entendu ; le sujet est complexe et demande de la finesse. Pour Mc Donald’s, par contre, aucun débat n’est possible. McDonald’s est un ennemi.

C’est un ennemi prioritaire. Au même titre que les kebabs ou les fast-foods « bien de chez nous », d’ailleurs, car l’aspect essentiel n’est nullement l’origine nationale, mais le fait qu’il s’agisse d’une consommation de masse, à vocation « plaisante » et relativement peu onéreuse.

L’accessibilité d’une telle consommation, voilà la réelle ennemi, et non pas une pseudo « végéphobie » qui est vraiment une fantasme de gens cherchant à tout prix à refuser l’esprit de confrontation et de lutte.

Être vegan signifie lutter, signifie la rupture. Ce que proposent en ce moment L214, l’association 269, les petits boutiquiers et autres épiciers, les magasins bios, n’est qu’un moyen d’intégrer, de saboter, de dévier vers le symbolique et la consommation.

Alors que la question qui compte, c’est celle de la production à l’échelle du monde.

Croit-on vraiment changer le monde en portant de manière immorale des cadavres d’animaux dans les bras, en montrant des vidéos sordides, en passant une nuit devant un abattoir ?

Tout cela est bon pour la bonne conscience, et encore, mais cela ne modifie en rien la réalité. Ce n’est pas une contribution à la bataille pour la libération, une libération qui passe par la confrontation avec les tyrans.

McDonald’s est un tel tyran.

McDonald’s est une entreprise de très grande envergure tentant de faire passer l’exploitation animale la plus poussée pour un acquis démocratique ; chez McDonald’s, on peut venir comme on veut, il y a un côté plaisant et familial : tout cela n’est qu’un masque infâme, un éloge de la niaiserie la plus violente, la plus criminelle même.

Au 21e siècle, tout le monde sait ce que représente McDonald’s, à savoir la continuation d’un mode de vue superficiel, anéantissant l’Amazonie, élargissant l’exploitation animale, avec des conditions de travail très difficiles pour un salaire misérable, tout cela au service du bon plaisir individuel totalement aliéné et d’une entreprise richissime.

Les nouveaux burgers végétarien ou végétalien sont ainsi une insulte au véganisme. Ils témoignent d’une offensive pour corrompre les gens ayant une conscience, ils prétendent être ce qu’ils ne sont pas, car McDonald’s est un lieu qui est une insulte à la conscience, à la Nature, à la culture, à ce que devrait être chaque être humain portant la moralité.

Par conséquent, les burgers végétariens ou végétaliens de McDonald’s doivent être dénoncés comme l’exemple de l’hypocrisie de la part de l’exploitation animale, comme exemple aussi de corruption par la manipulation de la fibre individuelle des personnes ayant conscience de ce qui se passe.

Quiconque a un peu de conscience et va au McDonald’s se laisse corrompre. Ce n’est pas un compromis anodin, mais un doigt dans l’engrenage qui amène sa totale intégration et son inévitable capitulation.

Jamais on ne soulignera assez que la bataille n’est pas seulement pour que les gens deviennent vegans, mais également qu’ils le restent. Les gens en France n’ont malheureusement pas encore connu, à l’opposé de pays comme la Suède, l’Allemagne, l’Autriche, etc., de vague qui a échoué et qui sert de bilan.

Car entre une base culturelle insuffisante et l’offensive de l’industrie de l’exploitation animale, des revues féminines et du bio, il ne va pas rester grand-chose de la vague vegan actuelle. La corruption individuelle est inévitable ; le véganisme n’est pas populaire, il n’est pas ouvrier, il n’est pas ancré dans la vie quotidienne, il est surtout un lifestyle à la mode, larmoyant et branché en même temps, glauque et élitiste à la fois, purement symbolique et sans volonté de rupture.

De rupture dans la vie quotidienne. C’est peut-être ici la preuve qu’il n’est pas possible de porter le véganisme sans la dimension straight edge. C’est sans doute la preuve que sans assumer une mentalité stricte, disciplinée, refusant toute échappatoire, on succombe.

Car la corruption, dans « Babylone » est partout ; elle s’immisce dans la moindre interstice, elle creuse et fait tomber même les meilleurs.

Pourtant, la bataille ne s’arrête jamais, il doit continuer jusqu’à la victoire. Il faut faire tomber Babylone et pour cela il faut une morale inébranlable, des principes indiscutables, un projet collectif rationnel, une conscience de l’enjeu qui n’est pas moins que la bataille pour la planète.