Écuras: le procès

Nous avions parlé tout récemment de l’appel aux dons d’un refuge suite à une découverte affreuse à Ecuras (voir ici). Le quotidien Sud Ouest a mené un travail journalistique assez conséquent en présentant le procès, mais également le point de vue des partisans de la « protection animale. »

Voici le compte-rendu du procès par une journaliste:

10 h 25
« Les animaux étaient devenus des objets de consommation presque jetables. La maison était vidée de ses principaux meubles: seuls étaient restés les animaux », dit le procureur Martin Vivère-Darviot. Il requiert 6 mois d’emprisonnement avec sursis et 120 heures de travaux d’intérêt général contre Julie, huit mois d’emprisonnement avec sursis contre Geneviève. Et demande la confiscation de l’ensemble des animaux. Le délibéré sera rendu le 21 juin.

10h15
« Elles ont fait le choix malsain de cacher les animaux, portes fermées à clé, volets fermés: les animaux étaient à l’abri des regards », fait remarquer Me Patrice Grillon, avocat de l’Association nationale pour la défense des animaux et la fondation Stéphane Lamart.

10h10
Avocate du refuge SPA, Me Marie-Géraldine Coupey rappelle le calvaire de Shakira, une femelle labrador enfermée à l’étage avec ses chiots : « On a laissé une chienne manger ses chiots un par un. Dans les selles de l’animal, on a retrouvé des poils et une petite griffe. Cette chienne a mangé ses chiots pour survivre. » Rebaptisée Maya, la chienne a été sauvée in extremis. Elle marche à nouveau depuis le début de la semaine.

10 heures
Julie, à qui le juge reconnaît « le courage d’assumer » à l’audience, touche le RSA. Elle suit une formation « dans l’agriculture ». Le procureur veut en savoir plus: « Dans quel secteur? » Réponse de Julie: « L’élevage de chèvres laitières » Le procureur: « Vous vous en sentez capable? » Julie: « Je vais bien voir »

9h50
Les ex-compagnes se renvoient la responsabilité du sort des animaux: « on en avait trop, on avait beau en parler, à chaque fois, elle se braquait », dit Julie. Le procureur se lève: « Vous attendiez quoi, qu’ils décèdent petit à petit? » Réponse de Julie: « On est deux à prendre des décisions. »

9h45
« J’allais les voir à peu près tous les jours », souffle Julie, à la barre, depuis son départ de la maison d’Ecuras, « le 5 ou 6 du mois dernier ». Nourrissait-elle la vingtaine de chiens, chats et brebis: « J’y suis allée plusieurs fois. Quand il me restait des croquettes, j’en amenais. »

9h15
Pantalon taille basse, main dans les poches, Julie, 27 ans, comparaît ce matin devant le tribunal correctionnel d’Angoulême pour abandon volontaire d’animaux.

Le 20 mai, une quinzaine de chiens et chats avaient été retrouvés morts ou faméliques à leur ex-domicile d’Ecuras, déserté depuis plusieurs semaines. Geneviève, son ex-compagne, elle aussi poursuivie, ne s’est pas présentée devant le tribunal.

La salle d’audience est bondée : nombre de bénévoles de la SPA de Mornac portent sur eux l’image d’une des bêtes recueillies au refuge

Voici le second article, où l’on voit par contre l’incapacité terrible, et absurde, des personnes pour la protection animale à avoir une vue d’ensemble. C’est le paradoxe: un courage plein d’abnégation et de sacrifice d’un côté, et de l’autre une incompréhension du véganisme et de la libération animale. Le prix à payer est bien entendu une terrible souffrance psychologique, de par la contradiction que cela induit !

Animaux maltraités en Charente: « Nous voulons que la peine soit exemplaire »

Trente bénévoles de la SPA assistent au procès, ce vendredi à Angoulême. Ils ne toléreront « aucun comportement ou propos violents »

Maya ne quitte plus Nadine Boissout. « Elle marche depuis deux jours », dit la directrice de la SPA de Mornac. Un petit événement pour la maigrichonne femelle labrador, à bout de forces dans la maison d’Écuras le jour où gendarmes et bénévoles du refuge l’ont trouvée.

C’était samedi 20 mai, avec 11 autres chiens, trois chats et une chèvre livrés à eux-mêmes. Ce vendredi matin, leurs maîtresses, Geneviève, 40 ans, et Julie, 27 ans, seront jugées par le tribunal correctionnel d’Angoulême pour abandon volontaire d’animaux domestiques.

À Mornac, impossible de manquer le chenil estampillé « chiens d’Écuras » où se trouvent la plupart des animaux remis à la SPA. Et nul besoin de dresser le triste inventaire des côtes saillantes : certaines ont encore le regard apeuré mais, en quinze jours, toutes les bêtes se sont remplumées.

Seule mauvaise nouvelle, un des trois chats recueillis n’a pas survécu. L’élan de solidarité relayé par la presse et les réseaux sociaux s’est traduit par un afflux de dons s’élevant à 8 000 euros. Une somme inespérée à l’heure de régler les nombreux soins vétérinaires des bêtes, l’achat de nourriture, etc.

Et si le petit monde du refuge tourne beaucoup autour des bêtes d’Écuras depuis deux semaines, l’épilogue en sera sans doute l’audience matinale du tribunal correctionnel. Une trentaine de bénévoles du refuge y sont annoncés au tribunal. Et trois autres associations nationales de protection des animaux, dont la fondation Brigitte-Bardot et 30 Millions d’amis, devraient être aussi représentées.

Nadine Boissout n’avait pas retenu ses larmes en trouvant Maya derrière une porte à l’étage de la maison. Sans espoir, le labrador avait dévoré ses propres chiots, probablement déjà morts.

« On voudrait une punition exemplaire. C’est de la cruauté que de les avoir laissés enfermés derrière des portes. On sera la voix des animaux : on nous dit parfois “ce ne sont que des chiens !” Mais ce sont des êtres sensibles, doués d’émotion. »

Reste à canaliser la colère des particuliers qui se rendront au tribunal. Katia Amirault-Faury, présidente du refuge, y veille : « Il y a parfois des commentaires extrêmement véhéments sur les sites Internet. Il ne faut pas assimiler ces comportements agressifs au refuge », prévient-elle.

D’où le message explicite qui tourne en boucle sur la page d’accueil du site Internet de la SPA de Mornac : « Nous voulons que la peine soit exemplaire et nous devons tous nous comporter de manière exemplaire. Le refuge ne tolérera aucun comportement ou propos déplacés et violents à l’égard des auteures des faits. Toute personne désirant assister au procès devra garder le silence par respect pour le tribunal. » Et de préciser à toutes fins utiles que « banderoles et panneaux sont interdits ».

Un procès auquel sont suspendus Maya et toute la petite troupe d’Écuras. Les demandes d’adoption ne manquent pas au refuge, maisles animaux devront attendre l’issue du procès avant de trouver un nouveau maître : ce sera au juge de confisquer – ou pas – les animaux à leurs propriétaires.

Les deux femmes encourent jusqu’à deux ans d’emprisonnement.

Clément Méric était végétalien

Hier, à l’annonce du décès de Clément Méric suite à une agression par des skinheads (dans leur version d’extrême-droite) à Paris, il a été diffusé l’information selon laquelle il était végétalien et anti-spéciste.

Nous ne savons pas si cela est vrai, mais c’est bien entendu tout à fait possible. La question animale est incontournable quand on est progressiste, et de nombreuses personnes assument cela.

Cependant, il y a quelque chose qu’il faut noter ici. Ce n’est certainement pas comme si le véganisme était une démarche reconnue à l’extrême-gauche. Il y a bien entendu des végans, et inversement à l’extrême-droite le véganisme est décrié comme une valeur de « faibles. »

Mais à l’extrême-gauche le véganisme est toléré, plus qu’accepté ; être végan est une sorte de « plus », pas une valeur en soi et aucunement quelque chose de reconnu comme universel.

Il faut le préciser, parce qu’il faut bien constater que les gens végans sont pris en otage pour des démarches n’ayant parfois rien à voir.

Lorsque par exemple nous avons critiqué dans un article les fachos présents à la manifestation contre la fourrure (et rejetés a posteriori par ailleurs par les gens de la manifestation), cet article a pu être repris assez largement de-ci de-là.

Mais nous étions alors un simple « alibi » vegan. Or, nous ne voulons pas être un alibi, nous ne considérions pas que le véganisme soit un « à côté » d’une démarche progressiste, et la personne végane n’a pas à se résumer à un statut de la personne végane « de service. »

Notre article sur les fachos tentant de s’approprier sur une base fausse la question animale a pu être récupéré par des gens n’en ayant pas plus à faire des animaux que les dits fachos. Il y a là quelque chose qui n’est pas à accepter.

En Allemagne, le véganisme est largement reconnu comme une valeur en soi à l’extrême-gauche, ce n’est pas une sorte de « concept » aux contours flous comme ici.

Et on sait très bien que le flou nuit fondamentalement aux principes, et que le véganisme n’est rien sans les principes les plus stricts.

Bien entendu, cela n’a pas de rapport direct avec la mort de Clément Méric. Plutôt un lien indirect, parce que si les progressistes n’adoptent pas toutes les valeurs progressistes, alors forcément derrière l’extrême-droite peut se développer.

Il ne faut pas s’étonner que l’extrême-droite progresse si des thèmes sont oubliés, voire même niés. Vu le rejet de la libération animale et de l’écologie à l’extrême-gauche, il ne faut pas s’étonner que derrière les fachos tentent de surfer là-dessus.

C’est bien entendu le vieux débat de savoir s’il faut être « anti » ou proposer des valeurs, et de savoir ce qui est principal. Aussi, il nous apparaît important de souligner que le véganisme ne doit pas être négociable.

La libération animale n’est pas un « à côté » négociable et soluble à différents degrés dans le végétarisme, la protection animale, ou même n’importe quoi de « révolutionnaire. »

On ne peut pas être révolutionnaire et ne pas être pour la libération animale, tout simplement. Prétendre le contraire, c’est ne pas reconnaître les faits, c’est ne pas reconnaître les animaux !

« Le marché des animaux de compagnie »

Voici un intéressant article du journal économique les échos. Une analyse économique sérieuse ne peut pas faire l’impasse sur le marché très important, et particulièrement rentable, des « animaux de compagnie ». On notera d’ailleurs que l’article « omet » le fait que la « production » des « animaux de compagnie », « production » légale et illégale, relève également de la bataille capitaliste pour les profits.

Il ne faut pas oublier non plus que les vétérinaires et les laboratoires pharmaceutiques vétérinaires relèvent pareillement du capitalisme lié aux animaux dits de compagnie. C’est un marché très important qui est ici « oublié. »

Il est important de voir cela pour avoir un aperçu général, et également pour étudier le rapport aux animaux des gens en France.

Animaux de compagnie : un marché de 4,2 milliards d’euros

En France, un foyer français sur deux possède un animal. Quelque 580 millions d’euros sont dépensés pour eux chaque année en hygiène et soins, et 405 millions d’euros en accessoires.

Le nombre d’animaux de compagnie ne cesse de croître en France. Avec plus de 63 millions d’animaux domestiques, la France est désormais le pays qui compte le plus de chiens, chats, poissons et autres rongeurs… de toute l’Union européenne. Un foyer français sur deux possède un animal.

Et l’argent dépensé pour eux ne cesse lui aussi d’augmenter, comme le montre une infographie publiée par Wamiz.com , site internet français dédié aux animaux de compagnie.

Les dépenses en alimentation, accessoires et soins de ces animaux domestiques représentent chaque année 4,2 milliards d’euros, contre 3,2 milliards en 2006, selon une étude Promojardin . Quelque 580 millions d’euros sont consacrés à l’hygiène et aux soins et 405 millions d’euros aux accessoires. Les propriétaires dépensent en moyenne 800 euros par an pour un chien et 600 euros pour un chat. En revanche, 4% d’entre eux seulement sont assurés.

L’infographie complète :

« L’argument pour ne pas manger le poulpe »

Voici une vidéo « à la mode » en ce moment, vu par au moins trois millions de personnes. Nous ne pensons pas, à vrai dire, qu’elle soit authentique. En tout cas, elle est présentée comme telle et largement diffusée selon cette version : un enfant « découvre » que ce qu’il mange était un être vivant.

La question est bien entendu : peut-on devenir vegan « spontanément » ? Nous ne le pensons pas ; devenir végétarien ou végétarienne spontanément, à la limite c’est possible, comme l’histoire le prouve.

Mais pour aller à une véritable reconnaissance, il faut un degré de culture. Il faut une vision d’ensemble, il faut une compréhension de la réalité et une reconnaissance de la sensibilité.

Cela fait beaucoup, et la preuve en est l’énorme arrogance des végétariens (qui s’imaginent être très radicaux), « l’oubli » des animaux par certains végans, etc. Tout est une question de culture.

Voici la vidéo, qui vient du Brésil, insérée dans un article publié par Courrier International.

INSOLITE • Dis maman, quand on mange les animaux, ils meurent ?

Découvrir qu’on mange des animaux morts, ça peut être un choc. En tous cas, c’est est un pour ce petit Brésilien, qui se rend soudain compte qu’il a un poulpe trépassé dans son assiette.

Incrédulité, désarroi, cri d’amour pour le règne animal : le manifeste de ce végétarien en culotte courte cartonne sur You Tube, avec plus de 1,5 millions de vues en quinze jours.

Luiz : Ca va ?
Sa mère : Ca va
M : Maintenant mange tes gnocchi au poulpe
L : D’accord maman
L : Ce poulpe ce n’est pas du vrai hein ?
M : Non
L : Alors d’accord
L : Il ne parle pas ? Il n’a pas de tête ?
M : Il n’a pas de tête, ce sont juste les petits bouts des pattes du poulpe
L : ?? Mais .. la tête est dans la mer ?
M : Sa tête est chez le poissonnier
L : Le monsieur .. l’a coupée comme ça ?
M : Oui L : Pourquoi ?
M : Pour qu’on puisse la manger, sinon il faudrait tout avaler d’un coup
L : .. Mais pourquoi ?
M : Pour qu’on puisse la manger, mon amour. On coupe la vache, on coupe le poulet ..
L : Quoi ? Le poulet ? Non personne ne mange les poulets !
M : Personne ne mange de poulet ?
L : Non .. ce sont de animaux !
M : Vraiment
L : Oui
M : Alors ..
L : Allez ! Mange les gnocchi, mange les pommes de terre alors ?
M : Uhmm .. juste les pommes de terre et le riz
L : D’accord Les poulpes sont des animaux .. Ce sont tous des animaux Les poissons sont des animaux .. Les vaches sont des animaux .. Les cochons sont des animaux ..
M : Oui ..
L : Alors ! … Quand on mange des animaux, ils meurent !
M : Eh .. oui
L : Mais pourquoi ?
M : Pour qu’on puisse manger, mon amour
L : Mais pourquoi ils meurent ? Je n’aime pas quand ils meurent .. J’aime qu’ils restent debout, heureux
M D’accord, on ne va plus en manger alors
L : D’accord ! Ces animaux, il faut s’en occuper .. pas les manger
M : Tu as raison mon fils. Alors mange les pommes de terre et le riz
L : D’accord. Pourquoi tu pleures ?
M : Je ne pleure pas, tu m’as émue
L : Je fais quelque chose de beau ?

Pour que le premier « bar à chats » de France n’ouvre pas

Dans notre article consacré au café Neko autrichien, café où se trouvent des chats, nous disions ceci : « Il est évident, que de ce fait, on voit mal l’expérience être reproductible en France. »

C’était l’année dernière, et un an après, la nouvelle vient de tomber : un bar à chats devrait ouvrir ses portes à Paris à partir du mois d’août. C’est une initiative capitaliste de la part de quelqu’un qui a établi un projet fondé sur les chats comme « objets de promotion » pour appeler à récolter des fonds sur internet.

Naturellement, c’est un projet bobo et qui doit donc ouvrir dans un quartier central et « chic. »

Les chats viendront de la SPA (de Paris, qui a donc donné son accord) et auront une mutuelle vétérinaire. Sortir des chats des refuges c’est très bien, mais les sortir de ces prisons pour les mettre en spectacle dans un café c’est une autre affaire !

Comme n’importe quel animal, le chat n’est pas une peluche, il a son caractère, ses envies, ses attentes et ses besoins propres. Les chats sont des êtres indépendants qui décident, eux, quand ils veulent bien recevoir des caresses ou faire un câlin. Surtout quand on sait que « Il y aura des coussins pour s’asseoir sur le sol à côté de votre chat préféré« !

Les chats dorment environ 16 heures par jour. Quand trouveront-ils le temps de se reposer avec toutes ces personnes qui en voudront pour leur argent et voudront donc voir et toucher les chats ?

Surtout que si par exemple au café pour chats de Vienne il y a peu de chats et il y a une salle de repli, là il y en aura une dizaine et apparemment comme seule salle de repli… leurs litières.

De plus, il ne faut pas oublier que l’on est en France, pays où l’animal n’est qu’un meuble aux yeux de la loi, et dans beaucoup d’esprits l’animal doit obéir et se soumettre aux caprices. Surtout que la « ronronthérapie » est un argument vendeur car les ronronnements des chats seraient connus pour être déstressants et apaisants.

C’est d’ailleurs l’argument que met en avant l’initiatrice du projet, qui dit que « le ronron d’un chat sur vos genoux procure plaisir et détente » dans cette vidéo.

On ne vit pas encore dans un monde vegan où les désirs des animaux sont pris en compte et respectés, alors que fera le personnel si les chats ne veulent pas être assaillis de caresses? Que fera le personnel si les chats dorment toute la journée et refusent de se soumettre aux clients?

Et que fera le personnel si un chat griffe ou mord un enfant un peu trop insistant avec l’animal? Selon la loi, il sera inévitablement euthanasié!

On a ici la conception du chat comme « robot » devant être gentil, une aberration qui ne peut tourner qu’au drame.

Adopter des chats c’est bien entendu très bien, mais se servir d’eux pour s’attirer de la clientèle, avec l’appui de la SPA, et même de la Préfecture, c’est purement terrifiant. On en est au point où il faut placer à tout prix, et dans ce cas présent, des animaux sociaux, bien dociles et assez gentils pour supporter sans broncher les sollicitations incessantes des clients.

Cela s’appelle l’esclavage. Et pendant ce temps, les chats âgés et ceux au comportement difficile continuent de croupir dans les refuges prisons!!! Parce que la sale mentalité consommatrice a encore et toujours l’hégémonie!

Certaines personnes pourront encore trouver que critiquer cette initiative est injuste et déplacé. Sauf qu’il est évident que tout animal, soumis aux caresses, aux bruits, aux cris sera inévitablement stressé et mal dans sa peau. Avoir été placé en refuge est déjà une terrible épreuve, les adopter là-bas pour les confronter ensuite aux insistances des consommateurs est une manipulation marketing complètement aberrante.

Le café des chats cherche actuellement des aides financières pour que ce lieu voit le jour. Parallèlement, une pétition, qu’il est possible de signer, a été mise en place pour que ce projet n’aboutisse pas.

Bien contrairement à ce qu’affirme l’initiatrice du projet, ce bar à chat vise à satisfaire des consommateurs uniquement, et le bien être animal qu’elle prétend hypocritement vouloir ne peut pas être respecté dans ces conditions.

On est ici dans la même logique sournoise que l’industrie de la viande bio : un  animal dont on s’occupe « bien » afin qu’il soit « heureux » et rende les clients heureux. C’est typiquement le même business basé sur l’exploitation et l’hypocrisie. De fausses idées visant à donner bonne conscience, ça ne va pas plus loin!

Ce bar à chats va réduire les chats au rang de peluches et de jouets, le but principal étant la satisfaction de chaque client, c’est très clair pour la responsable du projet : « Je suis vraiment très attirée par tout ce que j’ai pu lire sur la ronronthérapie et les bienfaits d’avoir un chat près de soi. »

Quand les cheveux amputent les pigeons

Dans notre article du mois de septembre 2012, consacré aux pigeons qui souffrent à cause des fils entourés à leurs pattes, nous disions qu’il arrivait que des pigeons se retrouvent avec un fil qui relie les deux pattes ensemble. Fils qui peuvent être de différentes origines : cheveux, fil de couture, ficelles, fils de poubelles etc.

C’est le cas d’un pigeon qui a été trouvé dans cette sinistre situation, comme le montrent les photos ci-dessous.

Même si le pigeon peut encore voler, dans cet état de souffrance il est très fragile et soumis bien plus facilement aux dangers.

Trouver de la nourriture avec un boulet aux pattes devient encore plus difficile qu’en temps normal. Si l’on fait un minimum attention, il est facile de voir que dès qu’un pigeon trouve de quoi manger UN PEU, d’autres affamés arrivent immédiat en volant ou courant! La nourriture est tellement rare et précieuse, que les plus vigoureux prennent le dessus.

Le pigeon présent sur les photos ci-dessous avait les pattes reliées par des cheveux. Par un impressionnant amas de cheveux très laborieux à retirer, et très douloureux pour l’oiseau!

Des fils qui s’incrustent si profondément dans la chair ce n’est pas anodin, et même avec beaucoup de douceur, l’oiseau souffre quand on lui retire ces fils!

Il est indispensable d’avoir en tête qu’avant de mourir et de tomber, le doigt deviendra boursouflé, complètement informe, noir et fin. Toutes ces étapes s’échelonneront pendant plusieurs semaines très difficiles, où le pigeon se fatiguera, aura de la peine à trouver à manger, se trouvera isolé de son groupe et sera en grande souffrance.

Ce pigeon là avait des orteils en moins, le peu qu’il lui restaient étaient complètement déformés.

Comme nous le disions dans notre précédent article, il est possible d’avoir sur soi une petite paire de ciseaux à ongles et d’essayer d’attraper les pigeons blessés pour les délivrer de leur fardeau.

L’amener chez un vétérinaire ne servira à rien, le pigeon étant « nuisible », il ne sera non seulement pas soigné, mais il est fort probable que le vétérinaire euthanasie le pigeon.

Il ne sera jamais suffisant de rappeler à quel point les pigeons bisets souffrent et sont détestés, il est urgent de les aider et cela peut se faire sous différentes formes : leur donner à manger, leur retirer les fils aux pattes, les faire partir plus loin s’ils se trouvent sur une route fréquentée, récupérer ceux trouvés mal en point dans la rue, aider à améliorer leur image et donner des conseils sur les forums, faire une page web leur étant consacrée, participer à leur adoption.

Certains particuliers ont des volières chez eux, une vie enfermée n’est pas à mettre en avant, mais c’est la seule solution pour les pigeons handicapés non relachables par exemple.

En ce moment, c’est d’ailleurs la période de reproduction et les naissances de pigeonneaux abondent. Les bébés tombés du nid et les nids délogés sont très courants. C’est pour cela qu’il est bien de repérer les endroits où la fréquentation de pigeons est importante et d’avoir l’oeil sur ses protégés !

Les solutions d’aide ne manquent pas, avec un peu de bonne volonté c’est très facile de leur venir en aide d’une manière ou d’une autre !

« pas le droit de vote pour les ­pigeons »

Télérama vient de publier un long article concernant la question animale. C’est vraiment très intéressant, car cela reflète l’intégration des « droits des animaux » dans les institutions, dont Télérama est une composante « catho de gauche » très importante.

Ce qui est frappant dans cet article, c’est qu’il parle de ne « pas dépasser les bornes » dans un sens ou dans l’autre, dans une sorte de « juste milieu » très « catho de gauche » justement. Mais surtout, il explique qu’il n’y aura « pas le droit de vote pour les ­pigeons. »

C’est là une différence essentielle, par exemple, entre le « welfarisme » qui veut des « droits » pour les animaux (mourir « dignement » ou bien ne pas se faire tuer, ou la liberté, etc.), alors que nous nous voulons leur reconnaissance au sein du système Gaïa.

Donc, de notre côté, même si les pigeons ne « votent » pas, aucune décision humaine n’interférant avec leur existence doit être prise. Nous réfutons la vision d’un véganisme « à côté » des animaux, personne n’est « à côté » de Gaïa. Nous en sommes tous et toutes une composante, et il faut étudier comment.

 

Faut-il changer notre alimentation face à la souffrance des animaux ?
Les récents scandales autour de la viande relancent le débat sur notre rapport aux animaux. Il faut revoir le contrat nous liant aux bêtes que nous mangeons.

C’est une malédiction qui se répand à l’heure du déjeuner : dans les assiettes, les côtes d’agneau ne respirent plus la joie de vivre, les cuisses de poulet ont un arrière-goût de métro aux heures de pointe, et les travers de porc, le teint blafard d’un gardien de nuit qui ne voit jamais la lumière du jour. Bon appétit ! Qu’il devient dur de refouler la réalité au moment de lever la fourchette : avec les animaux que nous mangeons, nous dépassons les bornes.

Allègrement, même, si l’on s’arrête un instant sur le « scandale de la viande halal » l’an passé – où l’on apprenait que les abattoirs égorgent volontiers ovins et bovins sans étourdissement préalable, pas seulement pour se conformer aux rites musulman et juif, mais pour faire des économies. Ou, cette année, sur l’épisode dit du « minerai de viande », qui d’un point de vue strictement lexical en dit long sur la considération que l’agroalimentaire porte aux bêtes.

Trop, c’est trop ? Si l’ampleur du malaise est encore floue, il se traduit en librairie par une avalanche d’ouvrages qui interrogent notre relation aux animaux. Rien que depuis le début de l’année : Halal à tous les étals, No steak, Les Droits des animaux, Les animaux aussi ont des droits… En France, le débat sur l’éthique animale, c’est-à-dire l’étude de notre responsabilité morale envers les autres espèces, se hisse désormais en tête de gondole. Et ça n’est pas rien ! Si depuis les années 1970 les pays anglo-saxons se sont passionnément emparés du sujet – vieux comme le monde, l’antique Pythagore l’empoignait déjà –, nous nous entêtions à le repousser avec dédain, voire en ricanant bêtement.

Animal-machine

La faute à Descartes. L’illustre philosophe nous a durablement enfumé l’esprit avec sa théorie de l’« animal-machine ». A l’en croire, les bêtes sont des sortes d’automates, constitués de pièces et de rouages, qui réagissent à des stimuli. Quand vous frappez un bouledogue, un poney ou un macaque, il réagit par automatisme. Mais il n’a pas vraiment mal. Pour cela il faudrait qu’il ait une âme, comme nous. Quelle sensiblerie que de s’émouvoir de ses gémissements…

Certes, nous ne croyons plus guère à ces sornettes. Mais il nous en est resté quelque chose : une manière de railler l’empathie pour les bêtes. Plus largement, l’humanisme que nous chérissons a clairement eu pour effet collatéral de tenir les animaux à distance respectable de notre sphère éthique. Et nous autres Français sommes un poil anthropocentrés. « En France, dit le philosophe australien Peter Singer dans le livre d’entretiens Les animaux aussi ont des droits (1) , c’est peut-être ce « propre de l’homme » philosophique et religieux qui est ressenti comme menacé. Ou peut-être s’agit-il d’une sorte de réaction d’orgueil quasi nationaliste en vue de sauver la tradition culinaire française à base de viandes en sauce ! »

Peut-être. N’empêche, et nonobstant notre passion épidermique pour la blanquette de veau, en France aussi les lignes bougent. Il ne saurait en être autrement, affirme le philosophe et romancier Tristan Garcia dans un ouvrage remarquable, Nous, animaux et humains (2) . « Notre situation est devenue intenable. » Nous ne supportons plus la « contradiction entre notre représentation de l’animalité et notre manière de vivre en tant qu’humains parmi d’autres animaux. » Le grand écart intellectuel et émotionnel qu’il nous faut sans cesse exécuter nous tiraille douloureusement.

Les chercheurs ont découvert que le porc possède  une vie émotionnelle riche.

Pas facile, en effet, de s’émerveiller de l’instinct maternel de la baleine à bosse, du comportement social du suricate et de mille autres choses épatantes que les éthologues découvrent jour après jour, ni d’éprouver de grands élans fraternels pour le chimpanzé, dont on martèle qu’il partage 98,7 % de nos gènes, tout en mordant dans un sandwich au poulet (de batterie).

« Tout récemment les chercheurs ont découvert que le porc possède une vie émotionnelle riche et des capacités cognitives très développées, dans certaines situations égales ou supérieures au chien et aux grands singes, souligne l’éthologue Boris Cyrulnik. De telles études bouleversent la manière dont on considère habituellement les cochons. Je crois que notre propre empathie va se heurter de plus en plus au fait de les maltraiter. Et ce qui est valable pour les cochons l’est évidemment pour d’autres espèces. (1) »

Curieux paradoxe : à mesure que nos connaissances nous rapprochent des autres espèces, notre mode de vie nous en éloigne. Pis, il empêche tout contact avec les bêtes destinées à nos estomacs. Veaux, poulets, cochons sont désormais élevés – ou plutôt produits – loin des regards, dans des bunkers industriels (en France, plus de 90 % de la viande que nous consommons) tout entiers régis par des techniques d’élevage qui n’ont d’autre finalité que de produire un maximum de protéines. Les animaux n’y jouissent d’aucune considération. Ce sont de simples choses. De la matière première. Or, selon Tristan Garcia, « c’est précisément parce que l’industrialisation a introduit une séparation entre notre rapport affectif et notre rapport utilitaire vis-à-vis des espèces que nous entretenons et mangeons que nous ne souffrons plus la souffrance des animaux ».

Animaux non humains

La sensibilité de l’homme moderne serait-elle en plein chamboulement ? « J’avance la thèse que le cercle de notre considération morale ne cesse de s’élargir, affirme Peter Singer. Nous nous pacifions en tant qu’espèce. » Le philosophe australien, pionnier de la réflexion anglo-saxonne contemporaine sur notre relation à l’animal, est convaincu que l’humanité est engagée dans un processus irrépressible d’ouverture à l’Autre.

Hier, les esclaves, les indigènes, les femmes ont obtenu des droits. Demain, nous en accorderons aux « animaux non humains » – pas le droit de vote pour les ­pigeons, évidemment, mais quelques droits fondamentaux, à la vie, à la liberté, à ne pas être torturé. Jusqu’au-boutiste, Singer soutient que le spécisme, c’est-à-dire l’idée d’une hiérarchie entre les espèces, est une forme de discrimination semblable au racisme ou au sexisme.

Il pousse sans doute le bouchon. L’homme n’est pas un animal comme les autres, estime la philosophe Elisabeth de Fontenay dans ce même passionnant livre d’entretiens (1) . « Il a une histoire qui n’est plus seulement l’histoire naturelle, il appartient au monde de la culture. » Ce désaccord sur notre positionnement dans le vivant, parmi les êtres sensibles, constitue sans doute la ligne de fracture la plus profonde dans le champ de bataille actuelle de l’éthique animale. Pour autant, continue Elisabeth de Fontenay, « l’indéniable supériorité de l’homme sur l’animal doit lui servir à accroître sa responsabilité, et non sa maîtrise ». Notre comportement vis-à-vis des bêtes est souvent indigne du genre humain, nous ferions mieux de faire honneur à notre espèce singulière. « Il ne saurait y avoir d’avenir pour l’humanité sans un nouveau contrat avec les animaux. » Un nouveau contrat ? Chiche ! Si l’on en croit le philosophe britannique du XIXe siècle John Stuart Mill, « tout grand mouvement doit faire l’expérience de trois étapes : le ridicule, la discussion, l’adoption ».

À lire :

(1) Les animaux aussi ont des droits, entretiens avec Boris Cyrulnik, Elisabeth de Fontenay et Peter Singer, réalisés par Karine Lou Matignon (éd. Seuil).
(2) Nous, animaux et humains, de Tristan Garcia, éd. François Bourin.
Halal à tous les étals, de Michel Turin (éd. Calmann-Lévy).
No steak, d’Aymeric Caron (éd. Fayard)
Les Droits des animaux, de Tom Regan (éd. Hermann)

« Je crois que je n’irai plus jamais dans un jardin zoologique, ni une ménagerie »

J’ai vu, au Zoo renommé d’Anvers, comment l’homme loge, par exemple un ocelot, fauve sans méchanceté, chat parfait, ami du soleil et du confort, et qui languissait, lors de ma dernière visite, dans une sorte de toit à porcs, nu, noir, au ras du sol. Je voulais écrire à Sa Majesté la reine Élisabeth, et puis je me suis découragée, je ne lui ai pas écrit. Peut-être ai-je eu tort.

Et tort également de ne point chercher à me faire entendre de la Direction du Zoo, lorsque à Vincennes on a donné des parades nocturnes, des exhibitions de fauves affolés par les projecteurs… Ne laissera-t-on pas, à ces dépossédés de tout, un refuge : l’obscurité des nuits, l’absence de l’homme ?

Et dans le jour, un auvent, un recoin, une protection quelconque contre la blessante lumière qui contracte la pupille des fauves, donnez-les, geôliers ! Je me souviens affreusement d’une tigresse qui avait un tigrillon nouveau-né. Dans sa cage rectangulaire, rien ne la protégeait contre l’offense des regards. Point d’ombre, point de niche, point de paille, point de retrait pour allaiter et chérir. De droite à gauche, de gauche à droite, sans repos, elle portait entre ses mâchoires son petit, aveugle encore, qui a fini par en mourir…

Je crois que je n’irai plus jamais dans un jardin zoologique, ni une ménagerie. En vain mon ami Thétard, dompteur-né, truchement entre le fauve et l’homme, tente-t-il de me mener voir les efforts que Vincennes multiplie — ainsi faisaient les capitaines corsaires des princesses qu’ils ravissaient à bord de leurs navires — pour changer en amis des captifs.

Pourtant Thétard sait de quoi il parle, quand il prend la parole ou la plume au nom des grands fauves. Pourtant il n’a guère son pareil pour saisir, pendante entre deux barreaux d’une cage, une lourde patte aux griffes en cimeterre, la serrer juste assez, écarter juste assez les beaux doigts gainés, tâter les griffes rétractiles, étonner juste assez une force animale par une autre force, fluidique, et lâcher sa prise à temps, avant que la patte assoupie ne s’éveille, ne raye l’air et la chair, ne se teigne de sang…

Je crois, oui, que c’en est fini pour moi des stations devant les cages. Le cirque m’est dur, à cause de ce qu’on nomme le « travail » des bêtes. Tout au plus supporté-je celui des chevaux. Domestiqué depuis très longtemps, le cheval est une survivance, il a échappé par miracle à la loi qui supprime de notre planète les animaux de haute taille. Il n’a peut-être persisté que parce que son alimentation se confond avec celle de l’indispensable bovin. Il est déformé selon ce que nous avons voulu de lui, il a des tares de fin-de-race, un cerveau qui crée des fantômes, le goût de la musique et des parures.

Peut-être que notre tyrannie, et le travail de la haute école, contentent le cheval dans ce qu’il a en lui de moins chevalin, et qu’il préfère le cirque à la fréquentation des derniers charretiers…

Du moins en ce qui concerne les fauves et les autres hôtes des grands espaces, oiseaux compris, je me repose sur une certitude funèbre : nous n’avons su que les désespérer.

Je ne veux donc plus voir, dans leurs enclos qui ont remplacé la cage, ceux que j’aime d’un si fort attachement. Je vivrai sur les souvenirs que j’ai d’eux. Je lirai ce que les hommes appellent leurs forfaits : un tigre a ébréché son dompteur ; un lion, épris de sa despote bottée, a tué le beau garçon, son heureux rival ; un ours, enragé d’être plus à l’étroit dans sa cage que le cardinal La Balue dans la sienne, met en pièces son gardien…

Je rêverai, loin des fauves, que nous pourrions nous passer d’eux, les laisser où ils sont nés.

Nous oublierions leur forme véritable, ainsi l’imagination refleurirait. Nos arrière-neveux inventeraient, de nouveau, une faune inexpugnable, et la décriraient d’après leurs songes, avec une impudence éclatante, comme faisaient nos aïeux.

Je possède quelques grands feuillets, arrachés à un album ancien d’histoire naturelle, dont les couleurs sont vives sinon exactes. Sur l’un d’eux brille un fruit en forme de cœur, représenté en sa grandeur naturelle, qui passe celle d’un fort coeur de boeuf. Il est comme poreux, et de chaque pore jaillit un gros poil.

Une légende en bas de page nous enseigne qu’il se nomme lickie, et qu’il foisonne sur des arbres hauts de trente pieds, providentiellement répandus à travers des régions désertes, que désolent la faim et la soif. « Véritable providence du voyageur, le lickie a le goût et la consistance de la viande de veau, par là il constitue un mets familial… »

N’êtes-vous pas, rien qu’à lire ces lignes, parfaitement heureux et éblouis ? Ainsi serions-nous, si nous contemplions des documents sur la lointaine faune, dus non pas à la sévère documentation des explorateurs, mais à l’exaltation d’un artiste.

Si quelque décision d’apôtre toute-puissante contenait, dans les limites de leurs jungles, de leurs pampas et de leurs pôles, tous ceux qui languissent ici confinés, je m’engagerais volontiers à vous décrire la bête hors d’atteinte, et à vous donner sujet de rêver : « Le pempek, déjà connu des Anciens, hante les solitudes du Mato Grosso. Il a de grands pieds plats sonores, une trompe à l’aide de laquelle il aspire les vols de papillons. Son encolure est lourde, et la couleur bleue le met en fuite… »

La réalité est autre, et nous n’avons même plus licence d’ignorer comment un boa étouffe une gazelle, comment une panthère, affamée à dessein, ouvre la gorge d’une chèvre qui avait — il faut corser le combat, et le cinéma ne veut pas de victimes passives — son chevreau à défendre. Il est grand temps que je m’éloigne de la réalité, des animaux qu’on dit féroces et des hommes qu’on dit coupables, des oiseaux immobiles, debout sur leurs serres empâtées de fiente, des kangourous peu à peu paralysés, des lionceaux rachitiques.

Où trouverai-je ma thébaïde ? Il n’est ni beau visage humain, ni pelage de neige, ni pennes d’azur qui m’enchantent, s’ils sont marqués de l’ombre intolérable et parallèle des barreaux.

(Colette, En pays connu)