COP 21 : le neuvième jour

Aujourd’hui, à midi, devrait être présentée une nouvelle version du « brouillon » rendu public samedi ; la nouvelle version est censée être plus claire et, surtout, avec moins de ces fameux crochets.

On peut se demander franchement dans quelles conditions tout cela est mené ; voici par exemple ce que le Nouvel Observateur est parvenu à trouver comme information : c’est édifiant !

« En effet, il arrive fréquemment que lesdits ministres (de l’Environnement, de l’Energie ou des Affaires étrangères, selon  le choix du pays qui les mandate) n’aient pas hérités d’un maroquin pour leurs compétences ou leur goût pour les dossiers ardus, mais parce qu’ils appartiennent à tel parti de coalition. Ou, plus prosaïquement, parce qu’ils font bien dans le tableau sans faire de l’ombre au chef de l’exécutif…

« Les diplomates, rodés aux négociations diplomatiques – certains y travaillent depuis une décennie – suent un peu pour expliquer les subtilités des textes à ces ministres-là. Disons qu’ils ne comprennent pas tout très vite… »

Certains ministres se sont, par exemple, étonnés de voir trois hashtags envahir le texte qu’on leur a fourni. Il fallu leur expliquer que ces bidules remplacent « INDC » (qui désignent les engagements de chaque pays), des termes qui provoquaient une telle nausée chez les les négociateurs à force d’avoir été répétés qu’ils les ont transformés en « ### ». Pas facile d’expliquer cette private joke, très humour-de-diplomate (ça existe) aux politiques qui débarquaient.

C’est que les logiques des diplomates (donner sa peau pour sauver la moindre virgule, quitte à laisser un texte impraticable) n’est pas celle des ministres (briller dans les médias ou à défaut, ne pas avoir donné l’impression de s’agenouiller devant les injonctions des Nations Unies). Alix Mazounie, de l’ONG Réseau Action Climat France :

Certains sont clairement déconnectés des enjeux. Quand c’est le ministre des Mines qui a été envoyé par son pays, je vous laisse imaginer quelle est son ouverture face aux efforts à fournir ! »

Et de fait, lors des réunions, des ministres font surtout preuve de leur extraordinaire capacité à faire traîner en longueur les débats. C’est fait exprès. Matthieu Orphelin, porte-parole de la Fondation Nicolas-Hulot, explique :

Chaque pays a le droit de s’exprimer autant qu’il le souhaite, mais certains confisquent le micro pour faire perdre du temps à tout le monde. La très incisive représentante du Venezuela, pays pétrolier qui n’a aucune envie de voir son modèle économique remis en cause à Paris, est passée experte dans l’art de souligner tous les problèmes de méthode, aussi minuscules soient-ils. Elle finit par faire rire tout le monde car lorsqu’elle prend la parole pour la énième fois, elle dit au coprésident : ‘Ne stressez pas !’' »

Quant à l’émissaire de l’Arabie Saoudite, autre pays pétrolier de très mauvaise volonté, il a, dit-on, parlé trois à quatre fois plus que tous les dirigeants européens réunis !

Il en arrive encore à nier la nécessité de parvenir à un accord où le réchauffement n’excéderait pas 1,5°C car, dit-il, tous les climatologues ne sont pas d’accord – argument éculé, mais qui permet de faire perdre quelques précieuses minutes. »

L’exemple de l’Arabie Saoudite est très parlant et rappelle les contradictions qui existent. Hier, il y a d’ailleurs eu une conférence de presse des représentants de plusieurs pays – la Chine, l’Inde, le Brésil, l’Afrique du Sud – exigeant que les pays développés financent davantage les pays en voie de développement face au réchauffement climatique.

Le représentant indien a exprimé cela en disant :

« Nous continuons à être déçus par le faible niveau d’ambition et de soutien des pays développés. (…)

Il est impératif qu’en raison de leur responsabilité historique et leurs plus grandes capacités, ils soient à la pointe en matière de réduction d’émissions de gaz à effet de serre et d’aide financière et technologique au monde en développement. Malheureusement, ça ne prend pas le chemin que ça devrait prendre. »

Les plus « riches » des pays en voie de développement entendent bien profiter au maximum de leur statut, sans pour autant un jour passer à la caisse…

On a une autre fumisterie assez exceptionnelle avec la signature hier d’une « Charte d’engagement de la mode pour le climat », parrainée par la ministre de l’Ecologie Ségolène Royal, dans le cadre d’une sorte de petit « show » au sein de la COP 21.

Elle a été signée par l’Union des industries textiles et la Fédération de la maille et de la lingerie. La voici : on peut voir qu’il n’y a aucune dimension contraignante, il sera fait « autant que possible », « au maximum », on « favorisera », on « encouragera », on « oeuvrera »…

C’est un excellent exemple de « greenwashing ».

1 Concevoir autant que possible des vêtements faits pour durer et pour renaître

2 Utiliser au maximum des matières premières locales faiblement consommatrices d’eau, et de pesticides pour respecter la biodiversité

3 Favoriser les procédés de production économes en eau, en énergie tout en contrôlant les rejets dans l’eau, dans l’air et dans le sol

4 Encourager des modes de distribution générant le moins de gaz à effet de serre (privilégier par exemple le transport fluvial et la fabrication locale)

5 Informer le consommateur sur les méthodes d’entretien de ses vêtements et textiles de maison afin de contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique (affichage environnemental, fréquence et température de lavage, mode de séchage, produits lessiviels)

6 Œuvrer au développement des filières de recyclage et proposer une nouvelle vie aux vêtements et textiles de maison

7 Favoriser toute innovation textile permettant de réduire l’impact sur l’environnement des activités de production, de transport, de distribution et de consommation textile et habillement

8 Partager nos bonnes pratiques à l’international

Aucun engagement, aucun esprit d’engagement : comment s’attendre à autre chose avec des mentalités individualistes, égocentriques, sans franchise ?

COP 21 : le huitième jour

Nous voici depuis hier dans la seconde phase de la COP 21 : des ministres de 195 pays négocient autour du « brouillon » établi la première semaine. Le texte final est censé être voté vendredi, et donc avoir été terminé mercredi soir ou jeudi matin, pour que les traductions soient effectuées.

Bien peu d’informations ont circulé sur ce qui s’est passé hier, rappelons que tout a lieu à huis-clos. On peut cependant entrevoir quelques points, ici et là.

Par exemple, la ligne appelant à remplacer l’objectif de 2°C par 1,5°C a de plus en plus d’écho, de plus en plus de pays modifient leur ligne à ce sujet. On est pourtant libre de penser que c’est du pur opportunisme et que c’est fait en toute connaissance que la COP 21 n’exigera rien de contraignant pour en arriver là…

Parler de 1,5°C est tout à fait irréaliste, voire ouvertement absurde, si l’on regarde les propositions faites par les pays et données pour la COP 21 : la conséquence serait un réchauffement d’au moins entre 2,7 et 3,7°C en 2100, et en attendant, à court terme, une hausse d’entre 16 et 22% de l’émission de CO2 entre 2010 et 2030 !

On sent déjà venir le principe d’annoncer qu’il faut 1,5°C en disant que d’ici 2020 un plan contraignant va être établi et que celui-ci sera repoussé, etc.

Surtout qu’on sait qu’il y avait hier encore 567 expressions ou phrases entre crochets, contre 1035 au départ. Les supprimer et arriver à un accord va demander que rien de contraignant ne soit décidé, aucun chiffre imposé, etc.

On a également appris que le délégué d’Arabie Saoudite a refusé « toute discrimination des énergies fossiles vis-à-vis des autres énergies », ce qui souligne les contradictions. Cela en dit long sur les obstructions, avec comme nous le disions les pays pétroliers d’un côté, les BRICS de l’autre, la Chine ou les Etats-Unis qui ne veulent pas d’objectif trop bas, etc.

A cela s’ajoute qu’une question qui se pose est de savoir s’il faut établir un plan pour arriver à l’absence de production de CO2 à l’horizon 2060 – 2080. C’est ce qui devrait être au cœur de la question, mais dans un système de pays capitalistes, il est impossible de prévoir, donc impossible à organiser.

On ne sait d’ailleurs toujours pas comment trouver 100 milliards d’euros d’ici 2020, et encore moins ce qui va se passer après : y aura-t-il une hausse des contributions, qui paiera ?

Notons également au passage que la COP 21 a un grand absent : le pape François. Finalement, il n’est pas venu en « guest star » (comme l’aurait espéré Nicolas Hulot) et donc l’écologie n’est plus une actualité pour lui.

Cela aura été une opération de communication, rien de plus. Il y a deux jours, Radio Vatican fournissait d’ailleurs cette information :

« A l’issue de la prière de l’angélus, le Pape a évoqué une nouvelle fois la conférence mondiale sur le climat qui se poursuit à Paris, priant pour que les responsables qui s’y réunissent trouvent des solutions justes pour réduire l’impact des changements climatiques, et garantissent la protection de la dignité humaine.

François a cité un extrait de son encyclique Laudato Si’. Voici ses mots:

« Je suis avec une vive attention les travaux de la conférence mondiale sur le climat en cours à Paris, et me vient à l’esprit une question que j’avais formulée dans mon encyclique Laudato Si’: « Quel genre de monde voulons-nous laisser à ceux qui nous succèdent, aux enfants qui grandissent ? » (LS, 160).

Pour le bien de la maison commune, de nous tous et des générations futures, tout effort à Paris devrait être orienté pour atténuer les impacts des changements climatiques, et dans le même temps, pour contrer la pauvreté et faire fleurir la dignité humaine.

Prions pour que l’Esprit Saint illumine ceux qui sont amenés à prendre des décisions aussi importantes, et leur donne le courage de toujours prendre en compte le critère de choix du meilleur bien pour l’entière famille humaine ». »

Comme on le voit, seule la question humaine est ici mise en avant. La prétention catholique à parler de la Nature n’aura pas duré bien longtemps !

COP 21 : le septième jour

Il n’y avait hier pas de réunions officielles dans le cadre de la COP 21. Toutefois, on peut déjà avoir un aperçu sur l’impact du « brouillon » qui a été rendu samedi.

Nicolas Hulot était par exemple l’invité du « Grand Jury » du 6 décembre 2015, sur RTL.

A l’écouter, on devine la catastrophe. « Paris peut être le début d’une dynamique », « Il faudra accélérer derrière » : il exprime très clairement que rien d’exceptionnel ne va sortir de la COP 21, en reprenant son refrain du « c’est mieux que rien ».

Il est obligé de raconter qu’on est en train de découvrir de superbes nouvelles technologies, qu’on va vers une nouvelle ère de paix car les guerres depuis plusieurs décennies seraient liées à la bataille pour les énergies fossiles, etc.

Du grand n’importe quoi, qui vise à masquer la faillite qui se profile. Nicolas Hulot peut bien dire « Les Etats ne sont pas venus pour faire de la figuration », il sait très bien que le problème fondamental, ce sont les contraintes.

Ce qui s’annonce, c’est l’absence de contraintes clairement établies – on retombe sur la question de la division de l’humanité et de la négation de Gaïa.

Voici comment formule cela un avocat, docteur en droit et enseignant à l’université Paris I, sur Terra eco, qui a exactement le même point de vue que Nicolas Hulot :

« Une lecture juridique tout d’abord. De ce point de vue, le bilan n’est pas réjouissant.

L’accord, de rédaction assez médiocre et truffée de dispositions très générales et de termes mal définis, s’en remet pour l’essentiel à la bonne volonté des Etats eux-mêmes pour réduire le niveau insoutenable de nos émissions de gaz à effet de serre.

Sur des sujets clés comme le mécanisme de suivi des engagements des Etats à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre ou le volume et les moyens de financement de la lutte de contre le changement climatique, l’accord demeure et demeurera sans doute assez évasif.

Cet accord n’entrera pas en vigueur avant cinq ans et il faudra sans doute encore du temps avant que la nouvelle Conférence des Parties à l’accord de Paris soit au complet et en mesure de forger les instruments de mise en œuvre de ce qui aura été convenu en 2015 à Paris.

Cette situation interpelle les juristes en droit de l’environnement. Le droit international de l’environnement doit être modernisé et, notamment, il doit être possible de mieux s’en prévaloir, directement, devant les juges nationaux.

Pourtant, la lecture politique de ce projet d’accord permet d’être optimiste sans être béat.

Elle permet aussi d’agir maintenant et sans attendre. Que le monde entier se soit donné rendez-vous au même endroit pour discuter d’un même texte à la même table pendant quinze jours est, en soi, historique. »

C’est totalement ridicule. On peut bien avoir l’esprit qu’on veut, le discours politique qu’on veut, ce qui compte ce sont les faits, la base, la réalité. Celle-ci ne permet pas d’affronter le réchauffement climatique, question planétaire, de par la division de l’humanité, l’anthropocentrisme.

COP 21 : le sixième jour

C’est donc, pour reprendre l’expression des médias, un « brouillon » qui a été remis à midi hier samedi, comme base de discussion pour un accord sur le climat. Or, le document ne devait justement pas être tant une base pour négocier, qu’un document à vérifier et à signer…

Il va donc y avoir une semaine de négociations très rudes, s’appuyant sur la base suivante : le document fait 48 pages, avec 20 pages de présentation, 21 de décisions, 5 de notes d’informations.

L’un des problèmes est le suivant : il y a  939 phrases entre crochets, à sélectionner ou enlever, ce qui fait beaucoup de choses à discuter en une semaine, à partir de lundi.

Toutefois, ce n’est qu’un aspect, un autre devant être mentionné. Il y a en effet certains passages qui sont ambigus. On a par exemple l’expression :

sustainable development in harmony with nature

En Français, cela donne :

« développement durable en harmonie avec la nature »

Sauf que le problème, bien sûr, est qu’il n’y a pas de définition du « développement durable ». A la limite on peut deviner de quoi il s’agit, mais qu’en est-il de la Nature? Quelle est sa définition? Quels sont les critères?

On voit l’ampleur du problème, de notre point de vue, quand on sait que ce terme ne revient d’ailleurs qu’une seule fois dans tout le document !

N’est-ce pas un terrible symbole de l’impuissance intellectuelle à comprendre notre planète ? Peut-on aborder la question du changement climatique sans parler de l’évolution de la Nature, de la protection de la vie?

Notons d’ailleurs que, évidemment, le mot « animal » ne revient pas une seule fois. On sait déjà à quoi s’en tenir.

Par contre, on a une expression très particulière, qui nous est chère, qui apparaît. A un moment il est parlé de promouvoir les droits au développement, à l’égalité entre hommes et femmes, mais également… « l’intégrité des écosystèmes et de la Terre-Mère » (« the integrity of ecosystems and of Mother Earth »).

Là, on a quelque chose d’encore plus problématique. On se doute bien qu’il n’y a pas de définition de la part de la COP 21 de la notion de « Terre-Mère ».

C’est de la rhétorique, du folklore, et d’ailleurs on a pu régulièrement voir à la COP 21 des gens habillés en tenues d’aborigènes, pour donner une impression de « respect » de la Terre à ce qui est une réunion de gens qui n’ont en tête que le maintien de leurs intérêts. C’est clairement par là qu’il faut chercher l’emploi de cette expression.

Car il est évident que le concept de « Terre-Mère » (et le mot d’ordre « la Terre d’abord ! » d’ailleurs) a une signification absolument opposée à la « gestion des ressources selon le développement durable » comme le veut la COP 21.

C’est à ce genre de détails qu’on voit qu’on rentre dans une ère nouvelle, et que la reconnaissance de Gaïa, et la bataille pour elle, vont être la prochaine grande ligne de démarcation.

Du côté des crochets, où les choix restent à faire, les négociateurs devront discuter pour savoir s’ils visent seulement 1,5°C ou bien « bien en-dessous de 2°C ». De ce côté là, cela semble franchement irréaliste.

Voici un autre exemple, plus compliqué, de ce qui est très problématique :

[Recognizing that Parties should take action to address climate change in accordance with evolving economic and emission trends, which will continue to evolve post-2020,]

Cela signifie que les parties signataires doivent agir par rapport au changement climatique en accord avec les tendances économiques et d’émission de CO2 qui évoluent, et continuant à évoluer à partir de 2020.

Or, c’est lourd de conséquences. Si on doit adapter les décisions selon les évolutions – qui ne sont pas définies – n’importe qui peut demander une remise en cause, à n’importe quel moment.

N’importe qui peut dire : nous avons dit qu’il faut agir selon les évolutions économiques, or mon pays a une crise économique, donc je ne dois plus faire ceci ou cela. Un autre peut dire : il y a une amélioration, on peut ralentir les efforts, etc. etc.

Peut-être est-ce fait exprès, pour garder une porte de sortie. Plus simplement, il faut y voir une impossibilité à assumer la question écologiste, la question de la Nature, la question de l’anthropocentrisme.

La COP 21 annonce son échec : elle est une gestion bureaucratique, sur une base totalement dépassée, d’un problème qui exige une refonte totale de notre manière de voir la vie.

COP 21 : le cinquième jour

Aujourd’hui, samedi, la version finale devait être rendue à midi. Vue d’hier soir, difficile de penser que cela sera le cas.

Quelle a été la situation de ce cinquième jour de la COP 21, hier ? Selon Le Figaro, « les négociations patinent ». Les contradictions deviennent plus profondes entre les pays ayant connu un  » développement » et les autres.

La Fondation Nicolas Hulot formule cela de la manière suivante :

« Qu’est-ce qui bloque ? Evidemment les questions centrales de la différentiation et du financement (atténuation, adaptation, pertes et dommages), notions intimement liées. Par exemple, certains pays développés veulent que soit indiqué, dans l’article sur les financements, que tous les pays qui le peuvent doivent contribuer, alors que d’autres veulent qu’au contraire les pays développés paient leur dette écologique et remplissent déjà seuls leurs engagements. »

Un pays comme le Qatar, par exemple, refuse catégoriquement de payer en disant qu’il n’est pour rien dans le réchauffement climatique, qu’il n’a donc par conséquent rien à payer. Un pays comme la Chine est sur une position similaire.

C’est tout à fait logique, puisqu’ils raisonnent en termes de nations, et non d’humanité, et encore moins de manière planétaire.

C’est là le fond du problème, le coeur du problème ; c’est cela que la COP 21 est censée dépasser, et on voit mal comment. On ne peut rejeter la Nature et diviser l’humanité sans qu’il y ait un impact, une contradiction.

Voici un petit témoignage d’anthropocentrisme typiquement français justement, avec des éléments synthétiques censées imiter la Nature dans l’espace de la présidence française… Que dire?

Ce ne sont évidemment pas les opérations de communication qui vont changer, comme par exemple la venue à la mairie de Paris de 1000 maires. Cela disperse plus qu’autre chose. La « bonne volonté » n’est pas ce qui est en jeu : c’est toute une vision du monde, ainsi que des intérêts économiques, c’est une humanité divisée, niant la Nature.

Il en va de même pour l’ouverture au Grand Palais d’une sorte d’exposition d’entreprises présentant leurs démarches vertes, appelée « forum « Solutions COP21″ ».

Qu’attendre d’EDF, Coca-Cola, GdF-Engie, Carrefour, Sanofi, Suez, etc. ? Rien du tout quand on a conscience de la réalité. Cela n’a pas empêché des ONG, comme Attac ou Les Amis de la Terre, d’être allé à l’inauguration de l’exposition, qui doit durer quelques jours, pour organiser à l’intérieur un « Toxic tour » en anglais et en français, pour présenter l’hypocrisie de ces entreprises.

Naturellement, la trentaine de gens présents s’est fait expulser manu militari, ainsi que les journalistes présents. A quoi pouvait-on s’attendre d’autre et à quoi sert de dire que les grandes entreprises sont hypocrites et méchantes ? Il faut croire que l’idée de révolution n’est pas encore parvenue à la conscience de ces gens qui « témoignent ».

En ce qui concerne les débats, finalement hier on est arrivé à un texte de 38 pages. Auparavant, il y avait encore 50 pages, et qui plus est avec deux modèles.

Cette histoire étrange est présentée de manière suivante par la Fondation Nicolas Hulot, qui la révèle pour mieux en atténuer le caractère à la fois ridicule et grave :

« 10h ce matin [donc, hier] ont été conjointement publiées deux versions du projet de texte d’accord :
la première avec le texte compilé des différentes options proposées par les pays
la seconde intégrant les propositions de rédaction de compromis proposées par les co chairs et les co-facilitateurs.

C’est une bonne solution pour que les pays puissent dépasser plus facilement leurs formulations initiales.

Nb : Nous ne sommes pas du tout dans le scénario de Copenhague, où un second texte, complètement déconnecté du premier, avait été rédigé « en secret » par quelques-uns, en dehors des salles de négociation.  A Paris, il y a donc pour l’instant deux versions du projet de texte, mais servant à préparer le même accord au final car les propositions de compromis acceptées seront réintégrées dans le projet initial, en toute transparence. »

On n’est pas dans un texte secret, mais tout de même dans une démarche où deux lignes se montrent et s’opposent radicalement, avec l’espoir d’un « compromis ». Ce n’est pas une négociation collective, mais une bataille pour bricoler un texte commun.

Concluons avec une anecdote, une information de RFI. On y apprend que les chefs d’État et les premiers ministres eux-mêmes seraient en train de négocier dur, et que la COP 21 partirait à la conquête des citoyens…

Mensonge et langue de bois réunis en un seul package… Finalement, voilà ce qu’aura été la COP 21 réalisée par la France.

« Tandis que les 150 chefs d’Etat et de gouvernement négocient dur depuis le 30 novembre au Bourget pour parvenir à un accord visant à limiter à deux degrés le réchauffement climatique, la COP21 déborde du lieu des discussions officielles pour gagner Paris et aller au contact des citoyens. »

COP 21 : le quatrième jour

Cette fois, c’est relativement plus clair : les négociations sont en retard. Il y a encore plein d’options qui n’ont pas été débriefées et d’autres qui sont des points d’achoppement, par exemple la question de la vérification de ce que fait chaque pays ou encore la question de savoir qui va fournir les financements pour les aides.

Il y a donc pour l’instant un document-brouillon de 50 pages, avec 1400 expressions ou phrases entre crochets, c’est-à-dire encore en suspens.

La Fondation Hulot a annoncé hier avoir eu l’information selon laquelle il y a eu une réorganisation des méthodes de travail :

« La nouvelle méthode proposée par l’Afrique du Sud (pour le G77) et la Chine, complétée par le Guatemala (groupe AILAC) a été acceptée par tous : moins de groupes spin-off en parallèles (12 réunions seulement programmées ce jour), plus de travail transversal du groupe de contact, incitation aux facilitateurs pour qu’ils proposent des rédactions de compromis/convergence (ils ont d’ailleurs fait de nouvelles propositions ce matin). »

Tout cela est d’un terrible amateurisme ; en même temps cela reflète les contradictions entre les uns et les autres. Parmi les pays qui font du blocage d’ailleurs, on a pu apprendre que cette fois c’est l’Arabie Saoudite qui a fait le forcing pour qu’il soit hors de question que l’objectif passe de 2°C à 1,5°C de réchauffement climatique.

Il y a aussi l’Indonésie, qui dans ses comptes a « oublié » dix millions d’hectares de forêt, afin de relativiser la déforestation… Elle a également « oublié » ses feux de forêt massifs (et organisés), qui ont fait de ce pays par moments un plus grand producteur de CO2 que la Chine…

D’une certaine manière, on peut dire qu’il y a quatre grands blocs :

– les pays pétroliers (et gaziers), qui comptent profiter de la manne des énergies fossiles ;

– les pays « en voie de développement » du type BRICS (Brésil, Inde, Chine…) qui comptent à tout prix avancer ;

– les pays intermédiaires cherchant à temporiser (comme la France), parce qu’ils peuvent se le permettre et que c’est dans leur intérêt (avec le nucléaire par exemple) ;

– les pays alliés aux États-Unis, comme l’Australie, et donc les États-Unis eux-mêmes, qui entendent surtout garder leur autonomie.

Tous ces pays sont donc égoïstes, mais pas de la même manière. Au final, l’absence d’unité, de vision commune de l’écologie, de la Nature, fait que les uns et les autres participent au grand renoncement…

A côté de ces négociations qui donc partent très mal, d’autres initiatives montrent que tout cela ne ressemble pas à grand-chose. Voici par exemple ce dont nous informe FranceTV info :

« Une vingtaine de villes du monde, dont Paris, ont signé une promesse d’engager 10% de leur budget à renforcer les actions de prévention ou de lutte contre les risques, qui peuvent être climatiques, mais aussi sociaux ou terroristes. »

Quel rapport entre les différents « risques » ? Aucun, on voit bien que l’écologie est un thème comme un autre. On a encore une autre incohérence avec « Ice Watch Paris » d’Olafur Eliasson.

18 gros morceaux de glace – leur poids total est de 80 tonnes – ont été pris au Groenland, amené au Danemark par container, pour rejoindre Paris par l’autoroute pour un parcours d’au moins 1200 km.

Puis, douze gros morceaux de glace ont été placés place du Panthéon à Paris, hier pendant la nuit (18 avaient été transportés au cas où il y aurait un souci dans le transport). Le tout étant censé formé une installation d’art contemporain permettant soi-disant une réflexion, etc. Selon « l’artiste », cela permettrait de voir les choses concrètement :

« Ce qui fond à Paris, c’est un dixième de ce qui fond chaque seconde l’été au Groenland. C’est un moyen de rendre les données (du réchauffement climatique) réelles. »

Non seulement tout cela a coûté une petite fortune en CO2, mais de toutes manières à part quelques touristes et quelques grands bourgeois du quartier, personne ne verra rien… C’est une sorte de fiasco sur tous les plans !

D’une certaine manière, c’est le symbole de la COP 21 : elle n’a pas réussi à mobiliser les gens en France, il n’y a pas de mobilisation, il y a seulement maintenant un petit débat… On est très loin de ce qu’exige la Nature de notre part.


COP 21 : le troisième jour

« Mon message est tout à fait clair : il faut accélérer le processus parce qu’il nous reste beaucoup de travail » : c’est ce qu’a dit hier le président de la COP 21, Laurent Fabius, également ministre des affaires étrangères. En effet, samedi midi, les « copies » doivent être remises, avant que les ministres n’arrivent deux jours après…

Le processus existe en deux temps : il y a des « contact groups » qui discutent thème par thème, puis après un premier debriefing, des « spin off » négocient au mot près. C’est un processus douloureux pour aboutir à quelque chose et l’Américain Daniel Reifsnyder, l’un des deux présidents du groupe de travail, de son côté, a déclaré que « Sur aucun point, nous ne faisons les progrès qui seraient nécessaires ».

Surtout que, pour ce que l’on sait de ce qui a filtré, il apparaît que les contributions publiées par 183 pays ne permettraient que d’arriver à 3°C de plus entre 1880 et 2100, alors qu’on est censé viser 2°C, et que Hollande parlait même de 1,5°C seulement…

Le G77 a également publié un communiqué hier qui a encore accentué la pression. Le G77 regroupent 134 pays du tiers-monde ; à la base, dans les années 1960, il y en avait 77, d’où le nom. On y retrouve des pays comme l’Inde, l’Indonésie, l’Argentine, l’Algérie, etc.

Ce communiqué des G77 a également été signé par la Chine – c’est dire l’importance de ce qui est dit. On y lit surtout un appel à la clarification des soutiens financiers que recevront les « pays en voie de développement » après 2020. Jusqu’à présent, il avait été prévu que 100 milliards de dollars seraient versés chaque année : il est désormais expliqué que ce n’est pas assez.

Il est expliqué également, en filigrane en quelque sorte, qu’il est hors de question que les « pays en voie de développement » paient quoi que ce soit, tout étant de la faute des pays ayant connu la première révolution industrielle.

On lit donc dans le document :

« Le soutien financier des pays développés est lié aux impacts (du changement climatique) dus aux émissions historiques (de gaz à effet de serre). »

C’est grosso modo ce que disait le premier ministre indien dans l’article de lundi du journal britannique le Financial Times. Et l’Inde compte d’ailleurs doubler puis tripler sa production de charbon dans les prochaines années…

Un autre pays s’est exprimé complètement en faveur du refus de la suppression totale des énergies fossiles : le Brésil. L’Arabie Saoudite est naturellement sur une position similaire.

On peut résumer la problématique qui est apparue à la surface ce troisième jour de manière aisée. Si l’on veut que le réchauffement climatique reste à 2°C entre 1880 et 2100, il faut que 80% des réserves connues de pétrole, charbon et gaz ne soient pas utilisées.

Les pays développés s’imaginent pouvoir s’en passer, notamment à coups d’énergie solaire ou hydraulique (comme l’Autriche qui a aboli l’énergie nucléaire dans sa constitution), ou surtout avec l’énergie nucléaire, comme la France.

Hier, à l’université de la Sorbonne, il y avait d’ailleurs une conférence d’Elon Musk, fondateur de Paypal, s’occupant depuis de l’entreprise Space X (une entreprise de vol spatial) et de Tesla (constructeur d’automobiles de luxe 100 % électriques). Il y a fait l’éloge du nucléaire, surtout dans un pays stable pour l’environnement comme la France, à l’opposé donc de la Californie ou du Japon, en raison des tremblements de terre.

Il a bien entendu soulevé l’idée de la taxe carbone… dont justement les « pays en voie de développement » ne veulent pas entendre parler et encore moins ceux qui ont précisément du pétrole, du charbon, du gaz.

C’est également vrai pour des pays comme le Canada ou les Etats-Unis, notamment avec le fameux gaz de schiste. Symboliquement, car la Maison-Blanche pourra faire un veto, la chambre américaine des représentants a voté contre deux nouvelles réglementations de l’agence de protection de l’environnement. La première visait à réduire de 30 % le CO2 produit d’ici 2030, la seconde à instaurer des normes de pollution sévères pour les centrales thermiques à venir.

La France a toujours été un pays qui se voulait une sorte d’impérialisme sympathique, « pas pareil » que les Etats-Unis. Cela permet une diplomatie avec l’apparence de la « juste mesure ». C’est le jeu joué à cette COP 21 et pour l’instant, c’est loin d’être gagné, ne serait-ce qu’à court terme. Car tout le monde sait bien qu’à un moment de toutes façons il y aura rupture et les pays feront chacun pour soi.

COP 21 : le deuxième jour

Regardons ce qu’a donné la seconde journée de la COP 21. Commençons par une anecdote relativement significative. C’est un peu tout ce qu’on a pour l’instant sous la main, puisque les débats ne sont pas publics.

Alors que la COP 21 vient à peine de s’ouvrir, donc, forcément tout le monde en parle, mais comme on ne parle pas en même temps de Nicolas Sarkozy, cela déplaît à celui-ci et il a montré qu’il n’était pas content :

« Il n’y en a que pour la COP 21. Comme si le drame qu’a connu la France il y a dix jours était déjà passé. »

C’est très significatif, et cela rappelle son «ça commence à bien faire» prononcé au salon de l’agriculture au sujet des questions d’environnement, en 2010. Sans doute Sarkozy est-il jaloux de ne pas avoir été à côté des 150 chefs d’État, mais tout de même…

Ceci dit, si Sarkozy a le culot de montrer qu’il se moque de la COP 21, peut-être que François Hollande est pire, dans la mesure où il prétend s’y intéresser…

Au-delà de l’anecdote, cela rappelle que l’écologie c’est une question politique. Si on ne sait pas ce qui se négocie, là on en sait un peu plus sur les contradictions du démarrage de la COP 21.

On arrive vite à des situations bloquées, que ce soit dans un pays ou entre les pays. Normalement les pays arrivent avec des propositions chiffrées, mais la Belgique n’a pas été en mesure de le faire en raison des différents gouvernements ne se mettant pas d’accord (la Belgique est un État fédéral).

Déjà qu’on doit arriver à l’unité mondiale, alors si déjà dans un pays on n’arrive même pas à négocier…
Il y a la même chose aux Etats-Unis : les républicains ont déjà annoncé qu’ils remettraient tout en cause s’ils gagnent la prochaine présidentielle.

Dans un même genre, on a le dirigeant ultra-nationaliste de l’Inde, Narendra Modi. Lui, il a carrément fait son opportuniste complet : saluant les chefs d’État d’un côté, envoyant tout balader de l’autre.
Lundi, il a annoncé avec François Hollande la formation d’une « alliance solaire internationale » avec 121 pays, pour promouvoir le solaire…

Mais le même jour, il publiait une tribune dans le Financial Times, un magazine britannique entièrement tourné vers le business, où il y disait une chose simple : les pays développés ont fait leur fortune sur les énergies fossiles, à eux d’assumer cela, pas à nous.

On s’imagine l’effet que cela a eu hier : on devine tout de suite qu’il y a double jeu. C’est ça le fond du problème.

Ceci dit, d’autres pays ne s’embêtent même pas avec cela. On a vu que la Belgique avait une bonne « excuse », mais la délégation du Venezuela (0,83 % des rejets de CO2 mondiaux), quant à elle, n’a pris aucun engagement non plus, et s’est même permis de se plaindre de l’accueil à la COP 21 qui lui a été fait.

D’autres pays ont remis des engagements, mais en traînant des pieds, en mode service minimum, comme les pays pétroliers que sont l’Angola et le Nigeria, le Qatar, l’Iran, l’Arabie saoudite.

C’est très mal parti de ce côté là. La France, tactiquement, a tenté de gagner déjà l’Afrique, qui ne produit qu’une toute petite part du CO2, mais dont nombre de pays sont liés à la France, de par l’influence encore largement présente dans les anciennes colonies.

Hier matin, il y eu ainsi un « sommet défi climatique et solutions africaines » avec François Hollande et une douzaine de chefs d’Etat africains.

Comme tout est prétexte à renforcer ces liens pas forcément sympathiques dans la mesure où c’est d’esprit colonial version modernisée, l’aide française à la lutte contre le changement climatique sera portée de 3 à 5 milliards d’euros par an d’ici à 2020 et se tournera notamment vers l’Afrique.

Comme en écho, le chef d’État du Sénégal, Macky Sall demande  5 milliards d’euros par an, pendant dix ans, de la part des pays riches :

« Quand on demande aux pays les plus en retard sur le processus de développement de renoncer aux sources d’énergie les plus accessibles et les moins coûteuses, que d’autres ont utilisés pendant des siècles pour assurer leur industrialisation, l’équité veut que cet effort soit accompagné et soutenu. »

Heureux hasard… Comme on le voit, on ne sort pas de la politique. Et qui dit politique, dit économique, bien entendu. Car on discute à la COP 21, mais entre janvier et juillet 2015, la forêt Amazonienne a perdu 6000 km², soit une fois et demi la superficie de l’Ile-de-France. Tant qu’on ne dit pas stop à cela, déjà…

Pour finir, encore une anecdote. Une chroniqueuse de France Info, Nathalie Bourrus, est allée visiter un chapiteau de 27 000 mètres carrés dédié aux associations. Elle se balade et raconte de manière moqueuse ; elle le raconte dans un podcast, avec une voix odieuse de bourgeoise prétentieuse.

Un film est en anglais sous-titré, elle s’en moque ; elle raconte encore :

« Moi, en quête de réchauffement climatico-humain
Quelque chose m’attire l’œil : des gens pédalent, comme sur un vélo, mais ce n’est pas un vélo. C’est un chargeur de portable. Car, comme le dit le proverbe Cop21 : « Si tu veux avoir de la batterie… tu n’as qu’a en baver un coup ! » « C’est pas sympa, comme message de bienvenue », dis-je à un pédaleur en pénitence. Le jeune homme, norvégien, me dévisage. »

Et là, apothéose à la française, à la fin de son podcast :

« Je décide carrément de fuir. Je passe alors devant le restaurant-cantine. J’aperçois des graines à manger. Je n’ai qu’une envie : avaler un bon gros steak, bien saignant et bien gras. Et pourquoi pas, une assiette de frites, arrosée de ketchup… »

N’est-ce pas tellement parlant ? N’est-ce pas la preuve qu’il faut écraser l’idéologie des beaufs, imposer le sérieux et la compassion, avant de pouvoir avancer ? Qu’il faut en finir avec le faux humour caustique, masque du relativisme?

Il est temps de prendre les choses au sérieux et de rompre avec tout cela!

Premier jour de la COP 21

Voici un compte-rendu de cette première journée officielle de la COP 21, même si en réalité les négociations ont commencé hier déjà. Il était cependant évident que la présence de 150 chefs d’État à Paris devait « marquer le coup » pour l’ouverture.

Naturellement, ils ont eu droit à des plats « français », strictement rien de végétalien comme il se doit (Soupe de navet aux coquilles Saint-Jacques, suprême de volaille, risotto aux herbes fraîches, confit de céleri farci, reblochon bio et Paris-Brest, champagne).


François Hollande, en tant que président du pays hôte, a tenu un discours, où il a complètement craqué, difficile de dire autre chose. Déjà que le fait de passer à « seulement » 2°C de plus d’ici 2100 est pratiquement infaisable, voilà qu’il parle de 1,5°C !

C’est totalement démagogique et cela ne sert qu’à valoriser la France comme une sorte de pays neutre, d’impérialisme sympathique, qui pourrait servir de force centrale de la lutte contre le réchauffement climatique.

En passant, cela sert à aider les entreprises françaises qui ont mis le paquet pour se positionner sur le marché du capitalisme vert (pour autant qu’une telle chose puisse exister)… Et à faire croire aux gens que, du côté français, tout aurait été fait. Les Américains, les Chinois, les Indiens seront désignés comme coupables…

Alors qu’en réalité, si un pays y va à fond, il servira d’exemple aux autres peuples du monde. Encore faut-il pour cela croire dans le peuple, la démocratie, et non pas dans les entreprises et le business « vert »…

Voici des extraits significatifs de François Hollande :

« C’est un jour historique que nous vivons. La France accueille 150 chefs d’Etat et de gouvernement, des milliers de délégués venus de tous les continents. Jamais une conférence n’avait accueilli autant d’autorités venues d’autant de pays. Jamais, je dis bien jamais, l’enjeu d’une réunion internationale n’avait été aussi élevé, car il s’agit de l’avenir de la  planète, de l’avenir de la vie.

Et pourtant il y a 2 semaines, ici même à Paris, c’est la mort que semait un groupe de fanatiques dans les rues. Je veux ici vous exprimer la reconnaissance du peuple français pour toutes les marques de soutien, tous les messages, tous les signes d’amitié que nous avons reçus depuis le 13 novembre.
Ces événements tragiques nous affligent, mais en même temps nous obligent.

Ils nous forcent à nous concentrer sur l’essentiel. Votre présence soulève un immense espoir que nous n’avons pas le droit de décevoir, car ce sont des peuples et des milliards d’êtres humains qui ont le regard porté sur nous.
Je n’oppose pas la lutte contre le terrorisme à la lutte contre le réchauffement climatique. Ce sont deux grands défis mondiaux que nous devons relever, parce que nous devons laisser à nos enfants davantage qu’un monde libéré de la terreur. Nous leur devons une planète préservée des catastrophes, une planète viable.

L’année que nous venons de vivre a été l’année de tous les records : record de températures, record de concentration de CO2, record du nombre d’événements climatiques extrêmes : sècheresse [sic], inondations, cyclones, fonte des glaces, hausse du niveau de la mer, acidification des océans. Les victimes de ces phénomènes se comptent par millions et les dommages matériels par milliards. Aucun pays, aucune région n’est à l’abri des effets du dérèglement climatique.

Comment accepter que ce soient les pays les plus pauvres, ceux qui émettent le moins de gaz à effet de serre, ceux qui sont les plus vulnérables qui soient encore davantage touchés.

C’est au nom de la justice climatique que je m’exprime aujourd’hui devant vous. C’est au nom de la justice climatique que nous devons agir. Prenons conscience de la gravité de la menace sur les équilibres du monde. Le réchauffement annonce des conflits comme la nuée porte l’orage, il provoque des migrations qui jettent sur les routes plus de réfugiés que n’en génèrent les guerres.

Des Etats risquent de ne plus pouvoir satisfaire les besoins vitaux de leur population avec des risques de famine, d’exode rural ou d’affrontements pour accéder à ce bien de plus en plus rare qui s’appelle l’eau. (…)

190 Etats, c’est-à-dire la quasi-totalité des pays de la planète ont formulé des plans d’action pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et s’adapter au dérèglement climatique. Et tous les acteurs de la société mondiale, les collectivités locales, les entreprises, les investisseurs, les citoyens de toutes les grandes régions se sont également engagés pour le climat.

A cette prise de conscience, à cette mobilisation s’ajoutent les progrès fulgurants réalisés dans les énergies propres et renouvelables, qui ouvrent la perspective d’une économie non carbonée. (…)
Il y a 3 conditions pour que nous puissions dire que de Paris sera ou ne sera pas un succès.

La première condition, c’est que nous devons définir, dessiner, une trajectoire crédible permettant de contenir le réchauffement climatique en dessous des 2°C ou même dès 1,5°C si c’est possible.

Il faudra, pour que nous soyons sûrs d’être sur cette trajectoire, prévoir une évaluation régulière de nos progrès au regard des conclusions de la science et, donc, mettre en place un mécanisme de révision à la  hauteur de nos engagements avec des rendez-vous tous les 5 ans.

La deuxième condition, c’est que nous apportions au défi climatique une réponse solidaire. Aucun Etat ne doit pouvoir se soustraire à ses engagements, même si un mécanisme de différenciation pourra prendre en compte les niveaux de développement et les situations. Aucun territoire ne doit être laissé seul face au dérèglement climatique et, notamment, les pays les plus vulnérables.

Je pense à ces îles qui peuvent à brève échéance purement et simplement disparaître. Je veux ici être leur porte-parole, parce que c’est la biodiversité et la diversité même de la planète qui sont en cause.
Tirons-en les conclusions, l’accord doit être universel, différencié et contraignant. Les pays développés doivent assumer leur responsabilité historique, ce sont eux qui ont émis pendant des années le plus de gaz à effet de serre.

Les pays émergents doivent accélérer leur transition énergétique, les pays en développement doivent être accompagnés dans leur adaptation aux impacts climatiques. D’où la nécessité de dégager les financements pour faciliter les transferts de technologie.

Nous avions fixé – c’était à Copenhague – l’objectif des 100 milliards, aujourd’hui ce n’est pas un objectif que nous devons fixer, ce sont des ressources que nous devons dégager avec des garanties sur leur origine et sur leur accessibilité.

Enfin la troisième condition pour qu’il y ait un accord à Paris, c’est que toutes nos sociétés dans leur grande pluralité, diversité se mettent en mouvement. L’ensemble des dirigeants locaux, des investisseurs, des acteurs économiques et sociaux, des citoyens et même des grandes consciences, des religions, tous ceux qui contribuent à ce qui façonne l’esprit public mondial, tout ce mouvement doit comprendre que la donne a changé. Là est la clé pour relever le défi climatique.

Je veux rendre hommage à cet instant à tous les pionniers de la cause écologique, à tous les précurseurs qu’il n’y a pas si longtemps devaient affronter l’incrédibilité [sic, l’incrédulité en fait] ou le dédain pour leurs alertes et leurs propositions.

En quelques années, les esprits ont profondément évolué, les entreprises et les acteurs financiers hier réticents sont désormais prêts à s’engager et à modifier leur comportement.

Faut-il encore leur envoyer les signaux indispensables ? C’est l’enjeu de l’introduction progressive du prix du carbone pour que les émissions de gaz à effet de serre aient un coût qui corresponde aux dommages infligés à la planète ; et pour que les choix d’investissement soient peu à peu modifiés, afin que toutes les technologies puissent être accessibles à tous.

Mesdames et messieurs les chefs d’Etat et de gouvernement, pour résoudre la crise climatique, je vous le dis franchement : les bons sentiments, les déclarations d’intention ne suffiront pas, nous sommes au bord d’un point de rupture. Paris doit être le départ d’une profonde mutation, nous ne pouvons plus considérer la nature comme un vulgaire et inépuisable réservoir de ressources destiné à notre seul et plein accomplissement.

Cette transformation est à la fois une obligation morale et une opportunité mondiale, parce qu’elle nous ouvre des possibilités de développement avec des énergies renouvelables, des modes de transport propres, le recyclage des déchets, l’agro-écologie, la préservation de la biodiversité, l’accès de tous aux biens publics mondiaux.

Ainsi, en rendant l’électricité accessible à tous et notamment en Afrique, c’est plus que la lumière qui sera apportée, c’est la connaissance, c’est l’éducation, c’est le développement. Nous sommes en ce 1er jour de la Conférence au pied du mur, ce mur est fait de l’addition de nos égoïsmes, de nos appréhensions, de nos résignations. Ce mur, est construit sur l’indifférence, l’insouciance, l’impuissance. Ce mur, n’est pas infranchissable. Tout dépend de nous.

Mesdames et messieurs les chefs d’Etat et de gouvernement, sur vos épaules repose l’espoir de toute l’humanité. (…)

Notre plus grand défi, c’est de passer d’une mondialisation fondée sur la compétition à un modèle basé sur la coopération, où il sera plus rentable de protéger que de détruire. Nous devons penser la planète comme un espace unique, établir un pacte d’équité entre le Nord et le Sud et un partenariat entre l’homme et la nature.

C’est pourquoi nous sommes réunis, nous les dirigeants de la planète, c’est pourquoi Paris est un rendez-vous exceptionnel. Nous allons décider en quelques jours pour quelques décennies. Le plus grand danger n’est pas que notre but soit trop élevé et que nous le manquions. Le plus grand danger, c’est qu’il soit trop bas et que nous l’atteignions.

Alors plaçons-nous au plus haut niveau pour qu’au moins, nous puissions approcher cette ambition, car il s’agit de décider ici à Paris de l’avenir même de la planète. »