Le film « Instinct »

Instinct est un film de 1999 qui intéressera toutes les personnes comprenant la dimension de la libération animale et de la libération de la Terre.

En effet, le scénario pose la question des valeurs du rapport aux animaux, à la nature. C’est même une véritable fable, réussie, et qui partant de là a été bien entendu démonté par la critique, rétive à tout questionnement à ce sujet.

Le scénario de cette fable est le suivant : un anthropologue (joué par Anthony Hopkins) arrive dans une prison américaine, après avoir tué des braconniers au Rwanda. Il est alors soumis à un régime carcéral très dur et soumis au contrôle d’un psychiatre.

Cet anthropologue refuse en effet de parler, et ce n’est pas pour rien : il avait choisi de vivre parmi les gorilles, refusant la civilisation fondée sur le « contrôle. »

Le film consiste alors en une prise de conscience par le psychiatre (joué par Cuba Gooding Jr.) de ce qu’est le contrôle social, et de comment l’anthropologue a raison de vouloir un autre rapport au monde.

Il est intéressant de voir que le titre du film est trompeur, car il ne s’agit pas de se moquer d’une personne qui serait réduite à ses « instincts » et refuserait donc toute culture.

Au contraire, l’anthropologue qui s’est tourné vers les singes est clairement le héros du film, qui donne son sens aux valeurs qui doivent prédominer. Non seulement le principe du « contrôle » social est amplement critiqué, mais il y a une critique des zoos, du caractère dénaturé qu’impose l’humanité à tous les animaux (et donc à elle-même).

Il y a même une mise en avant d’une autre humanité : ce sont les internés de l’hôpital psychiatrique qui se montrent le plus compréhensible et le plus solidaire, aidant l’anthropologue à s’enfuir.

Il s’agit d’un véritable éloge de la liberté, de la vie harmonieuse, sans aucun préjugé; l’hôpital psychiatrique est le symbole de ce qu’est toute la société : brutalité, hiérarchie, exploitation.

La voie à suivre est en quelque sorte, de manière poétique, celle du désengagement : la fuite de l’anthropologue symbolise la nécessité de changer les choses. Et le psychiatre refuse de révéler l’endroit où l’anthropologue s’est enfui, sacrifiant d’une certaine manière sa carrière de brillant afro-américain s’étant vendu aux valeurs dominantes.

« Instinct » est donc un film très intéressant, qui vaut le coup d’oeil, et dont la problématique est plus qu’intéressante.

Il s’agit de quelque chose qui fait partie de notre culture, qui permet de poser des perspectives, de mieux comprendre la société et ses principes. C’est aussi une indication que la question du 21ème siècle est la question du rapport de l’humanité à la nature – la question de la libération animale et de la libération de la Terre!

10 après la tempête de 1999

Il y a exactement 10 ans il y avait deux tempêtes en France et dans de nombreux pays d’Europe. Cela est-il normal, et acceptable, ou pas?

Cela dépend du point de vue que l’on a. Notre planète est-elle vivante, ou est-elle un gros caillou? Dans l’idéologie dominante, c’est clair: c’est un caillou. Alors les tempêtes ne sont pas acceptables.

Le Figaro parle ainsi des tempêtes Lothar et Martin en des termes correspondant à cette idéologie: leurs dégâts sont assimilés, ni plus ni moins, aux… bombardements de 1944.

Ce qui est très impressionnant comme comparaison, comme rapprochement. On peut même dire qu’avec une telle incompréhension devant des phénomènes naturels, on se croirait retourner à l’âge des cavernes, à une époque où l’humanité constatait les phénomènes naturels mais ne les comprenait pas.

Pourtant, aujourd’hui on sait bien comment naissent les tempêtes. Ce n’est pas un phénomène mystérieux. Alors pourquoi cette attitude? La raison est simple: la tempête n’est pas comprise en tant qu’expression naturelle de Gaïa, car notre planète n’est justement considéré que comme un gros caillou…

La tempête est donc assimilée à une catastrophe parmi tant d’aures. Car il y aussi dans cette position, si l’on y fait attention, un refus de dissocier ce qui est d’origine humaine et ce qui est d’origine naturelle. Dans l’article du Figaro, on peut ainsi lire:

Souillées par la marée noire du siècle, après le naufrage de l’Erika le 12 décembre, les plages de Loire-Atlantique furent, elles, à nouveau touchées après la tempête. «De nouvelles nappes de fioul ont été poussées vers le rivage, se rappelle un élu local. Sous la force du vent, elles ont sali le haut des falaises, les routes et les façades. On a alors eu le sentiment d’une double peine… Nous étions vraiment désemparés.»

Dans ce schéma de pensée, tout ce que fait l’humanité est par définition quelque chose de « bien » et s’il se passe quelque chose de mal, c’est la faute à pas de chance. Quant à la nature, elle ferait n’importe quoi et cela de manière destructrice…

Tempêtes, ouragans, volcans: tous ces phénomènes existent pourtant.

L’humanité ne pourra pas les faire disparaître, à moins d’anéantir Gaïa, et donc elle-même avec. La sphère terrestre est vivante et il est temps de reconnaître les phénomènes naturels de ce type non pas comme des choses uniquement mauvaises, mais comme ayant une valeur en soi pour la planète.

C’est d’ailleurs très exactement par là qu’attaque Luc Ferry, l’un des principaux théoriciens anti-Gaïa en France. Il considère qu’une catastrophe est une catastrophe, fut-elle naturelle. Qu’il serait anti-humaniste d’accorder une valeur en soi à une catastrophe naturelle.

Un tel point de vue est unilatéral, anti-dialectique: il faut bien voir les deux aspects, et le fait qu’une catastrophe naturelle est l’expression de la réalité. Et qu’on ne peut pas supprimer la réalité!

Encore faut-il, ceci dit, donner de la valeur à la réalité. Ce que ne font pas ceux qui rejettent l’idée de Gaïa, par souci pour leurs misérables intérêts égoïstes…

D’une certaine manière, c’est à un tel problème qu’est en train de se confronter Dan Sprinceana, bien malgré lui.

Cet artiste d’origine roumaine a eu une initiative qu’on peut considérer comme intéressante: récupérer des arbres morts, des souches, et les travailler pour en faire des oeuvres d’art. Une idée qu’ont eu en fait de très nombreuses personnes en 1999.

Lui l’a réalisé à grande échelle, avec l’exposition « Mémoires de racines » (voir ici le PDF avec présentation et photos, ou une longue vidéo ici).

Cette exposition a eu lieu à l’orangerie du Sénat ainsi qu’au parc de Saint-Cloud (en banlieue parisienne), endroit où cet artiste travaille depuis 1999. Il y a fondé en effet un atelier.

Et justement ce samedi, Dan Sprinceana a découpé à la tronçonneuse sa première oeuvre, car la direction du parc lui demande désormais de quitter les lieux, ce qu’il refuse.

« Aujourd’hui est un jour symbolique. C’est le dixième anniversaire de la grande tempête de 1999. Et cette oeuvre est la première que j’ai réalisée ici. »

La raison est qu’il voudrait continuer son travail:

« Je voudrais maintenant créer une structure de création artistique avec une exposition tous les ans. Mais la direction ne veut rien entendre et m’oblige, sans raison, à partir. »

Ce que l’artiste ne comprend pas, c’est qu’en France la nature est là pour être utile, ou pour être belle selon les critères français (les jardins à la française et tout ce qui va avec).

L’activité de l’artiste était donc intéressante temporairement pour l’administration du parc, par rapport à la catastrophe.

Son activité était considérée comme ayant de la valeur, car s’opposant en quelque sorte à la nature source de catastrophe. Travailler sur les arbres tombés, c’était « triompher sur la nature » et montrer que l’humanité triompherait toujours….

Mais par définition, la catastrophe ayant été dépassée, il n’y a plus besoin de contrer la nature de manière particulière, à part bien entendu comme on le fait traditionnellement avec la gestion du Parc par l’administration, dans l’esprit des « Jardins à la française »….

Il n’y a par conséquent plus besoin de lui et de son « happening. » Lui et ses oeuvres sont donc priés de partir. Car une telle activité ne serait alors plus liée à la catastrophe, mais à la nature elle-même, et cela risquerait de poser la question de notre rapport avec celle-ci…

Gageons que l’artiste en question ne comprendra pas cette problématique, car sa démarche n’est nullement liée à la nature, ni aux animaux, ce qu’il assume par ailleurs totalement (depuis le barbecue dans l’atelier jusqu’à une autobiographie éloquente: « Né à Bucarest, moniteur de ski et de tennis dans ma première jeunesse, bac+5, ensuite, j’ai passé une grande partie de cette époque roumaine, jusqu’à mes 29 ans, dans les Carpates, en symbiose complète avec la nature, comme organisateur de chasse « gros gibier » pour les étrangers les plus fortunés »).

Mais pour nous, c’est un exemple intéressant et une grande matière à réflexion.

Car ce ne sont pas les mises en scène et les spectacles de « domination » de la nature qui manquent dans notre société…