« Un oiseau s’envole »

Voici un poème de Paul Eluard, un artiste tourné vers la paix et la nature!

Un oiseau s’envole,
Il rejette les nues comme un voile inutile,
Il n’a jamais craint la lumière,
Enfermé dans son vol
Il n’a jamais eu d’ombre.

Coquilles des moissons brisées par le soleil.
Toutes les feuilles dans les bois disent oui,
Elles ne savent dire que oui,
Toute question, toute réponse
Et la rosée coule au fond de ce oui.

Un homme aux yeux légers décrit le ciel d’amour.
Il en rassemble les merveilles
Comme des feuilles dans un bois,
Comme des oiseaux dans leurs ailes
Et des hommes dans le sommeil.

De flaque de lune en flaque de lune

Voici un beau poème de William Butler Yeats (1865-1939), où cet écrivain irlandais compare les yeux du chat aux différentes apparences de la lune dans le ciel lors de son cycle.

Le chat et la lune
Le chat s’en allait ça et là,
La lune tournait comme une toupie,
Le plus proche parent de la lune,
Le chat rampant, leva les yeux.
Minnaloushe rampe dans l’herbe
De flaque de lune en flaque de lune,
Et là-haut la lune sacrée
Commence une phase nouvelle.
Minnaloushe a-t-il conscience
Que ses prunelles changent sans cesse,
Qu’elles vont du cercle au croissant,
Pour aller du croissant au cercle ?
Minnaloushe rampe dans l’herbe,
Solitaire, sage, important,
Levant vers la lune changeante
Ses yeux changeants.

Campement contre une mine de charbon à ciel ouvert en Écosse

Demain et pour quatre jours aura lieu une conférence en Écosse, en résistance à l’industrie du charbon. Dans ce pays s’est organisé en effet à la mi-septembre un campement dans une forêt, afin de s’opposer à un projet de l’industrie du charbon, et une conférence de soutien se tiendra là-bas, pour une réunion de quatre jours.

Celle-ci entend établir une mine à ciel ouvert aux dépens de la forêt, tout en installant à côté un centre commercial, un grand hôtel, des bureaux, etc. Il y a déjà 12 mines à ciel ouvert dans la région, et l’Écosse s’oriente de manière importante dans la consommation du charbon comme source d’énergie.

L’initiative Coal Action Scotland – Action Charbon Écosse – est à l’origine du campement. A ses yeux, « les intérêts des entrepreneurs dans l’extraction de l’énergie fossile dans la quête de profits continue d’exploiter, de marginaliser et de détruire les travailleurs, les communautés, et l’environnement, au niveau international.

Les industries de l’extraction et les entreprises derrière elles sont responsables du déplacement des communautés indigènes, et la répression, l’emprisonnement, la torture et le meurtre de ceux qui défient le système dans le monde entier. »

Pour l’instant, le campement s’organise bien, même s’il y a deux jours le responsable de la « National Eviction Team » est passé dans la zone concernée. Il s’agit d’une équipe spécialisée dans l’évacuation des personnes, notamment des travellers et des campements de protestation, ou encore des squatts (comme par exemple la rue de St Agnes dans le sud de Londres, squattée pendant 30 ans et de culture rastafari).

L’esprit de la lutte est celui de la mobilisation populaire. Voici un extrait d’un document de la Coal Action Scotland :

« Cible les patrons, pas les ouvriers – Une transition juste

Les communautés de mineurs ont une longue histoire marqué par la mise de côté et les privations.

Le démantèlement des industries hautes en émission de CO2 doit se dérouler dans un processus de transition juste, afin d’assurer que les changements dans l’emploi et les activités soient équitables et non pas aux dépens de la santé, de la richesse ou des biens des ouvriers ou des communautés.

Un changement durable et significatif à ces industries polluantes ne peut venir que des gens menant campagne et des ouvriers, unis pour stopper ensemble le changement climatique et les dégradations environnementales.

Ce sont les ouvriers, pas les patrons, qui seront frappés le plus par les effets du changement climatique. Et ce sont les ouvriers qui devront payer pour les effets désastreux, par des salaires plus bas, des conditions de travail encore plus mauvaises, des prix plus hauts, et des taxes régressives.

Le travail organisé est en bonne position pour prévenir un désastre climatique, avec le pouvoir de prendre le contrôle des lieux de travail, par la grève, et en stoppant la production.

Nous devons faire en sorte que notre économie s’éloigne des énergies fossiles – mais nous devons le faire d’une manière équitable et juste. »

Voici quelques questions posées à un représentant de la Coal Action Scotland:

1.Un campement a été établi dans la forêt de Happendon, le 12 septembre 2010. En quoi consiste-t-il, et pourquoi a-t-il lieu?

Nous avons établi le campement de la forêt de Happendon pour de nombreuses raisons. La forêt de Happendon se situe dans le sud du Lanarkshire, dans une zone avec déjà de très nombreuses mines.

Coal Action Scotland avait déjà occupé un terrain pour résister à une mine, à seulement un kilomètre de Happendon, à Mainshill. Nous avons construit des liens solides avec la communauté là-bas et avons réussi à tenir le site et à stopper la mine pour sept mois.

Depuis cela, nous avons tenu un week-end d’atelier, afin de partager les aptitudes que nous avons acquises avec des activistes de tout le Royaume-Uni. Nous avons également organisé des initiatives communautaires.

Lors d’une de ces initiatives, dans le sud du Lanarkshire, il y avait quelqu’un habitant juste à côté de la forêt de Happendon et qui nous alerté quant à ce projet. Après cela, nous nous sommes impliqués dans une campagne, et avons décidé que nous devions occuper le site.

Ce site n’est pas seulement occupé pour stopper cette mine-là, mais également pour mener une action contre l’infrastructure du charbon dans la zone, et de s’engager avec la communauté, d’où le nom.

2.Qui a mobilisé pour organiser le campement, et qu’est-ce que la Coal Action Scotland?

Coal Action Scotland est passé par de nombreuses étapes. Cela a été formé comme une sorte de réseau à la fin de 2008 et consistait surtout en de la recherche et d’une action dans un terminal charbonnier. Certaines personnes participantes ont décidé d’occuper les bois de Mainshill.

Nous avons été là-bas pendant sept mois et il y a plus de trente actions, avant que nous soyons évacués par la force. Depuis cela, nous nous impliquons dans les initiatives communautaires et organisons un atelier pour aider les autres activistes qui veulent occuper un terrain.

Coal Action Scotland a également fait en sorte de préparer à l’occupation de cette forêt pour un certain temps.

3.Quelle est la situation de l’environnement en Ecosse, et quel est votre but ? Quelles sont les valeurs que vous mettez en avant?

Les gens dans la Coal Action Scotland ont différents buts et différentes valeurs. Bien entendu, nous nous sentons tous concernés par l’environnement, et nous croyons également en l’auto-détermination communautaire. C’est une injustice massive que ces mines puissent continuer à exister, et il n’y a pas une seule chose que la communauté peut faire pour les stopper.


4.Que répondriez-vous à des gens qui diraient que le charbon est une question d’intérêt « national », et un moyen d’avoir des emplois ?

Il est vraiment clair que les seules personnes profitant de cela, les seules personnes ayant un intérêt à cela, ce sont les patrons, les politiciens corrompus et les classes aisées.

Le propriétaire de la forêt de Mainshill, qui se fait des millions grâce à la mine, est le président de la banque Coutts, la banque utilisée par la famille royale.

Il est le fils d’un ancien premier ministre et a eu certains des princes venant chasser sur ses terres. L’argument des emplois est évoqué, mais les mines amènent une perte en terme d’emplois, comme les autres industries souffrent.

Les films de Miyazaki: entre rétro-futurisme et célébration des esprits de la nature (et non de la nature)

En France, les films du japonais Hayao Miyazaki sont de plus en plus connus et disposent d’un grand prestige, notamment Princesse Mononoké, Mon voisin Totoro, Le Voyage de Chihiro, Porco Rosso, Laputa, le château dans le ciel, Le Château ambulant, etc.

Et ces films sont interprétés quasi unanimement comme étant en quelque sorte des odes à l’écologie, à la nature.

Cela est totalement faux: les films de Hayao Miyazaki ne célèbrent nullement la nature, mais la religion shintoïste, ce qui est bien entendu très différent. Tous ses films débordent de références aux divinités du shintoïsme.

Le shintoïsme est la religion hégémonique au Japon avec le bouddhisme; en fait, à peu près 85% des gens au Japon se revendiquent des deux religions en même temps. Les films de Hayao Miyazaki s’appuient en fait également sur ces deux religions.

Le shintoïsme peut se traduire par « la voie des dieux » ou « la voie du divin », et consiste en la vénération des « kamis. »

Le shintoïsme a beau être la religion officielle du Japon historiquement, et notamment de l’empereur, il s’agit d’un animisme: il ne faut pas oublier que le Japon s’est modernisé par en haut, sous l’impulsion des aristocrates.

Voilà pourquoi le Japon est un pays « ultra-moderne » cultivant en même temps la nostalgie d’un passé totalement idéalisé.

C’est cela que l’on retrouve dans les films de Hayao Miyazaki: une célébration d’un passé idéalisé, et non pas de la nature, mais des kamis.

Ces kamis sont des esprits prenant la formes d’objets sacrés, d’êtres spirituels, d’animaux, de sources, de chutes d’eaux, de montagnes sacrées, de phénomènes naturels, de symboles vénérés, etc.

On les retrouve dans les films de Miyazaki, mais par contre nulle part dans ces films, on ne trouve la célébration des animaux pour eux-mêmes, ou encore de la nature pour elle-même.

A l’opposé, on trouve systématiquement la bataille des « forces magiques » (principalement les kamis) contre le monde moderne.

Ce qui apparaît comme une bataille entre deux mondes vus d’Europe, doit en fait être compris vu du Japon comme la coexistence de ces deux mondes.

Coexistence, de la même manière que dans les films de Miyazaki il n’y a pas de « bons » et de « vilains », les « vilains » pouvant se montrer en partie « bons » et inversement (ce qui évidemment correspond au taoïsme).

Même si au sein de ce taoïsme, on a toujours une figure candide, de type shinto, correspondant au principe du makoto no kokoro (« coeur de vérité ») ou magokoro (« vrai coeur »), et regardant le monde avec bonté, désirant défendre la « pureté » contre la « pollution » (deux principes shintos élémentaires).

Si cette coexistence entre le monde moderne et les kamis prend l’aspect d’une bataille, c’est parce que la religion doit toujours lutter pour rappeler l’existence des divinités qu’elle met en avant: c’est le sens des films de Hayao Miyazaki.

Voilà pourquoi dans ses films on trouve toujours les « forces magiques » en situation de faiblesse, mais représentant un passé glorieux, plein de magie, de force, de vie.

Et cette situation de faiblesse est souvent représentée par la métaphore de la « citadelle assiégée »: un château dans le ciel, un château ambulant, une forêt, etc.

Ainsi, dans Princesse Mononoké par exemple, les animaux ne sont protagonistes que lorsqu’ils sont possédés par les kamis (le dieu cerf, le sanglier géant etc.), la nature n’est mise en avant que parce qu’elle est utile (l’étang qui guérit de tout, etc.).

Le forêt n’est pas mise en avant comme forêt, mais comme habitat des kamis et ceux-ci luttent pour protéger le lieu de leur existence magique.

Mononoké signifie d’ailleurs « chose étrange » en japonais et c’est évidemment une sorte d’esprit avec des pouvoirs magiques… Et tout le scénario se fonde sur l’aventure d’un kami frappé d’un tatari (une malédiction) provoqué par une tsumi (faute).

On peut d’ailleurs voir la même chose dans Pompoko, d’Isao Takahata, produit par le Studio Ghibli dont l’autre grande figure est justement Hayao Miyazaki.

Dans Pompoko, on trouve, de la même manière que dans Princesse Mononoké, des esprits (les « Tanukis ») tentant de sauver leur forêt face à l’agrandissement des villes. A la fin, on voit d’ailleurs une multitude de kamis intervenir en ville pour réclamer leurs droits!

Une telle démarche nostalgique se retrouve dans tous les films de Hayao Miyazaki.

Dans Mon voisin Totoro, le gros « nounours » Totoro n’est pas un animal, mais un esprit sympathique et utile aux enfants car intervenant quand ils en ont besoin; pareillement, le chat géant n’existe qu’en tant que bus.

Et comme par hasard, ces enfants sont à la campagne (soit le lieu le plus proche des kamis) où ils mangent des légumes locaux apportés par la grand-mère, parce que leur mère est malade et dans un hôpital en ville (la ville représentant la modernité).

On trouve donc dans Mon voisin Totoro un Shimenawa, c’est-à-dire une corde en paille de riz entourant un arbre pour dire qu’il est sacré (c’est-à-dire lié à la figure d’un kami), ou encore un temple dédié au kami Inari (kami des céréales, gardien des maisons, etc.), lorsqu’il pleut les deux enfants s’abritent dans un petit sanctuaire Jizo, figure bouddhiste protectrice des chemins…

Dans Laputa, le château dans le ciel, la nature n’existe pas en soi: elle est le décor du château. Et le château est regroupé dans une sorte d’arbre géant, tout comme le shintoïsme vénère certains grands arbres comme lieux des kamis.

Pareillement, les seuls animaux présents sont les oiseaux qui sont là pour représenter la paix, le côté pacifique (ainsi quand le robot repousse le cerf-volant tombé sur un nid), c’est-à-dire bouddhiste.

Et la technologie de Laputa, critiquée dans le film, est censée avoir détruit Sodome et Gomorrhe, l’Atlantide, et être également le « feu d’Indra » dans le Ramayana indien…

Dans le château ambulant, la nature n’existe que sous la forme des Landes ou bien d’une prairie tranquille, alors que le monde est marqué par d’un côté des magiciens, de l’autre la technologie.

Mais quelle forme a la technologie dans les films de Hayao Miyazaki? Celle du rétro-futurisme.

La technologie a l’image de celle du 19ème siècle (importance de la mécanique, tout comme dans Jules Verne) mais avec des moyens dignes du 20ème siècle.

On retrouve ici à la fois la fascination pour la technique, et en même temps la volonté de la refuser au nom d’une vie « saine »: exactement comme les idéologies futuristes, nietzschéennes et fascistes des années 1920-1930.

Il faut ici noter que le film Porco Rosso, avec l’aviateur dont la tête a été transformé de manière magique en cochon, se déroule en Italie dans les années 1920, et si le héros s’oppose aux fascistes, il a le même culte de l’honneur et de l’élitisme, et conduit un hydravion (qui sera largement mis en avant dans l’Italie de Mussolini).

Et le cochon représente donc quelque chose de mauvais, une sorte de décadence. Miyazaki formule de la manière suivante son point de vue:

« Pour les Japonais, le cochon est un animal pour lequel on a de l’affection, mais qu’on ne respecte pas. Pour moi, c’est un animal avare, capricieux et qui n’est pas sociable…

En termes bouddhistes, il a tous les défauts de l’être humain : il est égoïste, fait tout ce qu’il ne faut pas faire, jouit de sa liberté. Il nous ressemble beaucoup ! ».

Comme on le voit, il y a le bouddhisme, mais pas du tout le véganisme.

Il faut bien voir que les films de Miyazaki mettent en avant le culte de l’intuition et l’existence d’un monde parallèle, magique.

Et ce monde est bien entendu « authentiquement » japonais: Miyazaki célèbre non pas la nature, mais le Nihonjinron, le culte de la spécificité japonaise.

Les films de Miyazaki ne sont donc en rien contestataires: à sa sortie Princesse Mononoké a battu tous les records d’audience japonais, avec 12 millions d’entrées, et sera battu par un autre film de Miyazaki, Le Voyage de Chihiro, qui est un film shintoïste de bout en bout et fera 15 millions d’entrées.

Bien entendu, cet article ne préjuge pas de l’intérêt culturel et graphique des films de Miyazaki. Mais force est de reconnaître: les animaux n’ont pas de vie propre et servent de décor ou de moyens pour les humains (comme transport notamment).

Et la nature n’existe qu’en tant que lieu des kamis, comme prétexte à la nostalgie d’un passé japonais idéalisé.