Nuclear Assault: Masse critique

Les années 1980 ont été marqués, surtout aux USA, par la vague du Trash. Cheveux longs et chaussures de sport, bermudas et bandanas… et des textes ultra incisifs, consistant en une critique pointue du capitalisme, de l’oppression… et de la destruction de la planète.

Voici les paroles incroyablement fortes de la chanson « Critical Mass » de l’un des groupes les plus connus de cette vague trash: Nuclear Assault. On notera d’ailleurs la pochette de l’album dont fait partie cette chanson. L’album s’appelle « handle with care », c’est-à-dire « manier avec précaution » et on peut y voir… notre planète.

C’était en 1989… ce qui explique certainement que ces gens n’étaient ni vegans ni pour la libération de la Terre en tant que tels (pour ce que nous en savons), des notions il est vrai encore tout à fait nouvelles à l’époque. Il est clair qu’en tout cas, la démarche de Nuclear Assault fait partie d’un élan aboutissant à la compréhension du véganisme et de la libération de la Terre!

The bio-sphere, the place we live
It seems like we don’t give a damn
La bio-sphère, l’endroit où nous vivons
Il semble que nous nous en foutons

Other species flushed down the tubes
We need another race to rape
D’autres espèces dégagées dans les conduits
Nous avons besoin d’une autre race à violer

The way we live, we will destroy
Every other living thing
La manière avec laquelle nous vivons, nous détruisons
Toute autre chose vivante

Till none are left except our race
And then we will destroy ourselves
Jusqu’à ce que rien ne reste à part notre race
Et alors nous nous détruirons nous-mêmes

Another oil spill
Atomic waste displaced
Another forest dies
Bring on the acid rain
Une autre marée noire
Un autre dépôt de déchets nucléaires de placé
Une autre forêt qui meurt
Produis la pluie acide

Slightly insane, the type of greed
That makes a world unfit for life
Un peu cinglé, ce type d’avidité
Qui rend le monde inadapté à la vie

Toxic wastes destroy our seas
While poison gas pollutes the air
Les déchets toxiques détruisent nos océans
Alors que les gaz empoisonnés polluent l’air

A waste of life, while no one cares
The earth becomes a giant tomb
Un gaspillage de vie, alors que tout le monde s’en fout
La terre devient une tombe géante

Critical mass will be achieved
And ruins will be all that’s left
La masse critique est atteinte
Et les ruines sont tout ce qu’ils resteront

Another oil spill
Atomic waste displaced
Another forest dies
Une autre marée noire
Un autre dépôt de déchets nucléaires de placé
Une autre forêt qui meurt

A hell on earth, what we create
Dragging life to death with us
Un enfer sur terre, ce que nous créons
Traînant la vie jusqu’à la mort avec nous-mêmes

All living things destroyed or used
By shortsighted human beings
Toutes les choses vivantes détruites ou utilisées
Par des êtres humains à courte vue

We do these things, let them be done
Apathy creates despair
Nous faisons ces choses, nous les laissons faire
L’apathie crée le désespoir

The damage done will be too great
The world wounded beyond repair
Les dommages causés seront trop grands
Le monde blessé sans espoir d’être réparé

Another oil spill
Atomic waste displaced
Another forest dies
Une autre marée noire
Un autre dépôt de déchets nucléaires de placé
Une autre forêt qui meurt

Ellul et la critique chrétienne conservatrice et romantique de la technique

Voici un article sur Jacques Ellul, article également présent dans nos archives culturelles. Au sens strict, Jacques Ellul n’a aucun rapport avec l’écologie radicale ni le véganisme, il n’a aucun lien avec la libération animale ni la libération de la Terre.

Mais, pour diverses raisons, ce théologien est présenté comme une figure de l’écologie politique!

Une chose absolument intolérable, qu’il fallait donc critiquer, au prix du terrible ennui qu’a été d’affronter cet austère religieux expert en droit, qui fait l’apologie du passé notamment le Moyen Âge et son culte de la tradition, dans une sorte de grand élan romantique…

Pour voir à quoi ressemble le personnage et son univers (jusqu’à l’insupportable musique), il y a également une longue interview vidéo en ligne ici.

C’est dommage de consacrer du temps à cela, mais il faut bien se confronter à cela alors que l’écologie devient une sorte de mode, une sorte de fourre-tout prétexte à tout et n’importe quoi, au détriment évidemment des animaux et de Gaïa.

Dans les années 1930, le fascisme s’est beaucoup développé sur le plan des idées, et en France il y a eu tout un courant plus ou moins chrétien qui a tenté de développer de la même manière des « idées nouvelles », une « troisième voie » entre capitalisme et communisme.

On a qualifié les théoriciens de ce courant les « non conformistes », Jacques Ellul (1912-1994) était de ceux-là. On retrouve donc chez Ellul des préoccupations philosophiques du même type (et ce sont celles du pétainisme): la question de la ruralité faisant face au développement des villes et des techniques, avec l’apologie de petits groupes autogérés liés à la terre.

Tout comme beaucoup de non conformistes, Ellul finira par participer à la résistance gaulliste. Si la page wikipédia en anglais qui lui est consacré le présente comme ayant été un de ses « leaders », une biographie plus sérieuse dit : « c’est dans le petit village de Martres (Gironde) qu’il participe à la Résistance où il se livre à l’agriculture pour nourrir sa famille. Il avouera avoir tiré autant de fierté d’avoir récolté sa première tonne de pommes de terre que d’avoir obtenu son agrégation de droit romain (1943). »

C’est alors au lendemain de la guerre que ce chrétien, qui va jusqu’à des prises de position de type théologique, publie « La technique ou l’enjeu du siècle. »

Ellul a alors passé sa vie à être enseignant à la faculté de Bordeaux et Sciences-Po Bordeaux, critiquant la technique et faisant l’apologie du christianisme, considéré comme authentiquement subversif.

Jacques Ellul est parfois présenté comme un théoricien de l’écologie, ce qu’il n’est absolument pas. Ellul est un théologien qui ne fait que mettre en avant les mêmes thèmes réactionnaires que l’extrême-droite des années 1930, il n’a rien voir ni de près ni de loin avec le véganisme, la libération animale, la libération de la Terre.

Les thèses d’Ellul sont l’équivalent français des thèses faites par Heidegger en Allemagne. La société est « technicienne et technicisée », la technique est partout et s’impose toujours plus rapidement, et les êtres humains ne peuvent plus vivre sans « prothèses techniques. »

Ces positions d’Ellul des années 1950-1960 existaient déjà dans l’extrême-droite des années 1930, et lui-même n’a absolument jamais fait partie du Parti Communiste (contrairement à ce que disent certaines biographies, qui se fondent sur des articles erronés publiés à sa mort). Ellul avait justement été membre, au coté de Bernard Charbonneau, d’un groupe proche de la revue Esprit et le groupe Ordre nouveau (c’est la mouvance « personnaliste » qui refuse « le désordre capitaliste et l’oppression communiste », considéré par l’historien Zeev Sternhell comme étant donc lié au fascisme).

Ellul met en avant la vieille rengaine ultra-réactionnaire: avant, c’était différent, c’était mieux, les humains étaient plus humains, la technique était sous contrôle, elle était quelque chose de « relativement stable, qui ne changeait pas beaucoup », la tradition prédominait, etc.

Sur le plan culturel, Ellul est donc totalement réactionnaire; dans le « Le bluff technologique » il explique que « chaque culture est rendue seulement obsolète. Elle subsiste en dessous de l’Universel technicien, sans avoir plus ni utilité ni sens. Vous pouvez continuer à parler français. Vous pouvez relire les poètes et les grands auteurs… Mais cela n’est plus qu’un aimable dilettantisme. »

La technique devient selon lui de plus en plus dominante, parce que plus elle se développe, plus elle se développe dans de nouveaux domaines; ce n’est plus l’humain qui utilise la technique, mais le contraire.

Ellul a donc critiqué très largement l’informatique, après avoir « espéré » qu’elle aide l’humanité à se libérer. Car Ellul croit en l’humanité… comme un chrétien: « c’est la mission prophétique du chrétien d’essayer de penser avant que l’événement ne soit devenu fatalité. Il y a des moments où l’histoire est souple, c’est alors qu’il faut s’insérer à l’intérieur pour faire jouer les rouages. »

La vérité est donc… ailleurs: « Ceux qui n’acceptent pas le Transcendant comme réalité dernière au-delà de notre connaissance et de notre expérience, doivent admettre qu’il n’y a aucun autre avenir que la fin technicienne, dans tous les sens de ce terme, et la fin de l’humain, dans le seul sens de l’élimination. »

On notera également que ce « spiritualisme » datant des années 1930 est également violemment pro « occidental. » Ellul explique que « La technique est essentiellement orientale: c’est dans le Proche-Orient principalement que la technique se développe. Et elle ne comporte presque pas de fondements scientifiques. »

Dans « La subversion du christianisme », il considère que tout ce que le christianisme a fait de mal (croisade, colonialisme, etc.) provient en fait… de l’Islam. Quant à l’inquisition et le procès de Galilée, on s’en ferait une fausse idée…

Ellul considère évidemment que tout le monde doit devenir chrétien, et même que c’est révolutionnaire: « Nous devons mainenir cette claire certitude que la Bible nous apporte une Parole antipouvoir, anti-étatique et antipolitique. »

Quel est le rapport avec la libération de la planète, et bien entendu la libération animale? Absolument aucun! Les thèses d’Ellul sont de vieilles thèses nauséabondes des années 1930 remis au goût du jour, afin de promouvoir le pessimisme et de nier la possibilité de changer le monde.

Car il s’agit justement, aujourd’hui, d’utiliser les techniques non pas pour détruire, mais pour produire, sur les fondements d’une éthique en accord avec Gaïa.

Ellul est un réactionnaire, un romantique voulant retourner dans un passé totalement idéalisé, aux valeurs forcément traditionnelles, religieuses et rurales, le tout formant une sorte de douce anarchie.

Son écologie, c’est la même que Pétain, cela n’a rien à voir avec une écologie radicale: Ellul ne parle jamais ni des animaux, ni de Gaïa.

Il nie le progrès ayant permis l’avènement de l’éthique vegan et d’une humanité pouvant enfin avoir les moyens non plus seulement de survivre, mais de vivre, en harmonie avec Gaïa et tous ses habitants, sans exploitation ni oppression!