Non à la vente aux enchères à Paris des objets sacrés Hopis

Le scandale de la vente aux enchères à Paris de masques de la tribu amérindienne appelé Hopi est non seulement une honte, mais aussi le prétexte à de nombreuses questions.

Déjà s’il est nécessaire, indiscutablement, de soutenir la tribu Hopi, c’est que son mode de vie n’est pas agressif. Que des objets sacrés soient mis en vente à Paris relève non pas de l’absurde, mais d’une logique capitaliste terriblement classique.

Quand on voit cela, on ne peut penser qu’avec émotion au magnifique film de 1982 Koyaanisqatsi, le très grand classique de l’écologie radicale. Rappelons que le nom du film est un terme Hopi, venant de « Ko-yaa-nis » signifiant déséquilibre ou folie et de « qatsi » qui signifie la vie.

Koyaanisqatsi veut donc dire vie folle, vie tumultueuse, vie en déséquilibre, vie se désagrégeant, un mode de vie qui appelle une autre philosophie de l’existence.

Nous ne pouvons que rappeler l’importance culturelle de ce film, qu’il faut absolument voir. C’est une œuvre extrêmement impressionnante, qui a été évidemment également entre autres au cœur de notre identité pour donner naissance à LTD.

Pour en revenir à la question des masques Hopis qui sont mis en vente aux enchères à Paris le 12 avril (à moins qu’elles ne soient empêchées), il s’agit donc d’une question de perspective, du fait d’aller dans le bon sens.

Ces masques Hopis ne sont au sens strict végans, et pourtant ils s’en rapprochent de par leur démarche. Voici une petite présentation faite par Le Figaro :

« Comment expliquer aux commissaires-priseurs français qu’ils s’apprêtent à mettre aux enchères des «êtres vivants»?

La tribu amérindienne des Hopi en Arizona est indignée et veut à tout prix faire annuler une vente de 70 masques, estimée à près d’un million de dollars, le 12 avril prochain à Drouot par la maison Néret-Minet.

Pour les Hopi, les «Katsinam» ne sont pas des masques, mais des «amis», des figures spirituelles utilisées lors des cérémonies religieuses, qui représentent les animaux, les plantes, le feu, les nuages, la pluie ou encore incarnent les qualités humaines.

Ils sont souvent décorés de plumes d’oiseaux, de crins de cheval et de peau de mouton.

La vente suscite une «immense colère, de la tristesse et de l’anxiété parmi les tribus concernées», a écrit à la maison Néret-Minet Robert Breunig, directeur du Museum of Northern Arizona, qui avec un autre musée local s’est associé à la réclamation des Hopi.

«Pour eux, les amis-kastina sont des êtres vivants (…) qu’ils soient ainsi désincarnés dans votre catalogue est sacrilège et insultant», écrit-il encore. »

Nous voyons déjà ici certains critiquer encore LTD avec l’accusation ridicule de « mysticisme », etc. Au contraire, justement, c’est parce que nous sommes parfaitement athées que nous reconnaissons la vie en mouvement, sans « source » divine. Et les Hopis ont une démarche qui est ici bien plus rationnelle que celle des religions monothéistes…

Pour preuve, il y a le refus que ces objets soient montrés « hors contexte », hors de leur portée symbolique. Ces masques sont des symboles, utilisés lors de cérémonies religieuses secrètes ; il existe des effigies vendues de manière commerciale, pour les touristes, etc., mais ce ne sont pas les mêmes. On touche là à quelque chose de « sacré », et si le mot n’est gère plaisant, il se pose la question du respect, celui du rapport à la Nature.

Sur le site du Point, on lit ainsi :

« La tribu amérindienne Hopi, qui compte 18.000 membres, soutenue par deux musées de l’Arizona (sud-ouest des Etats-Unis) a réclamé l’annulation de cette vente d’objets « Katsinam » représentant des esprits amis.

Portés par des danseurs Hopis lors de cérémonies religieuses interdites généralement aux blancs, ces objets sont considérés comme « des êtres vivants » et leur exposition de façon « désincarnée », dans un catalogue et sur internet, constitue « une offense profonde, un sacrilège », a considéré le directeur du Museum of Northern Arizona, Robert Bruenig dans une lettre ouverte publiée sur la page Facebook du musée. »

C’est une explication à comparer avec le tour de passe-passe totalement ridicule d’un des experts de la vente, Eric Geneste, qui ose prétendre que la protestation de la tribu Hopi serait « surtout un message politique adressé en interne aux dirigeants américains pour obtenir une meilleure reconnaissance de leur culture. »

On a là une vision étroite et typiquement capitaliste du marchandage. Alors qu’évidemment, c’est la question universelle du respect de la culture qui se pose, et cela est bien sûr encore plus vrai quand la question est liée à celle de la Nature.

Si nous n’apprécions pas la démarche de l’association internationale « Survival », qui n’est pas universaliste et célèbre un clair relativisme ethnique. Il faut noter cependant que leur intervention est fort utile, même si malheureusement, la vente est parfaitement légale…

« Survival International a mandaté Pierre Servan-Schreiber, avocat aux Barreaux de Paris et New York et responsable du cabinet Skadden Arps à Paris, pour s’opposer à la vente aux enchères d’une collection rarissime d’objets hopi par l’étude Néret-Minet Tessier & Sarrou, devant avoir lieu le 12 avril à l’hôtel Drouot.

Dès son annonce, la vente a fait l’objet de plusieurs courriers et de communiqués de presse émanant de chercheurs spécialistes et de représentants de la tribu hopi demandant à ce que la vente soit suspendue.

Les Hopi d’Arizona ont demandé à l’étude Neret-Minet Tessier & Sarrou d’annuler la vente au motif que ces objets étaient la propriété culturelle de la tribu et que leur présentation publique et leur vente constituaient pour eux une grave offense. Cependant, les commissaires-priseurs sont restés sourds à ces revendications et semblent vouloir procéder à la vente.

Maître Pierre Servan-Schreiber a déposé aujourd’hui un recours auprès du tribunal de grande instance de Paris demandant l’interdiction temporaire de la vente en attendant un examen adéquat de la légalité de la collection et de sa vente.

Les Hopi sont ‘farouchement opposés’ à cette vente aux enchères et demandent que ces objets leurs soient immédiatement retournés.

‘La tribu hopi doit protéger ses croyances culturelles enracinées depuis des siècles et qu’elle perpétue jusqu’à aujourd’hui’, a déclaré le leader hopi LeRoy N. Shingoitewa. ‘Nous pensons que ces objets sacrés nous ont été volés et qu’ils doivent être retournés à leurs détenteurs et conservateurs légitimes, les chefs Kachina, au sein de leurs villages respectifs’.

Leigh Kuwanwisiwma, directeur du Bureau de la préservation culturelle hopi, a déclaré: ‘Le simple fait qu’une étiquette de mise à prix ait été placée sur des objets d’une aussi grande importance culturelle et religieuse constitue la plus grave des offenses. Ces objets n’ont aucune valeur marchande’.

Jean-Patrick Razon, directeur de Survival International (France), a déclaré aujourd’hui: ‘Il devrait être assez clair pour les commissaires-priseurs que la vente de ces objets constituerait une très grave offense envers le peuple hopi. Pour eux, ce ne sont pas des objets de musée, mais la partie intrinsèque d’une culture vivante et florissante qui doit être traitée avec le plus grand respect.

Devant le désastre immédiat que constituerait pour les Hopi la dispersion de ces objets, ils devraient réfléchir à deux fois avant de procéder à cette vente aux enchères’.

Note aux rédacteurs:

Les Hopi, qui sont environ 18 000, vivent dans 12 villages au nord Arizona. Ils appellent leur patrie Hopituskwa. »

Espérons que cette vente n’aura pas lieu. Et c’est un témoignage de plus sur la catastrophe que nous connaissons dans le monde concernant tout ce qui a trait à la Nature, de près ou même de très loin, comme c’est le cas avec ces masques, qui dans de nombreux cas représentent des animaux, la pluie, des plantes…