« Laisse-moi être transi, laisse-moi mourir à nouveau de froid ! »

L’hiver est là ! Mais qu’est-ce que l’hiver ? C’est le contraire de l’automne, et le contraire du printemps. C’est un grand engourdissement… Dont l’une des plus grandes représentation culturelle est le « cold song » de Klaus Nomi.

Le « cold song » (chanson froide en anglais) est en fait l’acte III scène 2 d’un opéra : King Arthur (Le Roi Arthur), sur un livret de John Dryden et une musique d’Henry Purcell. Cet opéra est rempli d’esprit pré-romantique à l’anglaise, avec des références aux dieux nordiques.

L’allemand Klaus Nomi (1944-1983) était un chanteur d’opéra, mais également un artiste new wave ; il a repris l’acte III scène 2, intitulé what power art thou (quelle puissance es-tu?) pour le chanter d’une manière particulière, sous le titre de « cold song », à sa façon de contre-ténor.

On peut écouter ici cette version (et là une version traditionnelle), qui a eu un énorme succès au début des années 1980 en Europe et aux USA, et qui est une très belle image poétique de l’hiver, quand on connaît le texte (dans l’opéra celui qui parle ici est le Génie du froid, réveillé par l’amour) et qu’on comprend comment la manière de chanter représente le froid, le tremblement.

What power art thou, who from below
Hast made me rise unwillingly and slow
From beds of everlasting snow ?
See’st thou not how stiff and wondrous old
Far unfit to bear the bitter cold,
I can scarcely move or draw my breath ?
Let me, let me freeze again to death !

Quelle puissance es-tu, toi qui, du tréfonds,
M’as fait lever à regret et lentement
Du lit des neiges éternelles ?
Ne vois-tu pas combien, raidi par les ans,
Trop engourdi pour supporter le froid mordant,
Je puis à peine bouger ou exhaler mon haleine ?
Laisse-moi être transi, laisse-moi mourir à nouveau de froid !

L’hiver meurt et le printemps renaît, Et le monde devient berceau de paix

Si la poésie persane a couramment utilisé l’image de la rose (et du rossignol), il faut savoir qu’elle accordé une place certaine au Printemps, qui justement s’avance.

En fait, encore aujourd’hui en Iran (comme d’ailleurs pour les Kurdes, les Afghans, les Tadjiks…) le 21 mars est prétexte à une grande fête. C’est le renouveau de la vie qui est célébré; la venue du printemps est ainsi appelée « Norouz » c’est-à-dire en persan « le nouveau jour » (le terme est parfois écrit Nowruz, Norouz, Nowrouz ou encore Newroz, etc.).

Voici un poème de Manoutchehri Dâmghâni, poète persan du 11ème siècle, justement au sujet du Norouz:

Norouz vint,

Dès l’aube… Joie !

Du nuage noir sur l’herbe parfumée,

L’hiver meurt et le printemps renaît,

Et le monde devient berceau de paix.

Les roses s’attifèrent,

Les haies se coiffèrent,

Et sur les cimes du platane,

Les grives formèrent orchestre.

Fleurissant dans les haies,

Les coquelicots,

Et, ornant les fleurs,

La rosée.

Sur le chef des coquelicots,

Un voile de musc,

Et sur la face des fleurs,

Un manteau de perles.

Au cœur de la terre,

Et sur les deux faces la montagne,

Des images.

Les petites tourterelles apprirent à jouer de la flûte,

Et les merles brulèrent le musc du Tibet.

Les fleurs jaunes allumèrent des bougies,

Les fleurs rouges,

Des rubis,

Et, de côte et d’autre du ruisseau,

Les peupliers se firent coudre de nouveaux habits.

Les perroquets s’attaquèrent aux fleurettes,

Les faons dressèrent l’oreille,

Et les onagres se rassemblèrent,

Les merles dressèrent les jardins,

Et les amoureux perdirent âme et cœur,

Avec les Turcs de Tchagal et de Ghandehar.

Nous retrouvâmes une nouvelle fois le monde

Beau et joyeux,

Nous courûmes après l’idole et le lis blanc,

Nous dénattâmes les chevelures des visages d’ange,

Nous déchirâmes nos cœurs du chagrin de l’amour,

Et nous trouvâmes plus joli que les milles couleurs,

La beauté des dindons au printemps.