Michel de Montaigne, grand précurseur de la libération animale et de la libération de la Terre Michel de Montaigne est une grande figure de l'humanisme; né en 1533, il meurt en 1592, et il nous a laissé une oeuvre très intéressante: les Essais. Plus que intéressante, l'oeuvre est formidable, car les thèses de Montaigne préfigurent admirablement celles sur la libération animale et la libération de la Terre. On a du mal à croire que Montaigne ait vraiment pu écrire cela, tellement ses positions sont radicales, d'une grande modernité, et totalement en porte-à-faux avec l'idéologie dominante. Sa vision des animaux est ainsi marquée par un profond respect allant jusqu'au refus des hiérarchies. Dans toute son attitude, il récuse les thèses de « l'animal-machine », comme lorsqu'il dit: « Quand je joue avec ma chatte, qui sait si je ne suis pas son passe-temps plutôt qu'elle n'est le mien ? Nous nous taquinons réciproquement. » Mais il va plus loin: il reconnaît que les animaux sont sociaux: « Même les animaux dénués de voix ont entre eux des systèmes d'échange de services qui nous donnent à penser qu'il existe entre eux un autre moyen de communication : leurs mouvements expriment des raisonnements et exposent des idées. Montaigne a donc eu la capacité d'aller au-delà des préjugés. Et il le fait parce qu'il fait partie du courant humaniste, qui affirme des valeurs de civilisation, qui veut élever le niveau culturel. Sa pensée emprunte ainsi à l'antiquité gréco-romaine: Ce qui l'amène jusqu'à considérer que la violence contre les animaux est une base de la violence en général, ce qui vu d'aujourd'hui correspond à la critique du patriarcat (qui commence avec la domestication et la soumission des animaux):« Je ne prends guère de bête vivante à qui je ne redonne la clé des champs. Pythagore en achetait aux pêcheurs et aux oiseleurs pour en faire autant. » « Je crois que c'est du sang des bêtes sauvages, Ce qui est formidable, c'est que Montaigne arrive donc à une certaine compréhension de Gaïa, parlant des animaux mais également des arbres « et même les plantes. » Montaigne est ici d'une valeur formidable, digne des pensées qui se sont développées en Asie (jaïnisme et bouddhisme notamment, mais également certains courants musulmans mystiques): Le dernier passage montre bien l'ouverture nécessaire aux animaux, la discipline qu'il y a à reconnaître l'existence des animaux en tant qu'individus: c'est indéniablement révolutionnaire.« Qu'on ne se moque pas de la sympathie que j'ai pour elles: la théologie elle-même nous ordonne d'avoir de la mansuétude à leur égard. Il remet d'ailleurs en cause clairement la domination sur les animaux, la prétention de l'humanité: Et cette conception, comme la nôtre reliant libération animale et libération de la Terre, va jusqu'à reconnaître la grandeur de « mère Nature. »« Mais quand je rencontre, parmi les opinions les plus modérées, des raisonnements qui tendent à prouver combien nous ressemblons étroitement aux animaux, combien ils participent de ce que nous considérons comme nos plus grands privilèges, et avec quelle vraisemblance on peut les comparer à nous, certes, j'en rabats beaucoup de notre présomption, et me démets volontiers de cette royauté imaginaire qu'on nous attribue sur les autres créatures. » Il refuse ainsi de critiquer les Amérindiens et montre même la valeur de la reconnaissance de Gaïa. Les lignes suivantes sont en conflit total avec toute la conception française de soumission totale et complète de la nature (dont le symbole est bien entendu les « jardins la française »): « Et pourtant la saveur et la délicatesse de divers fruits de ces contrées, qui ne sont pas cultivés, sont excellentes pour notre goût lui-même, et soutiennent la comparaison avec ceux que nous produisons. Ce qui l'amène, chose formidable, à reconnaître que les humains sont des animaux, ce qui est une conception révolutionnaire à son époque, alors que la religion prédomine totalement, mais même aujourd'hui! « La manière de naître, d'engendrer, de se nourrir, d'agir, de se mouvoir, de vivre et de mourir qui est celle des animaux est si proche de la nôtre que tout ce que nous ôtons aux causes qui les animent, et que nous ajoutons à notre condition pour la placer au-dessus de la leur ne peut relever d'une vision raisonnée. D'ailleurs, quand il critique les philosophes, qui méprisent les animaux, on voit évidemment la formidable actualité, l'énorme force de celle-ci aujourd'hui encore:
Et Montaigne ne fait pas les choses à moitié, reconnaissant le caractère formidable des animaux: « Nous voyons bien dans la plupart de leurs ouvrages à quel point les animaux sont supérieurs à nous, et combien notre artisanat peine à les imiter. Nous avons vu qu'il considérait que les animaux pouvaient parler, à leur manière. Thèse vraie et tellement en avance sur son temps, alors qu'aujourd'hui même cela est encore très largement incompris, en raison de la domination de la thèse de l'animal-machine! Voici une belle citation du (non moins formidable) Lucrèce, que Montaigne cite: Et cela laisse présager le futur, car Montaigne annonce inévitablement l'avenir: une nouvelle communication existera... Avec les animaux!« Les divers oiseaux ont des chants différents Telle est la quête de l'humanité: comprendre la nature de sa planète. Impossible de ne pas voir ici que les fantasmes modernes d'une autre planète habitable, d'une communication extra-terrestre, ne sont que le reflet de notre besoin essentiel de comprendre les animaux, Gaïa dans son ensemble! Montaigne est un formidable précurseur des thèses que défend La Terre d'abord!« Pourquoi les animaux ne se parleraient-ils pas entre eux, puisqu'ils nous parlent, et que nous leur parlons? De combien de façons parlons-nous à nos chiens! Et ils nous répondent !... Nous conversons avec eux en usant d'un autre langage et d'autres mots que nous ne le faisons pour les oiseaux, les pourceaux, les boeufs, les chevaux : nous changeons d'idiome selon les espèces auxquelles nous nous adressons. |