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L’alimentation
végétale est quelque chose de répandu depuis quelques années, en
partie parce que le capitalisme a su absorber le veganisme, créant
des niches avec des gammes végétaliennes
propres aux chaînes de grande distribution comme
chez Carrefour ; les magasins bio ont aussi considérablement
augmenté leur offre concernant ce genre de produits.
Il reste
cependant des préjugés non rationnels, issus de présupposés
« mystiques » de type « il va me manquer quelque
chose », « je vais être carencé »,
soutenus par des enquêtes étatiques (cf. en Belgique par exemple)
… Mais de quelles carences s’agirait-il exactement?
Une
alimentation végétale documentée de manière sérieuse ne peut pas
poser de problèmes, et internet ainsi que de nombreux livres
regorgent de recettes en tous genres, des plus simples aux plus
alambiquées d’ailleurs.
Force est
de constater qu’il n’ y a plus ce problème d’accès aux informations
scientifiques ou pratiques qu’il y a pu avoir il y a plusieurs
décennies. Il faut vraiment être dans une logique nonchalante pour
souffrir de carences sévères en se nourrissant de manière végétale
aujourd’hui. Même les besoins en B12 sont clairement explicités,
les compléments sont faciles d’accès !
Contre ces
présupposés « mystiques », il faut être pratique,
savoir s’organiser pour que tout le monde aille bien. Alors
forcément, s’il y a un sujet inquiétant, c’est bien celui de
l’alimentation de la femme enceinte, ou pire, celle du bébé. Il y
a cette idée qu’on imposerait l’alimentation végétalienne à son
enfant dans le cas de parents vegans, comme si l’on n’imposait pas
l’alimentation omnivore à l’enfant dans l’autre cas. Dans tous les
cas, végétal ou non, on est responsable, il s’agit donc de
connaître les besoins réels et d’y répondre, c’est tout.
De nombreux
cas dramatiques ont été médiatisés concernant des bébés
végétaliens, ayant eu des problèmes de santé, allant même
parfois jusqu’au décès. Lorsqu’on analyse ces situations, on se
rend compte qu’il s’agit de parents n’ayant tout simplement pas pris
en compte les besoins de l’enfant, ce sont malheureusement des cas de
malnutrition sévère. Le problème n’est pas l’alimentation
végétale, c’est le manque de discernement.
Les parents végétaliens consciencieux sont beaucoup plus avisés
concernant les apports nutritionnels de leurs enfants puisqu’ils font
attention aux apports journaliers donnés à leurs chérubins.
Certes,
l’allaitement reste ce qu’il y a de mieux pour le nourrisson, car le
lait maternel est le meilleur aliment pour bébé. Ses bienfaits ne
sont plus à démontrer (immunité contre les bactéries, virus,
transmission des anticorps, les IgA). Les bébés nourris au sein ont
dix fois moins de chances d’être hospitalisés pendant la première
année que les bébés nourris au biberon, cinq fois moins de risques
d’être touchés par des gastro-entérites à rotavirus, et ont trois
fois moins d’affection diarrhéiques.
L’allaitement apporte aussi une protection contre les otites, rhino-pharyngites, angines et laryngites, bronchiolites. A plus long terme, il diminue les risques de cancer et de diabète infantiles. Pour toutes ces raisons, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) préconise une durée d’allaitement de deux ans.
Pour
information, la Leche League apporte un soutien aux mamans en demande
de conseils pour l’allaitement: https://www.lllfrance.org/
Mais pour
diverses raisons, s’il n’est pas possible d’allaiter, il faut alors
faire un choix concernant l’alimentation de bébé et donc parmi les
laits végétaux infantiles (à base d’hydrolysat de protéine
végétale : riz, amande etc …) si on est vegan.
Ce document
est une tentative d’apporter des informations utiles, et surtout
quelques conseils pratiques afin d’aider les mamans, les futures
mamans vegans ou toute personne intéressée par des informations
nutritionnelles. Rien d’exhaustif, mais c’est un début.
Que
disent les professionnels de la santé concernant l’alimentation
végétale pour les nourrissons?
Les
médecins non spécialisés en nutrition, au regard de leur cursus
assez long, ne reçoivent que peu d’informations et de formation en
ce qui concerne celle-ci. Ils n’ont donc pas forcément toutes les
informations les plus pointues au sujet d’une alimentation végétale.
Il
est possible de consulter les nombreuses informations issues du
consensus scientifique sur l’alimentation végétale, comme la
position officielle
sur
les régimes végétariens de l’Academy of Nutrition and Dietetics
(anciennement ADA). Il s’agit de l’association professionnelle
des nutritionnistes et diététiciens nord-américains, regroupant
plus de 70 000 professionnels de santé.
https://vegetarisme.fr/wp-content/uploads/2017/02/Vegetarisme-Position-2016-AND-version-francaise-1.pdf
En
France, il est possible d’entrer en contact avec l’Association des
Professionnels de Santé pour une Alimentation Responsable.
L’APSARES
est une association,
née en 2008, d’une initiative de professionnels de santé compétents
dans le domaine de la nutrition (médecins, diététiciens). Elle
s’intéresse à l’alimentation et son impact/utilité dans certaines
problématiques et/ou pathologies. Elle est ouverte à tous les
professionnels de la santé amenés à donner des conseils
nutritionnels: http://www.alimentation-responsable.com/
Jean
Bernard Pellet de l’APSARES rappelle que :
« Le
problème est le lait non maternisé donné aux enfants de moins de
12 mois, qu’il soit végétal ou animal. Cette dépêche (dans
une dépêche publiée en juin, l’Agence France Presse (AFP)
diffusait la position de la filière laitière au sujet des boissons
végétales) rédigée
dans le seul intérêt des producteurs de lait, entretient la
confusion et n’informe pas correctement du danger des laits non
maternisés.
Pour rappel,
le lait maternel constitue la meilleure alimentation pour les
nourrissons.
A défaut, les laits maternisés 1er et 2ème âges
permettent de se rapprocher de la composition du lait maternel, sans
l’imiter parfaitement.
En France, quatre bases différentes
peuvent être utilisées pour composer ces laits maternisés : laits
de vache, de chèvre, soja et riz. »
L’ANSES
(Association Nationale de Sécurité Sanitaire de l’Alimentation de
l’Environnement et du Travail) quant à elle assure des missions de
recherche et de référence sur la santé humaine, la santé et le
bien-être animal ainsi que la santé végétale. L’Agence évalue
ainsi l’ensemble des risques (chimiques, biologiques, physiques…)
auxquels on peut être exposé à tous les âges et moments de sa
vie, qu’il s’agisse d’expositions au travail, pendant ses
transports, ses loisirs, ou via son
alimentation.
L’ANSES
reconnaît qu’en dehors de l’allaitement, les préparations pour
nourrissons sont satisfaisantes, qu’elles
soient formulées à base de protéines animales OU végétales
(Prémiriz, Modilac Expert Riz ou Prémiamande).
Quelle
est la différence avec un autre lait maternisé ?
Le
lactose est remplacé par un autre sucre (maltodextrine ou sirop de
glucose) et les protéines de lait de vache par des protéines
végétales. Le reste est semblable : huiles, minéraux, vitamines.
Il y a une variation infime entre le lait 1er âge et le lait 2eme
âge dans tous les cas. Les
experts de la nutrition infantile recommandent de passer du lait
deuxième âge au lait de croissance vers l’âge de 10/12 mois,
lorsque l’enfant a une alimentation diversifiée, et de poursuivre
cet apport lacté jusqu’à 3 ans.
Concernant
les quantités de lait maternisé, la diététicienne Christelle
Piatti conseille : 500 ml/jour jusqu’à 18 mois et au moins
300 ml par jour jusque
3 ans.
Faut-il
prendre des suppléments alimentaires et si oui, lesquels ?
Ce
n’est pas vraiment la question d’une supplémentation parce que c’est
un lait végétal, ou parce que la future maman enceinte est vegan,
il s’agit de voir les besoins supplémentaires éventuels pour toute
femme enceinte/ bébé et d’y palier.
Bien
sur il y a la vitamine B12, mais pour cela, les choses sont assez
claires chez les végans, pour rappel LTD avait publié
concernant la B12, en 2013 : https://laterredabord.fr/?p=14435.
Il est nécessaire aujourd’hui d’actualiser les chiffres donnés
dans l’article concernant la veg 1. Elle ne contient plus 10 mais 25
microgrammes de B12. Les autres formes n’ont plus autant
d’importance : http://devenirvegan.com/essentiel-vitamine-b12/
Les
bébés, pendant la grossesse et après la naissance, ont un grand
besoin d’oméga 3 à chaîne longue pour la formation de leurs
yeux,
de leur cerveau,
de leur cœuret
de leur système
nerveux.
Il
existe différentes formes d’Oméga-3 spécifiques : la DHA et
l’EPA. La
consommation de DHA réduirait aussi le risque d’allergies et le
risque de naissance prématurée. Un apport en EPA réduit le risque
de dépression
postnatale chez
la maman.
Chez
les enfants, un apport en oméga 3 à chaîne longue améliore
aussi la concentration et les performances intellectuelles,
comme l’a montré une étude menée sur des élèves de 7 à 9 ans
ayant des difficultés à lire.
A
noter: le DHA utilisé lors de cette étude était d’origine végétale
(algues) et non tiré d’huile de poisson comme c’est souvent le cas
dans les études.
Voici
le lien :
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3435388/
En
général, un apport en omégas 3 protège le système
cardiovasculaire, aide à prévenir la dégénérescence maculaire,
le diabète, la dépression…
A
noter: prendre un supplément d’EPA-DHA n’est pas bénéfique que
pour les enfants mais pour tous !
Plus
précisément concernant les omegas 3 et le lait maternisé ?
Il
faut une supplémentation en OMEGA
3 longue chaîne si
le lait ne l’est pas (donc il faut regarder l’étiquette, que le
lait maternisé végétal ou non!).
Par
exemple Prémiriz,
Modilac expert ne sont pas enrichis,
il faut donc ajouter, tout simplement !).
D’ailleurs
pour les
OMEGA 3,
il est intéressant de donner ensuite chez
l’enfant de 3 ans,
tous les deux jours, 1 gélule d’OPTI 3 (vidée dans le lait).
En
somme, résumons pour la supplémentation en omega 3:
–
Pendant
la grossesse : 2 gélules d’opti 3 par jour
–
Dès
9 mois chez l’enfant : 1 gélule tous les 3 jours
–
Dès
3 ans : 1 gélule tous les deux jours
Pour
info concernant OPTI 3 :
2
capsules = 200mg d’EPA, 400mg de DHA et 200 IU en Vitamine D
En
vitamine D, ce n’est pas assez l’hiver, car besoin de 1000 UI par
15kg
Quels
sont les besoins exacts en oméga
3 par tranche d’âge ?
Apports
recommandés (source: http://www.nuique.com/pages/faq.aspx)
Bébés
(jusque 3 ans) : 125-150 mg par jour
Enfants
(jusque 9 ans) : 200 mg par jour
Femmes
enceintes : 450-500 mg par jour
Adolescents
et adultes : 450-500 mg par jour
En
France, l’Anses recommande l’apport en DHA suivant, (cela complétera
les apports alimentaires):
Nourrissons
: 70 mg/j
Enfants
de 1à 3 ans : 70 mg/j
Enfants
de 3 à 9 ans : 125 mg
Adolescents
à partir de 10 ans : 250 mg/j
Adultes
et seniors : 250 mg/j
Si
allaitement, pour la vitamine D : il est conseillé de le
supplémenter: la teneur en vitamine D du lait maternel
est souvent trop faible dans les pays tempérés et nordiques, du
fait de l’exposition au soleil insuffisante. Cela dépend aussi de
la peau, plus elle est mate, plus c’est difficile. La D3 du lichen
n’est pas indispensable, car la vitamine D2 présente dans les
champignons est suffisante à l’apport de la vitamine D.
Si
la maman est enceinte ou allaitante :
Si
la maman se supplémente déjà elle-même à hauteur de 4000
UI/jour, soit 10 fois plus que les AJR, le lait sera suffisamment
riche en vitamine D
-
Quel
lait maternisé végétal utiliser ?
Il
existe RIZLAC, MODILAC EXPERT RIZ, PREMIAMANDE, PREMIRIZ, LA
MANDORLE.
Procédons
par élimination :
-
Le
lait RIZLAC (de Modilac) n’est pas
vegan
: lactose
en
élément principal.
-
Le
lait maternisé MODILAC EXPERT RIZ est végétalien en
apparence
mais pas
en
réalité
! Le problème est dans la vitamine D3 extraite de la lanoline
(laine du mouton).
Dans
PREMIRIZ la D3 est extraite du Lichen donc végétale. De plus,
beaucoup de laits maternisés contiennent de l’huile de palme.
Prémiriz
n’en contient pas. Il est fabriqué en France. Il revient à à peu
près 25 euros les 900g sur internet, mais attention Prémiriz n’est
pas enrichi en EPA/DHA donc voir le
protocole que nous avons mis au-dessus. Le
problème est que Prémiriz est très difficile à se procurer en
comparaison de La Mandorle par exemple.
Modilac
Expert riz n4est pas vegan non plus, et il contient de l’huile de
palme…
Il
reste donc PREMIAMANDE, PREMIRIZ et LA MANDORLE.
Des
précisions concernant leur utilisation ?
Si
il y a un problème de goût, passé plusieurs mois, parfumer avec
1cc de cacao ou 2cc de céréales vanille (céréales
infantiles)
Si
constipation : mettre un petit peu d’eau HEPAR. Environ 1/3 mais
commencer par moins. Éviter l’eau EVIAN.
Pourquoi
il ne faut pas avoir peur d’utiliser un lait maternisé végétal
plutôt qu’un autre ?
Parce
que tout simplement, il s’agit de voir EXACTEMENT ce qui pourrait
manquer. Comparons donc un lait maternisé non végétal et un lait
maternisé végétal et voyons s’il
manque quelque chose.
Pour
cela il est nécessaire de comparer les étiquettes de laits
maternisés et de comparer les chiffres et les dosages. Les laits
maternisés végétaux sont mieux et plus précisément dosés que
les autres laits maternisés.
Comment
passer à la diversification ?
Pour
l’introduction des différents aliments, il existe un guide précis
sur « L’association végétarienne de France
».
https://www.vegetarisme.fr/wp-content/uploads/2014/03/f11_bbvg.pdf
Dès
que l’enfant manifeste l’envie de toucher et téter un aliment, il
faut le lui proposer. Cependant, il faut faire attention à la taille
des aliments pour éviter tout étranglement. Les carottes par
exemple doivent être
proposées coupées en quatre dans sa longueur et proposée en petits
morceaux. L’enfant doit pouvoir le tenir dans sa main. Tous les
aliments peuvent être proposés dès le plus jeune âge, au goût du
jeune enfant.
Voici
une liste de références scientifiques que l’on peut consulter pour
davantage d’informations :
Liste
de références scientifiques :
-
American
Academy of Pediatrics. Committee on Nutrition (1998). Soy
protein-based formulas: recommendations for use in infant feeding.
Pediatrics,
101(1 Pt 1), pp.148–153.
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Nutrition. (2008). Use
of soy protein-based formulas in infant feeding. Pediatrics,
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-
Bocquet, A. et al. (2001).
Préparations
pour nourrissons et préparations de suite à base de protéines de
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de pédiatrie,
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-
Richardson
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Docosahexaenoic Acid for Reading, Cognition and Behavior in Children
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Oliveria,
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