Depuis plusieurs jours, les médias relatent de manière ininterrompue l’information selon laquelle il y aurait un changement juridique du statut des animaux. Cela serait un progrès, même si relatif, il y aurait quelque chose, on aurait pu faire mieux, etc. etc.
Et ce qui est marquant, c’est que cela tombe littéralement du ciel. A priori, rien ne laissait présager ce « changement » qui, en fait et on pouvait s’en douter, n’en est pas du tout un.
Voici donc ce qui s’est passé.
A la base, il y a dans le code civil l’article 528, qui dit la chose suivante :
« Sont meubles par leur nature les animaux et les corps qui peuvent se transporter d’un lieu à un autre, soit qu’ils se meuvent par eux-mêmes, soit qu’ils ne puissent changer de place que par l’effet d’une force étrangère. »
Or, cet article est en contradiction avec le code rural et le code pénal, qui présentent les animaux comme des êtres vivants et sensibles. Le député des Hautes-Pyrénées Jean Glavany a donc proposé une modification mardi dernier, après l’avoir rendue publique la veille seulement.
Voici comment l’amendement a été justifié par Glavany :
EXPOSÉ SOMMAIRE
Alors que le code rural et le code pénal reconnaissent, explicitement ou implicitement, les animaux comme des « êtres vivants et sensibles », ces derniers sont encore considérés par le code civil comme des « biens meubles » (art. 528) ou des « immeubles par destination » quand ils ont été placés par le propriétaire d’un fonds pour le service et l’exploitation de celui‑ci (art. 524).
Cet amendement a pour objet de consacrer l’animal, en tant que tel, dans le code civil afin de mieux concilier sa qualification juridique et sa valeur affective. Pour parvenir à un régime juridique de l’animal cohérent, dans un souci d’harmonisation de nos différents codes et de modernisation du droit, l’amendement donne une définition juridique de l’animal, être vivant et doué de sensibilité, et soumet expressément les animaux au régime juridique des biens corporels en mettant l’accent sur les lois spéciales qui les protègent.
On est donc dans un changement simplement cosmétique, une simple modernisation juridique. Il y en a eu et il y en aura d’autres, évidemment. Et c’est tellement flagrant que les personnes qui veulent changer les choses « de l’intérieur » sont absolument furieuses.
En effet, toute la vanité de leur discours saute aux yeux. Le système s’adapte, fait quelques modifications, mais rien ne change, même pas en apparence. Or, de gros investissements idéologiques et culturels ont été mis dans la fameuse pétition lancée par 30 millions d’amis, qui révèle ici tout son décalage avec la réalité. Cela ruine le prestige du réformisme.
Le communiqué de la Fondation Bardot est ici exemplaire. Il est parlé de… « l’exploitation animale », un concept extrêmement radical que cette association n’assume pas du tout, mais elle n’a pas le choix afin de sauver les apparences et ne pas se retrouver torpillée.
Cela ne l’empêche pas, en même temps, de critiquer l’élevage intensif et pas l’élevage en général, et même de saluer une harmonisation juridique qui, franchement, n’intéresse personne. Un tel niveau de contorsion révèle bien la terrible contradiction qui déchire les « réformistes » qui veulent changer les choses de l’intérieur du système de l’exploitation animale.
Que le statut de l’animal passe de « bien meuble » à « être vivant doué de sensibilité » est normal, ce qui est anormal en revanche c’est de ne pas l’avoir fait plus tôt. Attention toutefois, il s’agit simplement d’harmoniser les textes, mais en aucun cas de remettre en cause l’exploitation animale.
Dans le Code rural et le droit européen l’animal est déjà considéré comme un être sensible, cela n’empêche pourtant pas le gavage, l’élevage intensif, les longs transports, l’abattage, l’expérimentation animale ou encore la captivité des animaux sauvages.
Bien sûr, nous saluons cette volonté de rendre cohérents les différents textes, nationaux et européens, mais ne nous y trompons pas, nous sommes à la veille d’une simple évolution juridique, logique, mais en aucun cas d’une révolution pour les animaux !
Christophe Marie
Porte-parole de la Fondation Brigitte Bardot
Quelque chose d’assez exceptionnel aussi est l’apparition d’un « groupe d’études sur la protection animale » de l’assemblée nationale. Là, on est dans la mythomanie, la député EELV Laurence Abeille prétendant que ce groupe avait une proposition de loi bien plus ambitieuse sur le statut de l’animal et que l’intervention de Glavany était en pratique un complot pour empêcher cela.
Pure magouille que cela, afin de prétendre se préoccuper des animaux, alors que jusqu’à présent EELV ne s’en est absolument jamais préoccupée. Il suffit de regarder les archives de nos articles sur EELV, les faits sont très clairs…
Par conséquent, la tentative d’ajouter des « sous-amendements » à l’amendement Glavany relève du simple cinéma, et bien évidemment ces demandes ont été refusées… Voici un exemple d’un tel sous-amendement.
SOUS-AMENDEMENT N°73
présenté par
Mme Abeille, M. Alauzet, Mme Allain, Mme Attard, Mme Auroi, M. Baupin, Mme Bonneton, M. Cavard, M. Coronado, M. de Rugy, M. François-Michel Lambert, M. Mamère, Mme Massonneau, M. Molac, Mme Pompili, M. Roumegas et Mme Sas
à l’amendement n° 59 de M. Glavany
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APRÈS L’ARTICLE PREMIER
Compléter l’alinéa 3 par la phrase suivante :
« Ils doivent bénéficier de conditions conformes aux impératifs biologiques de leur espèce et assurant leur bientraitance. »
EXPOSÉ SOMMAIRE
Ce sous-amendement vise à préciser le nouvel article du code civil relatif aux animaux.
La distinction entre biens meubles et animaux dans le code civil était une demande ancienne de nombreux citoyens engagés dans la protection animale.
L’évolution de la société, des connaissances scientifiques et de la réflexion sur les animaux rendent nécessaire ce changement dans notre droit. Selon l’article 515-14 que propose de créer l’amendement n°59 : « Les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité. Sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens corporels. »
Ce sous-amendement propose de préciser que les animaux « doivent bénéficier de conditions conformes aux impératifs biologiques de leur espèce et assurant leur bientraitance », afin de tirer toutes les conséquences de l’article 515-14 qui précise qu’ils sont doués de sensibilité.
« Bientraitance » : voilà encore un mot nouveau, un néologisme absurde, comme le récent « carnisme » que l’on a pu voir apparaître, ou comme le terme de « végéphobie » apparu il y a quelques années. Tout cela est terriblement confus, alors que la question est simplement celle du rapport à la Nature et du refus de l’exploitation animale.
D’ailleurs, Glavany a paradoxalement failli faire tout sauter. En effet, il est à l’origine d’un amendement qui a… été retiré vite fait avant discussion. En effet, cet amendement… formait une nouvelle catégorie juridique : les animaux !
Il y aurait les humains, les animaux et enfin les biens. Or, faire cela, c’est provoquer le chaos, car inévitablement la libération animale affirmerait qu’il faut faire pencher les animaux de notre côté, et non de celui des biens…
Alors que le Code rural et le Code pénal reconnaissent, explicitement ou implicitement, les animaux comme des « êtres vivants et sensibles », ces derniers sont encore considérés par le Code civil comme des « biens meubles » (art. 528) ou des « immeubles par destination » quand ils ont été placés par le propriétaire d’’un fonds pour le service et l’’exploitation de celui-ci (art. 524).
Cet amendement a pour objet de consacrer l’animal, en tant que tel, dans le code civil afin de mieux concilier sa qualification juridique et sa valeur affective.
Pour parvenir à un régime juridique de l’animal cohérent, dans un souci d’harmonisation de nos différents codes et de modernisation du droit, la proposition d’amendement proposée consiste à créer dans le code civil une catégorie sui generis, intermédiaire entre les personnes et les biens.
Il est ainsi proposé de donner une définition de l’animal et de soumettre expressément les animaux au régime juridique des biens corporels en mettant l’accent sur les lois spéciales qui les protègent.
Ainsi, il a fallu aux députés trouver une sorte de compromis juridique, ne faisant que moderniser la juridiction, afin de la renforcer. L’animal se voit reconnu une sensibilité… mais cela ne change rien. Et cela aide même l’exploitation animale qui peut ainsi désormais prétendre « reconnaître » les animaux.
Le président de la république s’est d’ailleurs empressé de rassurer les éleveurs, le syndicat FNSEA lui ayant écrit suite à l’amendement. Nous avons déjà parlé tant des mesures massives de soutien financier aux éleveurs que de la position de François Hollande contre un changement de la loi (voir Sommet de l’élevage : un milliard d’euros par an en soutien aux éleveurs et Interview de François Hollande par les industriels de l’exploitation animale).
Voici comment « La France agricole » a, suite à l’amendement, interrogé l’Elysée, avec la réponse si parlante…
L’amendement « 59 », adopté le 15 avril 2014, dans le cadre du projet de loi de modernisation et de simplification du droit, et qui reconnait aux animaux « la qualité d’êtres vivants doués de sensibilité », a suscité de nombreuses réactions.
Interrogé par nos soins, dans la mesure où François Hollande s’était exprimé sur le statut de l’animal dans les colonnes de La France Agricole (du 21 février 2014), l’Elysée précise que « la reconnaissance de cette qualité ne modifie pas le régime applicable aux animaux », conformément à ce qu’avait déclaré le président de la République.
« En revanche, cet amendement permet de faire figurer dans le code civil les dispositions relatives au statut de l’animal introduites dans le code rural en 2001 et dans le code pénal en 2006.
Les devoirs des opérateurs économiques, ainsi que la fonction économique des animaux de rente ne sont pas remis en cause ; aucun droit nouveau n’est créé pour les animaux, qui demeurent protégés par les dispositions du code rural et du code pénal interdisant les mauvais traitements et assurant leur bien-être. »
Tout cela est donc très clair : cela fait beaucoup de bruit pour rien, et est destiné à contrer la cause animale, au moyen de la confusion, d’une amélioration de l’idéologie dominante. C’est la pratique de l’adage traditionnel: « pour que rien ne change, tout doit changer »: les apparences sont modifiées, pas la substance.