Un spectre hante le mouvement pour les animaux : celui de l’ALF. Toute les associations institutionnelles se sont unies en une Sainte-Alliance pour traquer ce spectre : mieux, pour en nier l’existence.
De notre côté, nous n’avons pas d’avis sur les gens faisant des actions de l’ALF. Par contre, nous avons un point de vue sur les animaux sauvés… Ou encore sur les actions elles-mêmes. Et ce point de vue est révolutionnaire.
Aussi, nous avons toujours eu comme principe de systématiquement publier les communiqués d’actions de l’ALF en France. Il en a toujours été ainsi et il en sera toujours ainsi. C’est un principe pour ainsi dire sacré : quoi qu’on en pense, toute dissociation est intolérable, inacceptable, une capitulation.
Aussi est-il très intéressant de regarder ce que vient d’expliquer Tiphaine Lagarde de « 269Life Libération Animale » au sujet de l’ALF, à l’occasion d’une très longue interview à une revue en ligne issue de Nuit debout (première partie, seconde partie).
Non pas que cette association nous semble intéressante, bien au contraire. Seulement, si L214 peut faire comme si l’ALF n’existait pas (car ses fondateurs ont historiquement toujours été catégoriquement contre), quand on se prétend radical comme 269, on ne peut pas agir ainsi et il fallait bien prendre position, à un moment ou un autre.
Et donc, Tiphaine Lagarde, au milieu de multiples références universitaires, s’est décidée à dire les choses, on va dire clairement… Enfin.
Car 269Life Libération Animale compte s’installer dans le paysage, comme une version « radicalisée » de L214. C’est une sorte de division du travail pour casser la vraie radicalité. A L214 les appels réformistes, à 269Life Libération Animale le cinéma de la « désobéissance civile ».
Et pour que cela se passe, il faut se soumettre. La soumission au système, même si on joue les rebelles, est obligatoire pour l’obtention d’une reconnaissance médiatique et dans l’idéologie dominante.
LTD parle de l’ALF ? LTD est boycotté et nié par les gens croyant au système. C’est la règle et nous assumons. Parce que nous savons qu’il faut changer le monde, non pas se « défendre », mais bien passer à l’offensive pour renverser ceux qui détruisent la planète, exploitent et assassinent les animaux.
Tiphaine Lagarde a quant à elle décidé d’expliquer que l’État est du côté des capitalistes, mais qu’en même temps il ne fallait pas de violence, même si la non-violence est quelque chose de mauvais. Cela n’a aucun sens, à part celui de chercher une place au soleil dans le système en se la jouant radical, sans jamais l’être réellement.
Voici ses propos : après, tout, ils parlent d’eux-mêmes.
« Au-delà de la définition commune que l’on donne au terme « violence », il s’agit de savoir qui, dans notre société, possède le pouvoir de définir ce qui est violent et ce qui ne l’est pas, qui maîtrise cette faculté de répartition de nos actes en deux catégories.
Bien sûr, la violence, définie de façon adéquate, est un mal. Dans l’idéal, elle devrait n’avoir aucune part dans la façon dont les individus interagissent.
Notre propos n’est pas de faire l’apologie de la violence mais de savoir si, de manière pragmatique, des stratégies présentées comme « violentes » peuvent conduire à davantage d’efficacité.
Un premier constat s’impose : si nous légitimons majoritairement son usage au sein de luttes humaines (de préférence « lointaines », géographiquement parlant, exotisation de la violence oblige), nous la condamnons systématiquement lorsqu’elle s’exerce au profit des individus non-humains.
Il suffit de voir comment sont décriés (et au sein même du milieu animaliste) les modes d’action du mouvement ALF…
Dès lors : la non-violence est-elle en soi une posture de privilégiés humains (ne subissant pas l’oppression spéciste) ? la non-violence est-elle spéciste ?
Il y aurait beaucoup à dire sur ce culte du pacifisme que l’intégralité du mouvement antispéciste prône comme un dogme stratégique et moral.
Cette analyse de la non-violence comme une pratique de « privilégiés » a été menée par le philosophe Peter Gelderloos dans deux ouvrages importants : Comment la non-violence protège l’État et L’Échec de la non-violence, paru en 2013.
En prenant l’exemple du mouvement pour les droits civiques aux États-Unis, il démontre comment la non-violence peut être analysée comme un mode d’action raciste prôné par la « race » blanche privilégiée.
(…)
Quand Malcolm X disait des Afro-Américains qu’ils devaient se battre pour la liberté « par tous les moyens nécessaires », il ne défendait pas la violence agressive ni les attaques offensives, mais soulignait plutôt le droit à la légitime défense dans des conditions où la police, le FBI et l’État sont des ennemis ayant l’intention de tuer.
Comme les humains, les animaux ont un droit à la légitime défense, mais ne peuvent, mis à part quelques rares exceptions, se défendre par eux-mêmes.
Les humains qui agissent au nom des animaux ont le devoir de les protéger par tous les moyens nécessaires des blessures qui peuvent leur être infligées.
Comprises dans leur contexte, ces mesures ne sont pas violentes : elles sont une contre-violence et relèvent de ce que Steven Best appelle une « légitime défense par extension »… C’est donc probablement pour des raisons pragmatiques, et non morales, qu’aucun activiste n’a encore sérieusement blessé ou tué un exploiteur d’animaux !
Ce type d’action serait certainement une catastrophe au niveau médiatique et entraînerait une répression telle qu’elle immobiliserait vraisemblablement les activistes…
Même si le mouvement ALF a obtenu des succès qu’on ne peut nier, il a été catastrophique sur un plan politique en ne parvenant pas à imposer l’antispécisme comme un débat de justice sociale. »
Malcolm X n’aurait été que pour la violence défensive? Quelle absurdité.
Nous invitons ici nos lecteurs et lectrices à réécouter la chanson « Destroy babylon » du groupe éponyme, qui a un texte exprimant parfaitement la nécessité de notre époque. Elle commence justement par un extrait de discours de Malcolm X (« Vous n’avez pas de révolution qui n’implique pas l’effusion de sang. Et vous avez peur de saigner. »).
Mais surtout, quelle aberration que ces propos sur l’ALF! Heureusement que l’ALF a justement, dans sa définition même, paré à ce genre d’attaques lamentables. En effet, pour l’ALF, ce sont les animaux qui comptent.
L’ALF n’a jamais été un débat de justice sociale, ni même un débat.
L’ALF a voulu justement échapper aux abstractions intellectuelles et aux discours faisant des animaux des objets, et non pas des sujets d’une pratique concrète.
L’ALF, cela signifie : les animaux, maintenant !
Telle est la signification authentique et unique de l’ALF.
On peut considérer que ce n’est pas suffisant, que c’est en décalage avec la nécessité de révolution ou que c’est du réformisme militant, qu’il y a d’autres priorités, etc. Mais la question n’est pas là, l’ALF ne se place pas sur ce terrain. L’ALF dit historiquement : tel animal est en danger, j’interviens, et tant qu’il y en a, j’interviens.
C’est là se placer sur le terrain d’une réalité indiscutable. Non pas simplement d’une réalité morale, mais bien d’une réalité physique.
Est-ce que cela signifie que l’ALF est une fin en soi, ou bien l’unique vecteur de la lutte ? Pas du tout, l’ALF est un front, se voulant un dénominateur commun inévitable, une sorte de minimum syndical. Ni plus, ni moins.
Tiphaine Lagarde le sait inévitablement, mais elle a besoin de dénoncer l’ALF. Parce qu’elle sait que l’ALF, cela signifie non pas la « désobéissance civile » et des interviews dans la presse où l’on tient des discours radicaux, mais inévitablement la révolution, l’affrontement, la violence. C’est d’une logique implacable.
Et comme on ne peut pas citer des auteurs universitaires et chercher une reconnaissance médiatique, tout en assumant la révolution, il fallait choisir et cela a donc été l’inévitable dissociation. C’est là tant une mise en conformité avec l’idéologie dominante sur le plan des idées, qu’une exigence fondamentale formulée par la pression sociale.
C’est là l’origine des dissociations et capitulations.
Ce qui bien entendu ne modifie en rien ce que sera le 21e siècle : un changement fondamental et à l’échelle mondial de l’organisation humaine et des modes de vie. La reconnaissance de la planète Terre comme système global, l’affirmation de la Nature comme totalité, la défense de toute vie !
Les exigences de survie de la planète et les bouleversements issus des erreurs humaines détermineront l’identité à adopter au 21e siècle : soyons en avance et assumons l’identité avec notre mère la Terre !