La faillite de Sea Shepherd avec «Rewild» et celle de L214

Nous voulons ici documenter deux phénomènes qui se sont exprimés tout récemment et qui expriment la faillite de toute une génération qui s’est placée sous l’égide de Sea Shepherd et de L214. Il s’agit de l’échec complet (et terrifiant) du projet « Rewild », dont Sea Shepherd a été le moteur, ainsi que la parution par Mediapart d’un dossier à charge contre L214.

Cette documentation critique est justifiée par le fait qu’on parle là des deux associations qui, ces dix dernières années, se sont accaparée les forces vives de la cause animale, en termes de militants, de soutiens, d’argent. Il faut bien dire accaparer, parce que ces associations ont adopté un profil consensuel visant clairement à isoler les gens de trois choses : des refuges, de l’ALF et d’un débat avancé sur la nature du véganisme comme rupture.

L’échec emblématique du projet « Rewild »

L’association Rewild a beaucoup fait parler d’elle en 2020 suite à l’annonce du rachat d’un zoo en Bretagne : le zoo de Pont-Scorff. Le but du projet était de transformer le site en lieu d’adaptation pour les animaux issus de saisies en vu des les « ré-ensauvager » ou des leur trouver une place dans un sanctuaire.

Les critiques ont été très vives, en premier lieu dans le monde des zoos : le projet serait farfelu, ingérable, un gouffre financier, les personnes incompétentes, etc. Face à eux, beaucoup de personnes ont soutenu le projet tant moralement que financièrement.

Le 20 mai 2021, un an et demi après avoir racheté le zoo, le projet est un échec : le zoo a été liquidé et racheté par un repreneur qui souhaite rouvrir les portes au public. Et bien évidemment, les principales figures du projet se déchirent entre elles, formant deux camps qui règlent leur compte sur les réseaux sociaux, et par tribunal interposé.

On annonce que le nouveau repreneur est prêt à collaborer avec les personnes qui ont trouvé des places pour des animaux du zoo afin qu’ils puissent terminer leur vie hors du zoo. Quand bien même. Ce projet reste une faillite morale très grave qui pèsera lourdement sur les animaux et tout véritable mouvement de libération.

Les premiers mois suite au rachat du zoo

A l’origine, le projet Rewild est une coalition d’association qui déclare que son but est le « ré-ensauvagement » d’animaux sauvages vivant en captivité. L’achat d’un zoo ne faisait donc pas partie des pistes envisagées : c’est seulement en apprenant la situation du zoo de Pont-Scorff que le projet se penche sur cette opportunité.

Jérôme Pensu, une figure majeure ici, dit qu’il a longuement discuté avec le gérant de la SARL Bretagne zoo qui possède le zoo. Convaincu, ce dernier accepte de vendre le zoo à Rewild qui prend les commandes de la SARL. A ce moment là, le zoo est dans un piteux état, beaucoup de travaux sont à réaliser, et ce depuis des années et des années. On se demande bien comment l’ancien gérant a pu changer d’avis : Jérôme Pensu aurait-il réussi à lui ouvrir les yeux sur le sort des animaux de son zoo ? Aurait-il réussi à le faire changer de camp ?

Rappelons tout de même que le projet ne compte que sur les dons pour vivre, le temps de mettre en place une nouvelle économie. Mais laquelle ? Les choses ne semblaient pas alors bien tranchées aux débuts. Pour payer les salaires, le rachat de la SARL, payer les frais vétérinaires, la nourriture, etc. Rewild annonce lors qu’il faudrait environ 80 000 euros par mois au minimum.

La première cagnotte a connu un franc succès avec plus 700 000 euros récoltés en quelques jours, notamment grâce à l’implication du très vendeur Hugo Clément. Il faut être très optimiste pour s’imaginer tenir dans la durée avec de tels frais de fonctionnements. Sans parler des travaux à réaliser, ne serait-ce que pour être conformes à la réglementation, qui peuvent compliquer encore la tâche.

En clair : le projet sort de nul part, demande des dons en masse grâce à des figures médiatiques, et espère maintenir ce fonctionnement le temps qu’une « nouvelle économie » se mette en place. Tout cela semble tellement déconnecté de la réalité, et pourtant l’idéalisme l’a emporté.

Le rachat et les premiers contrôles

Arrive alors le 16 décembre 2019 et le changement de propriétaire : dès le lendemain de son arrivée, Rewild ferme l’accès au public et reçoit une mise en demeure de la part des services vétérinaires. Les contrôles et les ennuis avec les services vétérinaires commencent très rapidement, différentes informations seront remontées à la presse et les attaques contre le projet commencent.

Plusieurs mois passent, non sans difficulté, et en septembre 2020, Rewild tient une conférence de presse afin de répondre publiquement aux principales accusations qui sont faites. Sont présents : Gilles Moyne et Laurane Mouzon du Centre Athénas, Lamya Essemlali de Sea Shepherd France, Jérôme Pensu du Biome et Jean Tamalet l’avocat de Rewild.

La conférence de presse

L’objectif principal est de répondre aux principales attaques formulées contre le projet :

1. Rewild est soupçonné d’avoir laissé mourir beaucoup d’animaux, avec le fameux chiffre de « 2 tonnes de cadavres d’animaux » récupérées par la société d’équarrissage lors de son premier passage.

2. L’absence de certificats de capacité.

3. Toujours pas d’animaux relâchés.

4. Absence de registre vétérinaire.

5. Utilisation de médicaments périmés.

Rewild répondra clairement, à chacune de ses accusations, en rappelant les responsabilités des anciens gérants (animaux dans les congélateurs à leur arrivée, d’où les 2 tonnes), ou la flexibilité des services vétérinaires vis-à-vis d’autres zoos (certificats de capacité manquant pour certaines espèces de temps en temps). Les exagérations et affirmations fausses (absence de certificat de capacité au lieu d’absence de certains certificats de capacité), médicaments périmés alors que non, etc. seront aussi démenties.

Tous rappelleront également le temps que nécessite le travail de « ré-ensauvagement » et les complications qui sont arrivées avec la crise Covid. L’explication, posée, reste néanmoins beaucoup plus nuancée que les annonces faites lors de la naissance du projet et de la première cagnotte : besoin de vendre, de faire le « buzz » et jouer sur les émotions plutôt que sur la raison ?

L’avocat de Sea Shepherd France dans la partie

Il reste deux points qui méritent d’être mentionné : tout d’abord la figure de l’avocat. Celui-ci se présente au début de la conférence et explique qu’il travaille pour un grand cabinet international : gage du sérieux du projet. Le cabinet en question est King & Spalding, l’un des trente premiers cabinets d’avocat au monde, par revenus, et qui compte plus de 1 100 avocats.

Qu’un tel projet s’aide d’un avocat… pourquoi pas. Mais il est tout de même étonnant de voir un tel professionnel intervenir ici. Toutes les associations qui s’occupent d’animaux n’ont pas le luxe de travailler avec un avocat qui se retrouvera à conseiller le médiatique ex-PDG de Renault, Carlos Ghosn, en janvier 2021.

Nous n’en saurons pas plus concernant les frais d’avocat de Rewild qui, rappelons-le, ne vit que de dons de particuliers, de « généreux mécènes » et d’autres associations. Est-ce Sea Shepherd France qui apporte ici une autre contribution financière étant donné que Jean Tamalet est également leur avocat ? Pas de réponse à cette question, presque anecdotique au vu des toutes les questions qui subsistent.

Pour terminer sur l’aspect juridique, il est intéressant de noter qu’il est annoncé lors de cette conférence que le cabinet de Jean Tamalet va déployer « un bouclier juridique » autour de l’équipe de Rewild. Ainsi qu’une pluie de « missiles » : il « attaquera systématique tous ceux qui entraveront le projet de manière illicite ».

Donc au moment de la conférence de presse, Rewild qui n’a pas brillé par sa communication, qui n’a pas de projet net et précis concernant sa nouvelle économie, qui découvre l’étendue des travaux à réaliser, etc. nous annonce que des « missiles » (juridiques) seront lancés vers tous ceux qui s’en prendront au projet. Cette agressivité reflète un vrai problème de fond alors, comme on s’en doute.

On touche en fait ici au deuxième point qui mérite d’être mentionné : d’un côté Rewild se veut le grand défenseur de la nature sauvage face aux zoos qui ne respectent rien, et de l’autre Rewild demande à être traité de la même manière que les autres zoos.

Un « traitement équitable »

Résumons : en France, en 2020, des personnes expliquent fièrement que leur projet est une menace pour les zoos et l’industrie de la captivité, soit tout un pan de l’exploitation animale, et viennent ensuite demander que l’État français leur réserve un traitement équitable. On tombe ici au niveau zéro de l’engagement. Comment demander un traitement équitable à un État qui autorise et défend la vivisection ?

Il n’y a pas de traitement équitable possible. La seule option pour un tel projet était d’être irréprochable et inattaquable. Chercher à s’en sortir, au bout de dix mois, en expliquant que les principales attaques sont soit dues aux anciens responsables, soit de la diffamation des services vétérinaires (pour reprendre la défense de Rewild)… et jouer les pauvres victimes innocentes, est incompréhensible.

D’ailleurs, une question qui revient inévitablement est : ne connaissaient-ils pas l’état du zoo avant le rachat ? Si non, pourquoi s’être lancé dans une aventure qui risquait d’être plein de (très) mauvaises surprises ? Les animaux ont-ils été ici réellement pris en compte ou bien ont-ils les victimes d’une sorte de projection idéaliste, forçant les choses?

Là encore : Rewild avait une idée, mais ne s’imaginait pas que le zoo serait dans un tel état. Une trop bonne affaire à saisir, une « opportunité » à ne pas rater ?

Difficile de ne pas voir aujourd’hui qu’il s’agissait d’une grande opération de communication sans fondement solide : l’exploitation animale en sort vivifiée et les animaux en général sont ici les grands perdants.

Rewild peut bien lister en détail les contrôles inopinés des services vétérinaires que ce soit dès le lendemain du rachat ou encore le premier jour où le site se trouve en défaut de capacitaire concernant certaines espèces (suite au départ d’une personne). Le projet peut bien se plaindre du « harcèlement » juridique dont il est l’objet, de l’absence de dialogue avec les services vétérinaires, etc. Le problème reste là : ces gens semblent découvrir la réalité, la France et son indifférence, le capitalisme et son cynisme, la vanité de la communication comme fin en soi, l’ampleur de ce que représente un travail quotidien de soins animaliers…

Ces gens découvrent ainsi que la France n’a rien contre les burgers vegan parce qu’elle s’en fout mais qu’elle va siffler la fin de la récréation une fois qu’on annonce s’attaquer un petit plus concrètement à l’exploitation animale et sa corruption.

Rewild voulait d’ailleurs moderniser en fait légèrement le capitalisme, étendre un peu une niche née dans les centre-villes et s’est heurté à la réalité. Il y a des espaces démocratiques, il y a des espaces pour protéger tant bien que mal la faune sauvage en France en 2021. Des espaces limités mais existant malgré tout. Mais il n’y a pas de place annoncer fièrement que l’on va mettre à mal tout un pan de l’exploitation animale parce que des bobos l’ont décidé dans leur coin.

De la conférence de presse à la liquidation

Après la conférence de presse de septembre 2020, la situation ne s’est pas améliorée pour Rewild : six mois plus tard, la société est placée en liquidation et le zoo est finalement racheté par une entreprise qui ouvrira les portes au public.

Que s’est-t-il passé ?

Le projet a initialement continué, la situation des animaux s’est améliorée, mais l’état du zoo est resté déplorable. Il n’y a pas eu de rentrée d’argent fiable : Sea Shepherd injecte énormément d’argent et essaie de faire jouer ses mécènes ; d’autres associations entrent en jeu vers la fin pour éviter pour éviter le pire, comme la fondation Brigitte Bardot qui a débloqué 50 000 euros pour payer l’alimentation et les soins.

On n’en apprend toujours pas davantage sur la fameuse « nouvelle économie » : les informations publiées sur Facebook se concentrent sur les attaques du monde du zoo et des services vétérinaires jusqu’à l’hiver à l’automne, avant de laisser plus de place à la vie du centre et des animaux.

Cette communication devient alors très au jour le jour et cela donne étrangement l’impression que le projet est implanté depuis un certain temps et que tout fonctionne plus ou moins correctement. Comme si tout allait bien alors que les frais de fonctionnement mensuels sont très élevés, qu’il y d’importants travaux à réaliser, des transports d’animaux (les premiers « ré-ensauvagements »)… Le projet est attaqué de partout et n’en est même pas au stade d’une potentielle stabilité financière, mais officiellement tout va bien.

La suite est alors terrible : en mars 2021 la société est en liquidation, et le zoo sera finalement racheté afin de redevenir un zoo avec ouverture au public.

Et comme si cela ne suffisait pas, aux problèmes financiers se sont ajoutés les conflits internes avec d’un côté Sea Shepherd et de l’autre Jérôme Pensu ainsi que les trois quarts des soigneurs sur site.

Le premier signal a été le départ du centre Athénas qui a préféré prendre ses distances avec le projet Rewild, sans donner plus d’explication. Le discours est classique : on ne donne aucune explication, mais on souhaite le meilleur à l’équipe, etc.

La cause du conflit

Le camp Pensu reproche à la présidente de Sea Shepherd France, Lamya Essemlali, : 1) d’avoir été rude avec des soigneurs et d’avoir accusé Jérôme Pensu d’être la cause de tous les problèmes de Rewild ; et 2) d’avoir lancé une « OPA hostile » à l’encontre de Rewild.

De son côté, Sea Shepherd France et sa présidente, très peu présents sur site, suivent le projet à distance et font confiance à Jérôme Pensu jusqu’au moment où la présidente découvre, selon ses dires, que le site n’est plus assuré (début 2021) et qu’il y aurait beaucoup de laisser-aller sur place.

Sea Shepherd France aurait alors exigé d’avoir plus de poids au sein de la gestion de Rewild. En clair, de ne plus laisser Jérôme Pensu aux commandes, voire de le mettre à l’écart progressivement. Le situation s’envenime alors rapidement : Sea Shepherd France ne trouve pas normal qu’un tel soutien financier ne permette pas d’avoir davantage de poids dans la gestion, et finit par se couper du projet lorsque la SARL est officiellement en liquidation, car l’association se positionne comme repreneur et ne pourrait donc plus intervenir de la sorte.

Chaque camp défend sa version et jure qu’il n’y a aucun problème d’ego de son côté, que tout ceci dessert les animaux et qu’il est dommage d’en arriver là, etc.

On tombe déjà très bas avec ce niveau et quand chaque camp évite soigneusement de répondre à une partie des critiques de l’autre, tout cela sent malheureusement beaucoup trop la magouille.

Liquidation de la SARL et coups-bas

Ce qui se trame en arrière-plan à partir du début de l’année 2021 et surtout avec l’annonce de la liquidation en mars est toutefois clair : chaque camp essaie de passer pour le bon élève aux yeux de l’État et de la Justice.

L’escalade continue jusqu’au point où Sea Shepherd France dénonce la cagnotte mise en place par l’autre équipe et coupe les accès aux réseaux sociaux.

Ces règlements de compte iront même jusqu’au tribunal… les uns cherchent à récupérer les accès aux réseaux sociaux, les autres à mettre sur la touche un gérant qui n’aurait plus aucune légitimité.

Les mêmes qui faisaient front en septembre pour dénoncer l’économie des zoos et de la captivité, qui n’avaient pas peur des attaques des services vétérinaires, se retrouvent six mois plus tard à se chamailler et demander l’intervention de la justice française ? On marche sur la tête.

On ne peut pas bomber le torse face à l’exploitation animale lors d’une conférence de presse un jour pour tomber aussi bas le lendemain.

On passe ainsi de : c’est de la faute des anciens gérants qui nous ont laissé un zoo dans un état lamentable, aux services vétérinaires qui font délibérément du zèle pour nous faire couler et enfin au monde des zoos qui nous perçoivent comme une menace à éliminer… à c’est de la faute de Jérôme Pensu / c’est de la faute de la présidente de Sea Shepherd France.

La dégringolade continue encore

D’un côté la présidente de Sea Shepherd France vient expliquer que tout est de la faute de Jérôme Pensu, qui serait un manipulateur et qu’elle lui a fait confiance à tort. Ce qui revient plus ou moins à reconnaître que Sea Shepherd France peut se permettre le luxe de dilapider des centaines de milliers d’euros sans trop se préoccuper de leur utilisation. Cela aussi il faut en parler. Il y a un vrai problème ici. Les refuges n’ont pas un euro et là on a ça ? C’est inacceptable.

La présidente de Sea Shepherd France affirme également qu’elle a pu discuter avec le préfet qui s’est montré très coopératif et aimable. Ce dernier aurait expliqué que le problème n’était pas Rewild, mais Jérôme Pensu. Tout naturellement, Sea Shepherd France publie alors des témoignages de membres apparemment fondateurs de Rewild qui attaquent publiquement Jérôme Pensu avec beaucoup de sous-entendus.

Quand bien même Jérôme Pensu serait un incompétent et un manipulateur de haut rang… chercher à s’en sortir d’une telle manière est tout simplement anti-démocratique et inacceptable. Il y a un principe qui s’appelle la démocratie, la vraie démocratie : celle des débats, de la raison, des échanges, des valeurs… Encore faut-il une base ferme pour cela, avec des valeurs développés. Et ne pas se comporter comme un petit boutiquier qui vient s’en prendre au concurrent qui vient d’ouvrir son commerce dans la même rue.

Un véritable spectacle pour l’exploitation animale

Une base idéologique ferme permet aussi d’éviter des déclarations invraisemblable. Comme par exemple lors du live de l’équipe du site de Pont-Scorff dans lequel Jérôme Pensu défend calmement et fièrement le fait de s’engager payer intégralement le rachat de la SARL. Il s’agirait d’une question de principe et d’honneur.

Principe ? Honneur ? Tenir à payer des dettes d’un zoo, d’un société issue de l’exploitation animale, par principe avant tout… au nom de l’honneur… cela est incompréhensible. Des capitalistes qui ont investi dans l’exploitation animale risquent de perdre de l’argent si la société fait faillite, et certains qui disent défendre les animaux se font du souci ?

Tout cela contraste encore une fois avec l’attitude de la conférence de presse de septembre 2020. On ne peut pas attaquer toute l’économie des zoos, être prêt à balancer des noms de zoo qui ne respectent rien et se retrouver à faire la course à qui sera le plus « respectable » d’une telle manière.

D’un côté Sea Shepherd France vient jouer les victimes manipulées et chercher l’appui de la préfecture afin de récupérer le projet, de l’autre Jérôme Pensu, droit dans ses bottes, rejette tout sur Sea Shepherd et essaie de rester présentable et de passer pour la personne modérée, le contact fiable.

Six mois après avoir promis une pluie de « missiles » juridiques, après avoir attaqué les services vétérinaires, après avoir dénoncé la complicité de ces derniers avec les grands noms des zoos… le projet coule donc, après une guerre interne qui aura été un véritable spectacle pour l’exploitation animale.

Les uns et les autres peuvent se voiler la face et raconter qu’il y a une victoire dans la défaite : soit parce que l’esprit de Rewild vit encore, soit parce que le nouveau repreneur est ouvert à la discussion concernant le ré-ensauvagement de nombreux animaux… mais la réalité est qu’il s’agit d’une importante défaite.

Deux tendances modernisatrices en concurrence, parties en roue-libre

La source de cette situation, c’est l’invasion de petits-bourgeois végétaliens s’imaginant avoir des opportunités de business et de carrière. On a une vraie vague de fondations de pseudos-associations, d’appels au financement par crowd-funding pour telle épicerie, tel restaurant… Les élans modernisateurs capitalistes ont carrément tenté de passer en force, après s’être senti poussé des ailes durant les années 2010 avec le « véganisme » version fast-food de centre-ville. On ne rappellera jamais assez la critique dure de Barry Horne, figure de l’ALF et de l’ARM, envers cette démarche, dès les années 1990 !

Cet élan a consisté ici en deux tendances, de sensibilité différente mais convergeant sur le fond. Il y a la plus modernisatrice, la plus confiante menée par Sea Shepherd France et sa présidente, et l’autre plus ancienne, davantage ancrée dans le paysage officiel, plus terre à terre. La première se sent pousser des ailes avec l’aide de ses mécènes prêts à lancer le capitalisme vegan dans toutes les directions, aidé de son image « moderne ». La seconde, plus discrète, plus ancienne, se veut plus raisonnable, plus ouverte au compromis.

Les deux se sont alliées avec un objectif commun, la seconde suivant la première alors à son apogée. Seulement, la réalité a sifflé la fin de la récréation : le projet commençait à être un peu trop ambitieux, il était temps d’en finir. Et il n’aura pas fallu grand-chose pour couler Rewild et faire éclater les tensions entre les deux parties.

La première tendance s’est crue invincible et espérait regarder le tout de loin avant récupérer la mise. Les choses ne sont pas passées comme prévue, et là, panique à bord, il fallait à tout prix reprendre en main le projet quitte à se débarrasser de la caution respectable.

On ne peut qu’être choqué par l’énergie et les sommes investies en un an et demi. Tout ça pour moderniser un centre d’exploitation animale, en somme ! Et le problème aujourd’hui est double : l’exploitation animale ressort grandie de tout cela, et l’absence de véritable culture va encore plus assécher le niveau de conscience catastrophique en France.

La fin de Rewild à Pont-Scorff

Après des débuts difficiles avec les services vétérinaires, le projet s’est terminé officiellement le 20 mai 2021 lorsque le tribunal de commerce a choisi de confier le site à un zoo, et donc de le rouvrir au public. La date du 29 mars 2021, annonce de la liquidation, avec la fin de Rewild sur le site de Pont-Scorff, a été le moment pour les deux camps d’exposer chacun leur projets de reprises et de continuer la guerre fratricide.

Le projet de l’équipe du site

Autour de Jérôme Pensu, des soigneurs ont proposé de monter une SCOP (Société coopérative et participative) afin de sauver le projet initial de Rewild : « Save Rewild Project ». Il n’y a eu que très peu de communication, une page Facebook avec quelques publications, un compte Instagram et une intervention lors d’un podcast… le tout très peu suivi.

Une équipe, qui n’a plus le soutien de Sea Shepherd France qui a injecté plus de 500 000 euros pour maintenir le projet en vie, s’imagine sérieusement qu’une SCOP va miraculeusement permettre de continuer ?

Même en admettant que les talents de gestionnaires ait permis de baisser les dépenses mensuelles de 120 000 à 80 000 euros, on se demande bien comment cette nouvelle entreprise pourrait faire pour ne serait-ce qu’éviter une faillite au bout de trois mois.

C’est un projet d’une naïveté, apparente, à peine croyable pour au final, d’ailleurs… apporter son soutien au nouveau repreneur :

« La SCOP ne pourra malheureusement pas voir le jour. Ainsi, nous avons donné notre soutien au porteur du projet de Breizh Park, Monsieur Sébastien Musset. »

La raison est que ce nouveau projet serait très proche de l’esprit de Rewild, que la seule différence est l’ouverture au public… En clair, celui-ci relèverait simplement d’une exploitation animale modernisée, donc pourquoi pas ! Ces gens disent finalement : soutenons la modernisation de la captivité et d’ici un ou deux millions d’années, l’humanité devrait arriver à un rapport correct envers les animaux, ne brusquons pas l’économie, ne critiquons pas de braves investisseurs, entre capitalistes modernisateurs, on se respecte.

Le rouleau compresseur de Sea Shepherd France

Bien entendu, Sea Shepherd France s’est comporté comme un bon boutiquier et a décidé de défendre son projet et détruisant son premier concurrent.

Contrairement à l’équipe du « Save Rewild project », Sea Shepherd France communique. Beaucoup. La cible n’est plus la préfecture, ni les services vétérinaires, ni même les autres zoos. La cible principale est Jérôme Pensu.

La page Facebook du projet Rewild, gérée par Sea Shepherd (ou du moins le camp pro-Sea Shepherd France au sein de Rewild), partage ainsi un article d’Ouest France du 17 avril 2021 intitulé :  « ENQUÊTE. Zoo de Pont-Scorff : du projet Rewild à la liquidation judiciaire, les raisons d’un échec »

Est-il bien nécessaire de préciser que l’article n’est pas complètement contre la préfecture ni les analyse de l’Association française des parcs zoologiques, association très critiquée lors de la conférence de presse de septembre. En revanche, il est se montre très critique envers Jérôme Pensu – qui a toutefois l’opportunité de se défendre un peu.

Inutile non plus de préciser que Sea Shepherd est y présentée sous un beau jour et que sa présidente a eu la possibilité d’expliquer qu’elle est une pauvre victime innocente, trahie par l’infâme Jérôme Pensu.

« Le choix de placer une personnalité aussi forte et radicale que celle de Jérôme Pensu à la tête du projet est aussi source de vives critiques. D’homme providentiel, il est devenu « l’erreur de casting », « le pire ennemi de Rewild », selon Lamya Essemlali, présidente de Sea Shepherd France, qui le portait aux nues un an et demi plus tôt.

[…]

Aujourd’hui, Lamya Essemlali, présidente de Sea Shepherd France, déchante aussi. « Au début, j’ai vu l’énergie débordante, le pédagogue, le bon orateur. Puis j’ai entraperçu une mégalomanie. Aujourd’hui, je vois un manipulateur. Il a le don d’arranger la vérité. Et cultive le syndrome de la persécution et de la victimisation. » Depuis la scission, elle s’est désolidarisée, tout comme l’avocat de Sea Shepherd, des plaintes déposées, entre autres, contre le directeur de la DDPP [directions départementales de la protection des populations] (abandonnée depuis), les Thomas, la famille propriétaire des terrains du zoo. »

Cette même page partage ensuit un article du Jounal du Dimanche du 18 avril 2021, à charge envers Rewild. L’article aurait pu être écrit par le Syndicat national des directeurs de parcs zoologiques à ce niveau-là : pseudo neutralité, on reconnaît quelques points positifs à la fin après avoir démoli le projet. L’article cite des réactions d’une des associations qui s’est mise en retrait de Rewild dès le début, de « l’entourage de la ministre de la Transition écologique », du préfet, des propriétaires du terrain…. et la présidente de Sea Shepherd France qui rappelle que son association a « déboursé plus de 500 000 euros » pour maintenir Rewild en vie.

L’article est politiquement une attaque du camp adverse, mais puisqu’il permet à Sea Shepherd France de démolir Jérôme Pensu et de se mettre en avant… l’organisation n’hésite pas à partager : tout est bon dès qu’il s’agit de s’attaquer à la concurrence directe.

Le projet de reprise de Sea Shepherd France

Contrairement à la SCOP passée presque inaperçue, le projet de Sea Shepherd a beaucoup été mis en avant. Une importante opération de marketing, dont le fond est à peine croyable au vu des prétentions de l’organisation.

En bonne agence de communication, Sea Shepherd Frane a produit une brochure de 24 pages expliquant son projet de reprise. Elle commence par une citation du capitaine Paul Watson, fondateur de Sea Shepherd :

« Il est temps de réconcilier Conservation, Compassion et Économie.

Ce projet de reprise de l’ancien zoo de PontScorff s’inscrit dans un contexte écologique et sociétal en pleine évolution et propose une approche en adéquation avec son époque.

Je soutiens l’initiative de Sea Shepherd France à 200% »

Tout est dit.

Avant de continuer, rappelons comment commence la présentation de la page Facebook de Sea Shepherd France :

« Il vient une heure où protester ne suffit plus : après la philosophie, il faut l’action. »
Victor Hugo, Les Misérables

Il faut de l’action… mais surtout « réconcilier » compassion et économie. Les affaires d’abord !

Revenons à la brochure. Après la citation du capitaine en plein page, celle-ci veut présenter le contexte et l’introduit d’une manière improbable :

« « S’adapter ou disparaître » Principe darwinien sur l’évolution des espèces appliqué à l’économie des zoos »

Ici on touche le fond. Cette vision relève du néo-darwinisme, qui s’imagine que tout est lutte, que la nature c’est la guerre des individus, que par conséquent ici un « bon » capitalisme permettrait de triompher sur le « mauvais » capitalisme.

S’en suit une logorrhée sur le projet dans ses grandes lignes. Avec des déclarations insipides comme :

« La solidité du modèle économique sur lequel Sea Shepherd appuie son développement permet également d’assurer la sécurité des emplois crées dans le cadre du Fonds de dotation et de la partie commerciale ouverte au public »

On voit très bien comment une mentalité gestionnaire a effacé l’engagement pour les animaux. On a ici un exemple de gens corrompus trahissant la cause.

Une nouvelle économie qui ressemble étrangement à celle présentée rapidement six mois auparavant

La partie la plus intéressante arrive à la fin de cette première moitié et explique comment fonctionnera le site avant l’arrivée de cette économie miraculeuse : mécénat, « levées de fonds » ainsi que quelques soutiens financiers supplémentaire.

En somme, le même modèle que depuis le lancement ! Étrange pour une organisation qui n’a cessé d’expliquer partout qu’elle propose de quelque chose de totalement différent, qu’elle sera en mesure de reprendre le site, etc.

Arrive ensuite la deuxième partie avec la description des structures commerciales prévues.

1. une boutique Sea Shepherd (vêtements, livres principalement).

2. 1,5 à 2,5 hectares d’espaces dédiés à divers évènements : centre de réalité virtuelle, stages de permaculture, conférences, marchés et animations, espaces pour les professionnels, salon de tatouage Sea Shepherd (il en existe déjà un au Pays-Bas depuis 2018)…

3. Sea Shepherd café avec restaurant, bar, cave à vin et cave à bière, et ateliers de cuisine végétale.

Donc Sea Shepherd veut faire vivre le site via des conférences d’entreprises, des stages de permaculture, des ateliers de yoga, un salon de tatouage et un restaurant vegan ? C’est là le capitalisme vegan dans toute sa splendeur. Bobos de tout le pays, unissez-vous! Tout le pouvoir aux centre-villes !

On comprend que Sea Shepherd soit fière d’annoncer son partenariat de deux ans avec… l’assureur Allianz ! Il faut saisir ce que cela représente. Allianz, c’est le premier assureur européen, c’est 130 557 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2018. S’imagine-t-on vraiment Allianz être dans le bon camp, une partie de la solution à la question du rapport de l’humanité aux animaux ?

Disons les choses telles qu’elles sont. Ici la morale et la compassion sont effacées, seul compte le petit commerce moderne, en phase avec son époque. Sea Shepherd ne vise pas à porter une culture fondée sur la compassion et la défense de la vie, de toute vie, mais sur la défense de son fond de commerce. L’organisation ne vise pas à toucher les larges masses et défendre une morale forte face à l’horreur. Non, elle préfère se comporter comme une petite entreprise qui surf sur une vague et espère rester sur la crête le plus longtemps possible afin d’engranger un maximum de bénéfices.

Sea Shepherd est devenue une fin en soi.

La faillite morale de L214

L’échec de L214 est d’un autre type, mais sur le fond cela revient au même. On peut ici s’appuyer sur le dossier de Mediapart publié le 21 mai 2021, « Burn-out, «harcèlement»…: d’anciens salariés de L214 dévoilent l’envers du succès ».

Ce dossier a une dimension racoleuse et il ne pointe pas du tout les vrais problèmes, tout en constatant certains soucis. Mais si on dépasse la forme et qu’on s’oriente par rapport à la libération animale, les problèmes de fond sont tout à fait clairs.

Le dossier personnalise en effet la crise à L214, en disant que le problème, c’est que les conditions de travail ne sont pas « normales », qu’il y a une surcharge.

« Burn-out réguliers, départs contraints, forte charge de travail, accusations de harcèlement moral, mais aussi relatif aveuglement sur les questions de violences sexistes et sexuelles… Le tableau dressé auprès de Mediapart par une petite dizaine de personnes ayant travaillé pour l’association entre 2008 et 2020 est néanmoins sombre.

Depuis mars 2020, on compte une quinzaine de départs dans les rangs de l’organisation qui œuvre en faveur de l’antispécisme, du véganisme et de l’abolition de l’élevage. Cela représente un salarié sur cinq. »

Et Mediapart de citer des gens considérant qu’ils ont été cassés psychologiquement, d’autres qui considèrent qu’ils ont été des salariés cachés. Il y aurait des problèmes dans le travail d’équipe, certaines personnes auraient été mises de côté ou « harcelées » pour partir, il y aurait même harcèlement sexuel et viol de la part d’une personne, etc.

Or, qu’est-ce que ces reproches reflètent ? Que L214 n’est pas du tout une structure militante, mais une entreprise-association. Il n’y a pas de culture militante, il n’y pas de valeurs communes. On peut très bien avoir un poste important dans la gestion de L214 sans être vegan par exemple.

L214 est une fin en soi, d’où le décalage complet entre ce qui a été une activité militante, à l’initial, et ce qui est devenu un « travail comme un autre ». Quand on est militant, on est engagé H24, on ne raisonne pas en boutiquiers ou en salariés. Mais les gens embauchés de L214 ne sont pas des militants. D’où les reproches absurdes si on considère qu’on est dans une structure militante, mais cohérent si on est en entreprise.

« Un dimanche de mai 2017, on lui demande par exemple de monter urgemment une vidéo d’enquête portant sur des poules maltraitées pour une grande marque française.

Les nouvelles demandes ou les remarques pour modifier son travail se multiplient le dimanche, mais aussi toute la semaine qui suit… jusqu’au week-end suivant, avec des modifications à apporter à nouveau pour le dimanche matin, puis le dimanche soir.

Plusieurs mois plus tard, les fondateurs lui expliqueront que certaines demandes de modification étaient dues à ses propres erreurs, tout en convenant que « le timing était un peu serré ».

Le couple est loin d’être le seul à dérouler le même type de récit. Ainsi de Daniel*, qui a passé deux ans chez L214, au moment où le nombre de salariés avait déjà sérieusement grimpé.

« Pendant une année, je n’ai fait que travailler. Du lundi au dimanche, de 7heures à 22heures, relate-t-il. J’étais très motivé par ce que je faisais et je trouvais ça normal. Mais j’étais seul pour deux postes, j’avais peu de reconnaissance, et j’avais de plus en plus l’impression de faire du mauvais travail. »

Le jeune homme finit par s’effondrer. Il passe plusieurs jours à l’hôpital pour épuisement, s’arrête de longues semaines, puis reprend en mi-temps thérapeutique. « Je n’en pouvais plus », dit-il, décrivant aussi le burn-out d’une collègue proche.

Peu après cette spectaculaire sortie de route, les responsables semblent avoir brutalement pris conscience du problème. Les témoignages des salariés actuels insistent tous sur les consignes strictes données pour que chacun respecte les 35heures hebdomadaires inscrites sur son contrat. »

Un autre exemple très parlant mentionné par Mediapart est le cas de deux personnes traumatisés par le visionnage d’images « difficiles ». C’est totalement incohérent de leur part. Ces images sont en effet le fond de commerce de L214. À l’opposé, depuis le départ, LTD a par exemple refusé cela, considérant que c’était de la manipulation émotionnelle et indigne pour les animaux concernés. C’est un choix.

Les deux personnes se plaignant ont donc tort, car elles ne pouvaient pas ne pas savoir que L214 use et abuse de ces images sordides. En acceptant de travailler pour L214, elles ont signé pour cela. Ce qui est horrible et intenable psychologiquement. Mais elles ne peuvent pas le reprocher à L214… à moins bien sûr d’avoir une raisonnement de salariés passifs reprochant au patron ses conditions de travail.

D’ailleurs, Mediapart publie une réponse de L214 et de la majorité de ses salariés qui rejettent ces accusations. Ce qui est cohérent, car les gens se retrouvant à L214 ne le font pas par hasard. Sauf que le véritable problème reste entier : L214 fonctionne comme une entreprise, alors qu’elle est une association et surtout elle n’a aucune base militante, car aucun fondement solide.

L214 racole et est devenue une fin en soi. Alors que les refuges sont en détresse pour trouver cinquante euros, L214 a récolté 5,9 millions d’euros en 2020 (4,8 millions en 2019), dépense un peu moins de cinq millions d’euros par an pour son fonctionnement et a 7 millions d’euros de trésorerie.

C’est gigantesque, mais ce n’est pas tout. Il y a 74 salariés dont 63 en CDI (12 en 2015). Ce que cela veut dire, c’est que des activités militantes ont été intégrées dans un dispositif salarié, qu’au lieu d’avoir plusieurs personnes actives sans rémunération, on a concentré ces activités dans un nombre réduit de gens. La conséquence est que cela assèche par définition l’esprit militant.

L214 peut bien arguer que chaque salarié gagne 2025 euros net pour un travail à temps plein. D’abord, cela ne veut rien dire, ensuite il sera impossible de conserver cette démarche. Toute professionnalisation en mode « ONG » implique des recrutements pointus, dans un esprit bourgeois, avec des salaires à 5, 10 000 euros par mois.

Encore faut-il que L214 tienne, ce dont on peut douter. En effet, L214 c’est seulement 48 600 membres malgré une surface médiatique gigantesque. Seule une petite minorité est réellement active : on parle ici de 1 000 personnes, 2500 avant la pandémie, mais cela ne change rien au fond, car ces gens se recrutent sur le tas.

N’importe qui n’importe comment peut se retrouver à gérer une activité de L214 et il y a souvent des gens portant de multiples casquettes, agissant en même temps pour diverses associations. En fait, le turn-over est immense. L214 et d’autres associations pseudo-actives aspirent des gens, les épuisent à diverses activités, puis les remplacent par de nouveaux arrivants, alors que les autres disparaissent dans la nature.

Cela indique une crise morale, une crise culturelle : il n’y a pas de fond intellectuel, moral, culturel, on est dans le volontarisme, le velléitaire, sans continuité, sans établissement d’une réelle culture. L214 est devenue une entreprise-association mutante, s’adaptant à toutes les situations et tous les discours, à tous les gens.

C’est le même principe consensuel que pour Sea Shepherd. Et quelle est la conséquence ? Le militantisme vegan est d’une faiblesse inouïe, alors que ces associations pavoisent. Le niveau intellectuel et culturel de la scène vegan est nul, et d’ailleurs il n’y a pas de scène vegan.

Ce dont on doit parler ici, c’est d’un ratage historique, mais d’un ratage qui a une signification. Il y a eu un hold-up sur le véganisme de la part d’entrepreneurs et de petits-bourgeois en quête d’affirmation de leurs egos. Il y a eu une convergence avec la modernisation d’un capitalisme libéral très heureux de trouver de nouveaux marchés, tel les ersatz de « viande » ou bien la « viande » in vitro : voilà pourquoi L214 a reçu, en 2017, 1 347 742 dollars de la part d’Open Philanthropy Project, une structure mise en place par des millionnaires bobos américains.

Quel est le problème ? C’est qu’ici les animaux ne sont que des prétextes à des projections. Il n’y a pas d’amour pour les animaux, pour la Nature, il y a une sorte de misanthropie et de néo-christianisme. Si tel n’était pas le cas, il y aurait un énorme soutien aux refuges ces dix dernières années. Or, il n’y a strictement rien et la situation empire. C’est bien donc que tout cela se déroule à l’écart des animaux, avec les animaux comme prétexte.

Et, osons le dire, contre les animaux, parce que c’est en contradiction avec le fait que la situation mondiale empire de tous les jours pour eux, et que le seul but valable moralement, c’est la libération animale.

L214 et Sea Shepherd sont historiquement liées à la libération animale. Mais ces associations ont prétendu faire « mieux », elles ont prétendu une voie pour faire avancer les choses, alors qu’en réalité elles ont été intégré par un capitalisme ayant les moyens de corrompre.

Leur voie n’est pas celle à suivre.

En avant vers l’Eden !