« Les végétaliens sont-ils de meilleurs amants ? »

Depuis quarante ans au moins, les « branchés » et autres variantes « bobos » parasitent les mouvements alternatifs, pour se les approprier et finalement les faire intégrer à la société.

Le véganisme est « alternatif » en France encore et son contenu se fait justement littéralement « lessiver » par les bobos depuis quelques temps.

Un symbole de cela est la « Paris Vegan Day », célébration mercantile d’un style de vie néo-bobo, et la théorie de tout cela est la « végéphobie » qui permet de supprimer la définition du véganisme au profit d’un style de vie végétarien « flexible », « préoccupé » par les « droits des animaux. »

Pas étonnant que l’organe de presse des bobos parisiens, les « inrocks », soutienne cette opération de lessivage du contenu, avec un article intitulé « Les végétaliens sont-ils de meilleurs amants ? », qui vise à donner une définition néo-bobo des végans, une image faussement joyeuse et hédoniste, mais vraiment commerciale et totalement individualiste.

Une manière de neutraliser les « donneurs de leçons rabat-joie, ascètes sectaires et castrateurs » et de faire disparaître la libération animale. Et de ne laisser donc exister que ceux pour qui le « végéta*isme » est un simple choix « individuel » et « éthique », sans esprit d’ouverture aux animaux et à la Nature.

L’article des « inrocks » est une manière de contribuer à intégrer le véganisme dans le paysage, comme une sorte de minorité ultra « sensible » et folklorique, pouvant s’avérer parfois « sympa » voire intéressante, et surtout ne présentant aucun danger de volonté de rupture complète avec l’ordre dominant…

Tout le contraire de l’état d’esprit dont on a besoin: vegan straight edge, sans compromis dans la défense de notre mère la Terre, sans attirance pour les fausses joies, les vrais ennuis et les terribles problèmes qu’imposent cette société.

Les végétaliens sont-ils de meilleurs amants ?

Ils ne consomment ni oeuf, ni lait, ni miel et certains rechignent à baiser avec des gens qui mangent des cadavres. Cerise sur le concombre, les végétaliens seraient de meilleurs amants que les omnivores.

Le premier geste de l’enquêteur aguerri du numéro sexe ? YouPorn. Tapons « vegan » et  » vegetarian » pour trouver des pornos à caractère végétal. Les classiques, grosses courgettes et concombres, y sont talonnés par l’aubergine, plus hardcore, prisée pour son effet fist. Viennent ensuite les traditionnelles carottes. Enfin, l’épi de maïs donne une tonalité redneck intéressante et le céleri a la cote chez les anorexiques. Nous avons nos cinq légumes, n’oublions pas nos cinq fruits ! La banane, cliché mais efficace. Les cerises et les fraises, bien sûr, et leur aspect clitoridien très suggestif. Les tomates conviennent parfaitement à l’anal (attention : ne pas les choisir trop mûres), tout comme les oranges.

« Toutes les filles ont au moins une fois joué avec un légume, non ? » Agathe, fausse ingénue, ne botte pas en touche lorsqu’on lui pose la question que tout omnivore beauf a dans la tête dès qu’il s’agit de végétarien : « Hum, et donc, avec les légumes, ça se passe comment au niveau du… hum… sexe ? » A 23 ans, cette étudiante en réflexologie et naturothérapie a mangé des légumes par paquets de douze. Elle est « végane » depuis ses 16 ans.

Etre végan, et non végétarien, c’est appliquer un régime végétalien – pas de viande, de lait, d’oeuf, de miel – et éviter d’utiliser les produits liés à l’exploitation animale – cuir, laine, fourrure, soie, cire d’abeille, produits cosmétiques testés sur les animaux…

« Il y a plein de trucs dégueulasses dans les sex-toys, mieux vaut utiliser un légume »,précise-t-elle en rigolant.Même si elle leur préfère les oeufs de Yoni (cristal en forme d’oeuf). « Si on travaille bien, ils procurent de puissants orgasmes par leur déplacement et leur dégagement d’énergie. » Dommage, on avait préparé plein de blagues culino-sexuelles de qualité. Du style : « Ton copain est peut-être végan mais il mange encore des chattes ! » LOL. Variante : « Why are all lesbians vegetarian ? Because they don’t eat meat » (meat signifie ici à la fois viande et bite). Une autre avec des saucisses ? OK, on arrête. Faut pas trop se moquer, les végés sont en train de gagner la compèt du sexe.

Michel, 44 ans, se marre. Végétarien à 21 ans et végan depuis un an, il pratique l’autodérision en soirées avec ses potes végans. Qui de mieux placé qu’un gay pour blaguer sur les pédés ? Quoi de mieux qu’un végétarien pour se moquer des mangeurs de carottes ? « D’ailleurs, ça perturbe un peu les omnivores », préciset-il. « Il y a des végétariens refoulés et de la végéphobie », estime Julien Ariza, organisateur de la Veggie Pride.

Une jeune fille en témoigne sur le net : « Je suis à un mariage, comme d’hab, je fais l’impasse sur la viande et redemande des patates, quand vient l’inévitable question : comment fais-tu pour les protéines… ? » Mon copain lâche devant toute la table : « Elle avale ! » C’est donc ça… D’après une enquête effectuée sur 250 000 utilisateurs du site de rencontres gratuit OkCupid, les végétariens hommes et femmes pratiquent plus le sexe oral que les omnivores (92 % contre 69 % chez les hommes et 34 % contre 16 % chez les femmes). Agathe propose une explication : « Les fluides des végétariens sont plus sains et moins nauséabonds. » Obsédés du cul, les végés ?

« Les végans n’ont aucun tabou sexuel si ce n’est la zoophilie ! »,lâche Michel.Des sex-shops  » 100 % cruelty- free » ont vu le jour. On y vend des capotes véganes compatibles. Les filles sont nombreuses à arrêter la pilule. « Beaucoup ont des stérilets », précise Michel. Fanny, 36 ans, est végétarienne. « Quand on commence, on est surpris par un truc, les végétariens ne parlent que des 3B : la bouffe, la baise, la B12 » (la vitamine), raconte-t-elle avant d’ajouter : « Les végétariens que j’ai connus ont tous été d’excellents amants et les omnivores pas toujours. » Une alimentation plus saine, plus variée et plus vitaminée leur donnerait plus d’endurance. La rumeur dit aussi qu’ils sentiraient meilleur.

« Il paraît que ma peau est moins acide, plus douce, plus sucrée », poursuit Fanny. « Quand les protéines animales se dégradent, elles donnent des odeurs désagréables »,explique Agathe.Dans une étude datée de mai 2007, Annie Potts, une chercheuse de l’université de Canterbury en Nouvelle-Zélande, s’est aperçue qu’une part importante de végétariens et végans rejettent les mangeurs de viande comme partenaires sexuels. Ils sont « végésexuels ». « Je fais partie de ces gens qu’on dit extrémistes », raconte Sophie 43 ans, qui est devenue végétarienne au moment de la crise de la vache folle et végétalienne il y a dix ans. « Lorsque j’ai embrassé pour la première fois mon ancien copain, il avait mangé du poulet ; je n’en avais pas mangé depuis dix ans, j’ai trouvé ça franchement dégueulasse. » Elle se souvient qu’à la fin de leur relation, en vacances au Maroc, il a mangé un tagine d’agneau. « Je lui ai demandé d’imaginer ce que ça lui ferait si quelqu’un mangeait ses enfants. »

« Pour moi, la viande, ce sont des bouts de cadavre, je n’arrive plus à la digérer », avoue Agathe. A 15 ans, elle a été violée par son petit ami. « A partir de ce moment, la viande m’a rendue malade, je n’ai plus jamais été capable d’en manger. Elle est liée au masculin. » Aujourd’hui, la jeune femme préfère sortir avec des hommes végans. Mais souvent, il faut composer avec le couple mixte. C’est parfois douloureux, comme sortir avec quelqu’un qui vote à droite.

« Ça a toujours été un calvaire, raconte Michel. J’ai failli me marier trois fois par résignation avec des nonvégés, mais c’était le divorce assuré : j’ai le sentiment de coucher avec une criminelle. »Dorénavant, il annonce la couleur et espère qu’à son contact sa partenaire se convertira. « Mon ex m’a rendu végan et j’ai rendu beaucoup de nanas végétariennes. » La conversion par le sexe, voilà un programme politique efficace.

A première vue, allier sexe et végétarisme ne semble pas très naturel. La nourriture comme métaphore sexuelle est un classique, notamment au cinéma. On pense à La Grande Bouffe de Marco Ferreri en 1973. Dans Le Dernier Tango à Paris de Bertolucci, Marlon Brando plante ses doigts dans une plaquette de beurre et en badigeonne l’anus de Maria Schneider avant de la sodomiser (pour de vrai, paraît-il). Le film 9 semaines 1/2 ne doit sa célébrité qu’à une unique scène.

Assise devant un frigo ouvert, la blonde et pulpeuse Kim Basinger ouvre ses lèvres charnues à chaque offrande du beau Mickey Rourke. Tout y passe : oeufs, raisins, fraises, confiture de cerise qui coule sur son menton, champagne et sirop pour la toux (?!), pâtes, gâteau gélatineux, petits piments apaisés par un torrent de lait. Elle finit couverte de miel. Il la lèche. Cette scène orgiaque au symbolisme léger, peut-être l’une des plus ridicules ou des plus drôles du cinéma, a été magnifiquement parodiée dans Hot Shots! Charlie Sheen fait cuire du bacon et un oeuf sur la brûlante Valeria Golino.

Quand 9 semaines 1/2 sort, en 1986, Kim Basinger représente l’idéal féminin et Mickey Rourke n’est pas encore un déchet. L’Amérique est sûre d’elle, flamboyante et conquérante. Elle se gave, s’en met plein les fouilles. McDo envahit le monde. Ronald Reagan va bientôt passer la main à George Bush père. Les riches deviennent de plus en plus riches et les pauvres, de plus en plus gros. Depuis, l’Amérique a bien changé et le monde avec. Crise écologique, vache folle, grippe aviaire, disparition du thon rouge, surconsommation, endettement, peur de l’avenir… Lady Gaga dénonce la logique de la fourrure en se couvrant de viande crue. Jonathan Safran Foer écrit Faut-il manger les animaux ? (Editions de l’Olivier, 2011).

Dans ce livre brillant, l’écrivain américain décrit l’horreur des fermesusines, de l’élevage industriel et plaide pour des pratiques responsables, soucieuses du bien-être des animaux et de l’environnement. Un carton mondial. Les préoccupations végétariennes touchent le grand public. Ses tenants ne sont plus des donneurs de leçons rabat-joie, ascètes sectaires et castrateurs, ils sont tendance. Près de 8 % des Anglais et 12 % des Américains sont végétariens. Il y en a de plus en plus en Allemagne. La crise écologique a fait prendre conscience qu’ils n’étaient pas que masos. D’après l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, la production mondiale de viande serait à l’origine de près de 20 % des émissions de gaz à effet de serre.

Un autre facteur va entrer en compte dans l’évolution de l’image des végétariens : la communication positive et aguicheuse de certaines associations. Peta (People for the Ethical Treatment of Animals) prend pour ambassadrice la charnelle Pamela Anderson. Sur une affiche, elle apparaît en Bikini, le corps divisé en parties avec le slogan « Tous les animaux ont les mêmes morceaux ». Le même message est martelé : « Vegan is sexy ».

Dans ses déclarations officielles, Peta annonce que la viande rend « gros, malade et ennuyeux au lit ». Elle enfonce le clou à coups de spots ultrasexy, limite porno, où des pin-up jouent avec : des légumes. Ces spots, régulièrement censurés à la télé, buzzent sur le net. Dans une pub de 2007, des bombes sexuelles lèchent brocolis, citrouilles et autres asperges. Le pitch : « Les études montrent que les végétariens ont une meilleure vie sexuelle. Devenez veg. » Le sex appeal change de camp.

Un chef de Santa Monica, Juliano, fait du sexe le principal facteur promotionnel de son restaurant qui ne fait… que du cru. Le cru serait une source d’énergie insoupçonnée et décuplerait les pouvoirs sexuels. Il y aurait quelque chose de presque mystique. On murmure que les végans seraient dotés de superpouvoirs… sexuels. La force n’est plus du côté de la viande – symbole de masculinité, de virilité, de luxe et de réussite sociale. Le mangeur de carottes lui conteste son monopole sur les performances sexuelles. Sa recette ? Lier élévation spirituelle, pureté et luxure. Un esprit sain dans un corps sain. Avec en plus une pointe de pouvoir psychique qui démultiplierait le plaisir.

Peta a lancé un concours des végans et végétariens les plus sexy. En 2011, Kate du Tennessee et Jason, le biologiste du Minnesota, sortes de Ken et Barbie, l’ont emporté. Végans, beaux et successfull. La belle rousse est photographe, top model, chanteuse d’opéra et « une mère et femme végane et fière de l’être ». Elle l’est devenue en 2009 après avoir vu un docu sur le viol d’un chien. Flippant. Pour se rassurer un peu, suffit de jeter un oeil sur vegporn.com, site porno participatif végan et végétarien, qui va du transgenre à l’obèse. Mais oui ! Il y a des végans obèses !

La plantureuse Liz, aux dreads roses, piercing et tatoo, cuisine à poil un petit tofu curry et donne fièrement sa recette. On peut aussi faire un petit tour sur amours-bio.com et vegaia.com pour se rendre compte que la lutte pour la domination sexuelle n’est pas jouée. Commentaire d’Etienne : « Si je suis sur ce site, c’est juste que je ne suis pas très séduisant, si vous pouviez dire que le végétarien est le nouveau mâle, sensible et fort en même temps, ça pourrait arranger les choses pour moi, ça serait bien sympa. » Pas de problème.