Le Subutex et son trafic

Sarkozy a décidé de partir en guerre contre les fraudes à l’assurance-maladie. Beaucoup de blabla pour justifier des mesures d’austérité, mais il y a quelque chose aussi à laquelle on ne pense pas forcément : l’importance de la drogue dans la société française.

Fraude à l’assurance maladie et trafic de drogues ont quelque chose à voir en effet, en raison surtout du Subutex. Ce produit sert de substitution à l’héroïne, et il est prescrit depuis 1996. Pas moins de 85 000 personnes le consomment… officiellement.

Car ce nombre est celui des gens qui ont des prescriptions, et qui ne représente que la minorité des gens en prenant. Les autres se fournissent au marché noir. Il y a ainsi en ce moment un procès de de pharmaciens d’Île-de-France ayant délivré du Subutex à partir de fausses ordonnances ou bien des copies de cartes CMU ou AME.

Et les fraudes sont nombreuses, comme le constatait le Figaro au début du mois :

Depuis le début de l’année, selon des chiffres dévoilés mercredi, la BRDA a détecté pour environ 4,8 millions d’euros de fraudes aux prestations sociales sur Paris et sa petite couronne (92, 93 et 94), dont 3,6 millions concernent les seules prestations maladie.

De nombreuses affaires impliquent des aigrefins munis d’ordonnances falsifiées qui font le tour des pharmaciens pour se voir délivrer plusieurs fois une même prescription. Les médicaments ainsi obtenus, souvent du Subutex, des antidépresseurs ou des produits pour blanchir la peau, sont ensuite revendus à leur entier bénéfice.

Voici un autre article donnant un exemple de fraude, et datant d’il y a quelques mois (publié dans le Parisien) :

Le Subutex fait déraper les médecins

Près d’une centaine de médecins ont été sanctionnés par leur ordre, pour mauvaise prescription de ce médicament de substitution aux opiacés.

06.05.2011

De nombreux médecins ont des soucis avec le Subutex, un médicament de substitution prescrit dans des conditions très strictes — théoriquement — aux toxicomanes qui veulent se sevrer. Le Subutex leur évite de subir l’effet du manque et a des vertus thérapeutiques. Le souci, c’est qu’il donne lieu à des trafics de grande ampleur, lorsqu’il est consommé de façon détournée, à haute dose. Selon nos informations, le Conseil national de l’ordre des médecins a suspendu 97 médecins pendant la dernière décennie. C’est le premier motif de suspension d’exercice pour les médecins. Excès de zèle d’un organisme parfois jugé conservateur ou vrai dérapage de certains praticiens inconscients ?

Le Conseil national de l’ordre des médecins leur reproche de prescrire du Subutex à trop haute dose à de trop nombreux patients, et de faire des ordonnances de complaisance, alimentant le trafic. Mises en examen Les sanctions vont de quelques mois à un an d’interdiction d’exercice et, dans de rares cas, les médecins sont radiés définitivement. Pour leur défense, ces praticiens évoquent parfois des menaces verbales ou physiques proférées par des patients en manque, et aussi une « aide humanitaire ».

Cette affaire éclate alors que, parallèlement, une affaire judiciaire est en cours d’instruction au pôle santé du tribunal de grande instance de Paris, et devrait prochainement donner lieu à une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel.

Neuf médecins et quatorze pharmaciens de la région parisienne ont été mis en examen pour avoir escroqué la Sécurité sociale. Ils sont accusés d’avoir pris part de façon active à un trafic de Subutex à grande échelle, dont le préjudice pour la Sécurité sociale est estimé à 4M€.

Il va de soi que les personnes consommant du Subutex sont dans une précarité extrême. Le trafic est d’ailleurs très présent en prison, comme le constate un article publié aujourd’hui même Substitution en milieu carcéral : Intérets et limites, et c’est un trafiquant de Subutex qui a fait une prise d’otage hier dans une prison de Metz.

Voici également un article parlant de l’augmentation du nombre de braquages de pharmacies, non pas pour l’argent mais pour les produits de substitution :

Les déclarations d’agressions effectuées par les pharmaciens ont sensiblement augmenté en région Bourgogne depuis mai, selon les données publiées par l’Ordre national des pharmaciens. C’est principalement le cas dans les départements de la Côte-d’or et de l’Yonne, où un gang de cambrioleurs a écumé des dizaines d’officine au printemps dernier.

Ces agressions, qui recensent les agressions verbales, les agressions physiques et les vols à main armée, ont ainsi progressé de 17,4 % ces cinq derniers mois.

« Il y a en effet une progression des agressions et des vols dans les pharmacies de la région, et notamment en Côte-d’Or », confirme Alain Delgutte, président de l’Ordre des pharmaciens de Bourgogne. « La donnée la plus marquante est l’augmentation des agressions verbales et agressions physiques sur les pharmaciens. Mais cela n’est pas dû à notre métier, celles-ci se multiplient dans tous les champs de la société : les gens sont à cran », analyse le président.

Concernant les vols, les pharmaciens constatent qu’ils concernent désormais en priorité les produits toxiques, et substituts de stupéfiants comme la Morphine, la Méthadone ou le Subutex. « Avant, les cambrioleurs prenaient la caisse. Maintenant ils s’attaquent à tous ces produits, fortement recherchés par les personnes toxicomanes. Il y a désormais un vrai marché des produits de substitution », détaille le président Delgutte.

Il y a cinq ans, l’Etat avait failli interdire le Subutex. Il ne l’a pas fait pour de nombreuses raisons, mais dont une est évidente : si certaines drogues sont interdites, de nombreuses autres sont laissées en circulation, dans un but évident de contrôle social.

Le Subutex est produit par une entreprise pharmaceutique, il est vendu dans des pharmacies… alors que des trafics illégaux coexistent. C’est une preuve du caractère social des drogues, qui ne « tombent pas du ciel ». Être straight edge, c’est avoir conscience de cela et se désengager de ces voies suicidaires!