Stress-tests nucléaires : l’ASN recommande le chapelet et la pioche

Il y a quelques jours on a eu droit à un rapport de l’Autorité de Sûreté Nucléaire, qui feint de critiquer la sécurité des centrales nucléaires, pour mettre en avant en fait davantage d’investissements dans le nucléaire, bien sûr!

Voici le communiqué de Sortir du nucléaire à ce sujet.

Stress-tests nucléaires : l’ASN recommande le chapelet et la pioche

Communiqué de presse du 03/01/2012

« Tout va bien… mais on a quand même du pain sur la planche et on va aussi croiser les doigts, au cas-où. » C’est en substance le résumé des 375 pages hors-annexes du rapport de l’ASN sur les Evaluations complémentaires de sûreté – autrement dit, les stress-tests. Un rapport “à la louche“ dénué de toute rigueur scientifique.

Ces stress-tests, longuement évoqués suite à la catastrophe de Fukushima pour faire le point sur les installations françaises et leur capacité de résistance, avaient débutés le 1er juin. Pas franchement stressantes pour EDF, pas vraiment rassurantes pour les populations, le Réseau « Sortir du nucléaire » avait alors pointé du doigt des évaluations au rabais [1].

Ce mardi 3 janvier, le verdict est tombé : les centrales françaises seraient sûres, puisque l’ASN ne préconise pas de fermer de centrale, pas même celle de Fessenheim, la doyenne du parc français qui accumule pourtant les failles de sécurité et cristallise les tensions.

Des dizaines de milliards d’euros de travaux

Des centrales fiables… enfin, pas tout à fait : de la bouche même du président de l’Autorité de Sureté Nucléaire, des travaux colossaux sont à prévoir, nécessitant des investissements massifs. L’ASN n’a pour l’instant donné aucun chiffre, mais au vu des mesures préconisées par l’autorité, les travaux pourraient se compter en dizaines de milliards d’euros.

Les citoyens, qui devront payer l’essentiel de la facture, sont en droit de se demander le sens de cette conclusion : si le parc nucléaire français est sûr, pourquoi prévoir des travaux pharaoniques, qui s’avèrent lents, compliqués, et immensément chers ? A contrario, si les centrales ne sont pas sûres, cela signifie que leur vie est en jeu : dans ce cas, il est urgent d’arrêter les installations.

Des centrales passables pour un danger acceptable ?

Il faut lire entre les lignes pour le deviner mais l’aveu est là : l’ASN considère que les centrales sont passables… si l’on se réfère aux exigences de sûreté antérieures à Fukushima. Concernant les risques imprévisibles (terrorisme, piratage informatique, crashs d’avions, facteur humain, défaillances simultanées…) il est écrit noir sur blanc qu’aujourd’hui, le seuil de sûreté des installations n’est pas atteint [2].

Les recommandations de l’ASN en matière de travaux ne s’accompagnent pour le moment ni d’un calendrier précis, ni d’un budget défini ; l’ASN a toutefois demandé à EDF de fournir d’ici 6 mois un « noyau dur », soit un ensemble de dispositions matérielles et organisationnelles permettant de contrer la progression d’un accident grave. Le président de l’ASN, M. Lacoste, évoque par exemple une mise en place de « diesel d’ultime secours » pour chaque réacteur, mais « pas avant 2018 ».

Et en attendant… on prie ?

Des investissements colossaux, un non-sens économique

Au moment même où le Président de la République parle d’une hausse de la TVA de plusieurs points et que la France traverse une crise économique sans précédent, la note paraît d’autant plus salée.

Elle l’est à plus forte raison au regard d’une très récente étude des énergéticiens de l’association Global Chance, qui estime qu’une sortie totale du nucléaire coûterait 60 milliards d’euros de moins qu’une poursuite du programme nucléaire français [3].

La sortie du nucléaire, comme l’a démontré notre voisin allemand, serait beaucoup plus légère pour les finances publiques, tout en permettant la régénération du tissu économique et industriel français, en créant au passage d’ici 2020 plus de 600 000 emplois qualifiés non délocalisables.

Jean-Marie Brom, physicien nucléaire et porte-parole du Réseau « Sortir du nucléaire » conclue ainsi : « Ce rapport présente l’intérêt d’être rigoureusement non scientifique, car il ne repose que sur des études anciennes et non réactualisées : il est impubliable dans une revue scientifique. Par ailleurs, il est politique : on y trouve toutes les raisons de continuer les centrales, ou de les arrêter, selon la lecture qu’on en fait.

Enfin, il est profondément religieux : nous devons espérer que rien ne se passe d’imprévisible d’ici à ce que l’on ait fait les travaux… »

Notes

[1] Lire à ce sujet le dossier d’actualité en ligne sur notre site “Stress tests“ des réacteurs : EDF pas trop stressée : http://groupes.sortirdunucleaire.org/Stress-tests-des-reacteurs-EDF-pas

[2] Voir le rapport de l’ASN en page 225 -226 : http://www.asn.fr/index.php/S-informer/Actualites/2012/Rapport-de-l-ASN-sur-les-evaluations-complementaires-de-surete-ECS

[3] Voir l’étude Quels coûts comparatifs pour une sortie du nucléaire en 20 ans et un scénatio de poursuite du nucléaire comme le scénario DGEC, à télécharger sur le sitehttp://www.global-chance.org/spip.php?article259