Un « véganisme » individuel facile contre le « dogmatisme »?!

Pour illustrer la question du rapport aux animaux, voici un article que vient de publier Rue89 au sujet des vegans en France. Un article qui mélange beaucoup véganisme et végétalisme, et où on lit des choses affreuses de gens se prétendant vegan, comme un monstrueux:

Si on te propose un morceau de pain d’épice au miel ce n’est pas un drame de l’accepter. De cette façon le véganisme apparaît comme quelque chose de moins dogmatique

Ces deux phrases résument tout un état d’esprit individuel à la française, où l’on considère que les caprices individuels priment forcément sur les valeurs.

Quand ont lit cet article, on peut être abattu en pensant que le véganisme ne prendra jamais en France: les gens sont trop libéraux, leur démarche est chrétienne et vise leur propre bonne conscience, ils n’en ont rien à faire de la nature.

Mais on peut en tirer une conclusion inverse: pour que le véganisme puisse exister en France, il doit forcément assumer la nature et la libération de la Terre, sans cela jamais il ne pourra exister en tant que démarche réelle.

Sans se débarrasser de la culture française anti-nature, le véganisme « à la française » tournera inévitablement au flexitarisme, végétalisme à la carte, etc.!

Bonne nouvelle pour les vaches : les végans progressent en France

Pas de viande, pas de cuir, pas de lait, pas de laine, pas de cirque, aucun produit testé sur des animaux… Il y a plus radical que les végétariens ou même les végétaliens : les végans, adeptes d’un mode de vie 100% végétal. Sur fond de scandale touchant l’élevage intensif et d’engouement pour le bio, cette nouvelle communauté plus ou moins soudée émerge en France.

A l’origine, simple équivalent anglais du végétalisme français, le véganisme (de l’anglais « veganism », néologisme créé en 1944 par le britannique Donald Watson, fondateur de la « Vegan Society ») désigne depuis quelques années un mode de consommation plus global. Tout ce qui vient de l’exploitation des animaux est proscrit, y compris la soie. La boutique en ligne « Un monde végan » vend même des préservatifs fabriqués sans protéine de lait et des croquettes pour chiens et chats certifiées 100% végétales !

Elle refuse de « manger un cadavre »

Amanda, 21 ans, étudiante, est végane. Dès l’âge de 12 ans, elle refusait de « manger un cadavre ». Pour Amandine, 24 ans, tout a commencé lorsqu’elle a fait le lien entre « la viande en barquette et les animaux vivants » : elle a fait une croix sur la viande, le poisson et les crustacés mais aussi sur le lait, les œufs, le miel. Un régime qu’elle qualifie d’« éthique ». En décembre « Vegan Folie’s », la première pâtisserie du genre en France a ouvert, rue Mouffetard, à Paris.

Comment passe-t-on du végétarisme au véganisme ? Nicolas, 30 ans, technicien administratif, a découvert le véganisme à travers le groupe de metal hardcore américain Earth Crisis qui se revendique ouvertement végan. Il explique :

« Le véganisme devient à un moment une évidence pour un végétarien. C’est uniquement comme ça qu’on peut avoir une prise sur tous les domaines qui concernent l’exploitation animale. »

Pas de sexe avec les mangeurs de viande

En France, le véganisme est souvent perçu comme une communauté repliée sur elle-même. Ce qui est parfois le cas.

Une étude menée en 2007 par Annie Potts, chercheuse à l’université de Canterbury en Nouvelle-Zélande, révèle que certains végans refusent d’avoir des relations sexuelles avec des mangeurs de viande. On les appelle les « végésexuels ». En France, Vegaia, un site de rencontre gratuit réservé aux végétariens et végans a vu le jour en 2009.

Mais tous les végans ne souhaitent pas s’inscrire dans cette conception communautaire du mouvement. Nicolas, lui, lutte contre cette pratique « sectaire » du véganisme :

« Je ne vais pas me sentir plus proche d’une personne parce qu’elle est végane, de la même façon que je ne vais pas être ami avec quelqu’un seulement parce que, comme moi, il trie ses déchets ! »

Pour lui, l’essentiel est d’informer un maximum de personnes sur le véganisme et non d’appliquer ce mode de vie à la lettre :

« Il faut montrer aux gens qu’être végan est naturel et facile. Si on te propose un morceau de pain d’épice au miel ce n’est pas un drame de l’accepter. De cette façon le véganisme apparaît comme quelque chose de moins dogmatique. »

« Même Bill Clinton est vegan »

Noam, 28 ans, doctorante en anglais, s’est intéressée à ce mode de consommation lors d’un séjour aux Etats-Unis, où environ 0,5% de la population est végane. De retour en France, elle s’est renseignée sur les conditions d’élevage des animaux et s’est convertie.

Selon elle, il est moins difficile de mener ce mode de vie de l’autre côté de l’Atlantique :

« C’est mille fois plus simple d’être végan aux Etats-Unis, où l’American Dietetic Association a depuis longtemps reconnu le régime végétalien comme le plus sain. Du coup c’est rentré dans les mœurs. Même Bill Clinton est végan maintenant ! »

En France, le parcours est semé d’embûches pour ces amateurs de chorizo végétal et de fromage sans lait. Ils ont parfois des difficultés à trouver certains aliments indispensables à leur régime alimentaire, comme le tempeh, un aliment asiatique à base de soja, riche en protéines. Amanda, suédoise installée dans l’Hexagone depuis un an et demi, le déplore :

« C’est plus facile en Suède, où les cantines scolaires peuvent servir des plats végans. »

Les végans doivent, surtout, affronter le regard des autres. Noam raconte :

« Quand je suis aux Etats-Unis, je peux dire “Je suis végan” et les gens comprennent. En France, je dois toujours me justifier. C’est fatiguant. Si je ne veux pas être agressée sur le sujet, je dis que je suis végétarienne et allergique au lactose. »

« Vous êtes ce que vous mangez »

Le véganisme se propage pourtant, surtout à Paris. Des chanteurs comme Herman Düne, des marques de vêtements comme April 77 et des restaurants se déclarent végans. En février, la styliste Stella McCartney lançait une campagne anti-cuir à l’occasion de la Fashion Week parisienne.

Les manifestations visant à promouvoir le véganisme se multiplient également dans la capitale, avec pour fer de lance le « Paris Vegan Day », salon du véganisme organisé tous les ans depuis 2009, qui a rassemblé environ 8 000 personnes lors de sa dernière édition, en octobre 2011.

Claude Fischler, sociologue spécialiste de l’alimentation, voit dans cet engouement pour le véganisme et pour les régimes alternatifs « un processus de réappropriation de son alimentation ». Dans l’émission Service Public sur France Inter, le 2 février dernier, il expliquait :

« On veut savoir ce qu’on mange car il y a la perception fondamentale que vous êtes ce que vous mangez. »

« On pourrait nourrir toute l’Afrique »

Pour Nicolas, ce mode de consommation finira de toute façon par triompher :

« La production industrielle est basée sur un modèle économique qui ne sera bientôt plus viable, notamment parce que nous serons trop sur terre et que la production d’un kilo de bœuf nécessite 15 mille litres d’eau ! »

Un point de vue que partage Amandine. La jeune pâtissière insiste sur les conséquences désastreuses de la consommation de « produits animaux » sur l’environnement. Un mode de vie végan permet notamment de rejeter moins de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Elle explique également que le véganisme vise à restaurer l’équilibre Nord-Sud :

« Avec tous les végétaux qu’on cultive pour nourrir les vaches, on pourrait nourrir toute l’Afrique. On n’aura bientôt pas le choix d’être végan ou pas. »

Bérenger, 28 ans, qui partage sa vie avec Amanda (la Suédoise), l’assure : il aime trop le fromage pour adopter le même mode de consommation que son amie.

Les Français auront du mal à lâcher leur camembert. Leur conversion complète au véganisme aurait pourtant au moins une retombée vertueuse : on ne nous bassinerait plus de la question de la viande halal.