Vinci et ses bénévoles élagueurs

Voici un long document, sur la situation de Notre Dame des Landes, avec beaucoup de détails pour avoir une vue d’ensemble. Quelque chose de vraiment très utile!

Histoire du sabordage du bocage de Notre dame des Landes par certain-e-s de ses habitant-e-s

Depuis quelques semaines des équipes de propriétaires, paysans et opportunistes à « la solde de » Vinci, coupent les arbres centenaires des haies bocagères de la ZAD, ainsi que tout arbre monnayable.

Avant de décrire la destruction du bocage de la ZAD par quelques un-e-s de ses habitant-e-s, nous aimerions d’abord présenter succinctement la ZAD, l’importance du bocage et les politiques d’aménagement qui mènent à sa destruction. Voici donc des questions que l’on se pose sur ce sujet :

Qu’est-ce que la ZAD ? Des terres bocagères, qu’est-ce que c’est/comment se présente le bocage sur la ZAD ? En dehors de la ZAD que c’est-il passé durant 40 ans au niveau des politiques d’urbanisation et d’aménagement du territoire ?

Présentation de la ZAD

La ZAD c’est 2000ha de terres bocagères impactées par un projet d’aéroport international situé sur les communes de Notre-Dame des Landes, Vigneux de Bretagne, La Paquelais, Grandchamp des Fontaines. Depuis plus de 40 ans ces terres n’ont subi aucune politique d’aménagement du territoire, car le conseil général avait créé, avec l’aide de l’État, une Zone d’Aménagement Différé. Celle-ci bloque tout remembrement/urbanisation en vu d’un projet : ici le projet d’aéroport.

Ainsi la dynamique d’agrandissement des exploitations agricoles, qui se déroulait en France sur la même période, a été très limitée sur la ZAD et il en est de même pour la politique d’urbanisation. Le bocage de la ZAD équivaut à 100 km linéaire (1) (distance Nantes-Rennes ou St Nazaire-Ancenis) composé aussi de quelques bois d’une centaine d’hectares environ, ont donc été préservés de tout aménagement !

Nous ressentons peu de résistance active de la part des habitant-e-s qui vivent sur la ZAD et nous avons l’impression qu’ils/elles se sentent démuni-e-s face à la détermination des autorités et de leurs chiens de garde. Cependant, depuis le camp climat de 2009, des camarades viennent de plus en plus nombreux/ses s’installer sur la ZAD afin de soutenir et de participer à la lutte contre cet aéroport et ce monde capitaliste qu’il représente.

L’importance du bocage

Image 1 Un chemin du bocage de la ZAD

Le bocage, terrain de jeu préféré des enfants, est un paysage et un écosystème qui incite au rêve, à la réflexion et au plaisir des sens.

Nombre de paysan-ne-s et autres habitant-e-s s’y promènent encore pour y trouver baies, champignons, petit bois pour le feu, herbes médicinales…

Se révélant souvent être des alliés précieux des paysan-ne-s, les haies maintiennent un écosystème essentiel à notre environnement.

Le bocage, avec un fort maillage de haies, permet de maintenir les sols. Rappelons qu’en France 17% des terres agricoles sont impactés par une érosion forte contre 8% en 1950. Il faut 100 à 400 ans pour qu’un centimètre de terre arable soit régénéré (2).

Les haies apportent aussi régulièrement de la matière organique aux champs (MO essentielle pour les cultures, pour la structure stable du sol et pour la vie du sol), filtrent l’eau, limitent l’impact du vent sur les cultures et sur toute structure bâties, drainent les terrains humides, abritent des animaux/insectes, protège les troupeaux du chaud ou du froid, sont essentielles pour la pollinisation… (3)

Sans une agriculture aux pratiques biologiques, le bocage perd une grande partie de ses propriétés. En effet, comment les haies peuvent-elles abriter faune et flore, limiter l’érosion des sols…si de l’autre côté l’agriculture chimique et productiviste élimine cette biodiversité, entraînant le lessivage des sols ?

La préservation d’un bocage naturel sans pratiques agricoles naturelles n’a pas de sens, et nous devons aussi lutter pour que ces pratiques évoluent radicalement.

Le bocage de la ZAD

Image 2 Triton marbré

Image 3 Buse variable

Concrètement sur la ZAD nous pouvons observer une faune et une flore riches en diversité, ce qui n’est pas le cas dans le reste de la Loire Atlantique si l’on met de côté les espaces naturels. Par exemple, Des tritons marbrés et des buses variables peuvent être observées et la présence d’espèces de plantes protégées est à noter dont la renoncule Grand Douve, la Rossolis à feuilles rondes, la Sibthorpie et la Calamagrostis des marais (4).

Image 4 Rossolis à feuilles rondes

La haute qualité environnementale de la ZAD est d’ailleurs mise en avant dans les documents d’urbanisme régissant cette zone (les ZNIEFF) (5)

En dehors de la ZAD que c’est-il passé durant 40 ans ?

Pendant plus de 40 ans, le paysage agricole en France a connu de profonds changements. Les exploitations agricoles ont eu tendance à augmenter leurs surfaces de cultures et d’élevages. En 1979 il y avait 5500 exploitations de 200ha ou plus qui utilisaient 1,598 millions ha de terres agricoles, tandis qu’en 2010, 20600 exploitations de 200ha ou plus utilisaient 5,735 millions ha. Sur la même période les exploitations de 20 à 50ha ont sensiblement diminuées, passant de 347300 à 137800. Ces dernières occupaient ainsi 5,455 millions ha de terres agricoles en 1979 et 1,237 millions ha en 2010 (6).

L’agrandissement des surfaces agricoles utilisées par les exploitations agricoles ne s’est pas faite sans impact sur l’environnement.

En effet un plus petit nombre d’exploitations s’est attribué de plus grandes surfaces agricoles. Ces concentrations de terres et la disparition de petites exploitations ont été poussées par les politiques européennes productivistes (la PAC) (7) et se sont concrétisées sur le terrain par de nombreux remembrements.

Les remembrements (8)ont pour but officiel de rapprocher les terres utilisées par les agriculteur-trices de leur exploitation et d’avoir des unités foncières concentrées. Le bocage a payé le prix fort de cet arasement du paysage. Il en a résulté, un arrachage massif des haies, des suppressions de chemins et un comblement de nombreuses mares et étangs.

Le linéaire de haies en France est passé de 1 244 110 km à 707 605 km entre les deux premiers cycles de l’inventaire IFN séparés de 12 ans, soit une perte annuelle d’environ 45 000 km de haie entre 1975 et 1987.

Si la suppression à grande échelle des haies et arbres épars des années 1960 à 1980 est aujourd’hui révolue, près de 70 % des 2 millions de kilomètres de haies présents en France à l’apogée du bocage (1850-1930) ont été détruits, soit 1,4 million de km (9).

En Bretagne, ce sont plus de 150000km de haies qui ont disparu en 25 ans (chiffres de 2005) (10).

L’urbanisation du territoire a aussi une part importante de responsabilité dans la disparition du bocage, par la construction de routes, l’extension des bourgs, et le mitage important dans la campagne entre 1980 et 2000.En France les sols sont artificialisés en France au rythme de 200 hectares par jour, soit l’équivalent d’un département tous les cinq ans (11).

À cet égard le projet d’aéroport de Notre-Dame des Landes contribuerait indiscutablement à aggraver le taux de surface (terres) artificialisée en Loire-Atlantique qui est de 14% (taux le plus élevé de la région Pays de la Loire qui est de 11,3%) (12). Le rythme actuel d’artificialisation des terres du département est de 2400ha par an, soit l’équivalent du projet d’aéroport (13)ou d’une commune comme Orvault.

Au total ce serait plus de 20000ha de terres agricoles qui disparaitraient sous le béton en dix ans.

Nous pouvons donc nous inquiéter de l’impact supplémentaire des aménagements urbanistiques qui accompagneraient le projet d’aéroport: routes, ponts sur la Loire, zones artisanales et résidentielles…

La série de photographies aériennes (14) présentée ci-dessous, permet de voir concrètement les modifications du paysage dû aux pressions agricoles et urbanistiques. Toutes ces photos sont à la même échelle 1/250000ème.

Fay de Bretagne en 1967

Fay de Bretagne en 2005

Entre 1967 et 2005 le bourg s’est agrandi, les parcelles agricoles aussi. (Les photos sont à la même échelle).

ric en 1967

Héric en 2005

Entre 1967 et 2005 le bourg s’est agrandi, les parcelles agricoles aussi. (Les photos sont à la même échelle)

Notre-Dame des Landes et la ZAD 1968

Notre-Dame des Landes et la ZAD en 2005

Limites Nord Est de la ZAD (zone du projet d’aéroport de NDDL) : le trait bleue sur la carte

Dans la zone centrale de la photographie, nous remarquons qu’une grande partie du parcellaire est identique à celui photographié en 1968. Cependant, contrairement à une idée répandue, certaines zones de la ZAD ont connu des agrandissements de parcelles (destructions de haies), comme nous pouvons le voir dans le cercle orange mis en exemple.

Ces cartes illustrent les différentes pratiques agricoles sur la ZAD depuis 40 ans, à l’image de la diversité des visions politiques des habitant-e-s de la ZAD.

Certain-e-s ayant choisi de préserver le bocage, tandis que d’autres n’ont pas attendu le remembrement pour détruire des haies.

La situation actuelle de la ZAD

Image 5 Près des Rosiers (ZAD)

Depuis quelques temps sur la ZAD, des bruits assourdissants de tronçonneuses se font entendre. En s’approchant d’un peu plus près pour en cerner l’origine, vous serez étonné-e-s, puis pris-e-s de colère de voir des habitant-e-s de la zone du projet couper des arbres plusieurs fois centenaires dans les haies.

Quel bel esprit de solidarité avec ceux/celles qui décident de rester afin de défendre cette zone qui se caractérise essentiellement par un bocage riche et unique ! Tout un ensemble de haies, de petits chemins boisés et de taillis sacrifiés pour des intérêts égoïstes.

Parce que le projet ne se réalisera pas, ce sera avec la rage au cœur que nous repenserons à ceux/celles qui auront saccagé les haies.

La destruction du bocage : Vision de la nature comme un « outil de travail »

Ce carnage avait déjà commencé à petite échelle depuis un an. Mais l’abattage incessant des arbres de la ZAD depuis quelques semaines s’est intensifié suite aux premières procédures d’expropriations. Certain-e-s propriétaires et agriculteur-trices qui resteront jusqu’à la fin de l’année sur la ZAD (malgré un accord déjà effectué avec Vinci), n’ont ainsi aucun scrupule à piller, pendant ce temps, le bocage de ce territoire unique !

L’hypothétique réalisation du projet d’aéroport justifie-t-elle l’abattage anticipé des arbres ? Dans tous les cas, ces actions font apparaître une vision très mercantile de ce qu’est qu’un arbre de la part de certain-e-s habitant-e-s de la ZAD et révèle le double discours de certain-e-s opposant-e-s.

En effet, lorsque l’un des porte-parole de la lutte (et d’ailleurs agriculteur) garde la conscience tranquille quand il déclare à d’autres opposant-e-s qu’il rasera toutes ses haies avant que Vinci arrive, on hésite entre le rire jaune et la rage au coeur ! Vinci appréciera d’ailleurs ce geste de bénévolat à son bénéfice…

Depuis 50 ans, avec l’arrivée de l’agriculture productiviste la majorité des agriculteur-trice-s voient la nature comme un outil de travail, un bien marchand qui leur appartient de droit. Or autrefois, les champs et les haies étaient entretenus pour les transmettre aux générations suivantes. D’où l’étymologie du terme paysan qui est de faire vivre son pays et d’entretenir et de préserver le paysage qui l’entoure.

Cassons cette pseudo tradition (depuis 50 ans) qui est de profiter de la nature au détriment de cette dernière et des générations suivantes. La nature ne se possède pas, nous ne faisons qu’y passer.

Image 6 Destruction d’une haie près des Fosses Noires (ZAD)

Dans le documentaire « au cœur de la lutte » (15) Mr Sylvain Fresneau président de l’ADECA, (l’association d’agriculteur-trice-s de la ZAD opposant-e-s au projet), déclare: “ on soutiendra tous les gens y compris ceux qui voudront s’en aller plus vite” comment peut-il assumer ses paroles ?

Quelle vision de la résistance paysanne !

Comment Sylvain Fresneau peut-il défendre les agriculteurs/trices qui ont/vont lâcher la lutte ? Intrinsèquement justifie-t-il la destruction du bocage par ces dernièr-e-s ? Car au moment du tournage du documentaire les coupes d’arbres se pratiquaient déjà.

Au lieu d’en appeler à la solidarité, certain-e-s habitant-e-s préfèrent céder à la peur et à l’égoïsme, ne laissant ainsi plus qu’aux autres leurs souvenirs du bocage pour pleurer…

La préservation de la biodiversité sur la ZAD, double discours ?

Une très faible présence d’agriculture biologique sur la ZAD renforce notre sentiment que la vision du vivant et de la biodiversité s’avère bien limitée pour la majorité des agriculteurs/trices. Nous ne pouvons préserver la biodiversité du bocage que si elle est aussi respectée sur les cultures et prairies !

Les arguments en faveur de la sauvegarde du bocage et de la biodiversité ne seraient-ils que des arguments gadgets pour augmenter le prix de vente des terrains et donner une belle image écolo de la lutte ?

Comment peuvent-ils au fond de leur coeur, ceux/celles qui vivent sur un territoire riche et magnifique, envisager de le détruire sans résister jusqu’au bout. On est loin de la relation viscérale qu’entretiennent les paysan-ne-s avec leur terre, comme à Atenco (16) et au Larzac !

Merci à ces habitant-e-s qui travaillent bénévolement à la solde de Vinci. Ici Vinci n’aura plus qu’à planter les parque-mètres pour continuer d’engraisser ses actionnaires qataris !

Les associations historiques d’opposition restent étrangement silencieuses à ce sujet. Auraient-elles oublié que la défense du bocage de la ZAD est l’un des principaux enjeux dans cette luttexvii ? Comment expliquer ce silence ? L’image de la lutte que l’on veut montrer compte-t-elle plus que la vérité ?

La lutte se déroulerait-elle au fond des porte-monnaie? Quelle logique y a t-il à lutter contre un projet de développement capitaliste, si de l’autre côté nous agissons de manière capitaliste ?

Lorsque le projet sera abandonné que feront les agriculteur/trices de ce territoire ? Nous pouvons nous poser sérieusement la question. Peut-être commenceraient-ils/elles par virer les camarades occupant-e-s de la ZAD, pour pouvoir mener leurs petites magouilles en toute tranquillité.

Image 7 Un chemin du bocage, sur la lande de Rohanne (ZAD)

La résistance au saccage du bocage

Les occupant-e-s de la ZAD, qui s’y installent progressivement depuis plus de 3 ans, pour défendre ce territoire et lutter contre le monde capitaliste et autoritaire qui accompagne ce projet, tentent bien de réagir à la destruction des haies par des tractages, des discussions avec les saccageur/eus-e-s. Mais rien n’y fait pour l’instant car les préjugés et les petits sentiments font barrière aux paroles des occupant-e-s de la ZAD. Seul-e-s quelques habitant-e-s affiliés, ou non, aux organisations historiques d’opposition, soutiennent les occupant-e-s de la ZAD dans leur volonté de stopper ce carnage.

Face à cette situation qui ne cesse de s’empirer, nous avons ainsi choisi de dénoncer publiquement les pratiques de certain-e-s habitant-e-s de la ZAD au service de Vinci, et de questionner le silence ou le double discours de certain-e-s opposant-e-s. Nous espérons que notre texte permettra d’alimenter la réflexion et d’amener de futures actions autour du bocage de la ZAD (et des environs).

Appel a une mobilisation générale

Nous appelons ainsi à la réoccupation de la ZAD, à la résistance contre la destruction du bocage et/ou au soutien de cette résistance. N’hésitez pas à relayer ce qui se passe actuellement sur la ZAD et à vous informer de la situation en rendant visite aux occupant-e-s de la ZAD qui emploieront surement moins la langue de bois que les représentant-e-s des organisations historiques à ce projet.

Plantons la résistance à l’automne 2012

Préparer vos plants/boutures d’arbres fruitiers, d’arbres de haut-jet, d’arbustes, de lierre… pour l’automne 2012. Nous allons aider les haies à partir à la reconquête de la ZAD.

Plus d’informations dans les mois à venir.

Nous aimerions conclure en imaginant l’écriteau que les saccageurs/euses du bocage pourraient laisser devant leur œuvre :

Nous sommes heureux de vous laisser un terrain aseptisé pour les générations futures qui devront attendre au bas mot 200 ans avant de profiter du paysage que l’on à aujourd’hui. En attendant nous on s’engraisse un peu avant de partir. Excusez-nous, c’est fatigant de lutter … »

Collectif de Lutte Contre l’Aéroport de NDDL

contactclcanddl@riseup.net

http://lutteaeroportnddl.wordpress.com/

Un petit diaporama, de photos prises sur la ZAD (haies coupées, bocage préservé, diverses photos) par des copain-ne-s occupant-e-s de la ZAD, très bientôt sur le blog du CLCA.

Sources :

1 Paysan nantais septiembre 2011, journal de la condéfération paysanne 44

3 Guide technique à l’usage des collectivitésSeptembre 2007 Eau et rivières de Bretagne/ http://www.eau-et-rivieres.asso.fr

4 Synthèse Analyse écologique http://acipa.free.fr/Savoir/savoir.htm

5 Synthèse Analyse écologique http://acipa.free.fr/Savoir/savoir.htm

8 Les remembrements sont aujourd’hui renommés dans la novlangue officielle : politiques d’aménagements fonciers. Surement afin d’atténuer l’impact de l’annonce d’un remembrement

9 Philippe POINTEREAU et Frédéric COULON LA HAIE EN FRANCE ET EN EUROPE :ÉVOLUTION OU RÉGRESSION, au travers des politiques agricoles http://www.afahc.fr/page4_1_2.html

12 Agreste Pays de la Loire Teruti-Lucas 2006-2010 www.draaf.pays-de-la-loire.agriculture.gouv.fr

13 Luc Le Chatelier Haro sur l’Ayrault-Port Télérama 3246 28/03/12

15 Christophe Kergosien et Pierrick Morin Au coeur de la lutte http://www.dailymotion.com/video/xpl3jb_notre-dame-des-landes-au-coeur-de-la-lutte-le-film_newsCe documentaire ne laisse parler que des opposant-e-s légalistes visibles dans la presse officielle. La lutte active et déterminée que mènent les occupant-e-s de la ZAD, ainsi que les projets d’autonomie qu’ils/elles développent est passée sous silence.