Quelques députés radioactifs

Les élections ne présentent pas vraiment un intérêt, et même pratiquement aucun, parce qu’elles permettent seulement d’encadrer la société et de gérer des rapports de force au plus haut niveau. C’est flagrant sur le plan du nucléaire, où aucun parti gouvernemental ne se prononce contre le nucléaire (ni évidemment le Front National, ni finalement EELV qui tolère totalement une capitulation sur cette question).

Voici quatre intéressantes petites biographies concernant le nucléaire de 4 personnes candidates, 2 de l’UMP, 2 du PS. Elles sont tirées d’une série de 12 biographies des « députés les plus radioactifs » fournies par le réseau Sortir du Nucléaire.

C’est vraiment intéressant, car cela montre l’enchevêtrement entre l’industrie et l’Etat, le tout avec un lobbying intense et une propagande ininterrompue en faveur du nucléaire.

Geneviève Fioraso

PS – Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, candidate PS sur la 1ère circonscription de l’Isère

Signe distinctif : Représentante du CEA

Membre de l’Office Parlementaire des Choix Scientifiques et Techniques, Geneviève Fioraso semble éprouver une grande fascination pour les technologies de toutes sortes : biotechnologies, nanotechnologies (elle est présidente de la SEM Minatec entreprises), et bien sûr le nucléaire, qu’elle considère comme une technologie « vertueuse ». Geneviève Fioraso est proche des milieux du nucléaire.

En 1988, elle participe avec Michel Destot à la création de Corys, une start-up spécialisée dans la réalisation de simulateurs industriels, notamment pour les centrales nucléaires, et résultant de la privatisation d’une activité développée au sein du Commissariat à l’Énergie Atomique autour du réacteur Siloette [1]. Avec son compagnon Stéphane Siebert (actuellement directeur délégué de la recherche technologique au CEA), elle codirigera Corys jusqu’au dépôt de bilan de la société en 1995.

Nommée directrice de cabinet de Michel Destot, elle restera très proche du CEA [2]. Ses rapports parlementaires [3] témoignent d’une confiance démesurée dans la technologie nucléaire. Dans son dernier rapport pour avis sur le budget 2012 de l’industrie et de l’énergie, elle affirme notamment que le réacteur EPR « peut supporter la fusion de son coeur sans danger pour quiconque » [4] et que « la durée de vie d’une centrale correctement entretenue est aujourd’hui de 50, voire 60 ans », alors qu’aucun réacteur dans le monde n’a encore atteint cet âge.

Elle déclare également que le nucléaire est une énergie « nationale » [5], oubliant un peu légèrement que tout « notre » uranium est désormais importé… Depuis mars 2010, elle remplace Christian Bataille comme représentante des parlementaires au Conseil d’Administration de l’Agence Nationale pour la Gestion des Déchets Radioactifs [6]

[1] http://www.corys.fr

[2] http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&id_article=373

[3] http://www.genevieve-fioraso.com/documents/

[4] pourtant, dès 2003, une association allemande mettait en garde contre les risques d’explosion d’hydrogène en cas de fusion du coeur de l’EPR : www.atomenergie-und-sicherheit.de/epr_sicherheit_1.pdf

[5] http://www.assemblee-nationale.fr/13/budget/plf2012/a3807-tii.asp#P911_92457

[6] http://www.andra.fr/pages/fr/menu1/l-andra/qui-sommes-nous-r/membres-du-conseil-d-administration-6638.html

François-Michel Gonnot

Candidat UMP dans la 6ème circonscription de l’Oise

Signe distinctif : Préfère l’intérêt de l’industrie nucléaire à l’intérêt général.

Depuis 2005, François-Michel Gonnot est président de l’Agence Nationale de la Gestion des Déchets Radioactifs (ANDRA). Depuis une loi de décembre 1991, l’ANDRA est séparée du CEA, et censée être indépendante vis-à-vis des producteurs de déchets, et donc neutre vis-à-vis de la politique énergétique du pays.

Or, François-Michel Gonnot est tout sauf neutre : vice-président du groupe d’étude sur les énergies à l’Assemblée Nationale, il affirme clairement ses convictions en faveur du nucléaire. De plus, il a créé et préside le Club Énergie et Développement [1], qui a pour vocation de favoriser les synergies entre les pouvoirs publics, les parlementaires et les grands industriels de l’énergie (EDF, Areva, GDF, Total…) Tous les ans, ce club organise un grand colloque sponsorisé par les industriels.

Tenter de démontrer la faisabilité de la gestion des déchets pour faciliter la poursuite dans le nucléaire, telle semble être la mission de François-Marie Gonnot [2]. « Il y a partout [en Europe] une volonté d’ouvrir une structure industrielle de stockage des déchets de façon à prouver qu’il y a une solution et qu’elle peut être mise en oeuvre sans que cela menace l’environnement ni la santé publique », déclare-t-il.  [3]

Enfin, le sort des Français confronté à la hausse des prix de l’énergie ne semble pas sa priorité, comme le montre sa déclaration lors de la libéralisation du marché de l’électricité : « Les ménages, très attachés à la notion de service public, devront de plus en plus apprendre à maîtriser leur consommation d’énergie et accepter une hausse très sensible de leurs factures » [4]

[1] http://clubendev.org/Club_EnDev/Edito_du_President.html

[2] http://www.sortirdunucleaire.org/index.php?menu=sinformer&sousmenu=revue&page=article&id=523&num=41

[3] Propos rapportés lors d’un petit-déjeuner organisé par le « Club Lamennais » le 23 mai 2006 – http://www.cnisf.org/flash/flash0613.html

[4] Présentation du colloque « Les états généraux de l’ouverture des marchés de l’énergie » (2005)

Christian Bataille

Candidat PS sur la 22e circonscription du Nord

Signes distinctifs : éboueur de l’industrie nucléaire, homme à tout faire de l’ANDRA

Membre actif de l’Office Parlementaire pour l’Évaluation des Choix Scientifiques et Techniques (OPECST), Christian Bataille est, depuis des décennies, l’auteur de nombreux rapports de promotion du nucléaire, souvent en tandem avec le sénateur Claude Birraux (UMP) ainsi que l’organisateur de colloques souvent sponsorisés par EDF et Areva [1] .

Bataille et Birraux sont notamment les auteurs du dernier rapport de l’OPECST, qui préconise l’extension de la durée de fonctionnement des centrales jusqu’à 50 ans [2], alors même que des risques de rupture de cuves des réacteurs après une trentaine d’années sont connus…

On lui doit également [un rapport parlementaire sur les « incidences » environnementales et sanitaires des essais nucléaires français [3], dans lequel il qualifie d’ »hypothétiques » leurs effets sur la santé des personnels civils et militaires qui y ont participé.

Christian Bataille s’est particulièrement investi en faveur de l’enfouissement des déchets nucléaires.

Au tout début des années 1990, l’Agence Nationale pour la Gestion des Déchets Radiactifs (ANDRA), à la recherche d’un site de stockage de déchets radioactifs, se heurte à de fortes résistances locales. Il vole à son secours et commence à prospecter à la recherche d’une collectivité volontaire pour accueillir les déchets, puis publie un rapport.

Il en découle une loi portant son nom, votée le 30 décembre 1991. [4] Celle-ci a pour vocation d’organiser les recherches sur la gestion des déchets radioactifs, et notamment la réalisation de laboratoires souterrains en vue d’étudier le stockage en profondeur. Christian Bataille y introduit notamment le concept trompeur « stockage réversible », laissant croire qu’il sera possible à tout moment de revenir en arrière dans le processus et de récupérer les déchets.

En vertu de cette loi, Christian Bataille est nommé « médiateur », avec pour mission de faire le tour des sites pressentis pour leur vendre le projet de laboratoire souterrain. La loi prévoit aussi la constitution d’un Groupement d’Intérêt Public destiné à « accompagner financièrement » les territoires accueillant un site de déchets.

En 1998, la commune de Bure est choisie pour accueillir le « laboratoire de recherche sur l’enfouissement ». Par la suite, en dépit de l’opposition de plus de 45 000 Meusiens et Haut-Marnais, Bure se transformera en véritable projet de site d’enfouissement de déchets radioactifs. Un débat aura été organisé en 2005, qui n’aura pas permis de remettre en question le projet.

En 2008, il devient président du Comité Local d’Information et de Suivi de Bure ; pourtant, il n’est pas élu local et sa partialité est connue de tous. [5]

[1] Cf l’ouvrage d’Hélène Constanty, Députés sous influence, paru en 2006 chez Fayard

[2] http://www.assemblee-nationale.fr/13/rap-off/i4097-tI.asp

[3] http://www.assemblee-nationale.fr/rap-oecst/essais_nucleaires/i3571.asp

[4] http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000356548&dateTexte=&categorieLien=id

[5] http://www.sortirdunucleaire.org/actualites/presse/affiche.php?aff=6021

Patrick Balkany

Candidat UMP dans la 5ème circonscription des Hauts-de-Seine

Signe distinctif : agent d’Areva en Afrique

Pendant le quinquennat de Sarkozy, Patrick Balkany accompagne le président lors de quasiment tous ses voyages en Afrique sans occuper une fonction officielle claire. « Il m’arrive de me déplacer en Afrique, mais ce sont des visites de courtoisie, pas de la diplomatie parallèle », se justifie-t-il [1]. Le député des Hauts-de-Seine, formé par Charles Pasqua, a en fait développé ses propres réseaux françafricains. À plusieurs reprises, il est chargé de missions particulières dans des pays fort peu démocratiques.

Il est ainsi envoyé en émissaire officieux à Bangui en 2008, avec la mission de renégocier des contrats entre Areva et la République Centrafricaine autour de Bakouma, un gisement d’uranium découvert par la Cogema en 1959. L’autorisation d’exploitation étant contestée par le gouvernement centrafricain, la France compte sur Balkany et ses relations d’amitié avec les autorités locales et les milieux miniers.

Aidé par l’homme d’affaire belge Georges Forrest, chef du « clan des Katangais » (ces personnalités investies dans les dossiers miniers), le député parviendra en effet à renégocier le contrat, lors de discussions conduites par le ministre des mines et le conseiller du président, un ancien leader du parti extrémiste hutu réfugié en Françafrique.

Balkany sera fait commandant de l’ordre du mérite par François Bozizé, le président centrafricain, qui le présente comme un « grand ami du pays ». [2]. En mai 2009, Balkany et Forrest s’associent pour acquérir sept concessions minières toutes proches de celle d’Areva… et omettent de payer à l’État centrafricain le bonus de signature, qui s’élève à 20 millions de dollars américains [3]

Il prépare également le terrain pour Areva au Congo-Kinshasa, permettant en 2009 d’obtenir un permis de recherche de gisements d’uranium sur tout le territoire. George Forrest le décrit ainsi comme « un homme dynamique qui pousse les entreprises françaises à s’installer en [République Démocratique du] Congo » [4]

[1] http://www.afrik.com/breve38976.html?utm_source=feedburner&utm_medium=feed&utm_campaign=Feed%3A+afrikfr+%28Afrik+VF%29

[2] http://www.mediapart.fr/journal/economie/200112/areva-dans-le-scandale-duramin-balkany-et-le-retour-des-katangais

[3] http://www.laffacturage.com/affacturage/actualite_affacturage_finance/mauvais-temps-pour-georges-forrest-et-son-associ-patrick-balkany.html

[4] http://www.jeuneafrique.com/Article/ARTJAJA2517p057-060.xml0/