Les animaleries en accusation

Voici un article vraiment très intéressant de Paris-Normandie. Il est vraiment très intéressant, car il s’agit d’une proposition de loi qui, évidemment, n’est pas passée, en l’occurrence en décembre 2010.

Il s’agit d’un député qui voulait stopper le commerce des animaleries, en raison du chaos complet présenté par le commerce plus ou moins légal d’animaux en provenance des pays de l’Est. Ce qui revient à mettre en avant les élevages comme intermédiaires directs.

Mais un tel projet n’avait aucune chance d’aboutir, pour deux raisons: d’abord, le commerce, c’est le commerce et si l’animal est une marchandise pour l’élevage, il n’y a aucune raison qu’il ne le soit pas pour des petits commerces. Ensuite, parce que les animaleries représentent une force sociale puissamment organisée, avec toute une infrastructure, une idéologie bien bricolée (les vétérinaires jouant ici un grand rôle dans la légitimation), etc.

Ce n’est cependant pas tout. Dans l’article, un commerçant explique que si la loi contre les animaleries passait, ce serait alors la porte ouverte à tous les trafics. En quoi il a malheureusement raison, et là est l’autre aspect de la question. Tant que les humains considéreront les animaux comme des marchandises – ils le font d’ailleurs aussi pour les humains, depuis les entreprises jusqu’à la prostitution – alors il y aura toujours quelqu’un pour établir un commerce et avoir des acheteurs.

Dans un même ordre d’idées, il y a eu des initiatives tout récemment pour la fermeture des abattoirs. Admettons que cela soit appliqué, qu’adviendrait-il? Les massacres continueraient, mais sur le tas… Parce que si on veut briser l’exploitation décidée et menée « en haut », il faut également modifier les consciences « en bas »…

Les animaleries en accusation

Les arguments ont de quoi filer la chair de poule à tous les amis des bêtes. D’abord, on apprend que « pour alimenter les animaleries, près de 100.000 chiots et chatons sont importés en France chaque année. »

La suite est plus trash : « La grande majorité des animaleries n’offre aucune garantie de santé. Les animaux sont vendus malades, voire atteints d’affections incurables. Le pedigree de la plupart des chiots est trafiqué, de même que leur date de naissance. »

Des chiots « élevés en batterie, retirés beaucoup trop tôt à leur mère », qui font des milliers de kilomètres « dans des conditions de transport insupportables. » Les survivants de cet « odieux trafic » sont « le plus souvent malades, voires mourants ».

Ceci n’est pas un plaidoyer de Brigitte Bardot, mais une proposition de loi visant à interdire la vente des chiens et des chats dans les animaleries, présentée le 18 novembre par le député (UMP) de l’Eure Jean-Pierre Nicolas.

L’ancien maire d’Evreux parle d’une affaire « de cœur et de bon sens » et souhaite mettre fin « à la souffrance des animaux et au trafic, de telle sorte que l’acheteur ne soit plus trompé. »

Le pavé dans la mare est jeté, et l’onde de choc n’a pas fini de secouer la branche. A la jardinerie du Cailly, en périphérie de Rouen, Jean-Marie Duboc, le directeur adjoint, soupire.

Des chiens à l’agonie, issus d’un trafic ? « Pas chez nous. » Derrière les vitrines, une vingtaine de chiots sont à vendre, de 550 € à 995 € pièce. Une douzaine de races sont représentées, bouledogue, Carlin, Westie… les plus fashion.

« En ce moment, les gens réclament surtout du Jack Russel ‘’pirate’’, comme celui-ci, avec une tache sur l’œil. Le même que Dechavanne », rapporte Hélène, la vendeuse spécialisée.

Tous ces chiens viennent de Belgique, que la SPA dénonce comme « la plaque tournante » du commerce des animaux de compagnie en Europe en provenance des pays de l’est.

« On va les chercher nous-mêmes dans un élevage, avec l’autorisation des services vétérinaires », proteste le responsable de la jardinerie, pour qui « la filière des animaleries est sans doute la plus sérieuse. Si la loi passait, ce serait la porte ouverte à tous les trafics. »

« La République tchèque, la Slovaquie et la Hongrie hébergent des réseaux actifs d’élevage intensif, de même que la Belgique, connue pour ‘’blanchir ‘’ des dizaines de milliers de chiens à destination de la France », insiste Julien Soubiron, responsable adjoint de la cellule anti-trafic de la SPA.

De retour de Slovaquie, le militant témoigne : « Là-bas, vous commandez 50 chihuahuas, le grossiste vous les trouve dans la semaine. »

Au-delà du bien-être animal, la conséquence la plus problématique est qu’en l’absence d’une harmonisation de la législation européenne, le non-respect du protocole vaccinal antirabique menace la France d’une épidémie de rage.

Un vétérinaire canin de l’Eure déplore ce « vide juridique », dans lequel des éleveurs français se sont engouffrés pour devenir eux-mêmes importateurs.

Il espère que cette proposition de loi « peut être l’amorce d’une réglementation, assortie d’un cahier des charges définissant les modalités d’exportation des chiots, l’âge requis pour le sevrage et un protocole de vaccination ». Encore faut-il que le projet résiste au lobbying de la filière, qui montre déjà les crocs.

(…)

Les professionnels dénoncent un «projet idiot»

La nouvelle fait bondir Luc Ladonne, secrétaire général de Prodaf, le principal syndicat des professionnels de l’animal domestique.

« C’est un projet idiot », réagit-il, réfutant le terme de « trafic » : « Les importations de carnivores domestiques dans l’espace économique européen ne sont pas illégales. L’offre des éleveurs français n’étant pas suffisante, les animaleries s’adressent à des courtiers qui peuvent se trouver à l’étranger. »

De plus, « affirmer que la vente d’animaux n’est pas encadrée est une ineptie. En 2008, tous les acteurs de la filière – éleveurs, animaleries, associations de protection des animaux, vétérinaires – ont participé aux rencontres « Animal et société », qui ont abouti à un décret publié au journal officiel. Des arrêtés ministériels portant justement sur l’amélioration de l’encadrement du commerce d’animaux sont en cours de finalisation. »

Prodaf, qui représente plus de 1 000 points de vente sur 1 800 au total, indique que selon les statistiques vétérinaires, le taux d’anomalie constaté sur les animaux s’élève à 5 %.

« Une telle mesure, redoute Luc Ladonne, permettrait à tout un réseau clandestin de se développer. »