Rafle policière de chiens dans le centre-ville de Rennes et appel à solidarité

Pour les personnes qui vivent dans la rue, être accompagné d’un chien a des aspects pratiques et purement « utilitaires » : un chien est un moyen de défense contre la dureté de la vie dans la zone, et veille sur son ou sa « propriétaire ».

Mais ce n’est pas tout, car et peut-être même avant tout, il existe une relation très forte d’affection entre une personne à la rue est le chien : des « propriétaires » considérant « leur(s) » animaux comme leurs enfants, leurs amiEs, qui le leur rendent bien. Nous avions déjà parlé du fait que nombre de SDF refusent les hébergement d’urgence, par refus d’abandonner leur ami canin, même temporairement.

Etre accompagné d’un chien, c’est cependant être responsable d’un individu vulnérable, dépendant pour sa nourriture et sa protection. Or, s’il est indéniable qu’il existe un véritable attachement des « zonards » à « leurs » animaux, cela peut aussi prendre des formes inappropriées, pouvant aller selon les cas jusqu’à de la maltraitance : vivre dans la rue efface certains repères, laissant la place à des rapports autoritaires sur les animaux, voire à de la violence, ou la non-prise en compte des besoins réels des chiens (en leur faisant par exemple boire de la bière, les emmenant à des concerts ou à côté d’un son de teknival…).

On voit ici des personnes qui intègrent en partie la logique brutale de la société capitaliste qu’il refusent (à raison) par ailleurs, de même que la société les rejette et considère les zonards et les chiens comme indésirables, car « non-insérables » ou sources de « nuisances ».

Ainsi, au-delà de l’hébergement, l’ « insertion » proposée par les structures d’aides sociale doit souvent se faire au dépend du compagnon canin (animaux interdit d’accès dans de nombreux lieux – dont les accueils d’urgence –, transports en commun, logements éventuellement proposés, etc…).

A Rennes, comme dans de nombreuses villes, les zonards « squattent » avec les animaux dans différents lieux de passage du centre-ville. Mais pour les commerçants comme pour la mairie, ces chiens devraient à tout prix être attachés en laisse, ne pas aboyer (donc ne s’exprimer « trop fort ») et ne pas gêner les affaires pendant les soldes. Ainsi, des commerçants voisins avaient déposés une plainte contre la présence des zonards et leurs chiens.

Le jeudi 28 juin, dans une logique social-darwiniste de guerre contre les «non-insérables» synonymes de « nuisances », les policiers ont débarqués devant le centre commercial des 3 soleils, enlevés 10 chiens en utilisant du gaz lacrymogène et des matraques contre certains de leurs compagnons.

Une action d’une brutalité qui en dit long sur les mentalités dominantes.

Le but de cette opération coup de poing : forcer les zonardEs à quitter le centre-ville (ici, la zone commerciale du Colombier). Une opération de « nettoyage » qui n’est pas la première, car à l’approche de l’été, la police passe régulièrement, à l’affût du moindre délit, interpelle… mais cette fois-ci la médiatisation, la mobilisation des punks, des passantEs, des internautes et collectifs ou association a évité de passer cette rafle sous silence.

Après un « ramassage » par la fourrière, les « propriétaires » de chiens ont 8 jours pour récupérer leurs animaux et payer les frais de garde (89 euros). Passé ce délais, les chiens sont soumis à l’aléatoire de l’adoption, avec le risque d’être « euthanasiés » si le refuge ne trouve pas de personnes adoptantes.

Face à cette situation, les zonards se sont organisés pour mobiliser la population, des collectifs et associations. une pétition et une collecte ont été lancées pour libérer les chiens, ainsi qu’une manifestation.

Le samedi 30 juin, la manifestation réunissait environ 300 personnes : gens de la rue, personnes solidaires refusant cette injustice sociale et le traitement infligé aux animaux.

Devant la mairie, des slogans comme « Delaveau [le maire de Rennes] libère les animaux ! » étaient scandés. A un moment, le cortège côtoyait une manifestation pour le droit au logement de personnes sans-papiers, ce qui amenait forcément certaines personnes à réfléchir à la nécessité de dynamiques communes.

Les manifestantEs se sont ensuite dirigéEs vers le parterre des 3 soleils, le centre commercial devant lequel s’était déroulé la capture des chiens le jeudi 28 juin. Un sit-in s’est improvisé sur la voie, et les automobilistes bloqués ont été sollicités pour signer des pétitions. La manifestation a pris fin en s’installant à proximité, dalle du Colombier. Le temps de pouvoir échanger, faire un bilan de la journée, et envisager des actions à suivre.

Puis, le lundi 2 juillet, un convoi était organisé pour récupérer les chiens au chenil.

Les employés de la fourrière ont indiqué que le maire a donné des ordres de refuser leur sortie avant le délai de 8 jours ouvrés (c’est à dire en pratique plus de 10 jours !).

Par ailleurs, une délégation de personnes qui ont vu leur amis canin enlevé a été (mal) reçue, devant la mairie, par du personnel administratif. Un appel a été lancé aux personnes maîtrisant cette question sur le plan juridique :

Voici un communiqué du Collectif Rennais Pour les Animaux:

Nous nous sommes retrouvés à 13h30 pensant pouvoir aller récupérer les chiens à la fourrière. Des rumeurs circulaient sur un séjour de 8 jours obligatoire, nous avons donc préféré appeler.
Il semblerait que le maire ait appelé la fourrière le matin même pour qu’on nous refuse de prendre les chiens.

Après plusieurs conversations téléphoniques avec la mairie chez qui tous les interlocuteurs ne sont « pas habilités à nous répondre » , nous décidons de nous y rendre pour rencontrer un élu à sa permanence.

Après une longue attente, 2 personnes (une du CRPA, une « propriétaire » de chien) ont pu entrer, et rencontrer, dans le couloir, 5 personnes de la mairie plus ou moins concernées par l’affaire. Il n’y a pas moyen de récupérer les chiens avant lundi prochain, suivant le fameux arrêté -datant de 2004- qui reste vague sur certains points (à partir de combien de personnes / chiens parle-t-on de regroupement?)

arrêté :http://www.rennes.fr/fileadmin/user_upload/Telechargements/Sante/Animal_en_ville/arrete_27_10.pdf

D’autant que la décision de faire emmener les chiens sur la base de cet arrêté ne semble pas cohérente avec le comportement des chiens et de leurs maîtres.

Les personnes qui pensaient revoir leurs chiens sont déçues, et tristes.
Un « droit de visite » ( parloir ? ) est accordé, en attendant lundi.

Les covoiturages jusque Betton se feront donc lundi prochain. En attendant, des contacts avec des juristes pourraient nous permettre d’y voir plus clair, l’aide d’un avocat serait la bienvenue.