Voici un poème, intitulé Le récif de corail et écrit par José-Maria de Heredia (1842-1905). Normalement, c’est censé être de l’art pour l’art, un poème sans contenu véritable, avec juste la beauté de la forme littéraire (c’est le courant dit du « Parnasse »). En pratique pourtant, ce poème révèle beaucoup de choses sensibles…
Le soleil sous la mer, mystérieuse aurore,
Éclaire la forêt des coraux abyssins
Qui mêle, aux profondeurs de ses tièdes bassins,
La bête épanouie et la vivante flore.Et tout ce que le sel ou l’iode colore,
Mousse, algue chevelue, anémones, oursins,
Couvre de pourpre sombre, en somptueux dessins,
Le fond vermiculé du pâle madrépore.De sa splendide écaille éteignant les émaux,
Un grand poisson navigue à travers les rameaux ;
Dans l’ombre transparente indolemment il rôde ;Et, brusquement, d’un coup de sa nageoire en feu
Il fait, par le cristal morne, immobile et bleu,
Courir un frisson d’or, de nacre et d’émeraude.