Animaleries: l’envers du décor, une interview

Les animaleries prétendent mettre à la disposition des « animaux de compagnie » dans des conditions dignes. En réalité, les animaux n’y sont que des marchandises, dont les « surplus » sont « détruits ».

Boycotter les animaleries est ainsi un acte relevant de la dignité la plus fondamentale.

Voici, à titre d’illustration, quelques questions posées à une personne qui a connu l’envers du décor. Elle a travaillé, il y a trois ans de cela, pendant deux mois au sein de la chaîne T. Une chaîne très connue, se voulant sérieuse, et pourtant même là les conditions sont terribles. Cela en dit long sur la situation générale, qu’il ne s’agit pas simplement de prétendre « améliorer » : c’est l’exploitation animale qu’il faut abolir.

Voici l’interview.

Quelle a été ta première impression lorsque tu as découvert ta condition de vendeuse dans une animalerie ?

Les horreurs que j’ai vues là bas, additionnées à celles que l’on m’a racontées sont d’une barbarie indescriptible. Lorsque j’ai ouvert les yeux, au bout de quelques jours de travail, je me suis mise en tête de collecter des preuves pour attaquer le magasin par la suite mais la chaleur et ma tenue ne me permettaient pas de dissimuler appareil photo ou micro.

Je me suis par la suite rendue dans un centre des droits des animaux à Paris pour déposer mon témoignage et savoir si il y avait une démarche possible mais bien entendu un témoignage sans preuve a bien peu de valeur (sans compter que je suis tombée sur un welfariste qui utilisait des mots comme « sensiblerie »).

Peux-tu nous expliquer quelles ont été les premières horreurs que tu as découvertes ?

Quelques exemples pour vous donner une idée : en premier lieu toutes les « euthanasies-maison » ou meurtres sur les animaux invendables : un oiseau au plumage abîmé s’est fait « dévisser » la tête, une souris malade a été mise dans un sac plastique puis projetée contre les murs (c’était la méthode appliquée aux petits rongeurs en général), tous les matins les poissons morts (ça se compte en dizaines) devaient être placés dans un congélateur pour des mesures d’hygiène, mais tous les poissons malades ou avec des malformations y passaient vivants.

Voilà une petite description de ce qu’est T, mais il reste beaucoup à dire. A plusieurs reprises j’ai adopté des poissons pour leur épargner l’euthanasie, et j’ai trouvé des amis pour quelques rongeurs, mais la quantité d’animaux tués par semaine est exorbitante, malgré la bonne volonté de quelques vendeurs, tout le business était dirigé par des sadiques.

En pratique, une animalerie est là pour se faire du bénéfice. Comment est-ce que cela marche pour la mise en place des « marchandises » ?

Mon rôle pour la « mise en rayons » se limitait aux poissons mais en gros les animaux sont livrés comme n’importe quelle marchandise : dans des cartons.

Pour les poissons je sais qu’ils voyageaient des heures dans ces boites, car ils venaient d’un énorme élevage industriel européen. Les poissons tropicaux étaient dans du polystyrène expansé pour conserver la chaleur, les autres simplement à même les cartons, dans des sacs.

Le plus hallucinant, c’est la concentration d’animaux par sacs et la toute petite taille des sacs. Dès lors qu’un poisson est résistant, et peu coûteux (comme le poisson rouge ), on le trouve dans des sacs de 30 à 50 poissons. Pour d’autres, comme les combattants, c’est une toute petite boite par poisson, avec juste ce qu’il faut d’air pour survivre, ni plus, ni moins.

Le même principe est appliqué aux petits rongeurs.

Les animaux ont-ils accès à un vétérinaire ? Les animaux très malades sont-ils soignés ?

Un vétérinaire passe régulièrement, mais je vais vous raconter ce qui me fait douter de l’intérêt de la démarche, et en profiter pour vous demander de ne JAMAIS rapporter un animal à l’animalerie si vous n’en voulez plus, mieux vaut encore le mettre au refuge.

Là ou je travaillais (je suppose que c’est pareil partout) pour des raisons sanitaires, il était interdit de reprendre un animal. Dans les cas ou quelqu’un venait rendre son animal, ce dernier était euthanasié.

Un matin nous avons eu un retour d’un lapin nain acheté la veille. Une des vendeuse, consciente du sort réservé à l’animal s’est proposée de l’adopter. Je suis partie déjeuner avec elle et à notre retour, la vétérinaire était passée et avait piqué le lapin. J’étais choquée. A mon sens un vétérinaire capable d’euthanasier un animal jeune et en pleine santé a tout intérêt à se reconvertir dans la charcuterie.

Sinon de manière générale, les animaux de valeur sont soignés : chiens, chats, lapins, furets, perroquets, certains poissons. Mais on m’a clairement fait comprendre que pour les poissons à 1 euro, le traitement coûte plus cher que la perte du poisson, il en va de même pour les rongeurs peu coûteux comme rats et souris.

Parfois derrière les vitrines, il y a des animaux visiblement malades et il y a des gens pour les acheter ou monnayer de les récupérer, afin de les soigner. En cas d’achat, cela revient à soutenir l’animalerie, aussi c’est très critiqué sur les forums pour animaux. C’est une vieille problématique, très connue. As-tu été confronté à ce genre de situations, de la part de gens qui seraient venus te voir ?

Je n’ai pas été confrontée à la situation en tant que vendeuse mais en tant qu’acheteuse. Je suis bien entendu pour un boycott total des animaleries mais j’y ai trouvé il y a un an une petite rate à l’œil blessé.

Ayant déjà été dans l’envers du décor je savais bien qu’elle était condamnée. Je l’ai achetée (avec un prix bradé), soignée, et honnêtement, malgré toute la contradiction que cela implique, quand je la vois, pleine de vie et de santé, je ne regrette pas.

La nuit, y a-t-il des personnes pour surveiller si tout se passe bien, ou bien les animaux sont-ils en quelque sorte livrés à eux-mêmes ?

De la fermeture à l’ouverture de l’animalerie, les animaux sont livrés à eux même. On part le soir en sachant que la première chose à faire le lendemain matin sera de collecter les morts, de les congeler, de noter leur nombre.

Sur certains forums animaliers, il est fortement conseillé de ne pas acheter d’animaux en animalerie, car ceux-ci sont en mauvaise santé physique et psychologique. Que penses-tu de ces personnes qui prônent ainsi l’achat d’animaux « sains » chez des éleveurs « sérieux » ?

Je ne vois pas comment le principe même d’élevage pourrait être éthique, une chienne, une lapine, une rate, n’importe laquelle de ces mammifères ne devrait pas a avoir à consacrer sa vie en gestation pour produire des portées. Tant qu’il y aura des animaux dans les refuges, c’est là qu’il faudra adopter en priorité.

Quelle est ton impression sur les bénéfices qu’amènent l’exploitation animale aux animaleries ? S’agit-il pour toi d’un petit artisanat, comme cela en donne l’impression, avec l’éleveur « sérieux » en apparence, etc., ou bien d’une véritable industrie ?

Non, comme j’ai pu vous le décrire avec la livraison des poissons, il s’agit d’une monumentale industrie, tournée vers l’hyper rentabilité, avec un fournisseur unique, et si profitable qu’elle peut se permettre des pertes impressionnantes plutôt que d’améliorer les soins des animaux.

Imaginons que nous soyons « welfaristes » et qu’on prône une « amélioration » des conditions de « vente » des « marchandises. » Est-ce possible ou bien une totale absurdité ?

Dans une animalerie comme dans un élevage, le paradoxe est le même. Il y a énormément de choses qui pourraient améliorer la vie si misérable de ces animaux. Mais plus leurs conditions de vies sembleront acceptables, plus il sera difficile d’argumenter pour une fin de l’exploitation.

Sans tenir compte de ce paradoxe, des choses toutes simples comme de cesser de vendre des bocaux, véritables objets de torture (interdit dans plusieurs pays d’Europe), fournir au minimum filtrage et chauffage pour les poissons d’eau chaude, ne pas mettre ensemble des animaux solitaires comme les hamsters russes (qui s’entre tuent littéralement dans leurs cages). La listes de ce qui pourrait être mieux fait tiendrait sur plusieurs pages.

Une personne végane ne peut logiquement pas travailler en animalerie. Dans quelle mesure les gens travaillant dans un autre rayon, comme la jardinerie, sont-ils au courant de ce qui se passe ? Peut-on accepter de travailler pour l’enseigne ou objectivement ce serait de l’hypocrisie ?

Honnêtement j’ai moi même appris beaucoup de chose de la bouche de mes collègues, et dans une si grande surface, avec de la clientèle tout le temps, on voit peu ce qui se passe à côté. Il est probable que les employés de la jardinerie n’aient pas la moindre idée de ce qui se passe en animalerie, si personne ne leur en parle.

D’autre part, pour l’avoir vécu, l’omniprésence de la mort dans les animaleries est si choquante qu’elle peut sans doute rendre insensible, j’ai moi même mis beaucoup de temps à vraiment réaliser l’énormité de ce que j’avais vu, j’en ai véritablement déprimé un mois après, me reprochant de ne pas avoir démissionné dès la première semaine. Il faudrait d’une manière ou d’une autre faire un appel à ouvrir les yeux pour les employés de ces magasins.

Ce qui s’y passe n’est ni « normal », ni légal.

A ton avis, pourquoi est-ce que des gens viennent acheter en animalerie, au lieu d’adopter ?

L’animal « de compagnie » est devenu un objet de consommation comme un autre, qui subit lui aussi la règle du « tout, tout de suite ».

La clientèle veut un animal jeune, elle veut pouvoir le choisir au milieu des autres, et je crois aussi qu’il y a l’envie d’un animal « neuf », qui n’a encore jamais été « utilisé » par personne, dont on choisit le nom. Évidemment tout ça fait froid dans le dos.

Selon toi, les gens qui viennent acheter ont-ils conscience de l’envers du décor ?

Non, je ne pense pas. La seule chose qui soit soignée dans les animaleries, ce sont les vitrines, c’est très bien fait, on ne vous laisse voir que les animaux sains, dans des environnements qui paraissent propres.

Même quand on est engagé pour la libération animale et qu’on sait comment est cette industrie, on ne peut pas imaginer la barbarie de ce que j’ai vu, c’est pour ça que je tenais à vous écrire sur le sujet.

Comme tu l’as constaté, il est pratiquement impossible d’attaquer juridiquement une animalerie, et encore plus si c’est une chaîne.

Normalement, il faut un témoignage écrit et signé remis à la Directions Départementales des Services Vétérinaires du département. Mais évidemment rien n’est fait, et dans le meilleur des cas la DDSV intervient pour assassiner les animaux.

Même avec des photographies ou des enregistrements vidéos, il n’y a rien à faire… à part en appeler à l’opinion publique, pour la soulever. A ton avis, est-ce faisable ?

Il y a sans doute quelque chose à faire, être végan, c’est aussi vouloir agir et répandre les informations.

Cela mériterait bien une campagne de sensibilisation, portée par des témoignages comme le mien (il doit y en avoir beaucoup d’autres), ça serait l’occasion aussi de mettre en avant les refuges. Une fois qu’on a compris qu’acheter en animalerie, c’est alimenter un réseau d’exploitation meurtrier, alors qu’adopter, c’est sauver une vie et soutenir des associations qui vivent pour les animaux, comment choisir l’un au lieu de l’autre ?