Les « Naturfreunde », Amis de la Nature

Les « Naturfreunde » sont un mouvement vraiment très intéressant et gagnant à être connu par les personnes qui aiment la Nature. C’est un mouvement qui existe d’ailleurs encore aujourd’hui et est même très grand, puisqu’il compte pas moins de 600 000 membres.

En France, on le connaît sous le nom des « amis de la nature », ce que signifie le nom en allemand, mais pour des raisons historiques évidentes, ce qu’il porte en lui n’a rien à voir avec le mouvement originel.

Le mouvement des « Naturfreunde » est en effet historiquement issu du mouvement ouvrier, dont il est une composante revendiquée et assumée en Allemagne et en Autriche, jusqu’à aujourd’hui. Voici le logo actuel, avec le slogan: « Nous vivons Nature. »

Le mouvement se lance à partir d’une petite annonce publiée les 22, 23 et 24 mars 1895 dans le « Arbeiter Zeitung » (journal ouvrier), où il est expliqué que des amis de la Nature vont fonder un groupe touristique.

C’est le pédagogue socialiste et inspecteur d’écoles Georg Schmiedl qui l’avait écrite, et il recevra 30 réponses, dont celle d’un étudiant qui sera par la suite président de la république autrichienne ; il a également dessiné le logo et écrit les premiers statuts des « Naturfreunde » (l’actuel président est lui-même un ancien des « Naturfreunde »).

La première réunion rassemble une quarantaine de personnes le 28 mars 1895, trois sociaux-démocrates en devenant les représentants.

La première promenade eut lieu le 14 avril 1895, avec un rendez-vous dans une gare avec comme signe de reconnaissance justement un exemplaire du « Arbeiter Zeitung », avec comme guide le « camarade Rohrauer. » Les 62 personnes qui participèrent étaient des ouvriers, des étudiants et des professeurs.

L’organisation des promenades dans la nature était une lutte très difficile pour les travailleurs, pour deux raisons. La première est que le samedi la journée de travail se finissait le plus souvent à 16 heures, la seconde était que les passages à la Nature sauvage étaient fermés par les propriétaires de terres, qui refusaient que l’on passe.

Pour cette raison, la devise du mouvement devint « Hand in Hand durch Berg und Land! » (Main dans la main à travers la montagne et le pays!), comme expression de la solidarité ouvrière. Et le slogan lorsqu’on atteint le sommet fut (et est encore) « Berg frei ! », c’est-à-dire « Montagne libre », expression de la conquête du droit du passage sur les propriétaires de terres.

De manière parlante ce slogan s’oppose au slogan (encore utilisé) des clubs alpins marqués historiquement par une idéologie ultra-conservatrice, « Berg Heil ! » (Montagne – Santé!).

En juillet 1897, le mouvement avait une revue tirant à 400 exemplaires avec les différents programmes de promenades. En septembre 1898 un acte « officiel » de fondation fut effectué, avec 185 personnes.

Le nom officiel était « Touristenverein Naturfreunde Österreichs » (Association Touristique des Amis de la Nature d’Autriche), et le mouvement disposa au fur et à mesure d’une section de sports d’hiver, avec la première école de ski en Autriche, ainsi qu’une section d’alpinisme.

En 1933, le mouvement comptait déjà 200 000 personnes, réparties dans 22 pays. Par leurs activités, les « Naturfreunde » permettaient d’accéder à la Nature, chose impossible auparavant en raison de l’opposition des propriétaires. C’était un mouvement de reconnexion à la Nature, loin des villes étouffantes où la condition ouvrière était misérable et aliénée.

Les « Naturfreunde » permettaient de faire des promenades, soit individuellement soit en groupes, mais toujours dans un esprit de défense de la Nature et de solidarité collective. Les « Naturfreunde » fournissaient les moyens matériels des promenades, en obtenant des passages, en construisant des maisons pour faire des haltes, en organisant des ballades, en prônant un tourisme respectant la Nature et ne l’agressant jamais.

Sur la photo ci-dessous, on voit un camp des Naturfreunde avec le symbole des jeunesses socialistes (toujours plus marquées à gauche que le Parti lui-même) et derrière des paroles d’une chanson communiste: « Nous sommes le peuple bâtisseur du monde à venir. »

L’éducation de la jeunesse dans le respect de la Nature a en effet toujours tenu une place essentielle chez les « Naturfreunde. »

Cependant, en 1934 eut lieu un coup d’État fasciste en Autriche et le mouvement fut écrasé, toutes ses possessions étant également données aux organisations d’extrême-droite. Le nazisme avait pareillement écrasé le mouvement en Allemagne, tout comme l’Italie fasciste lors des premières tentatives d’organisation.

Le mouvement se relança par la suite, dans l’après-guerre, avec encore surtout une base en Autriche et en Allemagne, toujours de manière symbiotique avec la social-démocratie dans sa tradition historique, et proposant donc des promenades, des activités sportives, etc.

Les « Naturfreunde » disposent également de bâtiments – 400 en Allemagne par exemple – accessibles aux personnes les plus pauvres et situées le plus souvent en pleine Nature (voir ici pour celles en France, notamment en Alsace-Lorraine).

On peut y passer la nuit, comme organiser des camps de vacances. C’est pourquoi l’utilisation du terme « tourisme » ne doit donc pas étonner : les « Naturfreunde » militent pour un tourisme « doux », en accord avec la Nature et sont ouvertement écologistes, de manière totalement assumée.

Dès 1972, les « Naturfreunde » ont intégré dans leur statut que « Les impératifs économiques doivent passer après les impératifs écologiques. »

Il n’est pas difficile de voir qu’il y a un problème avec la France : le mouvement ouvrier est passé complètement à côté de cette démarche, avec un Parti Communiste et un Parti Socialiste pro-nucléaires et sans aucune préoccupation écologiste ou pour les animaux.

Si on ajoute à cela des « Verts » carriéristes et opportunistes, cela complète un triste tableau. Cependant et inversement, on peut voir avec les « Naturfreunde » que l’écologie n’est pas du tout une préoccupation de bobos.

Le fait de vouloir vivre en symbiose avec la Nature, de vivre pacifiquement avec elle, de la reconnaître, ce n’est pas quelque chose qui est étranger aux gens, bien au contraire ! Il n’y a que les habitants des quartiers bourgeois des centre-villes qui n’en ont rien à faire de la Nature, à part pour la chasse, la maison de campagne et le ski !