Localisme ou universalisme végan?

Localisme ou universalisme végan? C’est la grande question du moment. Bien sûr, il y a des gens qui considèrent que le véganisme est une question « abstraite » et n’ayant rien à voir avec l’écologie. Pourtant, il est facile de voir le rapport et les conséquences très importantes que cela a.

Car, il faut voir les choses objectivement. Si l’on considère qu’il faut absolument suivre un modèle d’autosuffisance locale, alors inévitablement il faut rejeter le véganisme. Pourquoi cela? Tout simplement en raison de la question de l’approvisionnement en énergie pour vivre.

Si l’humanité existe depuis 10 000 ans sans avoir pratiqué le véganisme, ce n’est pas par « méchanceté », mais simplement par nécessité. C’est là un aspect essentiel qui n’est pas du tout compris par la tradition « antispéciste », pour qui les humains pratiquent le « spécisme » en raison d’un choix subjectif.

En réalité, la base de l’exploitation animale est tout ce qu’il y a de plus objectif. Après l’épisode des chasseurs cueilleurs, les humains se sont établis de manière fixe le plus souvent, et là les paysans vivaient dans un territoire extrêmement restreint. Pour s’alimenter, il n’y avait pas d’autres recours que l’exploitation animale.

Même les courants historiques les plus progressistes concernant cette question, comme le jaïnisme et le bouddhisme, ont utilisé les vaches pour le lait. La volonté de « s’éteindre », afin de ne pas se réincarner et d’ainsi atteindre le « Nirvana », était une prise de conscience de l’impossibilité de changer la réalité du rapport aux êtres vivants de la part de l’humanité.

Seulement nous, nous sommes maintenant au 21ème siècle. Nous pouvons aller dans des magasins acheter des produits pour nous alimenter de manière végane, et ces produits ne viennent pas du tout d’une zone de 5, 10 ou 30 kilomètres autour de là où nous vivons.

Là est la grande hypocrisie des partisans du « local », et cela saute aux yeux quand on regarde le mouvement contre la construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Les partisans du « local » expliquent qu’ils veulent l’autosuffisance. En apparence, cela a l’air de la défense du potager (ce qui est une bonne chose par ailleurs).

Mais derrière cela, inévitablement, il y a l’exploitation animale, la mise à mort d’un être vivant. Le sang de l’innocent coule derrière le masque du « local. »

C’est inévitable, car « localement », on ne peut pas être vegan. Le véganisme implique une économie développée, avec des échanges nombreux de par le monde, afin de se procurer les produits qui sont nécessaires.

Il est tout à fait exact que sont terribles les transports polluants, une économie fondée sur l’urgence pour les profits, etc. C’est pourquoi il faut radicalement tout changer. Mais tout doit changer à l’échelle planétaire, l’esprit doit toujours se tourner vers le changement à la plus grande échelle possible.

Le culte du « local » comme démarche autosuffisante réclame l’autonomie complète. C’est un choix que l’on peut avoir. Mais il est en tout cas incompatible avec le véganisme. Le véganisme ne peut pas se contenter de l’échelle locale ou bien du troc, il y a besoin de céréales, de légumineuses, de vêtements produits de manière industrielle et profitant d’une technologie avancée.

Les partisans du local peuvent eux porter du cuir et manger de la « viande », gagnant leur autonomie aux dépens de l’exploitation animale, sans qui leur « autonomie » serait absolument impossible.

Les partisans de « gauche » du localisme, comme la décroissance, sont donc très hypocrites: au moins, les fachos avec leur célébration du « terroir » assument parfaitement la boucherie, le massacre d’animaux.

On comprend d’ailleurs ici pourquoi la décroissance ne parle jamais des animaux. Si elle peut critiquer l’exploitation animale moderne en théorie, sa seule pratique serait d’apprendre à comment affuter les couteaux pour assassiner des « bêtes » sur l’autel de l’autosuffisance et de l’autonomie.

C’est aussi pour cela que le localisme en général est obligé de tourner toujours plus facho. En prônant l’autonomie, il prône le relativisme, il justifie des manières de vivre « à part. » Il bascule de plus en plus, de manière inévitable, dans le repli, le tribalisme.

Inversement, le véganisme est l’affirmation de l’universalisme le plus complet. Le véganisme ne peut exister qu’avec une gestion rationnelle des ressources à l’échelle planétaire.

Et sur le plan moral, il ne connaît pas de frontières. Il veut la libération animale sans exceptions; il ne dit pas que des peuples sont mieux que d’autres, ou « différents », il pose l’universalisme de l’humanité.

Que ce soit au fond de la Laponie ou bien en Patagonie, à Paris ou à Tokyo, à Bombay ou à Alger, le véganisme est une tâche humaine universelle, une exigence morale, une nouvelle éthique, la base d’une nouvelle culture.

Et pour que justement tout le monde puisse devenir vegan, il faut l’universalisme de cette affirmation, l’universalisme des productions humaines, l’universalisme de la démarche de tous les humains, où que ce soit dans le monde, quel que soit le moment.