Encore une fois sur l’absurde jeu de mot « ayrault-porc »

Ce qui caractérise une lutte qui soit authentiquement « révolutionnaire », c’est qu’elle porte en elle la libération totale, la libération de tout le monde. Bien sûr, on peut discuter des modalités, de la manière de réaliser l’utopie, mais pour autant la démarche même est censée porter des valeurs systématiques de libération.

Et justement, si on regarde la lutte sur la ZAD ces derniers jours, le « début » de la fin dont nous parlions saute encore plus aux yeux.

Il y a ainsi le slogan « non à l’ayrault-porc » – que nous avons déjà critiqué (Les cochons ne sont pas des policiers et inversement) – qui est repris vraiment très souvent, voire systématiquement, sans aucun esprit critique.

Ce genre de choses se retrouve très souvent ; par exemple dans le lyrique article « De la barricade considérée comme un des beaux-arts », on a cette autre attaque anti-cochons :

Le spectacle valait le coup samedi 24 novembre en forêt de Rohanne, où la résistance collective a atteint des sommets d’intensité, de détermination, de cohérence. Bouteilles, cailloux, terre, fusées, feux d’artifices, cocktails Molotov, morceaux de bois et billes d’acier…les flics, c’est comme les cochons : ça mange de tout.

Voici également une image que l’on peut trouver sur le site de la ZAD :

 

Voici une autre image, allant avec l’appel d’une manifestation contre le TAV (train à haute vitesse) Lyon-Turin, à Lyon justement le 3 décembre :

 

Bien évidemment, pour certains, cela ne semblera qu’un détail. Mais nous, nous ne pensons pas que la libération animale soit un « détail. » Nous ne pensons pas non plus que la libération animale soit un petit « plus », quelque chose qui s’ajouterait… éventuellement.

Au 21ème siècle, en France, il est facile d’être vegan. Le fait de ne pas l’être, dans un mouvement de lutte, est un choix. Que la plupart des gens ne soient pas vegans est le fruit de la société qui bloque cette option, mais de la part de gens en rébellion, affirmant vouloir renverser le capitalisme, ne pas assumer le véganisme est un choix.

Et le fait d’utiliser des animaux pour critiquer quelque chose revient à « dénoncer », à « calomnier » ; c’est une démarche qui n’a sa tradition d’ailleurs qu’à l’extrême-droite, parce qu’il s’agit d’avoir l’air « radical » tout en se moquant du contenu.

Ceux qui appellent les policiers des « cochons » se croient donc très révolutionnaires, ils montrent surtout qu’en fait ils ne le sont pas, car ils reprennent la grille de lecture dominante, ils nient tout un pan de la réalité qu’ils prétendent changer, « révolutionner. »

Qualifier des humains de cochons, de rats, de cafards, de pieuvres, d’araignées, de serpents, etc., c’est avoir une vision social-darwiniste qui affirme qu’il faudrait « purger » la société des « nuisibles. »

Cela n’a rien à voir avec une critique progressiste de la société qui combat des valeurs, des attitudes, des comportements, des rapports sociaux, des guerres, l’exploitation, l’oppression, etc.

Le fait que des animaux soient dénoncés est la démonstration d’une orientation au sein de la lutte de la ZAD. Voici d’ailleurs une sorte de blague mise en avant, avec des éléments très parlant mis en gras :

En réponse à la proposition d’une commission de dialogue par le gouvernement

Ayant pris connaissance de la volonté du gouvernement d’ouvrir des négociations avec les différentes parties en présence dans la lutte, nous avons donc décidé de faire part des notres :

la fermeture de toutes les entreprises de plus de 12 salariéEs
une rente à vie pour les salariéEs
20h de soleil en hiver
multiplication par huit de tous les minimas sociaux
le RSA pour tous et toutes, attribué dès la naissance (et pour les avortéEs aussi)
le retrait des implants capillaires des présentateurs télé
le nucléaire remplacé par des ministres qui pédalent
l’Elysée transformé en zone humide
toutes les lettres au Père Noel seront reçues exaucées par le gouvernement
Manuel Valls ainsi que tous les corps de la Défense et de l’Intérieur se tatoueront « Nique la police » sur le front
que l’académie française accepte et utilise le langage sms
qu’après la mort de Jean Marc Ayrault soit gravé sur sa tombe  » la ZAD m’a tuer »
que la Terre tourne dans l’autre sens
repousser la fin du monde (bien après le 21 décembre)
le même temps à Lille qu’à Marseille, mais sans Mistral
La Marseillaise sera remplacée par une comptine pour enfant chantée à l’envers
les séances de spiritisme seront remboursées par la SECU
les pipelines seront exclusivement reservés à des transports de jus de fruits
pour chaque animal tué, un parlemantaire sera sacrifié (même quand on écrase une fourmi par erreur)
20 à 30 hectares de terres attribuées à tous les gens étant passés ou ayant habités sur la ZAD (plus un tracteur ou hélicoptère si souhaité)
que les négociations soient interdites

cette liste est ouverte et non exhaustive

Des habitantEs qui restent

Ce n’est pas à prendre au sérieux, et pourtant cela en dit très long. Le problème, en effet, est qu’il n’y a pas d’utopie, à part la petite production. Au lieu d’aller vers le véganisme, la lutte sur la ZAD, aussi courageuse qu’elle soit, a pris le choix de ne pas faire de choix. Sauf que cela ne peut pas marcher comme cela, et qu’il faut bien choisir !

Et qu’au 21ème siècle, la libération animale est une valeur de la plus haute importance, et qu’on ne peut pas s’imaginer affronter les valeurs dominantes en « oubliant » cette question – à moins inévitablement de se faire rattraper par la dite société.