Voici une lettre ouverte qui est surtout un appel à la mobilisation contre le passage du Tour de France dans une zone encore largement préservée de la folie humaine et urbaine. On ne peut que soutenir l’initiative quand on sait ce que représente le Tour de France en terme de nuisances (voir par exemple « Il n’est pas question que la création d’un parc régional annule une étape du Tour de France », propos tenus par un maire président de la fédération des parcs naturels régionaux!).
Lettre ouverte au directeur du Tour de France à propos de la pétition : Non au passage du Tour de France au Col de Sarenne.
Monsieur,
Vous avez l’intention de faire passer le 18 juillet prochain les coureurs du Tour de France sur la route pastorale du Col de Sarenne. Nous sommes nombreux à nous inquiéter de la disproportion de l’impact environnemental que pourraient avoir les travaux afférents à l’événement et l’étape en elle-même. La pétition Non au passage du Tour de France au Col de Sarenne a ainsi récolté plus de 4000 signatures.
Très peu fréquentée (sur 16 kms, on ne compte que deux traces de civilisation : un refuge et une bergerie), la route reliant l’Alpe d’Huez à Clavans traverse un espace sauvage d’une grande richesse. Les paysages sont somptueux, la flore est luxuriante, la faune est opulente. Outre les chamois, niverolles, aigles royaux et marmottes, certaines espèces très fragiles, menacées d’extinction, sont présentes sur le site : des tétras lyre et des lagopèdes.
Au Col, on ne dénombre guère plus qu’une voiture toutes les dix minutes en période de pointe (des locaux le disent) : autant dire que nous avons affaire à une belle terre de quiétude ! D’ailleurs, compte tenu du caractère singulier de cette route pastorale, un arrêté municipal datant de 1989 y limite la vitesse à 20 kilomètres/h.
20 kms/h !? Le Tour serait-il une fois de plus au-dessus des lois ? Notez que la route est si sauvage qu’elle se confond même, par endroits, avec le célèbre GR54. Le peloton a-t-il sa place sur les chemins de randonnées du Tour des Ecrins ?
Spécifiquement pour cette étape, des travaux vont être engagés. Tenant compte de l’étroitesse de la chaussée, de son état, des éboulements récurrents, de la sinuosité de la descente, de la raideur de la pente, nous pouvons aisément imaginer que si vous tenez à ne pas envoyer trop de coureurs à l’hôpital, l’ampleur des travaux (purge, goudronnage, aménagement des virages) sera importante. Ce n’est pas un hasard si, à ce jour, le Tour de France est passé 27 fois à l’Alpe d’Huez et zéro fois à Sarenne.
Certains penseront peut-être : un peu de goudron en plus, un peu de goudron en moins, quelle importance ? Leur tort serait de faire abstraction du contexte : interposé entre les stations de l’Alpe d’Huez et des Deux Alpes, l’étau se resserre autour de l’Oisans sauvage ; et vous comprendrez certainement, Monsieur Prudhomme, que nous sommes nombreux à être attachés à une beauté qui, décennie après décennie, se réduit comme nos glaciers !
C’est pourquoi nous souhaitons que la tranquillité du Col de Sarenne soit respectée. Non, vraiment, nous avons beaucoup de mal à accepter que des travaux soient engagés dans le secteur pour une simple journée de vélo. (C’est à Sarenne que j’ai vu pour la première fois des chamois, ne les faites pas fuir !)
Nous ne sommes pas dupes, et restons persuadés que ces premiers « aménagements » de la route pastorale pourraient être les prémices d’une dénaturation beaucoup plus importante du site ; en témoigne ce propos du maire de l’Alpe d’Huez : « [ce premier passage du Tour de France] offre beaucoup de possibilités pour le futur ». Qu’entend-il au juste ? Démentirait-il que, par le passé, certains entrepreneurs ont clairement manifesté leur désir de relier la station de l’Alpe d’Huez à Clavans ?
Vous nous rétorquerez sans doute que pour faire passer le Tour de France par Sarenne, vous avez obtenu l’autorisation des maires concernés ; mais n’oubliez pas que si l’Oisans appartient à ceux qui y vivent, il appartient également à tous. Sa richesse fait parti du patrimoine commun de ceux qui ont aimé la montagne, de ceux qui l’aiment et de ceux qui la découvriront ; en somme : de nous tous !
En 2011 déjà, l’arrivée au Cap Fréhel, au beau milieu de « landes uniques en Europe », n’a-t-elle pas été qualifiée « d’hérésie » par un professeur d’Université spécialisé en environnement ? Répondez-nous ! L’an dernier, pour subvenir aux besoins de votre entreprise, le sommet de la Planche des Belles Filles n’a-t-il pas été rasé et bétonné ? Répondez-nous !
A Sarenne, la foule, les véhicules, les travaux, les hélicos auraient-ils un impact positif sur l’environnement ? Répondez-nous ! Pour une simple journée de course, tout ce remue-ménage dans ce vaste espace sauvage est-il raisonnable ? Répondez-nous !
De tels comportements ne sont-ils pas à l’origine de la catastrophique accélération de l’érosion de la biodiversité, de la crise écologique actuelle, de la crise sociale qui en découle ? Répondez-nous ! Imaginez que nous soyons sept milliards à agir de la sorte, à impacter durablement la nature pour 30 minutes de divertissement : que deviendrez notre planète ? Répondez-nous !
Nous sommes plus de 4000 à vous demander de respecter Sarenne, ce sublime sanctuaire sauvage ; et nous vous invitons à modifier le tracé de l’étape du 18 juillet en suivant un autre itinéraire qui pourrait être : Bourg d’Oisans – Huez – Villard Reculas – Allemont – Bourg d’Oisans – Alpe d’Huez. Ainsi, le profil de votre course ne serait que très peu affecté, et Sarenne demeurerait encore et toujours en paix !
« Il y a assez de tout dans le monde pour satisfaire aux besoins de l’homme, mais pas assez pour assouvir son avidité. » disait Gandhi.
Ayez cette phrase en tête. Agissez en votre âme et conscience.
La pétition : http://avaaz.org/fr/petition/Non_au_passage_du_Tour_de_France_2013_au_Col_de_Sarenne/