La philosophie du nouveau décret sur la vivisection

Hier, nous avons vu comment l’armée, avec le nouveau décret sur les animaux « utilisés à des fins scientifiques », instaurait son pouvoir parallèle dans la vivisection, à la faveur d’un nouveau décret.

Regardons d’un peu plus près ce décret en lui-même. La première chose à noter, c’est bien entendu la définition donnée à la vivisection, définition qui est par conséquent « légale » :

« ― toute utilisation, invasive ou non, d’un animal à des fins expérimentales ou à d’autres fins scientifiques ou à des fins éducatives ;
« ― toute intervention destinée ou de nature à aboutir à la naissance ou à l’éclosion d’un animal ou à la création et à la conservation d’une lignée d’animaux génétiquement modifiés ;

Ce qui est absolument à noter ici, c’est la question des animaux génétiquement modifiés. Ceux-ci sont un nouveau grand problème morale de notre époque. Aucune personne rejetant la vivisection ne doit sous-évaluer l’ampleur de la question.

Si on défend en effet les « droits » des animaux, il faut se douter que l’exploitation animale va expliquer que ces animaux n’existent pas dans la Nature, qu’ils sont « faits » pour cela.

De plus, l’exploitation animale va renforcer son discours sur la « valeur » de l’expérimentation animale, puisque les pauvres êtres génétiquement modifiés sont « rapprochés » sur certains plans de l’être humain.

Il y a quelque chose de terrible, de terrifiant, qui nécessite une claire réflexion.

De manière également terrible et intéressante, il y a la définition de la douleur qui est faite dans le décret. Il est ainsi parlé de :

douleur, souffrance, angoisse ou dommage durable d’un niveau équivalent ou supérieur [ou inférieur dans d’autres cas] à celui causé par l’introduction d’une aiguille

Cette « introduction d’une aiguille » est ici le grand critère de ce qui serait « tolérable », ce qui est évidemment très abstrait pour évaluer une angoisse ou une « souffrance » (plus psychologique que « douleur »).

Il faut également noter, bien entendu, le double jeu du décret. Par exemple, voici ce qui est dit sur « l’élevage » d’animaux destinés aux laboratoires. En apparence, cela ressemble à de la protection animale, en pratique cela vise seulement à ce que les « marchandises » soient « intactes »…

« Art. R. 214-95.-Sans préjudice des dispositions de l’article R. 214-17, les responsables et le personnel des établissements utilisateurs, éleveurs et fournisseurs veillent à ce que :
« a) Tous les animaux bénéficient d’un logement, d’un environnement, d’une alimentation, d’un apport en eau et de soins appropriés à leur santé et à leur bien-être ;
« b) Toute restriction de la capacité d’un animal de satisfaire ses besoins physiologiques et éthologiques soit limitée au strict minimum ;
« c) Les conditions d’environnement et les paramètres d’ambiance dans lesquels les animaux sont élevés, détenus ou utilisés fassent l’objet de vérifications quotidiennes ;
« d) Des mesures soient prises pour mettre fin dans les délais les plus brefs à toute anomalie ou à toute douleur, toute souffrance, toute angoisse ou tout dommage durable constatés qui pourraient être évités ;
« e) Les animaux soient transportés dans des conditions appropriées à leur santé et à leur bien-être.

A titre documentaire, voici comment l’expérimentation animale est « justifiée » par le décret :

Licéité, choix et mise en œuvre des procédures expérimentales

Art. R. 214-105.-Seules sont licites les procédures expérimentales qui remplissent les deux conditions suivantes :
1° Avoir un ou plusieurs des objets suivants :
a) La recherche fondamentale ;
b) Les recherches translationnelles ou appliquées menées pour :
i) La prévention, la prophylaxie, le diagnostic ou le traitement de maladies, de mauvais états de santé ou d’autres anomalies ou de leurs effets chez l’homme, les animaux ou les plantes ;
ii) L’évaluation, la détection, le contrôle ou les modifications des conditions physiologiques chez l’homme, les animaux ou les plantes ;
iii) Le bien-être des animaux et l’amélioration des conditions de production des animaux élevés à des fins agronomiques ;
c) L’une des finalités visées au b lors de la mise au point, de la production ou des essais de qualité, d’efficacité et d’innocuité de médicaments à usage humain ou vétérinaire, de denrées alimentaires, d’aliments pour animaux et d’autres substances ou produits ;
d) La protection de l’environnement naturel dans l’intérêt de la santé ou du bien-être de l’homme ou de l’animal ;
e) La recherche en vue de la préservation des espèces ;
f) L’enseignement supérieur ou la formation professionnelle ou technique conduisant à des métiers qui comportent la réalisation de procédures expérimentales sur des animaux ou les soins et l’entretien de ces animaux ainsi que la formation professionnelle continue dans ce domaine ;
g) Les enquêtes médico-légales ;

2° Respecter les principes de remplacement, de réduction et de raffinement suivants :
― les procédures expérimentales ont un caractère de stricte nécessité et ne peuvent pas être remplacées par d’autres méthodes expérimentales n’impliquant pas l’utilisation d’animaux vivants et susceptibles d’apporter le même niveau d’information ;
― le nombre d’animaux utilisés dans un projet est réduit à son minimum sans compromettre les objectifs du projet. A cet effet, le partage d’organes ou de tissus d’animaux mis à mort est permis entre établissements ;
― les conditions d’élevage, d’hébergement, de soins et les méthodes utilisées sont les plus appropriées pour réduire le plus possible toute douleur, souffrance, angoisse ou dommage durables que pourraient ressentir les animaux.

Comme on le voit, tout cela est très encadré, ou plutôt très méthodique, afin que dans ce cadre, l’exploitation animale ait toute liberté!