« On est tous bizuté quand on a un nom animal »

Il y a quelques jours, Arte a diffusé un reportage étrangement tourné, mais d’un grand intérêt pour nous. Il s’agit d’une enquête sur les personnes dont le nom de famille correspond à celui avec de la classification des animaux : les Mme et M. Le Renard, Corbeau, Pigeon, Lapin, Cheval, Lerat, Veaux, etc.

Pour prendre un exemple, la famille Lapin peut recevoir des coups de fil dans la nuit où l’interlocuteur dit seulement « Pan Pan. »

C’est une enquête très intéressante, car reflétant le social-darwinisme : la personne au nom de famille « animalier » se verra mis au niveau de l’animal, « déshumanisé » – bien qu’en réalité, le terme est impropre : c’est du refus de la Nature dont il s’agit.

Les noms de famille n’ont pas été choisi au hasard, pour beaucoup ils tiennent à un rapport historique, pas forcément positif, avec la Nature. Comme aujourd’hui la Nature est rejetée et considérée comme inacceptable, tout lien doit être coupé.

Un grand n’importe quoi qu’il y a lieu de comprendre, bien entendu !

Le reportage est quant à lui sans grande valeur, à part pour voir Madame Lerat montrer qu’elle n’avait aucun état d’âme lors de la vivisection, ou un boucher dire qu’il n’a pas été un tueur. En fait, les gens portent un nom leur apparaissant étrange, mais aucune réflexion n’a été faite à partir de là. Ce qui est logique: il faut avoir en vue l’ensemble de la question de la Nature pour saisir l’ampleur de cela. Quant à la personne qui fait le reportage, elle tente quelque chose à la fois d’égocentrique et de délirant (s’appelant brochet et s’assimilant à lui, etc.).

Voici une interview publiée dans 20mn.

INTERVIEW – L’actrice de 46 ans a réalisé «Brochet comme le poisson», un docu-fiction diffusé ce jeudi soir à 23h05 sur Arte et dans lequel elle se met en scène. Elle y évoque de manière poétique et décalée les patronymes animaliers…

Pour Anne Brochet, difficile d’être affiliée par son nom à un poisson patibulaire. Pour soigner son complexe, l’actrice a trouvé deux solutions: interroger des spécialistes (linguiste, rabbin, orthophoniste) et rencontrer, dans le cadre d’un documentaire un peu barjo, Joël Pigeon ou encore Mickael Lerenard, ses «concitoyens du pays des gens portant des noms d’animaux». Entretien.

C’est si dur que cela de s’appeler Brochet? Il y a pire, non?

Il y en a qui disent: «Je n’aime pas mon nez, mon menton, mes dents… ». On leur répond toujours:  «Il y a bien pire que toi». Bien sûr qu’il y a pire. Aujourd’hui, ça me fait sourire. Mais ça m’amuse de m’interpréter moi-même dans ce film en traînant comme ça une ingratitude.

Pourquoi ce «documentaire»?

J’avais envie depuis longtemps de faire un film sur les gens au patronyme ingrat. Et j’avais aussi envie de faire quelque chose autour de la question animale. J’ai trouvé que faire un film sur les gens au patronyme animalier réunissait mes deux envies. Il y a une certaine mélancolie, mais je fais participer des personnages qui me semblent féériques et inattendus comme le pêcheur de brochet ou un rabbin qui va me dire si je suis casher ou non.

Qu’est-ce que vous voulez montrer à travers ce film?

J’ai eu envie de partager quelque chose avec qui a envie, sur ce que ça fait que d’être un humain qui porte le nom d’un animal. Comment ils le vivent? Ca pose la question de l’identité. Quelle étrange chose de passer par une nomination animale quand on est un homme!

Vous dites que vous rêviez d’un autre nom en énumérant Fanny Ardant, Isabelle Adjani, Catherine Deneuve… Pourquoi n’avez-vous pas pris un nom de scène?

Je n’ai pas trouvé. Ma carrière s’est faite beaucoup plus rapidement que ma propre volonté. Les brochets sont des poissons très fainéants, et moi j’étais très paresseuse. Je voulais un nouveau nom mais je ne savais pas lequel. Je savais qu’un jour je ferais quelque chose autour de ce nom. Il m’a toujours intriguée, je me suis toujours demandée pourquoi j’avais ce nom là.

Vous avez été «bizutée» à cause de votre nom?

Oui, on est tous bizuté quand on a un nom animal. L’univers enfantin est le plus cruel. Il y a un rapport immédiat avec l’imaginaire. Un enfant qui se pointe avec un nom d’animal, il ne peut pas être autre chose qu’un animal. Ca marque.

On fait encore référence à l’animal aujourd’hui quand on vous rencontre pour la première fois?

On me fait toujours la remarque sur mon nom, oui. On me demande régulièrement si c’est comme l’animal. Les gens sont toujours stupéfaits.