« Les animaux aussi ont des droits » : Élisabeth de Fontenay

« Les animaux considérés », un entretien avec Élisabeth de Fontenay, est la seconde partie de l’ouvrage « Les animaux aussi ont des droits », sorti il y a peu (la première est avec Peter Singer, la seconde avec Boris Cyrulnik).

Élisabeth de Fontenay est présentée en France comme la grande philosophe de la question animale ; elle est assez connue pour l’émission de radio Vivre avec les bêtes sur France Inter avec Allain Bougrain-Dubourg.

De manière assez typique, elle n’est même pas végétarienne, ce qu’elle explique ainsi dans un autre entretien, dans le même esprit que Lamartine :

« Je ne le suis pas, par paresse et par crainte de la désocialisation qu’implique le fait de ne pas se nourrir comme les autres. »

On voit le niveau : ces gens critiquent quelque chose, mais ne sont même pas capables de se remettre en cause eux-mêmes. Sur le plan moral, c’est d’un cynisme terrible, et par ailleurs typiquement français dans sa « rationalité. »

Et après elle vient donner des leçons :

« L’extermination industrielle d’animaux d’élevage en pure perte atteste en tout cas que notre civilisation de technicisation totale du vivant est fondamentalement nihiliste. »

Est nihiliste une personne qui dit une chose et qui en fait une autre, en prétendant le contraire : voilà ce qui mène à rien, à la perte de tout repère et de toute valeur. Sans doute mange-t-elle sa « viande » en l’ayant acheté au magasin bio, pour se donner bonne conscience !

Quelle crédibilité après quand elle dit d’emblée : « ce qui m’importe prioritairement, c’est le droit, celui des hommes, qui existe, et celui des animaux, qui n’existe pas encore vraiment et qu’il faut instituer. »

Peut-être attend elle une loi pour ne plus manger des « cadavres » ? C’est plus ou moins le cas, car le grand principe d’Élisabeth de Fontenay, c’est que l’humanité est foncièrement supérieure car possédant le « logos », le langage.

C’est ce qui lui permet de dire, absolument scandaleusement et de manière ridicule pour une prétendue « amie » des animaux :

« Tous les animaux n’ont pas une personnalité, ni même des intérêts, tous n’ont pas une biographie. »

Élisabeth de Fontenay défend par conséquent les religions, et tout le discours qui fait que l’humanité serait coupée de la nature ; elle est d’ailleurs proche du philosophe Derrida, qui a joué un rôle moteur pour le développement de la conception du « queer. »

Au nom du « logos » donc, Élisabeth de Fontenay affirme la supériorité de l’être humain :

« – Vous donnez votre préférence à un droit par espèce ?

Seuls les partisans de l’égalité morale de tous les vivants sensibles, donc les abolitionnistes, refusent cette prise en compte réformiste des différences de degrés. Il existe une hiérarchie animale, et ce n’est pas penser en féodal mais en réaliste que de le reconnaître. »

Il y a ici une escroquerie intellectuelle. Il est évident que les humains ont des capacités d’intervention matérielle bien plus grande que les autres animaux, cependant cela ne doit pas en faire des « maîtres », mais des frères et sœurs avec un plus haut niveau de responsabilité vis-à-vis de la planète.

Lorsqu’un humain se lève le matin, si l’on ose dire, il devrait se dire, non pas comment il va saccager la planète, mais comment il doit bien faire attention à la protéger et à la partager. C’est cela concept de Gaïa, ni plus ni moins.

Et effectivement l’individu doit être soumis à l’ensemble, ce qui est inacceptable bien entendu pour des gens façonnés par le capitalisme, l’individualisme, l’indifférence, etc. etc.

Élisabeth de Fontenay nie précisément cela, tout en assumant pourtant pratiquement le même point de départ, elle se « dégonfle », comme pour le fait de manger de la « viande. »

Elle se comporte comme une matérialiste qui entend vivre comme la religion l’a indiqué :

« Je suis continuiste avec Lucrèce et son poème philosophique La Nature, avec Diderot et son dialogue Le Rêve de D’Alembert. Et je suis darwinienne évolutionniste, continuiste donc, et acquise à la théorie synthétique de l’évolution.

Je n’ai aucune difficulté avec cela, et la matérialiste que je suis trouve même un vrai plaisir à reconnaître que nous sommes des Homo sapiens, espèce de la famille des hominidés appartenant à l’ordre des primates.

Mais je le répète, je pense en même temps qu’on ne peut pas fonder sur les données de la science les devoirs envers les animaux ou les droits qu’on leur confère.

Ce n’est pas de l’animal humain qu’on peut attendre qu’il assume une responsabilité envers les animaux.

L’homme fait partie des espèces animales, certes, mais, en tant que législateur, il appartient au monde de la culture et à une histoire qui n’est plus seulement l’histoire naturelle.

Il y a là une mutation, un saut qualitatif, une émergence, une déviation qui atteste d’une autonomie de l’histoire humaine. »

Cela sonne comme un matérialisme d’il y a 50 ans ! Toute la thèse de LTD est justement de dire : l’humanité est encore naturelle et elle doit se plier à l’ensemble, elle n’a pas gagné son « autonomie », il n’y a pas d’indépendance de l’humanité, et d’ailleurs le réchauffement climatique est là pour le rappeler.

Élisabeth de Fontenay, elle, a une grande crainte : que la thèse de LTD puisse s’affirmer, ce qu’elle formule ainsi :

« Je critique, je vous l’ai dit, le concept de spécisme en ce qu’il met tous les vivants sensibles sur le même plan, comme si les hommes étaient seulement des êtres sensibles et intelligents, comme si la parole et leurs cultures ne leur avaient pas conféré un devenir singulier.

En un mot, le temps n’est pas venu, le temps, j’espère, ne viendra pas où l’on pourra articuler sensément les trois histoires dont le neurobiologiste Jean-Pierre Changeux dit qu’elles se nouent au niveau du cerveau de chaque individu : évolution des espèces, histoire sociale et histoire culturelle de la communauté à laquelle le sujet appartient, histoire personnelle. »

On a ici la même panique vis-à-vis de Gaïa qu’avaient les catholiques face aux libertins, les rabbins face à Spinoza : la peur de la réfutation de la toute puissance de l’individu.