Situation d’urgence à Fukushima, 2 ans et demi après le drame

La catastrophe de Fukushima, qui a eu lieu en mars 2011, était un événement tragique qui est loin, très loin d’être résolu, comme en témoigne la récente fuite d’eau radioactive survenue au début du mois d’août. Comme expliqué dans l’article ci-dessous, ce sont chaque jour 300 litres d’eau contaminée qui se déversent dans l’océan. Cette eau est chargée de tritium, de strontium, de césium et d’autres éléments radioactifs, contaminant ainsi les mondes marins végétaux et animaux, et cela pour une durée indéterminée et dramatiquement longue.

Mercredi 21 août, l’autorité de régulation nucléaire du Japon a réévalué l’importance de la fuite d’eau radioactive qui s’est produite ces derniers jours et elle qualifie cette fuite d’incident « grave » de niveau 3 sur l’échelle internationale des événements nucléaires allant de 0 à 7.

Voilà des mois que les informations sur les fuites d’eau radioactive issue de la centrale de Fukushima sortent graduellement au grand jour, sans que soient révélés officiellement leur ampleur ou leur impact sur l’environnement. Le gouvernement japonais a finalement rendu publique une estimation de leur quantité, mercredi 7 août : ce sont 300 tonnes d’eau contaminée qui se déversent chaque jour dans l’océan Pacifique, plus de deux ans après la catastrophe nucléaire causée par un séisme et un tsunami, en mars 2011.
Qualifiées de « situation d’urgence » mardi par l’Autorité de régulation nucléaire japonaise (NRA), ces fuites ont été estimées par l’opérateur Tokyo Electric Power (Tepco), en termes de radioactivité, à vingt à quarante mille milliards de becquerels entre mai 2011 et juillet 2013.

Le premier ministre, Shinzo Abe, un conservateur favorable à la relance de l’énergie nucléaire, a évoqué « un problème urgent qui suscite beaucoup d’inquiétude dans la population », et s’est engagé à accentuer les efforts du gouvernement pour contenir ces fuites – que le gouvernement prévoit de limiter à 60 tonnes par jour à partir de décembre.

POISSONS RADIOACTIFS

A la fin du mois de juillet, Tepco était revenu sur sa théorie selon laquelle l’eau chargée de tritium, de strontium, de césium et autres éléments radioactifs stagnait sous terre, avouant qu’elle atteignait l’océan. A la suite de cet aveu, l’autorité nucléaire japonaise a prévu d’enquêter sur les causes de ces fuites et de surveiller la contamination de l’océan.

Ces rejets dans le Pacifique n’étaient cependant un secret pour personne. En janvier par exemple, un poisson pêché près de la centrale présentait un niveau de contamination radioactive plus de 2 500 fois supérieur à la limite légale – au grand dam des pêcheurs de la région.

Et alors que Tepco assurait encore que l’eau restait bloquée dans les sous-sols, l’opérateur avait enregistré, dans un puits situé entre les réacteurs et la mer, un niveau de radioactivité de plusieurs dizaines de milliers de fois supérieur à la dose limite admise pour de l’eau de mer – niveau qui grimpait encore au mois de juillet.

CUVES, PRODUIT CHIMIQUE ET FILETS

Ces fuites d’eau radioactive sont issues du refroidissement des réacteurs ravagés. De l’eau douce y est injectée en permanence pour les maintenir à une température inférieure à 50 ºC. Chaque jour, ces opérations produisent 400 tonnes d’eau hautement radioactive, dont une partie est stockée dans des réservoirs souterrains. Tepco a reconnu que certains d’entre eux fuyaient.

Critiqué pour sa gestion de l’accident nucléaire et pour sa communication, Tepco a décidé de prendre diverses mesures pour empêcher ces fuites. Pour l’instant, l’opérateur s’efforce de construire une paroi enterrée entre le site et l’océan, d’étanchéifier les galeries de la centrale, et de construire de nouvelles cuves de stockage à la surface, pour éviter les fuites souterraines. Le quotidien Asahi relevait récemment que le produit chimique que Tepco injectait pour solidifier les sols n’était toutefois pas efficace au niveau des nappes phréatiques.

Tepco compte aussi sur un nouveau système de décontamination de l’eau, l’ALPS (Advanced Liquid Processing System), grâce auquel il espère obtenir l’autorisation du gouvernement de pouvoir la déverser dans l’océan. En attendant, l’opérateur installe des filets pour éviter que les poissons contaminés ne partent trop loin, au risque d’être consommés par d’autres espèces ou pêchés.

Les suites de la catastrophe nucléaire sont loin d’être stabilisées dans la centrale de Fukushima, où les incidents sur le chantier se multiplient, et où l’état des réacteurs endommagés, toujours à la merci d’un séisme, continue d’inquiéter. Le démantèlement complet des installations devrait prendre une quarantaine d’années, et l’Etat a déjà versé près de 30 milliards d’euros à Tepco, qui ont servi à sécuriser le site et à indemniser plus d’un million de victimes. Environ 3 000 ouvriers travaillent dans ce chantier de déconstruction, le plus grand de l’histoire du nucléaire. En juillet, Tepco a annoncé que 2 000 d’entre eux risquaient un cancer de la thyroïde.