Le parc national Yasuni face à l’exploitation pétrolière

C’est un événement historique qui vient de se dérouler en Équateur. L’assemblée de ce pays a voté il y a deux jours, par 108 voix sur 137, l’exploitation des champs de pétrole 41 et 43 qui se trouvent…. dans le parc national Yasuni.

Grand de 9 820 km², ce parc naturel est considéré par les chercheurs comme l’un des lieux les plus riches en biodiversité au monde et il a été déclaré en 1989 réserve de biosphère par l’UNESCO. Oiseaux, amphibiens, mammifères, plantes : le parc Yasuni exprime la richesse de la Nature.

Selon David Romo, co-directeur de la station scientifique de biodiversité Tiputini de l’Université San Francisco, c’est même la zone « avec la plus grande biodiversité par kilomètre carré de toute l’Amazonie. »

En raison de cet arrière-plan, ce parc a été le prétexte d’un sacré « coup » politique.

Voici ce qui s’est passé : le président de la république d’Équateur, Rafael Correa, avait en 2007 proposé à l’ONU de ne pas exploiter le « bloc » Ishpingo, Tambococha et Tiputini, du nom des trois villes délimitant la zone où a été localisé le pétrole.

La proposition était la suivante : puisque les réserves étaient estimées à 920 millions de barils de pétrole (un baril fait 159 litres), Correa demandait à la communauté internationale une compensation de 3,6 milliards de dollars sur 12 ans.

Le tout au nom de la lute contre le réchauffement climatique. Mais cette proposition fut bien sûr un échec, seulement 13,3 millions de dollars ayant été récoltés.

Au mois d’août 2013, le président a alors donné son autorisation, « avec une profonde tristesse » mais au nom du combat contre la pauvreté, pour piller cette réserve naturelle, provoquant une vague de protestation, au nom de la défense de la nature mais aussi de celle des Huaorani, peuple indigène de l’Équateur vivant dans cette zone, avec environ 11 000 personnes là-bas.

680 000 personnes ont déjà signé une pétition pour que soit organisé un référendum, la tension monte et pour cette raison, le gouvernement équatorien compte agir vite, afin de mettre tout le monde devant le fait accompli à coups de routes, de pipelines et de déforestation, même s’il faudra encore 3-4 ans avant de pouvoir commencer l’exploitation en tant que tel.

Ce qui se passe en Équateur est donc historique : c’est une grande mobilisation populaire qui est lancée, en défense de la Nature. C’est une nouvelle époque qui s’affirme.

Notons d’ailleurs que la situation place dans une situation très difficile la gauche « à la Mélenchon », pour ainsi dire. Correa fait partie en effet de la même bande que Mélenchon (qu’il connaît très bien), Chavez ou Castro, et les « alter-mondialistes » n’ont eu cesse de vanter Correa et son initiative Yasuni ITT. Même le Conseil général de Meurthe-et-Moselle s’y était mis…

Que vont faire tous ces gens ? Ils vont accuser les grands capitalistes de ne pas avoir soutenu le projet Yasuni ITT, alors que c’était prévisible, et maintenant ils vont se retrouver en position d’avoir à soutenir la déforestation et l’exploitation pétrolière… au nom du combat contre la pauvreté… Alors que justement les pauvres se battent pour la dignité, la leur et celle du Yasuni…

Cette argumentation soi-disant « en faveur des pauvres », on a pu aussi la voir au 9e sommet des neuf chefs d’état (« à la Mélenchon ») de l’Alliance bolivarienne des Amériques (ALBA), justement en Équateur, à Guayaquil, les 28 au 30 juillet dernier. La déclaration finale a condamné « la position extrémiste de groupes déterminés qui, sous le mot d’ordre d’anti-extractivisme, s’opposent systématiquement à l’exploitation de nos ressources naturelles. »

Et soulignons vraiment que les dés étaient pipés. En 2007, lors de la découverte des réserves, il y a eu un accord de Petroecuador avec des entreprises chinoises, brésiliennes et chiliennes. C’est alors que le projet Yasuni ITT est apparu. Mais c’était de la démagogie, sans aucune possibilité de réussite, afin d’apparaître comme contraint et forcé…

Car, et c’est un secret de polichinelle, l’affirmation d’une exploitation pétrolière future du Yasuni est censée permettre à l’Équateur de « garantir » auprès de la Chine une dette s’élevant à plus de 6 milliards d’euros ; en tout, l’exploitation pétrolière du Yasuni est censée ramener 19 milliards d’euros. Il y a d’ailleurs un contrat avec la China National Petroleum Company pour moderniser les raffineries de l’Équateur à hauteur de 9,5 milliards d’euros…

C’est dire si la question de l’exploitation pétrolière dans le parc national du Yasuni a une importance. L’exploitation pétrolière et minière est en train d’exploser depuis 15 ans, depuis l’Argentine à l’Inde en passant par le continent africain.

De plus en plus, c’est une question de choix. Ou bien l’humanité s’imagine pouvoir passer en force, avec son idéologie du profit et son anthropocentrisme, ou bien la planète est reconnue comme un tout qu’il faut apprécier… Comme le montre la situation au Yasuni, entre les deux il n’y a rien.