Christiane Taubira « dans un arbre après les branches »

C’est un phénomène bien connu en politique à l’extrême-droite : dès que possible, il y a une « animalisation » des gens constituant des cibles.

Depuis plusieurs mois, la ministre italienne de l’Intégration Cécile Kyenge (d’origine congolaise) a par exemple été traitée, y compris par des élus, de « guenon congolaise », d’orang-outan, on lui a lancé des bananes, etc.

Ce dernier phénomène est bien connu des stades de football, surtout dans les pays de l’Est européen.

En France, on a eu droit hier à une inauguration du phénomène, qui n’existait plus publiquement dans la vie politique « reconnue » depuis les années 1930-1940.

Anne-Sophie Leclere, candidate du Front national aux élections municipales à Rethel (Ardennes), a ainsi parlé d’une manière « animalisée » de la ministre de la justice Christiane Taubira.

Elle a raconté dans un reportage diffusé par « Envoyé spécial », passé hier soir sur France 2 :

« je préfère la voir dans un arbre après les branches que la voir au gouvernement comme ça »

A la suite de l’impact de ces propos, Anne-Sophie Leclere s’est empressée d’enlever de son facebook un photomontage montrant Christiane Taubira à côté d’un singe.

Ce qui n’a pas empêché qu’elle explique depuis – il faut s’accrocher pour oser voir comment désormais tout est permis dans notre société chaque jour plus barbare – que :

« Un singe c’est un animal, un noir ça reste un être humain. »

Est-il possible de faire une réponse à la fois aussi stupide, et ignoble ?

[Petit ajout: dans la vidéo diffusée, elle donne une version différente:

« Un singe ça reste un animal, un noir c’est un être humain. »

Ce qui signifie la même chose, mais en accentuant encore davantage la dévaluation des animaux.]

Cette histoire n’est pas sans rappeler une affiche lancée lors de la « manif pour tous », affiche non officielle mais ô combien révélatrice de la tendance.

Nous avions d’ailleurs déjà constaté l’annonce de ce processus d’animalisation ouverte (voir: « Je suis un âne j’ai voté Hollande » ainsi que « Y’aurait-il que les vaches qui peuvent être inséminées? »).

On peut être certain qu’on est là qu’à un début. Lorsque la tendance est à la recherche justement de « bouc-émissaires », alors il y a une dévaluation des victimes. C’est le principe du social-darwinisme.

Il y a quelques temps, on avait droit à un mouvement d’entrepreneurs protestant contre des impôts et expliquant qu’ils ne sont pas des « pigeons. » Hier, nous parlions des ouvriers qui, par incompréhension de la réalité, expliquaient qu’ils ne voulaient pas être comme des cochons allant à l’abattoir.

Au lieu de la solidarité, on a une course en avant appelant à liquider ceux et celles qui sont « plus bas », des « boucs-émissaires. »

Procéder à « l’animalisation » des personnes à sacrifier est donc dans ce cadre un procédé idéologique qui apparaît comme inévitable, puisque les animaux sont censés être de moindre valeur, nuisibles éventuellement, etc., et donc sacrifiables.

On a là une mentalité particulièrement guerrière, qui va inévitablement provoquer de très grands troubles dans le mouvement (en général) pour les animaux, qui est très largement composé de femmes, et donc éloigné de sorties virilistes de ce type.

Même si comme on le voit dans le cas d’Anne-Sophie Leclere, les femmes ne sont nullement imperméables à de telles démarches, de telles idéologies.

Que vont faire les personnes qui soutiennent les animaux face à une telle tendance à « l’animalisation » ? Eh bien il n’y a pas le choix : il faut saisir les racines du problème et voir qu’à partir du moment où l’exploitation animale est un système en place, les animaux seront toujours culturellement des marchandises, des êtres « secondaires », etc.