La situation économique de l’industrie meurtrière du « foie gras »

Les fêtes de noël arrivent et avec elles, l’inévitable « foie gras. » En décembre, c’est la moitié des 18 000 tonnes de « foie gras » qui sont « produites » en France qui sont vendues.

Et on sait déjà que sur les sept premiers mois de l’année, les ventes de « foie gras » français ont progressé de 6%. La raison en est facile à comprendre : ces dernières années, il y a une grande « démocratisation » de ce « produit de Noël. »

Il est considéré que la moitié des ménages en achète, que 80 % des gens en mangent pour les fêtes, et un sondage organisé il y a deux mois par… le ministère de l’économie, pas moins, affirme que 48 % des gens le voient comme le plat le plus emblématique de la gastronomie française.

On voit donc quelle est la situation, et ce qui se passe est facile à comprendre : les gens « imitent » les riches, en apparence du moins grâce à de tels produits (ou encore l’équitation, etc.). L’industrie du « foie gras » constate ainsi « la nette orientation des consommateurs vers les offres premium comme le foie gras entier. »

Et il y a deux jours, dans le Tarn, entre 1500 et 2000 boîtes ont été volées dans l’atelier de « Gaillac foies gras »: même les mafieux s’y mettent, voyant un marché possible et facile à atteindre…

Le phénomène est également valable à l’international, avec des gens plus ou moins aisés des pays pauvres imitant ceux des pays plus riches.

Les ventes se développent ainsi dans certains pays, comme l’Indonésie (+4783%), la Thaïlande (+75%), Singapour (+39%), le Japon (+35%), les Émirats arabes unis (+63%), le Canada (+180%), la République tchèque (+22%), etc.

En Chine, il existe également une « production » de « foie gras » qui se lance, visant le marché local du « haut de gamme » – c’est ici encore une fois un mode de vie qui s’exporte.

Au niveau mondial, depuis 2000, la « production » de « foie gras » a une croissance de 40 %. En France, depuis 10 ans, la « production » a une augmentation de 1 % par an; le chiffre d’affaires est désormais de deux milliards d’euros.

Et justement la France est le moteur de cette « production », avec un peu plus de 19 000 tonnes, puis viennent la Bulgarie avec 2 800 tonnes et la Hongrie avec 2 500 tonnes. Il y a donc tout un discours de nationalisme économique, de spécificité culturelle, d’anti-universalisme, etc.

Le tout évidemment au nom du terroir, et cela d’autant plus que  les ¾ de la « production » française se situent dans le Sud-Ouest (Auvergne, Aquitaine, Midi-Pyrénées, Limousin) et le reste dans l’Ouest (Bretagne, Pays de la Loire, Poitou-Charentes), et que 70 % de la « production » est organisée par Labeyrie, Montfort-Rougié et Delpeyrat.

Il y a donc des poids lourds économiques, capables de défendre leur « production »… et de l’aménager. Ainsi, les canards remplacent de plus en plus les oies, pour des raisons de productivité. C’est la grande tendance, récente, de l’industrie du « foie gras. »

Tout est une question de profit, comme le montre bien la dernière évaluation, d’il y a quelques jours, de cette industrie:

Selon Kantar World Panel/FranceAgrimer, les achats des ménages ont progressé de 5,9 % en 2012/2011 mais ne retrouvent pas toutefois le niveau record de 2010.

Le budget moyen a atteint 30,9 euros par ménage, soit une progression de 12,3 %.

Cette progression, liée à une légère revalorisation des prix mais surtout à la progression de la part des foies gras entiers, place le foie gras au premier rang des produits festifs en 2012.

Selon IRI Symphony, la part du foie gras entier en volume a atteint 40,9 % et prend la pole position pour la première année. Le gain du marché lié à la progression des ventes de foie gras entier (152 t) a été compensé par la baisse des achats de blocs avec morceaux (-96 t).

Selon KantarWorldpanel, les achats totaux des ménages en foie gras baissent de 5 % au cours des 8 premiers mois de l’année 2013, qui représentent 26 % des quantités annuelles.

La baisse est de 3 % pour les foies gras prêt à consommer. Les achats en magrets baissent de 11 % en volume mais seulement de 3 % en valeur, du fait d’une belle revalorisation du prix moyen.

La force de cette exploitation animale est assez exemplaire. Aussi faut-il critiquer l’initiative absurde de l’association de L214 qui après avoir enquêté, demande aux grands bourgeois d’arrêter leur « luxe. » Hier avait ainsi été organisée une journée mondiale contre le foie gras, et L214 explique à ce sujet:

Une « Marianne à l’embuc » s’installera devant le Fouquet’s [sur les Champs-Elysées à Paris], l’occasion pour L214 de demander à l’établissement de suivre l’exemple de Joël Robuchon qui a renoncé au foie gras de la société Ernest Soulard, à la suite d’une enquête menée par L214 dans 6 de leurs élevages.

La même demande, formulée au chef Alain Ducasse (Le Meurice et le Jules Verne), au Georges V, au Royal Monceau, à Lenôtre et à la Grande Brasserie FLO, également approvisionnés par la société Ernest Soulard, est restée jusqu’ici sans réponse. Brigitte Gothière, porte-parole de L214 s’étonne de ce silence : « Le gavage en batterie à la pompe hydraulique satisfait-il ces ambassadeurs de la gastronomie ? »

Le Fouquet’s, c’est là où Sarkozy avait fêté son élection, auprès de ses amis richissimes… La logique ici, ce serait demander à la haute bourgeoisie d’avoir un « luxe » plus… « moral »? La porte-parole de l’association L214 est allée jusqu’à raconter aux médias que :

« Si la production de foie gras doit se maintenir, il faut qu’elle deviennent moins préjudiciable aux animaux »

Euh… l’exploitation animale, moins préjudiciable aux animaux? Cela n’existe pas, mais on voit bien la barrière fondamentale sur laquelle s’écrase l’association L214: elle ne veut tout simplement pas critiquer le profit.

Mais ce n’est pas tout: cette association sait qu’elle est finalement le reflet du développement de l’exploitation animale, en tant que réaction morale à la généralisation par exemple ici du foie gras. Son identité ne puise pas sa force dans le refus de cette société et de ses valeurs, mais au sein de cette société et de ses valeurs, dans la perspective de « réformer », d’améliorer, etc.

Mais quand on voit les chiffres, quand on voit que l’exploitation animale par le « foie gras » augmente et que l’association L214 s’est développée strictement parallèlement, comme réaction morale juste, mais par définition insuffisante, car sans vision d’ensemble. D’où l’incapacité à assumer la libération animale qui, par définition, ne négocie rien et exige l’universalisme!