« Coup de force d’Animal Cross au refuge SPA du Béarn »

L’information suivante, tirée du journal Sud Ouest, est le produit d’un véritable problème de fond. Voici déjà l’article :

Morlaàs (64) : coup de force d’Animal Cross au refuge SPA du Béarn

Une dizaine de chats et de chiens sans vie, alignés. C’est l’image que voulaient montrer la poignée de militants d’Animal Cross, association de défense des animaux, ce mardi matin dans l’enceinte du refuge de la SPA du Béarn, à Morlaàs.

« On a appris qu’il y avait des euthanasies ce matin, on en a profité pour venir dénoncer la gestion du refuge », expliquait un des militants de cette association, qui se sont invités peu avant 9 heures dans le refuge. « On nous dit que ces animaux n’étaient pas adoptables, mais les euthanasies ne sont pas obligatoires. On sait qu’il y a des volontaires pour adopter les animaux. Mais la SPA ne fait pas son travail. D’ailleurs, il n’y a plus de président depuis 2008 », dénonçait par exemple une autre militante.

Des accusations rejetées aussitôt par le directeur du refuge, appuyé par la trésorière de l’association, Françoise Cantonnet. « Ces chiens étaient des chiens mordeurs, que nous ne pouvons pas faire adopter. Quant aux chats, ils étaient sauvages, et inadoptables », dit la trésorière, qui reconnaît que l’association, affiliée à la Confédération nationale de la SPA de Lyon a besoin de se restructurer au niveau du bureau. Laquelle promet une assemblée générale au mois de mars pour reconstituer le conseil d’administration.

Les défenseurs des animaux d’Animal Cross dénonçaient de leur côté l’opacité de la gestion de la SPA de Pau.

La candidate d’EELV s’interroge

Eurydice Bled réagit à l’action de l’association Animal Cross de ce mardi matin. Et s’interroge sur le nombre « pour le moins suspect » de chiens « mordeurs » euthanasiés.

La candidate EELV s’étonne par ailleurs du fait que le conseil d’administration de la SPA ne soit toujours pas rétabli depuis 2010. « De plus, cette société ne figure même pas sur le site national des refuges et dispensaires de France. »

Elle poursuit : « Les élus et collectivités, qui signent des conventions avec les associations pour soigner les chats errants, et avec les refuges pour financer la mise en adoption, sont en droit de se demander où va l’argent alloué à ces dernières structures d’accueil. »

Il y a ici trois problèmes, intimement liés et source d’un questionnement très important. Le premier, c’est l’effondrement historique de la SPA. Cette structure a littéralement implosé, il y a désormais de nombreuses SPA locales et une SPA « canal habituel » basée à Paris qui ne parvient pas à sortir de ses multiples problèmes de gestion ou, disons le franchement, de corruption.

Le second problème, qui n’en est pas nécessairement un, est que cela a fait appel d’air pour que d’autres structures se montent. Là où cela commence à poser problème, c’est que les structures de défense des animaux commencent à pulluler tout en prétendant toutes à l’hégémonie, même lorsqu’il s’agit de toutes petites structures.

Il y a en conséquence de cela une concurrence à la fois médiatique et juridique, et une frénésie « people » censée apporter la crédibilité : la Fondation Brigitte Bardot a donc Brigitte Bardot, l’association Stéphane Lamart a la chanteuse Stone, Animalter a l’écrivain Marc Lévy, etc. etc.

On est ici totalement en-dehors de la rationalité (et donc du véganisme). Enfin, et c’est le troisième problème, il n’y a toujours pas de réflexion de fond sur les refuges, ni sur le rapport entre les refuges et le véganisme, la libération animale ou l’écologie.

La cause de cela est d’abord la nécessité de parer à l’urgence, mais également malheureusement un dédain pour une réflexion globale sur la question. Tout cela amène des tensions, un esprit de concurrence, des jeux malsains pratiqués en arrière-plan, voire des frictions comme celles mentionnées dans l’article cité ici.

Cela ne veut pas dire qu’il faille nier les problèmes, mais au moins qu’il faut les reconnaître. Il y a dix mille problèmes sur la table, du type : quel type de refuge faut-il promouvoir ? Comment faciliter les adoptions notamment au moyen d’internet ? Comment mobiliser la jeunesse pour qu’elle soutienne les refuges ? Sur quelle base aider les refuges des autres pays ? Comment rationaliser les soutiens possibles ? Quel est le sens du caractère très largement voire exclusivement féminin des soutiens aux refuges ?

Des différences fondamentales existent et doivent être lisibles. L’initiative d’Animal Cross face à une SPA est ainsi peut-être juste d’un côté, mais peut de l’autre côté sembler comme idéaliste par rapport au terrain. Rien n’empêcherait les gens de cette SPA de dire : faites mieux que nous si vous pouvez.

De plus, la question des refuges repose malheureusement uniquement sur les sentiments et par conséquent, toute personne impliquée aura toujours l’impression d’agir de manière adéquate.

Dans un contexte atroce pour les animaux, la rancoeur et le ressentiment viennent vite.

Il faut donc une réflexion réelle, mais le problème est qu’au nom de la cause, toutes les structures affirment qu’il ne faut pas de débat, qu’il faut une unité fondée sur le dénominateur commun minimum et un apolitisme permettant (est-il prétendu) de taper large.

Le résultat est que tout le système des refuges ne tient qu’avec des bouts de ficelle et l’abnégation complète d’individus, à part pour les quelques structures médiatiques et financièrement à l’aise.

Et il n’existe pas de structure nationale rationalisant les soutiens et en mesure de centraliser les activités et les aides. C’est un manque évidemment terrible et un problème qui doit être résolu.  Reste à savoir si c’est possible dans une société comme la nôtre, célébrant l’individualisme et le profit.