La chèvre naine, le chien et les grands ensembles

Les blagues sont quelque chose de populaire, pour le meilleur et pour le pire. Parfois c’est intelligent et cela dresse un certain portrait de la réalité, plus souvent c’est stupide, malsain voire pratiquement odieux.

La blague la plus connue et la « plus courte » est par exemple ce qui relève de la stupidité criminelle la plus simple :

Vous connaissez la blague de Paf le chien?
C’est un chien qui traverse la route, un camion passe et « paf…. le chien »

Rire à cela, c’est faire abstraction de la réalité, purement et simplement. Il faut avoir l’esprit à zéro pour rire du malheur qui, par définition, n’a rien de marrant. Mais la source de cela, c’est aussi une observation qui relève du voyeurisme, l’impression de « maîtriser » l’expérience, de dominer la réalité.

C’est très exactement cela qui est au cœur du « fait divers » raconté par le quotidien Le Parisien :

Tenue en laisse. Face à un chien qui, lui, ne l’était pas. Samedi, vers 20 h 10, cinq jeunes hommes ont été interpellés dans les Grands-Ensembles de Massy (Essonne) pour acte de cruauté envers un animal.

Âgés de 18 à 20 ans, ils avaient récupéré une chèvre naine, l’avaient attachée en laisse avant d’énerver passablement le chien de race staff de l’un d’entre eux et de l’inciter à attaquer l’animal.

Voyant le chien se lancer à l’assaut de la chèvre, des passants ont prévenu la police qui a pu interpeller les cinq individus tous déjà connus des services de police.

Ils ont passé la nuit en garde à vue. La chèvre blessée a été conduite chez un vétérinaire où elle a pu être soignée.

Pas difficile de voir qu’on est dans le même cas qu’avec Farid de la Morlette : du béton, du béton et du béton, et dans cette atmosphère dénaturée, des jeunes désoeuvrés, dénaturés, acculturés, prisonniers de l’ennui et de la barbarie.

La société, à travers non seulement l’exploitation animale mais également une perspective totalement dénaturée, charrie ce genre de phénomènes par millions, voire par milliards. L’indifférence à la vie naturelle se retrouve absolument partout.

Pourtant, le manque est là, il est palpable. Si le salon de l’agriculture fait un tabac, année après années et toujours avec une fréquentation croissante, c’est par besoin de nature. Le public est d’ailleurs toujours plus jeune et urbanisé.

Toucher ce public est incontournable. Cela rend d’autant plus absurde l’idée, comme l’ont eu des gens hier justement, d’aller à l’entrée du salon pour y faire, encore et encore cette folie, un happening avec des têtes d’animaux tués aux abattoirs, sous prétexte de montrer l’envers du décor.

Il serait temps de voir que les gens ne feront jamais rien et ne changeront pas tant qu’ils ne voient pas une perspective praticable à l’échelle de toute la société, et pas seulement de l’individu. Si les végans n’ont rien d’autres à proposer qu’une prise de conscience débouchant sur la tristesse et la mélancolie, cela n’intéressera personne…

L’idéal, ce sont les animaux vivants et l’éloge de la Nature, c’est l’horizon qui intéresse tout le monde, et cela d’autant plus que le bétonnage se développe. Tout est lié ; il serait absurde de ne pas voir que la pauvre chèvre est une victime de gens eux-mêmes victimes de l’organisation des « grands ensembles » dénaturés.
Tout se rejoint, et plus la Nature est niée, plus elle est niée, plus les humains sont aliénés.