« La vie des mares »

Voici deux intéressants extraits de l’ouvrage de Marc Giraud, « Le Kama-sutra des demoiselles, la vie extraordinaire des animaux qui nous entourent ».

Mais d’où viennent les animaux des points d’eau ?

Même dans des mares ou des lacs de montagne, isolés de tout, on trouve des poissons bien incapables de sortir de l’eau et de se promener. Mais (en dehors des manipulations humaines, bien sûr) comment sont-ils arrivés là ? Ce sont leurs œufs, très collants, qui voyagent, accrochés aux pattes et aux becs tachés de boue des oiseaux.

Des graines de plantes aquatiques, des œufs de poissons, d’insectes, de daphnies (des crustacés surnommés « puces d’eau »), des mollusques, et des tas d’autres animaux microscopiques voyagent ainsi à « patte de canard » ou à « dos de ragondin ».

On trouve dans nos cours d’eau une méduse d’eau douce, la minuscule Crapedacusta, inoffensive pour l’homme. Connue dans le Yang-tseukiang, elle a été découverte dans la Seine par Théodore Monod en 1970. Le chercheur l’a dénommée la méduse volante, car elle voyage elle aussi collée aux pattes des oiseaux aquatiques.

Les plantes sans attache, comme les lentilles d’eau, prennent également le taxi. Une seule suffit pour bourgeonner et se multiplier jusqu’à coloniser tout un plan d’eau, le remplissant de clones.

Bien qu’on ne les rencontre quasiment que dans les mares, la plupart des insectes adultes qui s’y trouvent sont très capables de voler. Le soir venu, les dytiques, les gyrins et les notonectes peuvent s’envoler de leur point d’eau pour en trouver de nouveaux. Leurs yeux, très sensibles aux surfaces brillantes, leur permettent de les repérer de loin. Des libellules comme l’aeschne bleue migrent sur des kilomètres.

Quelques poissons particuliers, comme les anguilles, peuvent se déplacer hors de l’eau en cas de besoin pour trouver un lieu de vie. La carpe elle-même survit assez longtemps dans les herbes humides (jadis, la possibilité de la transporter dans des paniers a permis son introduction dans presque tous les plans d’eau disponibles).

Les tritons, les grenouilles ou les ragondins rejoignent les mares à pied…

Y a-t-il une vie sous la glace ?

En hiver, que deviennent les plantes et les animaux aquatiques ? Les microscopiques amibes et les paramécies s’enkystent d’une enveloppe protectrice. Beaucoup d’invertébrés, comme les daphnies, meurent après avoir pondu des œufs de durée qui résisteront à l’hiver. Selon les espèces, les dytiques hivernent à l’état d’oeuf, de larve ou d’adulte. D’autres animaux restent au stade larvaire pendant la saison froide, comme de nombreuses libellules.

Pendant les hivers très rigoureux, 90 % des martins-pêcheurs peuvent disparaître, faute de pouvoir se nourrir. Sous la glace, l’eau avoisine les quatre degrés, mais elle est plus chaude vers le fond qu’en surface. La plupart des poissons, comme les tanches, hibernent dans la vase des mares, leur rythme cardiaque étant alors extrêmement ralenti. Ce changement de rythme marque leurs écailles de stries annuelles qui indiquent leur âge.

Beaucoup de grenouilles hibernent également dans la vase. La respiration par la peau leur suffit, alors qu’elles se noieraient en une heure ou deux pendant la période chaude.

Certains amphibiens peuvent congeler et décongeler sans dommage ! Des « antigels » empêchent les cristaux de glace de faire éclater leurs cellules. Comme mort, l’animal gelé ne bouge plus, ne respire plus, son cœur a cessé de battre et son sang ne circule plus. Avec la chaleur, il renaîtra doucement, comme si de rien n’était…

En automne, les plantes aussi se préparent à affronter le froid. Beaucoup produisent des bourgeons d’hiver contenant des réserves d’amidon.

Les nénuphars s’enracinent profondément, les lentilles d’eau stockent de l’amidon, s’alourdissent et descendent au fond des eaux. Elles remonteront tout au long de la consommation de leurs réserves pour émerger au printemps. Elles feront le régal des canards, qui les engloutiront comme des aspirateurs…