L’origine de la fourrure comme « mode »

Voici – « enfin! » pourrait-on dire – une explication solide du processus qui a fait que la fourrure est devenue à la mode.

Le processus est ici décrit de manière minutieuse par Honoré de Balzac, dans son roman historique « Sur Catherine de Médicis ».

L’écrivain raconte comment les riches commerçants se sont appropriés les symboles sociaux de la plus haute noblesse. Avec le développement du capitalisme, l’objet s’est relativement « démocratisé »… Avec, en arrière-plan, toujours cette dimension « chic ».

Aux quinzième et seizième siècles, le commerce de la pelleterie formait une des plus florissantes industries.

La difficulté de se procurer les fourrures, qui tirées du Nord exigeaient de longs et périlleux voyages, donnait un prix excessif aux produits de la pelleterie.

Alors comme à présent, le prix excessif provoquait la consommation, car la vanité ne connaît pas d’obstacles.

En France et dans les autres royaumes, non-seulement des ordonnances réservaient le port des fourrures à la noblesse, ce qu’atteste le rôle de l’hermine dans les vieux blasons, mais encore certaines fourrures rares, comme le vair, qui sans aucun doute était la zibeline impériale, ne pouvaient être portées que par les rois, par les ducs et par les seigneurs revêtus de certaines charges.

On distinguait le grand et le menu vair. Ce mot, depuis cent ans, est si bien tombé en désuétude que, dans un nombre infini d’éditions de contes de Perrault, la célèbre pantoufle de Cendrillon, sans doute de menu vair, est présentée comme étant de verre.

Dernièrement, un de nos poètes les plus distingués, était obligé de rétablir la véritable orthographe de ce mot pour l’instruction de ses confrères les feuilletonnistes en rendant compte de la Cenerentola, où la pantoufle symbolique est remplacée par un anneau qui signifie peu de chose.

Naturellement, les ordonnances sur le port de la fourrure étaient perpétuellement enfreintes au grand plaisir des pelletiers. Le haut prix des étoffes et celui des pelleteries faisaient alors d’un vêtement une de ces choses durables, appropriées aux meubles, aux armures, aux détails de la forte vie du quinzième siècle.

Une femme noble, un seigneur, tout homme riche, comme tout bourgeois, possédaient au plus deux vêtements par saison, lesquels duraient leur vie et au delà.

Ces habits se léguaient aux enfants. Aussi, la clause relative aux armes et aux vêtements dans les contrats de mariage, aujourd’hui presque inutile à cause du peu de valeur des garde-robes incessamment renouvelées, était-elle dans ce temps d’un immense intérêt. Le haut prix avait amené la solidité.

La toilette d’une femme constituait un capital énorme, compté dans la maison, serré dans ces immenses bahuts qui menacent les plafonds de nos appartements modernes. La parure d’une femme de 1840 eût été le déshabillé d’une grande dame de 1540.

Aujourd’hui, la découverte de l’Amérique, la facilité des transports, la ruine des distinctions sociales qui a préparé la ruine des distinctions apparentes, tout a réduit la pelleterie où elle en est, à presque rien. L’objet qu’un pelletier vend aujourd’hui, comme autrefois, vingt livres, a suivi l’abaissement de l’argent ; autrefois, la livre valait plus de vingt francs d’aujourd’hui.

Aujourd’hui la petite bourgeoise, la courtisane qui bordent de martre leurs pèlerines, ignorent qu’en 1440 un sergent de ville malveillant les eût incontinent arrêtées et menées par devant le juge du Châtelet.

Les Anglaises, si folles de l’hermine, ne savent pas que jadis les reines, les duchesses et les chanceliers de France pouvaient seuls porter cette royale fourrure. Il existe aujourd’hui plusieurs maisons anoblies, dont le nom véritable est Pelletier ou Lepelletier, et dont évidemment l’origine est due à quelque riche comptoir de pelleteries, car la plupart des noms bourgeois ont commencé par être des surnoms.