Marc Blondel, « athée » mais appréciant la mystique de la corrida

Il y a quelques jours, les médias annonçaient la mort de Marc Blondel. Ce dernier avait été le dirigeant de l’un des principaux syndicats, de 1989 à 2004. Parmi les remarques diverses qui l’ont qualifié dans les médias dans sa nécrologie, deux aspects nous intéressent particulièrement. Le Figaro raconte ainsi que cet « anti-communiste primaire » était un farouche militant de la libre-pensée (il a d’ailleurs été président de la Fédération nationale de la libre pensée) et qu’il était un adepte de la corrida.

C’est très intéressant et très révélateur. En effet, pour être véritablement athée, il faut faire comme l’ont fait les penseurs des Lumières au 18me siècle, les libertins (les « affranchis » de la religion) du 17ème siècle, la plupart des humanistes du 16ème siècle: il faut reconnaître la Nature.

Or, certains ne le font pas, et ils tentent de combler le « manque de Dieu » par autre chose, par des expériences qui seraient transcendantes. C’est pourquoi Marc Blondel appréciait la corrida.

Voici pour illustrer cela des extraits d’une interview où Marc Blondel explique cela. Il est fascinant de voir comment quelqu’un refusant Dieu officiellement peut faire l’apologie de la corrida comme mystique, comme expérience transcendante de la mort. Il parle même du mithraïsme, religion de l’époque romaine (nous présentons cette religion ici: La victoire sur le taureau, symbole patriarcal de la défaite de la déesse-mère).

Pour les gens désireux d’approfondir cette approche « mystique », nous présentons cela dans l’article « Simon Casas, un faux humanisme de faux prophète« .

1– Pour vous, la corrida fait-elle partie de notre culture et de nos traditions ?

Bien que n’étant pas natif du Sud de la France, je considère, en effet, que la corrida s’inscrit dans la culture d’une partie du territoire national, culture partagée par la péninsule Ibérique. Elle fait partie intégrante des sacrifices, quasi rituels, qui ont inspiré le bassin méditerranéen, entre le culte de Mithra et le taurobole dont il reste des traces dans le Sud-Ouest.

Mon inclinaison personnelle, bien que d’origine Artésienne, doit venir de la présence espagnole qui a perduré dans le Nord de la France.

2– Mais certains affirment qu’il est scandaleux de mettre un animal à mort dans une arène…

La thèse du spectacle de la mort qui est régulièrement avancée par les anti-corrida ne tient guère devant la violence journalière réelle ou virtuelle que l’on rencontre dans la rue, au cinéma ou à la télévision. Pour ce qui concerne plus particulièrement les animaux il suffit de visiter un abattoir voire de s’en approcher pour mesurer l’hypocrisie de l’affirmation. Il ne reste guère de dignité dans la mort industrielle. Au demeurant, il faut savoir que le taureau de combat, le “toro bravo” est élevé à cette fin, la race n’existerait plus sans corrida.

3– Selon vous, d’où est née l’incompréhension entre les amateurs et les opposants à la corrida ?

Les valeurs ne sont pas partagées. Ainsi, sans faire de prosélytisme, je sacrifie à la corrida pour y trouver la bravoure et une certaine noblesse dans le comportement et ce pour l’ensemble des acteurs, y compris le taureau.

Je passe par des moments exaltants puis des déceptions. Mais, la mort est présente, il ne s’agit pas de Morbidité mais d’un risque que l’homme assume pour être égal voir le maître de la force pure, du Dieu taureau en quelque sorte.

Cela frôle le paganisme. Dans ces conditions, participe au rituel qui veut, comme chacun sait, l’initiation, quelle qu’elle soit, provoque réactions et oppositions.

On ne frôle pas le paganisme, on est au contraire en plein dedans! Marc Blondel est obligé de le reconnaître par la suite. Après avoir revendiqué l’activité sociale des clubs taurins (dans la logique syndicaliste réformiste):

Par contre et nous veillons (les clubs taurins) à la chose, une sélection se fait par l’argent. Nous exigeons qu’un certain nombre de places à des tarifs modestes permettent la participation de tous.

Marc Blondel passe alors à la revendication de la corrida, et de la chasse, comme expérience « transcendante ». On a ainsi la corrida comme réflexion sur la vie et la mort, comme la chasse par ailleurs! C’est le principe de « théologie négative », de transcendance religieuse sans Dieu. Ce genre de délire est obligatoire si on ne reconnaît pas la Nature.

6- N’existe-t-il pas aussi un problème qui est celui de notre société face à la mort ?

Bien entendu, in fine c’est l’éternel débat de la vie et de la mort.

Cependant, elle s’effectue, si on le désire, sans le recours d’un être supérieur.

Nous savons qu’il n’y a pas de réponse à cette interrogation ? Tout comme on ne va pas au cirque pour voir le funambule tomber, on ne va pas en corrida pour voir tuer l’officiant. (…)

8– Etes-vous chasseur, et dans la négative pourquoi ?

Je ne suis pas chasseur, pour différentes raisons. Né quelques années avant l’occupation allemande, il était impossible aux familles du Pas-de-Calais de détenir des armes, même de chasse.

Au demeurant, les loisirs dans les corons étaient plus collectifs et moins onéreux. Seuls quelques fermiers eussent pu chasser. Toutefois je dois à la vérité de dire que j’ai, accidentellement, braconné ou plutôt accompagné un excellent braconnier qui était très respectueux et amoureux des animaux. Il faisait preuve de patience et je ne suis pas sûr que lorsqu’il arrivait à ses fins, il en soit très satisfait.

C’est la chasse et la connaissance de la chasse qui le passionnaient.

Comme on le voit, tout cela forme une démarche très construite. Pour se débarrasser de la corrida, il faut triompher de cette idéologie: ce n’est pas une mince affaire!