Les termes « nuisible » et « dérégulateur »

Juste avant le changement de gouvernement, il y a eu la présentation à l’Assemblée nationale d’un projet de loi « relatif à la biodiversité ». C’est un document qui sera en débat dans quelques mois, et vraisemblablement accepté tel quel, car il consiste en fait en une « modernisation » de l’anthropocentrisme.

La crise écologique étant ce qu’elle est, il faut bien « faire semblant », et également modifier les approches juridiques afin d’être en mesure de prendre des mesures de protection de la « biodiversité », terme désignant les intérêts économiques que peut apporter la Nature au capitalisme.

C’est en quelque sorte l’application de l’adage « pour que rien ne change, tout doit changer ». Parmi les modifications, on trouve comme expliqué ici l’abandon du terme de « nuisible », au profit de celui de « dérégulateur », c’est-à-dire d’animal posant problème à la « gestion » humaine de la « biodiversité ».

Le projet de loi entend substituer « la notion d’espèce déprédatrice à celle d’espèce nuisible et malfaisante ».

En pratique bien entendu, rien ne change dans le statut juridique de ces « nuisibles », qui sont toujours considérées comme devant être génocidés, ni plus ni moins…

Bref, l’approche dominante reste anthropocentrée, mais la différence est que, désormais, elle prétend ne plus l’être…

L’article 1er a pour objectif de renouveler les concepts et le vocabulaire présents au début du code de l’environnement pour en conforter la portée au regard des nouvelles connaissances et des évolutions sociétales. Il s’agit ici de donner une vision complète de la biodiversité, intégrant l’ensemble des êtres vivants, et d’en donner une vision moins figée et mettant en avant son caractère dynamique.

L’article conforte l’importance de cette dynamique, dans un contexte de changement global, où la disparition des services rendus par la biodiversité (alimentation, énergie, atténuation de phénomènes naturels ,…) est susceptible de porter atteinte aux activités humaines et où la capacité d’évolution des écosystèmes et essentielle à leur fonctionnement. (…)

L’article 60 propose de modifier par voie d’ordonnance les codes de l’environnement et du code général des collectivités territoriales pour mieux clarifier la notion de « nuisibles » et la remplacer par des termes plus adaptés.

Le terme « nuisible », hérité de l’ancien code rural et employé dans le code de l’environnement est effectivement une version très anthropocentrée autour de certaines formes de la biodiversité et nie la place dans les dynamiques écologiques de toutes les espèces.

Elle tend à faire ainsi de l’élimination de certaines espèces un but absolu au mépris de leur participation à certains cycles biologiques ou au principe général de conservation d’une réelle biodiversité. Au contraire, les pratiques actuelles visent à procéder à des régulations de populations sur la base des dégâts réellement occasionnés et des dynamiques propres des espèces concernées.

Il est donc proposé de modifier le terme de « nuisibles et malfaisants » en le remplaçant par le terme de « déprédateurs », terme posant la question de leurs dégâts et non de leur simple existence dans l’écosystème.

En outre le terme « nuisible » est employé dans deux acceptions différentes dans deux dispositifs distincts (éventuellement complémentaires) portés respectivement par l’article L. 427-6 qui concerne les opérations de destruction (ou « régulation » administratives) ordonnées par le préfet, réalisées sous la supervision des lieutenants de louveterie, et ce quel que soit le statut de l’espèce (y compris espèce protégées au titre des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l’environnement), pour des spécimens provoquant des nuisances ou des dégâts, et par l’article L. 427-8 qui pose les bases d’un système de destruction d’espèces classées juridiquement comme nuisibles (et qui ne sont donc pas des espèces protégées), qu’elles soient exotiques envahissantes, ou indigènes. L’ordonnance procèdera à cette distinction.
(…)
Article 60
Dans les conditions prévues par l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à modifier par ordonnance le code de l’environnement afin de substituer, au chapitre II du titre II du livre Ier de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales et au titre II du livre IV du code de l’environnement, la notion d’espèce déprédatrice à celle d’espèce nuisible et malfaisante et préciser les dispositions relatives à la destruction des spécimens de ces espèces.
L’ordonnance doit être prise dans un délai de six mois suivant la publication de la présente loi.

Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.